RETOUR A L’ORDINAIRE

emmanuelmacronJe suis un militant politique qui sait ce que signifie faire de la politique. Faire de politique, c’est avant tout faire le nécessaire pour remporter des élections pour exercer le pouvoir et agir. Rester droit dans ses bottes, ses idées et ses principes pour rester à jamais minoritaire n’a strictement rien de noble. Je suis donc capable de comprendre certaines prises de position dont le but est de récupérer une frange de l’électorat, qui ne demande qu’à être brossé dans le sens du poil. Je peux donc comprendre les arbitrages réalisés par Emmanuel Macron au sein de son programme économique. Mais comprendre ne signifie pas forcément cautionner.

Il y a quelque chose qui me plaît chez Emmanuel Macron. Une pensée politique qui tourne le dos aux clichés idéologiques qui minent la gauche qui l’amènent à imaginer que taxer les robots puisse être une bonne idée.Une manière de regarder le monde tel qu’il est et non pas tel qu’on aimerait qu’il soit. Une capacité à ne pas nier des faits parce qu’ils vont à l’encontre de ce que l’on souhaiterait. Il en ressort une vision positive du progrès, non cette espèce de nostalgie, voire de culpabilité de la gauche face aux changements.

Emmanuel Macron a souvent été caricaturé dans ses propos. Le pire est survenu quand il a déclaré trouver l’augmentation des droits de successions beaucoup efficaces en termes de lutte contre les inégalités que l’ISF. Cela s’est transformé dans beaucoup de commentaires comme un simple appel à la suppression de ce dernier. Or, prise dans sa totalité, cela rejoint bien un des axes fort de son discours sur la lutte contre les rentes de situation. Un combat qui devrait être celui de la gauche mais qui se heurte au conservatisme de ce dernier. En effet, beaucoup de ces rentes sont établies au nom de la régulation (l’exemple des notaires est éclairant à ce propos) et elles ne manquent pas défenseurs de ce côté du monde politique.

Tout ceci ne signifie pas que j’étais systématiquement d’accord avec ses prises de position. Mais je lui reconnaissais une réelle intelligence et surtout une capacité, malheureusement rare dans le monde politique, à produire une politique adaptée à ce monde en constante mutation qu’est le nôtre. Pas la meilleure à mes yeux, mais la seule peut-être à être les deux pieds ancrés en 2017. Au défaut d’être parfait, il avait au moins l’immense mérite d’être intéressant. A mon sens, cela lui ouvrait un boulevard idéologique, un capacité à créer une vision politique novatrice, attrayante, libérée de préjugés d’un autre temps.

En révélant son programme économique, Emmanuel Macron a tourné le dos à ce qui fait sa force. Le problème n’est pas tant qu’il est énoncé des idées penchant plutôt à droite, c’est qu’il a énoncé les idées les plus ineptes penchant à droite. Des idées toutes faites, des clichés qui ne présentent aucun intérêt intellectuel, aucune efficacité objective. Elles séduiront peut-être certains électeurs de François Fillon et le conduiront peut-être à l’Elysée, mais elle n’apporteront rien à notre pays.

60 000 fonctionnaires en moins, 3% du PIB de dépenses publiques en moins. Et pourquoi pas 50 000 et 2% ? ou 80 000 et 4% ? ou encore 57 841 et 2,86% ? Les chiffres ça fait sérieux, les chiffres ronds ça fait joli, mais ça n’a aucun sens. C’est juste arbitraire. Ca ne dit rien du sens, du pourquoi, du pourquoi faire. Ca ne ressemble en rien à un objectif politique sur ce que doit être l’action publique, sur son périmètre, sur les buts qu’elle poursuit. C’est vide, creux, idiot et au fond, c’est de la politique telle qu’elle a toujours été dans ce qu’il y a de pire. Bref loin de la différence dans la pratique, au-delà du positionnement exact, que souhaiterait incarner Emmanuel Macron. Et tel que j’aurais aimé qu’il l’incarne.

Il est donc certain désormais que je ne ferai pas campagne pour lui. Que je ne chercherai à convaincre personne. Que je ne relayerai pas ses idées. Ce n’est donc pas lui qui me fera me lever de mon canapé, comme évoqué dans un billet précédent. Cela ne signifie par contre pas que je ne voterai pas pour lui et que je soutiendrai Benoît Hamon, qui ne m’inspire pas plus d’enthousiasme pour l’instant. Chaque jour qui passe me rapproche d’un vote utile contraint et un peu triste. Mais je le ferai sans état d’âme car ce désaccord profond, cette déception vis-à-vis d’Emmanuel Macron ne lui retire pas non plus tout crédit à mes yeux. Je ne sombrerai pas dans la caricature. Il n’est pas François Fillon sur beaucoup de points et entre les deux mon choix est clair et net. Mais il restera un choix par défaut.

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