J’ai souvent écrit sur nos nouveaux Mousquetaires du tennis français. Beaucoup sur Richard Gasquet pour dire à quel point il me frustre. Un peu sur Gaël Monfils, longtemps pour dire à quel point je ne croyais pas en lui, avant de me raviser. Un peu aussi sur Jo-Wilfried Tsonga pour dire que c’est un champion, malgré ses moments de faiblesses. Par contre, comme tous les médias en fait, je n’ai jamais fait qu’évoquer très brièvement Gilles Simon. Pourquoi tant d’indifférence ? Est-ce justice ou bien la rançon de certains insuccès ?
Gilles Simon peut pourtant forcer l’admiration. Une carrière d’une régularité remarquable, naviguant toujours entre un top 10 et un top 20 où on ne rencontre pas de marins d’eau douce. Pourtant, il n’a pas la taille et le service d’un Tsonga, le revers dévastateur d’un Gasquet ou bien l’endurance phénoménale d’un Monfils. Sa présence à ce niveau peut être presque vu comme une incongruité. Cela révèle très certainement une force de caractère hors du commun, celle qui permet de croire en soi, même quand rien ne vous fait penser que cela sera possible. De ce point de vue-là, son parcours rappelle celui de Marion Bartoli…
Mais Gilles Simon peut aussi forcer un certain scepticisme. Parce que qu’il fait preuve d’une remarquable régularité également dans son incapacité à accomplir ne serait-ce qu’une seule fois une performance lui permettant de franchir un cap, ne serait-ce que pour un jour. Si beaucoup de champions français sont capables du pire comme du meilleur, Gilles Simon semble juste capable du moyen. Et à force, cela a quelque chose de désespérant.
Le match de dimanche face à Murray fut tellement révélateur. L’idée de ce billet est né au milieu du deuxième set. Mais il devait au contraire porter sur le fait qu’enfin il tenait son moment de gloire. Son adversaire semblait au bord de la rupture, mené un set et un break et proche d’être terrassé par la fatigue et le découragement. Puis il y eu ce point, terriblement long, terriblement intense, un magnifique combat que Gilles Simon remporta. Chez la plupart des joueurs, cela aurait constitué le dernier coup de poignard achevant un adversaire à genou. Mais ce fut au contraire le Français qui s’éteignit, perdant sa mise-en-jeu alors qu’il menait 30-15, ainsi son break d’avance, puis le set, puis le match face à un Murray ressuscité qui n’en demandait pas tant. Certes, c’est avant tout ce dernier qui est à féliciter, mais tout de même, cela renvoie tellement à ce qu’a toujours été la carrière de Gilles Simon qu’il est difficile de totalement l’exonérer.
Il y a donc une immense différence entre Gilles Simon et Marion Bartoli. Cette dernière a connu son moment de gloire, une victoire à Wimbledon qui forge à lui seul le palmarès d’une immense championne. La carrière de Gilles Simon n’est pas encore finie et peut-être un jour connaîtra-t-il ce moment où le sportif de haut niveau se métamorphose en héros, en porteur de rêves. J’ai malheureusement quelques doutes à ce sujet, mais je serai tellement heureux de me tromper.