LA FAMILLE ASADA : La belle famille

La Famille Asada affiche

Chaque année, le palmarès des meilleurs films de l’année comporte son lot de films asiatiques. 2023 n’échappera pas à la règle en nous proposant précocement un petit bijou venu du Japon : la Famille Asada. Un film, qui à l’image de Tempura l’année dernière, comporte plusieurs parties assez différentes. Cette fois cependant, chacune des deux moitiés est d’une qualité égale et nous émeut chacune à sa manière. Deux fois plus de bonheur donc.

Portrait de famille

La première moitié de la Famille Asada est un… portrait de famille. Cela n’étonnera personne vu le titre du film. Mais un portrait aussi tendre que drôle. Avec ce petit rien de décalage qui confère au film toute son originalité et sa personnalité. La seconde moitié nous plonge dans les suites du tsunami ayant déferlé sur la région de Fukishima. Elle nous permet de mieux comprendre l’étendue de ce drame dont nous avons surtout retenu l’incident nucléaire. Un passage moins drôle, mais qui conserve cette infinie tendresse qui nous fait garder le sourire même quand une petite larme vient perler aux paupières.

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MOTOMAMI (Rosalia), AVATARS OF LOVE (Sondre Lerche), BEDROOM WALLS (November Ultra) : Potentiels gâchés

Motomami de Rosalia : Trop inégal

Motomami de RosaliaOn début cet avis par une artiste espagnole, dont le nom de scène est simplement Rosalia. Motomami est son troisième album, sorti en 2022. Sa jolie voix se pose sur des titres entraînants aux accents latinos et hip-hop. Il y a de la conviction et de l’énergie. Le résultat est sympathique parfois, varié toujours. Mais à force de partir dans toutes les directions, de s’essayer à différents style, l’album finit par être très inégal. Les meilleurs titres sont ceux énergique et dansants et ceux qui mettent en valeur sa voix. Dommage qu’elle la déforme sur de nombreux morceaux. Comme les instrumentations sont globalement moyennes, cela finit par faire pas mal de déchet. Dans le même style, on préférera l’album Free as A Bird de Soom T.

Avatars of Love de Sondre Lerche : Potentiel dilué

Avatars of Love de Sondre LercheOn reste en Europe, mais en Norvège cette fois, avec Sondre Lerche et son album Avatars of Love. Il s’ouvre sur sa voix douce se posant sur un air de guitare simple et épuré. Le résultat est séduisant et cela ouvre la curiosité, surtout que l’instrumentation se complexifie peu à peu. Mais on finit par trouver ce titre long. Les autres titres vont suivre le même schéma : séduisant mais s’étirant inutilement sur six à dix minutes. Cela donne un incroyable sentiment de gâchis. Le talent et le potentiel sont énormes, mais le tout se dilue de manière très regrettable.

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I’M NOT SORRY, I WAS JUST BEING ME (King Hannah), LIMBS (Keeley Forsyth), MAMA FORGOT HER NAME WAS MIRACLE (Melissa Laveaux) : Lâcher la voix

I’m not Sorry, I was just Being Me (King Hannah) : Sans ruptures

I'm not sorry, I was just being me de King HannahKing Hannah est un duo originaire de Liverpool. Leur premier album, I’m not Sorry, I Was Just Being Me est sorti en 2022. Ils nous plongent dans une ambiance sombre, mais rock. Leur musique est lente et envoûtante, nous faisant penser à un mélange de PJ Harvey et de Garbage. On peut trouver ça hypnotique ou monocorde, question de point de vue. On peut dans tous les cas regretter le manque de ruptures de rythme. Un album solide sur une ligne qui peut plaire ou déplaire, mais qui peut surtout lasser un peu vite.

Limbs (Keeley Forsyth) : Potentiel sous-exploité

Limb de Keeley ForsythKeeley Forsyth est une actrice qui apparaît régulièrement dans les séries anglaises. Mais elle est aussi chanteuse à ses heures perdues et Limbs est son deuxième album. On apprécie d’emblée sa voix, quasi a capela, ou du moins qui se pose sur une fond musical léger. Cela constitue une entrée en matière assez douce pour pénétrer dans son univers éthéré. Malheureusement, l’attention de l’auditeur n’a pas grand-chose sur laquelle s’attacher. La musique reste presque toujours sur le même mode. Le potentiel de sa voix apparaît sous-exploité, toujours en-dedans. Et on peut trouver ça vraiment dommage.

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LIFE ON EARTH (Hurray for the Riff Raff), PAINLESS (Ninüfer YaNya), LUCIFER ON SOFA (Spoon) : Bons classiques

Life on Earth de Hurray for the Riff Raff : Suivre la voix

Life on Earth de Hurray for the Riff RaffOn commence avec le groupe américain Hurray for the Riff Raff, dont j’avais déjà apprécié l’album the Navigator en 2017. Ils sont de retour en 2022 avec Life on Earth. On y retrouve la voix envoûtante de Alynda Segarra, incontestablement le point le plus fort du groupe. Elle se pose sur un son pop rock classique mais efficace. Ils font preuve de maîtrise et de conviction. Les titres s’enchaînent avec une qualité constante, tout en offrant une certaine variété. On regrettera simplement qu’aucun d’entre eux ne sorte réellement du lot.

