A chaque défaite électorale, chaque parti politique déçu jure la main sur le cœur qu’il saura tirer toutes les leçons, de faire le bilan de ses erreurs et de revenir victorieux. L’expérience montre, au PS ou ailleurs, que c’est rarement le cas. Il est alors facile d’imaginer qu’une telle analyse n’est jamais réalisée en cas de triomphe. Cela serait pourtant nécessaire, comme l’a prouvé l’écrasante victoire du PS aux élections régionales de 2010.
Certes l’Alsace résistait encore mais sans cette tâche bleue, la France métropolitaine aurait été uniformément rose ce soir là. Partout, les scores étaient écrasants, dépassant parfois 60% pour certaines majorités reconduites. A Viroflay, la liste mené par Jean-Paul Huchon avait fait un score légèrement supérieur à 48%, score historique pour la gauche dans notre commune. Évidemment, lors de la soirée post électorale organisée chez notre regretté camarade Jean-Etienne, nous avions tous le sourire. Mais avons-nous raison ? Notre sourire n’était-il pas excessivement arrogant ?
Quels étaient donc les faits objectifs qui ont conduit à un tel triomphe ? La plupart des discours de victoire de la reconnaissance d’un bilan. Ce genre d’argument est incontournable et il est difficilement envisageable pour un élu venant d’être reconduit dans ses fonctions de dire autre chose… même si cette affirmation est clairement erronée. Dans le cas d’une élection régionale, ce critère joue un rôle mineur puisque l’immense majorité des citoyens sont strictement incapables de juger la qualité de l’action d’une collectivité dont ils ont bien du mal à saisir l’utilité. Même si les choses évoluent doucement, en 2010, les Conseils Régionaux s’apparentaient surtout à une collectivité « chéquier » vouée à financer des actions menée concrètement par les collectivités plus locales.
Je me souviens très bien d’un reportage un peu cruel du Petit Journal, suivant Jean-Paul Huchon qui remontait une rame de RER tout en saluant les voyageurs. Le journaliste interviewait ensuite les personnes qu’il venait de saluer pour leur demander s’ils avaient une idée de l’identité de celui qui venait lui serrer la main. Même si le montage est évidemment passé par là, la plupart avouait leur ignorance et n’avait absolument pas reconnu le Président de leur Région, dont ils ignoraient parfois même le nom. C’était plus drôle que méchant, mais terriblement révélateur.
Le PS avait-il triomphé alors du fait de la qualité de la campagne menée par ses militants ? Évidement un soir comme celui-là, le militant que j’étais, et tous les autres, ressentait une certaine fierté personnelle d’avoir participé à une victoire collective. Un sentiment tout à fait légitime, sans lequel d’ailleurs le militant arrêterait vite de militer. Mais il faut avoir la modestie de reconnaître que participer ne veut pas dire être décisif. Quand bien même notre action auait rapporté un, deux, allons jusqu’à 3% au PS, elle ne peut constituer qu’une explication mineure vu les scores pléthoriques réalisés.
Quant à la qualité des programmes… Si cela permettait de remporter des élections, ça se saurait. Je ne vais pas perdre mon temps à discourir là-dessus.
En y repensant, ces élections régionales étaient beaucoup moins une victoire du PS qu’une défaite cuisante pour le pouvoir sarkozyste. Une partie de ses supporters l’avaient boudé (il y a plus de 53% de gens de droite à Viroflay…) et il avait perdu une grande partie du soutien des électeurs habitués à changer de camps régulièrement (le fameux marais). D’ailleurs, si nous étions heureux ce soir-là, ce n’est pas tant pour la victoire à des élections régionales, que pour le sentiment que la victoire aux élections présidentielles de 2012 pouvait être sereinement envisagée.
Personne à gauche un soir comme celui-là ne s’est demandé si l’ampleur de la défaite du pouvoir en place ne présageait pas une d’une détestation du pouvoir tout court qui nous rattraperait une fois que nous l’occuperions à notre tour. A y voir la défaite des idées que nous combattions, nous nous sommes aveuglés et n’avons pas vu là le signe d’une déliquescence du système démocratique, devenu une machine à créer de l’insatisfaction, quant ce n’est pas du ressentiment chez nos concitoyens. Une détestation du pouvoir en place qui frappe de plus en plus fort et de plus en plus vite depuis trente ans.
Mais nous n’allions pas tarder à être rattrapé par cette réalité. Et elle allait faire très mal…