Provoquer l’ennui du spectateur est évidemment assez rédhibitoire pour un film s’il veut être apprécié à sa juste valeur. Le rire, l’action, le grand spectacle peuvent constituer autant de barrages à l’ennui, mais ne sont pas les seuls éléments qui peuvent donner naissance à un bon film. Un cinéma plus intimiste peut donner des œuvres tout aussi passionnante, mais la marge est étroite pour éviter de plonger l’audience dans une profonde torpeur. Certains réalisateurs savent jouer avec cette ligne rouge en restant toujours du bon côté, même si c’est de peu. C’est le cas de Jim Jarmusch et il le démontre encore une fois avec Paterson.
Expliquer de quoi parle exactement Paterson est un exercice complexe. Une histoire de chauffeur de bus poète, dont la vie ressemble parfois à celui de Un Jour Sans Fin, malgré la diversité des projets toujours enthousiastes de sa petite amie. Cela semble au mieux constituer un point de départ, mais pas pouvoir résumer un film tout entier. La limite de ce film repose sur l’absence d’une trame narrative donnant un réel enjeu au déroulement de l’histoire. Le film n’est pourtant pas purement contemplatif (mais un peu quand même). Il s’en dégage une poésie douce et subtile qui nous pousse inlassablement à nous demander ce qui va survenir le jour suivant dans cette vie pourtant bien réglée.
Paterson bénéficie de tout le talent de Jim Jarmusch. Sa réalisation n’a pourtant rien de spectaculaire ou d’audacieuse, mais le film n’en demeure pas bien particulièrement beau, d’un point de vue purement artistique. Mais comme il l’est aussi sur le fond du propos, cela donne un résultat envoûtant, un rien contemplatif certes, mais que l’on contemple avec bonheur. Si je ne partage pas l’enthousiasme délirant de certaines critiques, j’ai pleinement apprécié cette œuvre qui ne pourra que ravir les amateurs du cinéma assez unique de Jim Jarmusch et tous les amoureux de la poésie cinématographique.
LA NOTE : 13,5/20
Fiche technique :
Production : K5 film, Inkjet productions, Animal Kingdom, Amazon Studios
Réalisation : Jim Jarmusch
Scénario : Jim Jarmusch
Montage : Alfonso Gonçalves
Photo : Frederick Elmes
Décors : Mark Friedberg
Distribution : Le Pacte
Musique : Sqürl, Jim Jarmusch, Carter Logan
Durée : 115 min
Casting :
Golshifteh Farahani : Laura
Adam Driver : Paterson
Trevor Parham : Sam
Nellie : Marvin (le chien)
Barry Shabaka Henley : Doc
Rizwan Manji : Donny
Masatoshi Nagase : le poète japonais