Ce n’est pas parce qu’un sujet nous a déjà offert un grand film sur un sujet qu’il ne faut pas renoncer à l’aborder à nouveau. Ainsi, si vous avez aimé Mustang et avez été touché par le destin de ses héroïnes, je ne peux que vous conseiller d’aller voir Sibel (même si à l’heure où j’écris ces lignes, cela va devenir difficile de trouver une salle qui le programme encore). Surtout qu’au final les deux films racontent deux histoires très différentes, combien même la condition des jeunes filles dans la Turquie rurale reste la question centrale. Au-delà de tout cela, ce sont surtout ses qualités qui doivent vous inciter à donner à cette production franco-germano-turco-luxembourgeoise les honneurs qu’elle mérite.
Sibel est un film portrait. Il repose donc largement sur les sentiments qui naissent envers son héroïne. On ne s’attache pas ici à elle parce qu’elle est une victime. Femme, muette, autant de caractéristiques qui ne lui promettent pas un destin facile, mais le personnage est loin de s’arrêter à ça. Au contraire, c’est pour sa force qu’on en vient à suivre son destin avec autant de ferveur. Le scénario possède une dimension presque épique qui lui donne un intérêt au-delà des sujets sociaux qui sont abordés. On assiste donc à un portrait particulièrement vivant qui fait entrer en synergie toutes ses dimensions pour en décupler l’impact et gagner le cœur et la raison du spectateur.
Sibel doit beaucoup au talent de Damla Sönmez. En effet, privée de paroles, elle doit transmettre tout ce qu’elle ressent par ses expressions. Enfin pas tout à fait puisqu’elle utilise aussi une langue sifflée (sous-titrée du coup) pour s’exprimer, mais cela ne remplace pas réellement le langage articulée. On ne peut donc que saluer la performance qui a le grand mérite de ne pas ressembler à un numéro d’acteur. Elle reste d’un naturel déconcertant dans toute la très large palette d’émotions qu’elle nous transmet. Elle porte sur ses épaules un film formidable qui aurait mérité un meilleur sort en termes de distribution.
LA NOTE : 13,5/20
Fiche technique :
Réalisateurs : Çağla Zencirci, et Guillaume Giovanetti
Assistant réalisateur : Yagmur Misirlioglu
Scénaristes : Çağla Zencirci, Ramata Sy et Guillaume Giovanetti
Producteurs: Marie Legrand, Rani Massalha, Michael Eckelt, Johannes Jancke, Marsel Kalvo, Nefes Polat, Christel Henon, Lilian Eche
Co-producteur : Marc Simoncini
Image : Eric Devin
Son : Tim Stephan & Stephan Konken
Musique : Bassel Hallak and Pi
Montage : Véronique Lange
Décors : Osman Özcan
Durée : 95 minutes
Damla Sönmez : Sibel
Emin Gürsoy : Emin
Erkan Kolçak Köstendil : Ali, le vagabond
Elit Iscan : Fatma
Meral Çetinkaya : Narin
Gülçin Kültür Şahin : Feride
Şevval Tezcan : Çiçek