TOUT CA, POUR CA : 10 ANS DE MILITANTISME AU PARTI SOCIALISTE : EPISODE 33 : Le Congrès de Poitiers, partie 3 : le couteau dans le dos

episode33Après les débats nationaux, le Congrès se traduit dans un deuxième temps au niveau local, avec un renouvellement des instances au niveau local (Section) et départemental (Fédération). Il paraît que beaucoup de militants se sont engagés en politique pour changer le monde. Chaque Congrès prouve, qu’à défaut d’y parvenir, ils sont prêts à tout pour gagner une petite part de pouvoir au sein des instances du PS. On a les combats et l’ambition que l’on peut.

Au niveau de ma Section, je suis sollicité par quelques camarades pour me présenter au poste de Secrétaire. En effet, nos effectifs ont fondu et la Section apparaît de plus en plus moribonde (j’y reviendrai dans un prochain épisode) et certains considèrent qu’il y a des choses à changer dans l’animation. J’aurais très certainement accepté si je n’avais déjà en tête mon futur départ de Viroflay. J’ai donc poliment refusé et nous avons reconduit simplement le Secrétaire de Section sortant.

Au niveau fédéral, les choses sont nettement moins tranquilles. La motion soutenant l’action gouvernementale a fait un bon score, meilleure que ce que j’avais imaginé (je n’ai plus le chiffre précis), montrant que l’emprise des forces hamonistes et frondeuses n’est peut-être pas si importante que ça. Nous gardons donc l’espoir qu’au moment d’élire le Secrétaire Fédéral, les militants choisirons la cohérence avec leur vote de motion.

Malheureusement, la motion n’est pas soutenue par un bloc collectif soudé. Il y a bien sûr notre noyau dur « hollandais ». Mais même lui commence à faire apparaître des fissures, qui finiront bientôt par éclater. Au moment de la campagne pour les motions, le national a imposé qu’elle soit conduite au niveau local par plusieurs personnes à la légitimité douteuse. Ainsi nous avons « hérité » d’un représentant quasi inconnu au niveau départemental, mais qui se trouve être proche de Christophe Borgel, Secrétaire National aux élections (et apparatchik notoire). On ajoute à ça une proche de Ségolène Royal et une de Martine Aubry, ne représentant qu’elles-mêmes, et on se retrouve avec un quatuor pour porter la motion. Tout le travail accompli par notre collectif semble compter bien moins que les bonnes relations avec les cadres de la rue de Solférino.

Le leader de notre collectif est cependant à nouveau candidat au poste de Secrétaire Fédéral face à la sortante. Mais il ne bénéficie pas du soutien unanime et fort de tous les représentants de la motion qu’il est censé représenter. Cela tient aussi à sa personnalité. En effet, sa plus grande qualité est aussi son plus grand défaut. Il a une vision détachée de l’importance des institutions du PS. Epanoui professionnellement et humainement, il n’a pas besoin de ça pour vivre et se sentir exister, contrairement à beaucoup. C’est pour ça que l’on a autant de plaisir à travailler ensemble, car on se concentre sur l’essentiel, dans une ambiance saine et sereine. Mais du coup, il se refuse à appeler et « draguer » tous ceux qui ont envie qu’on leur fasse la cour pour accorder leur soutien à un camp ou un autre. Et ils sont nombreux. Il les laisse à leur médiocrité. Il a raison humainement. Mais électoralement, cette attitude constitue un sérieux handicap.

Nous nous retrouvons également face au dilemme auquel fait face toutes les oppositions du monde. Devons-nous chercher à nous allier et agglomérer toutes les forces qui ne soutiennent pas la majorité sortante, y compris ceux qui représenteraient un mal bien pire que celui en place ? La tentation de le faire est immense. Déjà que le combat est déséquilibré, alors renoncer à des forces supplémentaires est difficile à accepter. Personnellement, je sais que nous allons perdre, alors je me dis autant le faire avec toute notre intégrité. Nous la garderons globalement, même si on afficherons au final certains soutiens dont on aurait pu franchement se passer.

