DEMOCRATIE PARTICIPATIVE… LE RENDEZ-VOUS MANQUE… POUR L’INSTANT

democratieparticipativePour beaucoup de nos concitoyens, la démocratie n’est plus réelle. On peut discuter à l’infini du fondement de cette assertion, mais le malaise, lui, est incontestable. L’abstention monte, l’indifférence, quand ce n’est pas le rejet, gagne du terrain un peu plus chaque jour. Cela met en danger le fonctionnement de nos institutions, nuit à l’efficacité des mesures prises, qui ne sont plus appropriés par ceux qui doivent les mettre en œuvre ou en bénéficier. Face à ce problème éminemment complexe, il n’y a évidemment pas qu’une seule réponse. Le régler passera par une action à de multiples niveaux. Cependant, un concept fait indubitablement partie de la solution. Un concept encore flou, qui revient souvent dans les discours, mais qui a du mal à se traduire concrètement. Le concept de démocratie participative.

Ségolène Royal sors de ce corps, a-t-on envie de me lancer. Contrairement à beaucoup d’autres, je ne renie certainement pas mon passé ségoléniste et je continue de penser, et mon sujet d’aujourd’hui en est la preuve, qu’elle est une des rares personnalités politiques de premier plan de ces dernières années à avoir lancer des idées vraiment nouvelles, vraiment innovantes dans le débat. On peut discuter à l’infini également sur les raisons pour lesquelles elle n’a pas su les faire croître, mais ce n’est pas non plus le sujet du jour. Il n’empêche que c’est bien elle qui a fait entrer la démocratie participative dans le discours politique.

La démocratie participative est comme beaucoup d’idée révolutionnaire… absolument pas nouvelle. Il suffit d’ailleurs de remplacer ce mot par concertation, qui n’est pas un synonyme mais dont le sens est tout de même assez proche, et on revient vite à des notions manipulées depuis longtemps. Manipulées, mais certainement pas maîtrisées. Elles sont encore considérées par les élus, mais aussi parfois par les citoyens, de manière extrêmement réductrices et limitées. Rares sont ceux qui réalisent que ces processus ont besoin de compétences et d’outils spécifiques. Sans ces derniers, les démarches de ce type restent inabouties, décevantes et au final pas très utiles. Ce mauvais bilan ne débouche le plus souvent non pas sur une remise en question, mais plutôt sur des raisonnement du type « la concertation, j’ai essayé, ça ne donne rien ».

En tant qu’élu local, je mesure bien les limites du processus du type réunion publique accompagnée d’un registre de remarques et doléances. Il en sort parfois quelque chose d’intéressant, mais généralement à la marge des projets. C’est de la concertation médiocre, sûrement pas de la démocratie participative. On est loin de la coproduction de politiques publiques que cette dernière vise. On n’implique pas des tiers non élus à la réflexion, on leur demande simplement leur avis, ce qui n’est pas vraiment la même chose.

Il n’y a pas là forcément une volonté des élus de s’accrocher à un pouvoir de décision qu’ils ne voudraient pas partager. Il y a souvent simplement une ignorance du fait que l’on peut faire différemment et mieux. Lors de la révision du Plan Local d’Urbanisme de la ville où je suis élu, l’adjointe à l’urbanisme en charge du dossier a animé les réunions de 4 groupes de travail, chargés de faire émerger des idées… Force est de constater qu’il n’est à peu près rien sorti de ces heures passées. Quand bien même je me suis opposé à elle sur de nombreux points du projet final, je ne voudrais pas paraître trop critique en disant qu’elle n’était tout simplement pas compétente pour faire vivre un tel processus de concertation. Elle a fait incontestablement le mieux qu’elle pouvait et beaucoup aurait fait encore moins bien. Simplement, animer une concertation exige un savoir-faire spécifique professionnel qui ne s’improvise pas.

