Filmer la guerre. Voilà quelque chose presque aussi vieux que le cinéma. C’est aussi un des sujets qui permet le mieux de mesurer l’évolution du 7ème art. Ce dernier aurait mis longtemps à nous montrer de manière crue et réaliste toute l’horreur véhiculée par ces conflits. Dunkerque se situe dans cette tradition. Christopher Nolan aura mis tout son génie au service d’un propos qui lui tenait visiblement à cœur. Il nous livre un grand film dans la forme. Dans le fond, il peut y avoir débat.
Christopher Nolan fait preuve de cette maestria visuelle, de cette maîtrise absolue de l’image et du son qui font les grands, les immenses réalisateurs. Dunkerque en est une nouvelle preuve, avec notamment une séquence d’un quart d’heure vers la fin du film qui font partie de celles qui écrivent l’histoire du cinéma. Certains auront noté l’absence de sang, artifice hollywoodien qui nuit sans doute au réalisme et prive le film d’un supplément de force. Mais il déploie déjà tellement plus que l’immense majorité des productions du genre, qu’il serait sévère de s’arrêter à ça. Le spectateur quand même scotché à son fauteuil du début à la fin, assailli d’images sublimes qui nous plongent au cœur de l’angoisse de tous les acteurs de ce moment d’histoire.
Si je devais formuler un reproche à Christopher Nolan, c’est sans doute d’avoir sacrifié le fond à la forme. Je ne parle pas ici des reproches idiots sur certains éléments qui seraient passés sous silence. Le propos de Dunkerque est clair et précis, il nous raconte une page de l’histoire de l’Angleterre du point de vue de ses acteurs, de ce qu’ils ont ressentis, de ce qu’ils ont vécu. Non, le sacrifice des soldats français pour permettre ce sauvetage n’est pas caché ou tu, il est tout simplement hors sujet. Rarement un film se sera concentré à ce point sur le cœur de son sujet, sans le moindre début de digression. De même, il est à noter que rarement un film de guerre n’aura été aussi peu manichéen puisque le soldat ennemi est tout simplement absent de l’image. Le méchant de l’histoire est l’angoisse et la peur.
Par contre, Dunkerque souffre peut-être d’un manque d’émotion. En se focalisant à ce point sur le cœur du propos, il prive les personnages d’un supplément d’épaisseur qui permettrait un supplément d’attachement. On ressort de ce film sans vraiment avoir l’impression de connaître les protagonistes. On connaît leur nom, mais à peine. Tout cela s’insère dans un choix artistique assumé et qui donne une grande part de sa force à ce film. Il fait de ce dernier un sublime exercice de style, qui apporte au spectateur d’incroyables sensations fortes, sans que le cœur ne soit vraiment touché. C’est sans doute un travers assez caractéristique de Christopher Nolan. Mais génie et perfection n’ont jamais été synonyme.
LA NOTE : 16/20
Fiche technique :
Production : Warner Bros. Pictures, Syncopy Inc.
Distribution : Warner Bros. France
Réalisation : Christopher Nolan
Scénario : Christopher Nolan
Montage : Lee Smith
Photo : Hoyte van Hoytema
Décors : Nathan Crowley
Musique : Hans Zimmer
Durée : 107 min
Casting :
Tom Hardy : pilote de l’Air Force
Cillian Murphy : soldat en état de choc
Mark Rylance : Mr Dawson
Kenneth Branagh : Commandant Bolton
Barry Keoghan : George
Harry Styles : Alex
Tom Glynn-Carney : Peter
Fionn Whitehead : Tommy