Si forcément on s’attache à bien des personnages valeureux et courageux prêts à défendre le bien au péril de leur vie, on peut parfois considérer que ce sont les méchants qui donnent vraiment tout leur intérêt à une histoire. Du coup, on se demande ce qu’il y a de plus important pour réussir son scénario. Reste une troisième option qui permet de bénéficier à la fois de l’attachement et de l’apport d’intérêt… celui du anti-héros. Les personnages de Kajillionaire rentrent clairement dans cette catégorie, en version losers qui plus est. Mais la magie du cinéma et le talent de Miranda July feront que l’on finira par les aimer. Pour eux-mêmes, mais aussi parce qu’ils nous permettent de passer un très bon moment dans une salle obscure, plaisir devenu bien trop rare par ces temps qui courent.
Quand on base un film quasiment entièrement sur ses personnages, comme c’est le cas avec Kajillionaire, deux options s’offrent à tout scénariste. Soit il cherche à les rendre immédiatement sympathiques pour permettre au spectateur de rentrer directement dans l’histoire. Soit au contraire, il ne dévoile pas immédiatement leurs meilleurs côtés, pour piquer la curiosité du spectateur. C’est un pari toujours un peu risqué, car rien ne garantit jamais qu’ils parviennent à gagner finalement le coeur de spectateurs partis sur un a priori négatif. Mais Miranda July y parvient parfaitement ici. Aussi parce que le scénario s’assimile ici à un récit d’apprentissage. Les personnages, enfin certains, ne seront pas les mêmes à la fin qu’au début. L’intérêt porté par le spectateur naît du chemin parcouru, dont on se demande où il pourra bien déboucher. Il finit par faire de ce film un « feel good movie » assez savoureux.
Kajillionaire marque les débuts sur grand écran d’Evan Rachel Wood que les fans de la série Westworld connaisse bien… même s’ils auront un peu de mal à la reconnaître. Si on mesure le talent d’une actrice à sa faculté à tenir des rôles très différents, alors elle est promise à un très grand avenir. Le film tient surtout par le duo tout en contraste qu’elle forme avec Gina Rodriguez. Il serait vraiment injuste de saluer la performance de l’une sans l’autre. Elles évoluent sous le regard de Richard Jenkins, que l’âge rend de plus en plus rare à l’écran, mais qu’on est vraiment heureux de retrouver ici. Si on ajoute à ça, une réalisation plutôt élégante de Miranda Joly, on se retrouve plonger dans un univers assez original et poétique, qui fait de ce film une curiosité décalée et sympathique. Il nous livre un regard acide sur la famille, mais plein de tendresse sur les êtres humains. Du sucré/salé comme on les aime.
LA NOTE : 12/20
Fiche technique :
Réalisation et scénario : Miranda July
Direction artistique : Jessica Shorten
Décors : Devynne Lauchner
Costumes : Jennifer Johnson
Photographie : Sebastian Winterø
Montage : Jennifer Vecchiarello
Musique : Emile Mosseri
Durée : 106 minutes
Casting :
Evan Rachel Wood : Old Dolio Dyne
Richard Jenkins : Robert Dyne
Debra Winger : Theresa Dyne
Gina Rodriguez : Melanie Whitacre
Mark Ivanir : Stovik Mann
Rachel Redleaf : Kelli Medford
Da’Vine Joy Randolph : Jenny
Diana Maria Riva : Farida