Tout cela rend difficile dans un premier temps le choix des représentants de la motion au Conseil Fédéral. J’ai déjà décrit cet exercice toujours assez ubuesque. Au PS, le vote des militants détermine simplement le quota attribué à chaque motion. A chaque de ces dernières de détermines, comme elles peuvent, qui occupera les sièges obtenus, sans aucune transparence. Le manque d’union au sein de notre motion se ressent, mais on parvient tout de même à établir une liste acceptée par toutes les forces en présence. Pour ce faire, nous devons convaincre certains d’entre nous de ne pas figurer sur cette liste, contre la promesse qu’ils siégeront au Conseil Fédéral dans le collège des Secrétaires de Section, dont la composition est déterminée dans un second temps. Un de mes camarades proches, jeune, compétent et actif, ne l’accepte que difficilement mais fait tout de même le choix du collectif en acceptant de patienter. Il ne prend pas grand risque alors pense-t-on.

Le débat entre notre candidat et la Secrétaire Fédérale sortante se passe dans une ambiance relativement sereine. Peut-être pas cordiale mais presque. Il faut dire qu’elle ne craint pas grand chose puisqu’elle a réussi à obtenir le soutien de quelques membres de notre motion. De vieux secrétaires de Section (dont celui qui ne voulait rien changer pendant les élections départementales) et une des mandataires de la motion, dont le seul mérite politique, à part réussir à être détestée par tout le monde, est d’avoir un jour réussi à devenir proche de Ségolène Royal, ce qui est suffisant pour imposer sa présence que personne ne souhaite.

Notre sérénité s’explique aussi des assurances que nous avons reçus. Après l’élection, la majorité hamoniste nous promet de travailler avec nous en bonne intelligence et dans le respect. Nous maintenons donc notre ligne, à savoir de défendre nos idées, sans jamais attaquer le camp d’en face. Il y a pourtant à dire. J’avoue qu’à Viroflay, je la joue un peu plus fine. La veille de l’élection, j’envoie à tous mes camarades, en dehors de trois irréductibles soutiens de la majorité sortante, un mail en glissant en pièce-jointe le rapport d’activité de la précédente mandature et celui rédigé pour le Congrès de Reims, en 2008, le dernier témoignant du travail que ma mouvance avait réalisé à la tête de la fédération quand elle l’occupait.

Entre les deux, c’est le jour et la nuit. La majorité sortante ne s’est en effet jamais réellement intéressée à la vie fédérale. Exit toutes les commissions, groupes de travail, journaux d’information, soirées débats organisées précédemment… En envoyant ces mails, je suis saisi d’un peu de nostalgie, mais aussi de fierté en me rappelant pourquoi je défends notre collectif. Au final le stratagème fonctionne, puisque notre candidat fera le plein de voix à Viroflay ! Mon Secrétaire de Section, qui fait partie des irréductibles, m’en tiendra rigueur. Mais j’ai juste profité de l’absence de débat ou échange à l’échelle de la Section, qu’il aurait très bien peu organisé, et du fait n’a pas osé envoyer un message à ses ouailles pour les informer de son choix, comme c’est de tradition pour un Secrétaire de Section. Mais, il est vrai qu’en attendant le dernier moment, pour ne pas lui laisser le temps de réagir, je n’ai pas été totalement fair-play.

La Secrétaire Fédérale est réélue sans surprise. Elle fait plus de 60% des voix, donc pas de repas au Ministère de l’Agriculture pour nous. Mais nous restons fiers de notre campagne et nous apprêtons à continuer à participer sereinement à la vie fédérale. Une très mauvaise surprise nous attend. Les Secrétaires de Section du département sont appelés à se réunir pour valider la liste de leurs représentants au Conseil Fédéral. Naturellement, nous informons la Secrétaire Fédérale du nom des Secrétaires que nous voudrions voir représenter notre motion. Au final, elle n’en tiendra pas compte et soumet aux votes une liste avant les quelques Secrétaires de Section issus de notre motion qu’ils l’ont finalement soutenue. Exit donc notre jeune camarade dynamique pour laisser place à quelques vieux barbons sans intérêt. Au moment de constituer le Secrétariat Fédéral, c’est à dire ceux qui seront chargés d’animer les commissions thématiques de la Fédération, rien ne nous ai proposé, contrairement à ce qui avait été convenu. Bref, les hamonistes nous l’ont fait à l’envers, tout ça pour renforcer leur position de force en vue de la négociation pour la liste des régionales qui allaient commencer quelques semaines plus tard.

Un jour, Benoît Hamon payera cher ses pratiques qui auront profondément abîmé l’appareil militant socialiste, dans l’espoir vain d’en prendre le contrôle. Bizarrement il jouera les meurtris, le jour où, comptant sur nous pour faire campagne pour lui, nous lui avons tourné le dos. On récolte pourtant souvent simplement ce que l’on sème.

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