Il l’attendait depuis longtemps, l’aurait mérité à de nombreuses reprises, mais cette fois c’est fait. Enfin, Leonardo Di Caprio a son Oscar ! The Revenant lui aura permis de connaître cette consécration tant désirée. Du coup, on a largement oublié de souligner à quel point ce film est avant tout un film de metteur en scène. Alejandro Gonzales Inarritu a pourtant remporté une deuxième statuette de meilleur réalisateur de suite, doublé rarissime, qui le place désormais au milieu des plus grands. En tout cas, ce film mérite bien qu’on en parle, quelle qu’en soit la raison.
The Revenant est un film en trois parties. La première constitue un des plus grands moments de cinéma que l’on ait pu voir ces dernières années. Un choc qui constitue le pendant version western de celui qu’avait représenté Il Faut Sauver le Soldat Ryan pour les films de guerre. C’est incroyablement bien réalisé, intense, immersif, beau et dur à la fois. On connaissait la maîtrise artistique de Alejandro Gonzales Inarritu, mais dans un mode beaucoup contemplatif. Il prouve ici qu’elle est réellement absolue quel que soit le sujet, le rythme et le style de son récit.
La second partie constitue le cœur de The Revenant et celle qui fait le plus débat. Elle reste incroyablement bien réalisée, mais tend vers l’exercice de style un peu vain. Ces nombreuses scènes qui font passer Koh Lanta pour une animation de la Reine des Neiges sont incroyablement spectaculaires. Cependant, à côté de ça, le film oublie de vraiment nous faire ressentir l’émotion du personnage, ici le désir de vengeance, qui le pousse à survivre à tout prix et donne du sens à cette volonté hors du commun. Cette partie du film passe trop vite sur les moments pourtant tout aussi intéressants où le personnage central est en interaction avec d’autres. Tout ce qui est un peu original et différent s’évanouit aussi vite qu’il est venu, comme ce début de poursuite à cheval absolument fabuleuse, mais qui ne dure que quelques secondes, au profit d’un nouveau long passage de survie solitaire en mode extrême, qui vient après tant d’autres. C’est d’autant plus étonnant d’un réalisateur comme Alejandro Gonzales Inarritu qui a toujours été un cinéaste explorant les tréfonds des émotions et de l’âme humaine.
Dans sa dernière partie, The Revenant revient à un style plus classique. Le conclusion de ce film de vengeance est relativement sans surprise, pour ne pas dire un rien convenue. Là encore, c’est sublimement filmé, alors on ne fait pas la fine bouche et on apprécie pleinement le dénouement d’une histoire qui nous aura quand même globalement scotché à notre fauteuil pendant plus de deux heures et demi, sans que l’on voit le temps passer. Le film va quel que peu decrescendo, mais il part de si haut qu’il arrive tout de même à des altitudes totalement inaccessibles pour le commun des cinéastes.
Et Leonardo alors ? Son sacre aux Oscars est logique quand on sait que cette compétition donne une grande important à la dimension « physique » des performances qu’elle récompense. De mon point de vue, The Revenant n’est pas le plus grand rôle de l’acteur américain en terme de performance pure, mais le plus spectaculaire, celui qui l’a sans doute demandé le plus d’implication, qui l’a vraiment repoussé dans ses derniers retranchements. Le sacre est donc mérité pour ce rôle en particulier, mais encore plus pour l’ensemble de sa carrière.
The Revenant n’est donc pas le film parfait. Il est inégal, se perd parfois dans sa propre ambition. Certains ont parlé de prétention. Personnellement, je trouve admirable la volonté d’un réalisateur de sortir ainsi de sa zone de confort, de repousser ses propres limites et même celle du cinéma en général. Certes, c’est en prenant des risques que l’on commet parfois des maladresses. Mais on tient là un vrai moment où le cinéma s’invente, se réinvente encore et toujours.
LA NOTE : 15,5/20
Fiche technique :
Production : Anonymous Content, Appian Way, Monarchy Enterprises, New Regency Pictures, RatPac Entertainment
Distribution : 20th Century Fox France
Réalisation : Alejandro González Inarritu
Scénario : Alejandro González Inarritu, Mark L. Smith, d’après le roman de Michael Punke
Montage : Stephen Mirrione
Photo : Emmanuel Lubezki
Décors : Jack Fisk
Musique : Ryuichi Sakamoto, Alva Noto
Costumes : Jacqueline West
Durée : 156 min
Casting :
Leonardo DiCaprio : Hugh Glass
Tom Hardy : John Fitzgerald
Domhnall Gleeson : Capitaine Andrew Henry
Will Poulter : Bridger
Forrest Goodluck : Hawk
Paul Anderson : Anderson
Kristoffer Joner : Murphy
Joshua Burge : Stubby Bill