Faire l’effort de se lever un samedi matin pour être à 10h au cinéma , afin de voir un film roumain absolument pas joyeux de 2h30 peut sembler un comportement proche de la névrose. Mais j’assume totalement mon statut de psychopathe cinématographique. Surtout que le réalisateur, Cristian Mungiu, a une Palme d’Or a son filmographie et Au-delà des Collines, dont il est sujet aujourd’hui, a reçu un double prix d’interprétation féminine et le prix du meilleur scénario lors de la dernière édition de ce même festival. Si je trouve le premier incontestablement mérité, je serai beaucoup plus réservé pour le second.
Alina et Voichita ont grandi ensemble dans un orphelinat en Roumanie. Elles ont été les meilleures amies du monde et beaucoup plus encore. Mais leurs chemins se sont désormais séparés. Quand la première vient rendre visite à la seconde, c’est avec l’espoir de repartir avec elle, en Allemagne où elle vit désormais. Mais son amie est devenue none dans un monastère…
Au-delà des Collines est un grand film… pendant un peu moins de deux heures. Malheureusement, Cristian Mungiu s’engage dans un dénouement beaucoup trop caricatural pour ne pas dire grand-guignolesque. D’un propos subtil, il passe à une situation assez peu crédible et surtout trop extrême pour qu’on puisse vraiment en tirer des conclusions autres qu’anecdotiques. C’est vraiment dommage car le propos aurait mérité un traitement beaucoup mieux maîtrisé de bout en bout.
En effet, pendant deux heures, Au-delà des Collines est une histoire d’amour déchirante. Une histoire d’amour qui ne peut pas vraiment dire son nom, puisque l’un des deux protagonistes a renoncé à ce sentiment, d’autant plus envers quelqu’un du même sexe. Les sentiments transparaissent pourtant dans chaque geste, chaque phrase, faisant ressortir les doutes et les contradictions. De l’autre côté, le film nous montre parfaitement la colère et la frustration qui monte face à une situation qu’Alina considère comme absurde et à laquelle elle ne peut se résoudre.
Le propos d’Au-delà des Collines met également en scène beaucoup d’autres protagonistes qui pendant longtemps jouent un rôle ambivalent et ambiguë. Cela est particulièrement vrai pour le personnage du prêtre qui dirige le couvent, partagé entre la volonté de maintenir son autorité et un altruisme sincère. En fait, tout le film repose sur l’affrontement entre les points de vue et les lectures des évènements. Les personnages vivent objectivement les mêmes évènements, mais ne les vivent de manières si radicalement différentes qu’ils sont confrontés parfois à une abîme d’incompréhension.
Dans Au-delà des Collines, Cristian Mungiu cherche aussi à nous livrer des propos plus direct, comme la dénonciation du poids dans la religion dans la société roumaine ou encore un témoignage sur une certaine forme de misère qui règne en Roumanie. Une chose est sûre, ce film n’a pas été financé par l’office du tourisme local et le tableau de la société de ce pays est relativement sans concession. Mais encore une fois, c’est dommage que tout cela conduise à un final grandiloquent qui décrédibilise largement le reste des idées présentées.
Au-delà des Collines restera tout de même un film nous ayant fait découvrir deux grandes actrices, justement récompensées à Cannes. Cosmina Stratan et Cristina Flutur sont tout simplement bouleversantes d’émotion et de justesse, livrant une prestation vraiment inoubliable qui éclaire l’écran du début jusqu’à la fin. Mais c’est vraiment tout le casting qui est à saluer, avec une mention spéciale pour Valeriu Andriuta et Dana Tapalaga.
Au-delà des Collines est donc un film qui aurait pu être grand, mais qui gâche la portée de son propos par un final trop mal maîtrisé.
Fiche technique :
Production : Mobra films, Why not productions, Les films du fleuve, France 3 cinéma, Mandragora movies
Réalisation : Cristian Mungiu
Scénario : Cristian Mungiu
Montage : Mircea Olteanu
Photo : Oleg Mutu
Décors : Calin Papura, Mihaela Poenaru
Distribution : Le pacte
Son : Cristian Tarnovetchi
Durée : 150 mn
Casting :
Cosmina Stratan : Voichita
Cristina Flutur : Alina
Valeriu Andriuta : Le prêtre
Dana Tapalaga : la mère supérieure