Painless de Ninüfer Yanya

Painless de Nilüfer YanyaNilüfer Yanya est une artiste britannique aux origines turquo-irlandaise. Painless est son deuxième album. Elle nous y propose un rock dynamique. Elle mord dans ses titres. D’ailleurs, les passages plus calmes sont nettement plus ordinaires. Elle affiche le minimum de personnalité requis pour valoir le détour, conjugué à une réelle maîtrise et des instrumentations mélodiques et propres. Malheureusement, un petit côté évaporé prend progressivement le dessus et nous offre une fin d’album nettement moins convaincante.

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R.M.N. : 50 nuances de gris

R.M.N. affiche

Dans un monde où la vision manichéenne prend de plus en plus de place, il est bon de se confronter à des propos qui renvoient tout le monde dos à dos, où du moins chacun à ses propres travers. R.M.N. est le nouveau film du réalisateur roumain Cristian Mungiu, récompensé par la Palme d’Or à Cannes en 2007 pour 4 Mois, 2 Semaines, 2 Jours. Si c’est le Suédois Ruben Östlund et son Sans Filtre qui a eu droit à une deuxième consécration sur la Croisette, on peut s’étonner que le Roumain soit reparti sans le moindre prix. Avec ce film, le réalisateur livre une vision sans grande concession de ses compatriotes, du racisme qui les habite, de leur absence d’empathie ou de conscience des enjeux écologiques. Mais sa vision de ceux prompts à leur faire la leçon n’en est pas moins cinglante. Un match nul salutaire.

Cinglante ironie

Ceux qui ont vu 4 Mois, 2 Semaines, 2 Jours ne s’imaginent pas vraiment son auteur signer un jour des films légers et drôles. Ce n’est effectivement toujours pas le cas avec R.M.N. Le film est cependant parcouru d’une ironie cinglante qui peut faire sourire parfois. Il tourne en ridicule les indignations hypocrites de ceux qui ne cherchent qu’à cacher leur égoïsme et leur bêtise. Mais comme tout le monde en prend pour son grade, on en vient à se demander si on n’aurait pas pu nous aussi être dépeint avec le même mordant par Cristian Mungiu. Cela rend les choses un peu moins amusante d’un coup, mais cela donne beaucoup à réfléchir.

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NOVEMBRE : Le feu de l’action

Novembre affiche

Les attentats du 13 novembre auront mis quelques années à venir hanter le cinéma français. Mais ces dernières semaines, ils se trouvent au centre de deux longs métrages mais de manière très différente. Tout d’abord, Revoir Paris nous avait raconté le parcours difficile des survivants. Cette fois-ci, Novembre nous fait marcher sur les traces de ceux qui ont traqué les terroristes en fuite, notamment le cerveau de l’opération. Le tout se terminera dans l’explosion d’un appartement à Saint-Denis 5 jours plus tard. Le film est d’une redoutable efficacité mais pose la question de la manière dont on peut faire revivre de tels événements.

Efficacité bien placée ?

Il est possible de ressentir un léger malaise devant la première partie de Novembre. En effet, il épouse tous les codes de la réalisation d’un film d’action et s’apparente à du grand spectacle. Le sujet n’appelle évidemment pas à nous proposer un pur divertissement. La suite nous rend plus à l’aise, quand la dimension humaine du scénario prend le pas. Mais jusqu’au bout, on retrouve le souci d’une certaine efficacité dans la réalisation et une dimension thriller que l’on peut juger malvenue. Si le film peut provoquer une vraie émotion, c’est par son aspect reconstitution méticuleuse, incluant dès que possible de vraies images. Ceci peut facilement nous renvoyer avec force à la manière dont nous avons nous-mêmes vécu ces quelques jours qui a profondément bouleversé notre pays.

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LA PAGE BLANCHE : Le changement, c’est maintenant !

La Page Blanche

Qui n’a jamais rêvé à un moment ou à un autre de pouvoir refaire sa vie à partir d’une page blanche ? De pouvoir tout remettre en question, réécrire sa vie comme on l’entend. C’est la question au centre de la Page Blanche (titre pertinent donc), une jolie fable humoristique sur fond d’amnésie. Une comédie un rien philosophique, portée par la magnifique Sara Giraudeau. Même si la réponse à la question initiale est non, vous pourrez tout de même apprécier pleinement ce film plein de fraîcheur et de légèreté. Donc aucune raison de se priver.

