Il est toujours intéressant de s’intéresser au décalage entre la vision contemporaine d’un événement et sa vision historique a posteriori. On a du mal à appréhender en 2020 ce que pouvait être la connaissance de la réalité de l’Holocauste de la population française pendant la Guerre, quand elle est devenue pour nous un événement historique majeur. Cela nous interroge sur notre propre perception d’événements actuels, dont nous avons l’impression de saisir la réalité. L’avenir nous prouvera peut-être que non. L’Ombre de Staline constitue un autre exemple pouvant alimenter notre réflexion sur le sujet.
Je me rappelle avoir entendu parlé lors de mes cours d’histoire au lycée de la famine survenue dans les années 30 en URSS et en particulier en Ukraine. On imagine mal qu’un tel événement puisse être caché aux yeux du reste du monde. Cela serait beaucoup plus difficile aujourd’hui, mais il faut rester vigilant. L’Ombre de Staline nous raconte l’histoire de Gareth Jones, un journaliste gallois qui aura été le premier à révéler l’ampleur du drame, dont il a été directement témoin, au péril de sa vie. Je ne mesure pas à quel point le scénario de ce film dramatise son histoire. En tout cas, elle valait le coup d’être racontée. Pas seulement pour son profond intérêt historique, mais aussi parce que le travail qui le mènera sur le chemin de la vérité est digne des meilleurs romans d’aventures et d’espionnage. Le film est aussi chargé d’une réelle puissance émotionnelle, en nous montrant de manière très crue la réalité des conditions des vies des victimes de cette grande famine.
L’Ombre de Staline est un film qui va crescendo. C’est notamment lié à un des grands mérites de la narration. Elle place vraiment le spectateur dans les pas du personnage principal. Le scénario gagne en intensité à mesure que le journaliste va de plus en plus loin dans la découverte de la réalité. On quitte donc rapidement la circonspection ayant pu naître pendant les premières minutes pour être vite passionné, un peu choqué aussi, par le propos. Le tout est porté par une réalisation d’une belle finesse et une interprétation impeccable. On ressort donc de ce film avec la double satisfaction d’avoir assisté à une œuvre aboutie et d’être un peu moins ignorant.
LA NOTE : 13/20
Fiche technique :
Réalisation : Agnieszka Holland
Scénario : Andrea Chalupa
Décors : Grzegorz Piatkowski
Direction artistique : Fiona Gavin
Costumes : Galina Otenko et Ola Staszko
Montage : Michal Czarnecki
Musique : Antoni Lazarkiewicz
Ingénieur du son : Marcin Matiak
Mixage : Filip Krzemien
Producteurs : Andrea Chalupa, Angus Lamont, Klaudia Smieja, Egor Olesov et Stanislaw Dziedzic
Durée : 119 minutes
Casting :
James Norton : Gareth Jones
Vanessa Kirby : Ada Brooks
Peter Sarsgaard : Walter Duranty
Joseph Mawle : George Orwell
Richard Elfyn : l’agent de police
Beata Pozniak : Rhea Clyman
Celyn Jones : Matthew
Julian Lewis Jones : le Major Jones
Patricia Volny : Bonnie
Krzysztof Pieczyński : Maxime Litvinov
Fenella Woolgar : Miss Stevenson