La fête ne dure qu’un temps. Pour une élection, elle ne dure même qu’un soir car la réalité et les problèmes vous rattrape vite. Surtout quand la pluie vient s’en mêler. La première image de François Hollande Président aura été celle d’un homme trempé par les trombes d’eau qui s’abattaient sur lui en remontant les Champs Elysées après son investiture. Elle fera plutôt sourire. Elle aurait pu être celle d’un homme qui reste droit et fier malgré les éléments contraires, elle est surtout restée comme celle d’un homme qui n’a pas de bol. On ne savait pas alors qu’elle serait tout à fait symbolique du quinquennat qui allait suivre.
En effet, le quinquennat a commencé avec un brin de légèreté. L’attitude ouverte et amicale de Hollande lors de ses premiers déplacements fait de lui le « Président des bisous ». On veut croire que la page Sarkozy est totalement refermée et que celle qui s’ouvre sera plus joyeuse et riante. Au moment de son élection, tous les grands esprits prévoient que la reprise économique est solide et la conjoncture favorable. Il se pourrait qu’on oublie enfin définitivement la crise de 2008. Mais très vite tout cela va se gripper.
Déjà, le calendrier électoral condamne tous les Présidents à commencer par un grand rien. En effet, tant que les législatives ne sont passées, il ne passe pas grand chose. Après avoir été saoulé de politique pendant des mois, beaucoup de citoyens se lassent une fois l’élection présidentielle passée et tout cela leur donne une impression que le changement n’est en fait pas pour maintenant. Et quand le nouveau gouvernement se met au travail, il commettra une série de maladresses, d’annonces ratées, suivies de rétro-pédalages. La presse parlera de « couacs » et dans l’opinion, cela deviendra sa marque de fabrique. L’année 2012 se termine avec déjà un sentiment de gâchis et de confiance perdue.
Je ne veux pas refaire l’histoire, mais à mon sens la plus grande erreur de François Hollande est de ne pas avoir laissé Jean-Marc Ayrault donner le ton que ce dernier souhaitait à son discours de politique générale à l’Assemblée Nationale. L’ancien maire de Nantes voulait tenir un propos churchillien, à base de sang et de larmes. Bref, dire que c’était vraiment la merde et qu’on allait en chier. Cela n’aurait d’autant pas posé de problème que l’opinion partageait ce sentiment et que le candidat Hollande n’avait jamais promis des lendemains qui chantaient, mais plutôt des hausses d’impôts qu’il avait toujours assumées et annoncées. En définitive, le Président convaincra le Premier Ministre d’être plus optimiste. Il se justifie d’ailleurs dans son livre en indiquant qu’il ne voulait pas briser l’élan impulsé lors de son élection. C’était pour moi avant tout une erreur qui a mis profondément dans l’esprit des gens qu’on se moquait d’eux. Pourquoi consentir des efforts si ceux qui vous les demandent vous explique que tout ne va pas si mal ?
Et le militant de terrain dans tout ça ? Parce que bon, je suis ici pour parler de lui (enfin de moi en l’occurrence), pas pour raconter l’histoire du quinquennat. Forcément, tout cela a affecté tous ceux qui s’étaient battus pour que François Hollande soit élu. Ils se sont vite heurtés à un grand sentiment d’impuissance. Plus rien n’était dans leurs mains. Une campagne électorale ressemble un minimum à une œuvre collective quand on est militant d’un parti politique. L’exercice du pouvoir est beaucoup plus solitaire. Un homme prend les décisions à l’Elysée, plus un parti. Le Président de la République gouverne pour tout le pays, plus pour ses supporters.
J’ai pu voir le scepticisme monté à vitesse grand V. Très vite une image s’est forgée, à tort ou à raison, et plus rien ne pourra vraiment la changer. Et elle n’était pas flatteuse. Mais ce qui est difficile à accepter, c’est qu’elle se sera forgée avant même qu’aucune action ne puisse avoir le temps de porter le moindre fruit. Les débuts du quinquennat ont montré à quel point le temps de l’opinion n’a plus aucun rapport avec le temps de l’action et encore celui du résultat. Une grosse averse peut avoir infiniment plus d’impact qu’un travail patient de construction. Et en attendant, le militant de terrain éponge.