Les politiques ne respectent pas leurs promesses de campagne, c’est bien connu. Cette affirmation est totalement fausse, mais tout le monde s’en fout. François Hollande, comme les autres, au réalisé une large majorité de ses engagements. Mais comme dans toutes campagnes électorales, il a été amené à en formuler beaucoup, de natures variées et sur des sujets fort divers, et forcément, principe de réalité oblige, il y a eu quelques oublis et ratés en route. Pendant son quinquennat, il aura été aussi amené à prendre des décisions qui ne figuraient pas dans son programme, mais ça, j’aurais l’occasion d’y revenir plus tard.
Tout élu va donc affronter le même schéma. Il aura beau réaliser la quasi totalité de ses promesses de campagne, au premier écart, tous ceux qui lui veulent du mal (soit généralement tout le reste de la classe politique qui rêverait d’être à sa place et qui lui en veut pour cela) ne vont plus que se focaliser que là-dessus. Ils jetteront autant d’huile que possible pour entretenir le feu des idées reçues de l’opinion sur les reniements perpétuels des élus, comme s’ils ne le paieraient pas le jour où ils accéderont à leur tour au pouvoir. Le débat, les médias et les souvenirs du plus grand nombre vont alors porter que sur ça, oubliant tout ce qui a été accompli par ailleurs. Ceci se répète encore et encore, mais je suis toujours très étonné du fait que les élus semblent naïvement penser qu’ils y échapperont.
Quant on est un élu PS, ses ennemis les plus implacables sont souvent ses propres camarades. Pour avoir vécu les choses de l’intérieur, même si c’était à la base, je peux témoigner qu’à la seconde où François Hollande a été élu, une large part des forces vives de son propre parti n’a plus été à l’affût que d’une seule chose : la première promesse abandonnée pour pouvoir basculer à nouveau dans la seule culture qu’elle connaît, à savoir l’opposition. C’était évident, palpable, inévitable et surtout irréversible. Le PS, après avoir sabordé Ségolène cinq ans avant, constituait à s’apparenter une planche en partie pourrie et ce n’est pas en étant au pouvoir qu’il serait possible de la réparer.
François Hollande l’aura vite constaté à ses dépens. Pendant la campagne, il avait promis de renégocier les traités européens. Promesse aussi absurde qu’inutile, puisque l’élection de la Présidence du pays avait peu de chance de se jouer sur les questions européennes. Promesse absurde puisque promettre quelque chose qui ne dépend pas de soi ne peut pas être vraiment une promesse. On image bien François Hollande arrivant au premier sommet européen avec en face de lui Merkel, Cameron, Berlusconi et Aznar, soit tous les autres principaux pays alors solidement ancrés à droite. Il a du vite sentir, et à raison, que le rapport de force au niveau européen ne lui permettrait pas d’arriver à ses fins.
Alors il opta pour ce qu’il maîtrisait à la perfection, l’art du compromis. Ne pouvant modifier le pacte budgétaire européen, il obtient tout de même de ses partenaires la création en parallèle d’un pacte de croissance pour stimuler l’investissement. Au vu de la situation et de manière réaliste, François Hollande ne pouvait espérer plus. Et surtout, cette avancée n’était pas rien, surtout dans un rapport de force aussi déséquilibré. Mais voilà, ce n’était pas ce qu’il avait promis pendant sa campagne. L’occasion était trop belle pour beaucoup. Surtout qu’autour de ça, François Hollande n’aura construit aucun véritable storytelling. Il aura fait ça à sa manière, discrètement, pour ne pas froisser ses partenaires à qui il demandait des concessions. Un vrai résultat certes, mais sans grand discours ou envolée lyrique. Et pour l’opinion, l’image d’un homme passif reniant ses promesses.
Dès septembre 2012, au moment du vote du pacte budgétaire européen à l’Assemblée Nationale, des députés PS s’abstinrent ou même votèrent contre. La Fronde était née. A partir de ce moment là, avec le recul, une partie de l’échec du quinquennat était jouée. En effet, de la base au sommet, le PS ne passerait plus son temps qu’à une seule chose : débattre en interne à l’infini pour savoir qui a tort et qui raison, qui sont les bons et qui sont les gentils, qui sont les purs et qui sont les traîtres. Le parti excelle à cet exercice vain qui aura marqué depuis toujours son histoire. Mais en faisant ça, il dilapidera toute son énergie, ne jouera jamais vraiment son rôle de soutien à la politique gouvernementale, se sclérosera et oubliera de préparer l’avenir. Il en paye chèrement le prix aujourd’hui.