Voir un responsable politique avoir de graves ennuis avec la justice ne constitue jamais une bonne nouvelle pour la démocratie. Entre l’affaire Cahuzac et la mise en examen de Nicolas Sarkozy, gauche et droite ont terminé la semaine dernière sur un joli match nul. Au moins, cela nous épargne le spectacle un peu consternant des leçons données par un camp à l’autre. Car même avec ma mauvaise foi de militant, je fois admettre que la malhonnêteté n’a pas de couleur politique. Ni le goût du pouvoir d’ailleurs. Ce sont juste des travers humains.
En effet, les hommes politiques ont malheureusement le grave défaut de n’être que des êtres humains. On les voudrait tous sans exception exemples de vertu et de dévouement. Cet idéal est évidemment hors d’atteinte. Le problème est que chaque affaire rejaillit sur l’ensemble de la classe politique, jusqu’au militant de base qui reçoit quelques noms d’oiseaux lorsqu’il tracte sur le marché. La suspicion permanente, la perte totale de confiance entre la classe politique et le reste des citoyens nuisent terriblement au débat et à l’acceptabilité de toute mesure.
Pourtant, la classe politique est sous haute surveillance. En effet, contrairement à la dictature, la démocratie lui impose de faire face aux électeurs de manière régulière. Ces derniers peuvent alors faire tomber la sanction et chasser un élu de son mandat. Il y a malheureusement un hic. Si ceux qui crient volontiers au « tous pourris » sont de plus en plus nombreux, personne n’ose jamais remettre en cause la pertinence des choix qui sont fait par les électeurs eux mêmes. Cela sonne comme antidémocratique et donc politiquement incorrect (au sens premier du terme pour le coup!).
Un Balkany, un Tibéri, un Guérini ont multiplié les mandats, malgré les affaires. La tricherie, l’enrichissement personnel n’ont jamais empêché un homme politique d’être élu par les citoyens qu’il administre. S’il y a des hommes politiques malhonnêtes, si le citoyen a la sensation qu’ils sont particulièrement nombreux, c’est avant tout parce que le manque de probité n’est pas toujours (pour ne pas dire pas souvent) sanctionné par l’électorat. Ce dernier fait alors preuve d’une incompétence qu’il assume malheureusement rarement, préférant mettre tous ses dirigeants dans le même panier. C’est tellement plus confortable intellectuellement et permet de se dégager de toute responsabilité.
Les électeurs oublient aussi trop souvent qui sont les hommes politiques. Il est vrai que la France est le seul pays à posséder une machine à en former, dénommée l’ENA. Cette dernière déforme considérablement le perception de la sociologie du monde politique. Evidemment, il est loin de refléter celle de la Nation, mais il n’est en aucun cas composé exclusivement de personnes destinées à ce destin depuis leur plus jeune âge. Ni Nicolas Sarkozy, ni Jérôme Cahuzac n’en sont diplômés. Ils sont pour l’un avocat, pour l’autre chirurgien. Cela nous rappelle que la responsabilité politique n’est pas un métier, mais une fonction que l’on peut être amenée à assumer au cours de sa vie de citoyen. Il est vrai que pour beaucoup, cela devient une activité à plein temps pendant plusieurs décennies, mais il s’agit là plus d’un mal très français que d’un vice fondamental de notre système démocratique.
Depuis Pierre Bérégovoy, on manque d’un homme politique qui soit arrivé dans les sommets de l’Etat sans être passé par une formation et un métier à Bac+5, sans être donc considéré comme issu de l’élite, aussi modestes soient ses origines familiales. Il est plus facile de se plonger dans des dossiers techniques, de parler en public, d’écrire des discours quand on a fait des études qui vous familiarisent avec ce genre d’exercice. Mais encore une fois, la plupart des hommes politiques ne sont pas des « fils de », mais bien des hommes et des femmes qui par leur talent, leur charisme et leur engagement ont gravi les échelons et se sont faits remarquer. Certes, parfois très jeunes, sans donc passer par la case « monde réel », mais on ne peut pas non plus être gouverné que par des quinquagénaires expérimentés.
Dans une démocratie qui fonctionne, les périodes de crise devraient pousser plus de citoyens vers l’engagement politique, non les en détourner. Car la nature et encore plus le pouvoir ont horreur du vide. Il y aura toujours quelqu’un pour le saisir. Et ceux qui restent quand tout le monde tourne le dos sont rarement les plus vertueux et désintéressés…