LES PROMESSES DE L’OMBRE : Sombre, si sombre

lespromessesdelombreafficheDavid Cronenberg n’a pas pour l’habitude de réaliser de gentilles comédies romantiques ou de charmantes petites bleuettes… Pourtant, à côté de la noirceur des Promesses de l’Ombre, une partie de sa filmographie pourrait se ranger aux côtés de la Mélodie du Bonheur.

Bon, j’exagère un tantinet, mais Les Promesses de l’Ombre est un film noir, profondément noir, extrêmement noir… Pendant longtemps, les films de David Cronenberg ont été rangés dans le malsain, le bizarre et l’étrange. Son univers n’était pas toujours facile à pénétrer, à l’instar de celui de David Lynch, et une bonne part de la force du message se perdait dans la bizarrerie qui pouvait parfois même prêter à sourire. Ainsi, si j’ai adoré Existenz, je m’étais profondément ennuyé devant Crash et avait vu Faux-semblants et Spider avec un intérêt qui tenait plus de la curiosité que de l’enthousiasme.

Mais tous reconnaissaient un réel talent cinématographique, notamment au niveau de la photographie et de le direction d’acteurs. Et en délaissant enfin ses obsessions sur le corps, ses transformations et autres mutilations, David Cronenberg a rejoint le rang des grands réalisateur unanimement salué aussi bien par la critique que par les spectateurs. Son précédent film, History of Violence, avait été une première étape, Les Promesses de l’Ombre constitue une éclatante confirmation.

Ce film raconte l’histoire d’Anna, infirmière londonienne, qui assiste à l’accouchement d’une femme inconnue qui meurt en couches. Elle n’a sur elle que son journal, écrit en russe, et la carte d’un restaurant. A partir de ces éléments, Anna va tenter de retrouver la famille de l’enfant. Mais la mère était une prostituée exploitée par la mafia russe locale. Or, le fameux journal raconte les tortures qu’elle a subit et donne le nom de ses tortionnaires. Les mafieux russes, sous leurs airs policés, vont alors tenter de remettre la main sur le carnet… de gré ou de force.

Les Promesses de l’Ombre est bien plus riche que ne le laisse penser son synopsis de film noir classique. Si par certains aspects, le film peut rappeler les classiques du genres des années 50-60, vous n’y verrez pas des hommes en imperméable se tirer gentiment dessus sans qu’une goutte de sang de coule. Dans les Promesses de l’Ombre, la violence y est crue, terriblement réaliste et secoue bien fort le spectateur dans son fauteuil. Mais elle n’est jamais gratuite, le réalisateur ne s’y attarde pas, ce n’est pas un film d’action où Bruce Willis flingue à tout va. Non, on assiste à des éclairs de violence peu nombreux et brefs, mais d’une force incroyable et qui marquent durablement.

lespromessesdelombreMais Les Promesses de l’Ombre, c’est surtout une étude très profonde de ses personnages. Le film n’est jamais manichéen et les personnages sont souvent pas bien plus complexes que ce que l’on croit au premier abord. Certes, certains sont des monstres, de terribles monstres, mais le film montre également leur humanité. Le choc n’en est que plus fort, la monstruosité d’autant plus dérangeante, surtout que jamais le film ne donne d’excuses aux exactions commises par les personnages.

Comme je l’ai dit plus haut, David Cronenberg est un des maîtres de la direction d’acteurs. Et pour Les Promesses de l’Ombre, il a rassemblé un quatuor d’acteurs qui livrent ici une performance rare. L’osmose entre le réalisateur et son casting est saisissant et contribue énormément à la réussite de ce film.

Honneur aux dames, avec Naomi Watts. A l’instar de Jodie Foster, elle n’a jamais choisi des rôles faciles ou inintéressants. A 40 ans, son talent atteint ici sa plénitude, dans ce rôle de femme à la fois forte et fragile, qui fait face à une situation qui la dépasse mais face à laquelle elle refuse de baisser les bras. Elle joue juste et apporte une bonne part de sa crédibilité au film.

Armin Mueller-Stahl est un acteur allemand que l’on avait plutôt l’habitude de voir dans des séries B. Il tient ici un rôle clé, qu’il interprète avec le plus grand des talents. Il est parfait aussi bien dans la froideur monstrueuse que dans la bonhomie de grand-père paisible. Il passe de l’un à l’autre avec la même réussite et contribue fortement à la noirceur dérangeante de ce film.

Pour une des premières fois de mon existence, je vais dire du bien de Vincent Cassel. Certes, il est peut-être le seul du casting à en faire un tout petit peu trop, mais c’est très léger. Et puis cela est aussi de la nature de son personnage, gangster chien fou, frôlant souvent l’hystérie. Le contraste avec la froideur et le calme effrayants de son père est saisissant et met en exergue le caractère de chacun de ces deux personnages et, par la même occasion, le malaise qu’ils provoquent chez le spectateur.

Enfin, le meilleur pour la fin… Et quand je dis, le meilleur, le mot est faible. Déjà fantastique dans History of Violence, Viggo Mortensen est ici littéralement fabuleux. En dire trop sur son personnage serait un crime, tant c’est lui, avec son évolution, ses surprises et ses contradictions, qui porte le film sur ses épaules. Comment le cinéma a-t-il pu ignorer un tel talent aussi longtemps ? Tous les amateurs de cinéma ne peuvent que remercier Peter Jackson encore et encore pour en avoir fait son Aragorn. Dans Les Promesses de l’Ombre, il livre un des scènes les plus fantastiques de l’histoire du cinéma… une scène dans un sauna qu’il interprète entièrement nu… Ah là, je vois les yeux de mon lectorat féminin qui s’allument…

Plus sérieusement, à l’heure de bilans et des rétrospectives de cette fin d’année, on peut attribuer aux Promesses de l’Ombre le titre tout à fait mérité de meilleur film de l’année.

Fiche technique :
Production : Eastern promises films ltd, Serendipity Point Films, BBC Films, Focus features, Kudos, Scion films
Distribution : Metropolitan film export
Réalisation : David Cronenberg
Scénario : Steve Knight
Montage : Ronald Sanders
Photo : Peter Suschitzky
Format : 1.85 ; Dolby SR SRD DTS
Décors : Carol Spier
Musique : Howard Shore
Durée : 100 mn

Casting :
Viggo Mortensen : Nikolaï
Naomi Watts : Anna
Vincent Cassel : Kirill
Arlin Mueller-Stahl : Semyon
Sinead Cusack : Helen
Jerzy Skolimowski : Stepan

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