Brian De Palma fait tant souffrir les cinéphiles. Comment un tel génie a-t-il pu exploser en vol à ce point ? Depuis son échec en 1990 avec le Bûcher des Vanités, on aimerait tant retrouver le réalisateur des inoubliables Phantom of the Paradise, Scarface ou les Incorruptibles. A chacune de ses nouvelles productions, on guette, on scrute le retour de la petite étincelle qui ferait toute la différence. Mais si Passion est un agréable polar, le retour du grand Brian se fait encore attendre. Encore et encore…
Isabelle travaille sous les ordres de Christine au sein d’une grande société internationale de marketing. Elle est fascinée par sa supérieure, qui ne fait rien pour éliminer l’ambiguïté de leurs rapports. Mais quand elle se fait voler une de ses idées par sa chef, son regard change et la relation se tend au point de devenir malsaine et violente. Une tension qui pourrait conduire au pire.
Passion est une remake de Crime d’Amour d’Alain Corneau, sorti à l’été 2010. Il est vrai que le scénario avait tout pour séduire Brian de Palma et ce dernier se l’est approprié avec une grande fidélité. C’est d’ailleurs une des principales limites du film, si vous avez déjà vu sa version originale. Certes, reste l’intérêt de voir dont les deux hommes traitent de manière un peu différente la même histoire, mais du coup, le suspense ne tient plus. Or c’est un des points fort de cette histoire.
Passion a le grand mérite d’arriver à nous faire croire à cette histoire, en rendant crédible la tension qui va naître entre les deux personnages, ce qui n’était pas toujours le cas de Crime d’Amour. Il faut dire que l’on touche là à certaines obsessions de Brian De Palma. La tension sexuelle est omniprésente et explique notamment les aspects parfois irrationnels des réactions des personnages. Le réalisateur américain est comme un poisson dans l’eau et s’en donne à cœur joie, avec tout le talent qu’il possède encore.
Mais il se heurte aussi aux limites de ce scénario qui n’a, dans sa trame principale, pas grand chose d’original. Or le cinéma de Brian De Palma a été fait à sa grande époque d’inattendu, de surprenant et de dérangeant. Dans Passion, si l’ambiance est parfois un rien malsaine, tout cela tient avant tout de l’exercice de style. C’est totalement maîtrisé, sans doute trop. Le film est peut-être moins froid que pouvait l’être Crime d’Amour, mais il n’arrive pas à faire naître des sentiments ambigus chez le spectateur. On assiste à l’affrontement entre les deux femmes, mais on reste trop en dehors, on ne prend pas partie.
Brian De Palma garde une certaine élégance dans la caméra, même si son esthétisme montre bien qu’une partie de lui-même est resté à jamais dans les années 80. On retrouve ses tics de réalisateur, notamment l’écran coupé en deux. Il le maîtrise tout ça à la perfection, mais cela donne un côté daté à sa réalisation. Il continue à nous offrir de beaux plans séquences, à soigner sa photographie et son montage. Mais il semble toujours en quête de lui même, cherchant à renouer le film d’une carrière en nous offrant ce qui a fait son succès. Cela reste beau à regarder, mais une beauté peut-être désormais un peu trop nostalgique.
Entre Passion et Crime d’Amour, le match du casting se termine sur un match nul. En effet, d’un côté Rachel McAdams ne peut lutter avec le talent et la classe de Kristin Scott Thomas. De l’autre, Noomi Rapace nous livre une interprétation beaucoup plus convaincante que Ludivine Sagnier qui n’était pas taillée pour le rôle. On pourrait alors rêver à une troisième version opposant Kristin Scott Thomas à Noomi Rapace.
Passion ne signera pas donc pas le retour du mot chef d’œuvre dans la filmographie de Brian De Palma, qui signe là un remake un peu superflu d’un film auquel il apporte son sens artistique, mais qui se heurte aux même limites du scénario.
Fiche technique :
Réalisation : Brian De Palma
Scénario : Brian De Palma, d’après le scénario original d’Alain Corneau et Nathalie Carter
Directeur de la photographie : José Luis Alcaine
Montage : François Gédigier
Direction artistique : Astrid Poeschke
Décors : Cornelia Ott Décorateur de plateau : Ute Bergk
Costumes : Karen Muller Serreau
Musique : Pino Donaggio
Durée : 100 min
Casting :
Rachel McAdams : Christine
Noomi Rapace : Isabelle
Karoline Herfurth : Dani
Paul Anderson : Dirk
Rainer Bock : Inspecteur Bach
Benjamin Sadler : le procureur
Michael Rotschopf : l’avocat d’Isabelle
Max Urlacher : Jack Koch
Leila Rozario : la femme dans l’ascenseur
Alexander Yassin : le concierge