La démocratie participative cherchant à aller nettement plus loin que la simple concertation, les besoins en compétences et en outils spécifiques s’en trouvent décuplés. Et ces derniers en sont encore à leurs balbutiements et les innovations et expériences en la matière peinent à être diffusées et reconnues. Pourtant, l’émergence des outils numériques constitue une chance d’aller plus vite et plus loin. Les choses bougent lentement, mais sûrement. Le site internet Parlement & Citoyens est typiquement le genre de très bonne idées qui n’auraient pas pu exister il y a même encore dix ans, faute des moyens techniques.

Il est donc urgent que le monde politique s’en ré-empare pour de bon du concept. Le chemin sera long pour convaincre, mais il semble capital que des élus de premier plan prennent réellement cette notion à bras-le-corps pour la faire exister au niveau national. Sur les territoires, des initiatives existent déjà. Il faut que ceux qui les ont fait naître et vivre le clament et en fassent un argument pour briguer des responsabilités au niveau supérieur. Cela est d’autant plus vrai au Parti Socialiste que le parti a raté un premier rendez-vous avec cette notion. Elle est vaguement restée dans les discours, mais peine à se traduire concrètement.

L’immense succès des primaires de 2011 montre que cette démarche répond à une vraie attente. Beaucoup de citoyens ont envie de saisir la moindre occasion de s’exprimer, du moment qu’ils mesurent concrètement les conséquences de leur mobilisation. Il faut que ce lien entre l’acte qu’on leur demande d’accomplir et les évolutions qu’il est susceptible d’engendrer soit lisible, explicite, quantifiable et surtout irréversible. Sans cela, pas de confiance et beaucoup de déception à la fin.

Mais pour que cela fonctionne, il faudra aussi que le citoyen sorte de son attitude de consommateurs qu’il adopte désormais trop souvent. S’engager dans la démocratie participative (et en fait dans la démocratie tout court), c’est aussi accepter que le processus aboutisse à une décision qui n’est pas celle que l’on souhaite. Là encore, la transparence, condition indispensable à la confiance, est fondamentale pour qu’il ne subsiste aucun sentiment d’injustice ou crainte de manipulation.

La démocratie participative pose la question fondamentale du rôle de l’élu, question que j’ai déjà évoqué dans un billet précédent. Elle ne fonctionnera que si aussi bien les acteurs politiques que les citoyens acceptent le fait que l’élu n’est pas forcément celui qui apporte la solution mais celui qui apporte la méthode par laquelle elle va émerger. On peut regretter par exemple qu’un outil comme Parlement et Citoyens ne soit pas né à l’initiative d’un parti politique ? Mais à la fois est-ce si grave ? Les bonnes idées, les idées innovantes, les idées efficaces ne vont évidemment pas forcément toujours naître d’un cercle aussi restreint que celui des militants politiques. Il y a là une vraie révolution culturelle à réaliser, qui me semble inévitable, mais qui ne me semble malheureusement pas en marche à grand vitesse.

Pour résumer et conclure, la démocratie participative apparaît comme devant prendre une place de plus en plus large dans le fonctionnement de notre système institutionnel et politique. Pour cela, il faut réunir trois conditions
-des outils et des compétences spécifiques : ils sont en cours de développement mais restent trop méconnus. Les possibilités d’innovation sont très certainement immenses et insoupçonnées.
-des acteurs politiques qui s’en emparent et en fassent leur cheval de bataille. La notion est malheureusement encore très certainement trop associée à Ségolène Royal pour être prise au sérieux (c’est un constat, pas un avis personnel!!)
-des citoyens qui abandonnent l’attente d’un homme ou de solutions providentiels. Ils répondent présents quand ils sont consulter dans les conditions que j’ai énoncé plus haut, alors il n’y a certainement pas là d’obstacle insurmontable.

Cette évolution sera longue et sûrement chaotique. Mais elle semble incontournable pour éviter des chaos infiniment inquiétants.

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