Jeu de piste

La Page Blanche est un film tourné presque entièrement vers un seul personnage. Mais peut on parler de film portrait quand le point de départ est justement que ce personnage ne se rappelle plus qui elle est ? Va s’en suivre un jeu de piste que l’on suit avec un certain enthousiasme. Cet aspect de l’histoire lui donne son épaisseur scénaristique. L’histoire ne se limite donc pas aux interrogations métaphysiques qui torturent les protagonistes. Le récit est vivant, ponctué de traits d’humour qui font mouche. A force d’être léger cependant, il manque tout de même quelque peu de profondeur pour devenir vraiment inoubliable.

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AS BESTAS : Féroce !

As Bestas affiche

Comment ai-je pu me trouver à deux doigts d’oublier de vous livrer la critique d‘As Bestas. En effet, c’est en voyant l’affiche au cinéma il y a quelques jours que j’ai réalisé que dans ma volonté de rattraper mon retard, j’avais tout simplement zappé un des meilleurs films de l’année. Pourtant, il n’y a pas plus grand plaisir pour un critique, même aussi amateur que moi, que de mettre des mots sur son enthousiasme ! Même si, j’avoue, les proses concernant les navets sont aussi particulièrement jouissives à écrire. Bref, nous sommes là devant un beau et grand film.

Noire psyché

Qu’il s’agisse d’un film noir, mais très axé sur l’exploration de la psyché des personnages, ne surprendra pas ceux qui connaissent déjà l’œuvre de Rodrigo Sorogoyen. As Bestas prend naturellement sa place dans sa filmographie de Que Dios Nos Perdone, El Reino ou Madre. Mais en termes de qualité pure, ce film est clairement un cran au-dessus. Le scénario est remarquablement écrit, parcouru d’une tension constante, que les rebondissements ne viendront jamais casser bien au contraire. Chaque élément vient relancer l’intrigue pour pousser le spectateur toujours un peu plus profondément dans le film. On en ressort à la fois ravi d’avoir assisté à un tel spectacle, mais presque soulagé qu’une expérience aussi intense s’achève pour nous laisser souffler.

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BUZZ L’ÉCLAIR : Vers l’infini mais guère au-delà

Buzz l'Eclair affiche

Les producteurs ont inventé la notion de suite et de franchise à peu près en même temps que le cinéma. Mais leur imagination a fini par faire naître d’autres idées pour exploiter au maximum un personnage ou un concept à succès. Sequel, prequel, spin-off, séries… Nos écrans sont remplis de dérivés de ce type. Pour le pire souvent, mais aussi parfois pour le meilleur. Buzz l’Éclair est à ranger dans la catégorie des spin-off. Mais un spin-off plutôt malin dans son lien avec la franchise originale, à savoir Toy Story, dont les 4 épisodes nous ont enchanté depuis bientôt 20 ans. Le résultat n’est pas tout à la hauteur du reste, mais assez réussi et surtout différent pour valoir un petit détour.

Buzz a le rythme

Buzz l’Eclair ne se situe pas dans l’univers de Toy Story. Il est le film dont le jouet Buzz l’Éclair est supposé être tiré. Il s’agit donc d’un vrai film d’aventure de science-fiction, sans lien avec notre réalité ou les personnages de la franchise, du moins sous forme de jouet. Cela pourra déstabiliser les plus petits, mais le film n’est clairement pas pensé uniquement pour eux. Les amoureux de Toy Story ont quelque peu grandi depuis 1995 et ils sont donc demandeurs d’un peu de complexité. Le scénario ici n’est pas celui d’Inception ou d’Interstellar, mais on y retrouve une notion de paradoxe temporel notamment. Bref, c’est divertissant, plutôt rythmé, propose quelques bonnes surprises, même si cela manque un peu d’audace. Mais on se vide la tête et on passe un bon moment.

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EL BUEN PATRON : Le bon Javier

Certains acteurs sont spécialistes des transformations physiques d’un film à l’autre. On pense notamment à Russell Crowe ou Johnny Depp. Javier Bardem est également pas mal dans son genre. La preuve avec El Buen Patrón où il incarne un chef d’entreprise d’un certain âge et bedonnant. On est loin du Javier Bardem d’une sensualité absolue de Vicky Cristina Barcelona ou même d’Everybody Knows, pour prendre un exemple plus récent. Mais ce qu’il y a de formidable avec un tel talent, c’est qu’il reste intact quelle que soit l’enveloppe qui le véhicule. Grâce à lui, le film nous offre un moment cinématographique particulièrement réjouissant.

Un portrait satyrique

El Buen Patrón est un portrait satyrique. Celui d’un homme aux défauts à première vue véniels, mais qui vont peu à peu prendre des proportions démesurées, quand les événements semblent se liguer contre lui. Il finira par commettre les pires horreurs pour un motif dont le dénouement soulignera la futilité. Le ton est résolument celui de l’humour et de la dérision, version acide particulièrement corrosif. Le spectateur devrait objectivement détester ce personnage, mais la magie du second degré (et le talent de l’acteur évidemment) fait naître un attachement et, avouons le, un plaisir sadique de le voir s’enfoncer toujours un peu plus.

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