Il devait être le film évènement de cet été et The Dark Night, le Chevalier Noir n’a déçu ni les fans, ni les critiques qui l’ont unanimement salué, alors qu’ils avaient accueilli plus que fraîchement Batman Begins, l’épisode précédent de la nouvelle franchise Batman. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les auteurs n’ont pas hésité à prendre des risques puisqu’ils ont repris dans le rôle du méchant, le Joker, qui avait été si magnifiquement interprété par Jack Nicholson, il y’a vingt ans, dans le premier Batman de Tim Burton.
Faire mieux que ce dernier ? Cela aurait été difficile si le personnage et le film étaient restés sur le même registre. The Dark Night n’est en rien un remake, c’est une vision différente du mythe de l’homme chauve-souris et de son plus coriace ennemi. Et cette vision est d’un remarquable intérêt aussi bien artistique que narratif. En tout cas, on ne pourra pas reprocher à ce film de s’être contenté de chercher à vider le porte-feuille des fans mais, au contraire, de chercher à attirer tous les amateurs de bon, de très bon cinéma.
Le Gotham City de Cristopher Nolan ne ressemble en rien à celui de Tim Burton. Ici, pas de délires gothiques et de décors grandioses, mais une ville qui ressemble comme deux gouttes d’eau au New York actuel. Enfin, à la fois, Gotham City, c’est justement le surnom de NYC. De manière générale, The Dark Night se veut un récit qui intègre des problématiques de société très actuelles, concernant la gestion de la violence et de la criminalité. Evidemment, dans le monde réel, personne ne se ballade la nuit en costume en cuir… Enfin si plein de gens, mais pas pour pourchasser la grande criminalité. Alors disons que ce film nous livre l’image de notre monde réel dans lequel Batman existerait et pas pour fréquenter des boîtes sado-maso.
Le Joker interprété par le regretté Heath Ledger ne ressemble en rien à celui légendaire joué par Jack Nicholson. Moins délirant, plus sombre, plus sadique, plus inquiétant, plus terrifiant, ce rôle marquera également l’histoire du cinéma. D’ailleurs, s’il y’a un point commun entre les deux versions du Joker, c’est que dans les deux cas, il représente, et de loin, la grande star du film. Si Christian Bale est peut-être moins transparent que Michael Keaton à l’époque, ils sont tous deux nettement en retrait par rapport à leur ennemi, dont le charisme irradie tout au long de chacun des deux films. Heath Ledger sera donc décédé à l’aube d’une formidable carrière car le talent dont il fait preuve ici n’a rien à envier à celui dont fait preuve son prédécesseur dans ses plus grands rôles.
En fait, la seule vraie ressemblance entre les deux films se situe au niveau du personnage de notre héros masqué en lui-même. Personnage torturé, se posant moult questions sur sa place dans ce bas monde, il ne ressemble en rien à un héros sûr de lui et confiant dans la justesse de son combat. Mais encore une fois, il manque quelque peu d’épaisseur et ses interrogations existentielles ressemblent un peu à une tentative désespérée de lui donner de la consistance. En plus dans les deux cas, l’acteur qui l’interprète offre une prestation un tout petit peu fade.
Mais la grande force de The Dark Night est son intrigue, nettement plus complexe que celle du Batman de Tim Burton. Il nous plonge au cœur de la pègre de Gotham qui vit des jours difficiles depuis l’apparition simultanée du héros ailé et de Harvey Dent, le nouveau procureur qui affiche une volonté farouche de combattre le crime. Ils s’en inquiètent avant qu’un inquiétant personnage, le Joker, leur propose de régler tous leurs problèmes en assassinant Batman. Mais son caractère sadique et déjanté ne les pousse pas lui faire confiance. Il décide alors de mettre Gotham à feu et à sang pour pousser la pègre à lui remettre la moitié de sa fortune… mais aussi et surtout pour le plaisir…
Les intrigues secondaires se croisent et se recoupent, les rebondissements sont nombreux, bref The Dark Night n’est en rien une collection de scènes d’actions dénuées de tout fil conducteur . C’est une vraie histoire au dénouement qui en surprendra plus d’un et qui maintient la tension jusqu’au bout. L’histoire est particulièrement prenante. Le personnage du Joker inquiète et fascine, créant à la fois une sensation de malaise et une impatience de le revoir à l’écran. On pourra toujours discuter de la morale parfois limite véhiculée par ce film, mais elle n’est pas assez omniprésente pour que cela soit réellement gênant. Autre petit défaut peut-être : le film n’est pas totalement exempt de quelques longueurs, mais, là aussi, rien de vraiment notable.
The Dark Night est évidemment également un film d’action… Et qui dit film d’action, dit scènes d’action… Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elles sont réussies. Intensité, grand spectacle, réussite technique, tout y est ! Vus les moyens déployés, on peut considérer que c’était la moindre des choses, mais fallait-il encore le faire. Surtout, que toutes ces scènes ne cèdent jamais à la tentation du délire pyrotechnique et reste centrée sur l’affrontement entre les personnages. Il aurait été dommage que la performance si remarquable de Heath Ledger ait été mise au second plan par une pluie d’effets visuels.
The Dark Night a donc répondu à toutes les attentes qu’il avait suscitées. Personnellement, je préfère encore la vision de Tim Burton du mythe, mais cette nouvelle version ravira tout de même une large majorité de cinéphiles.
Fiche technique :
Production : Warner Bros Pictures, legendary Pictures, DC Comics, Syncopy
Distribution : Warner Bros France
Réalisation : Christopher Nolan
Scénario : Christopher Nolan, Jonathan Nolan, d’après l’histoire de David Goyer et les personnages de Bob Kane
Montage : Lee Smith
Photo : Wally Pfister
Format : 2.35:1, Digital Intermediate, Imax, Panavision
Décors : Nathan Crowley
Musique : James Newton Howard, Hans Zimmer
Effets spéciaux : BUF, Double Negative
Durée : 152 mn
Casting :
Christian Bale : Bruce Wayne, Batman
Heath Ledger : The Joker
Aaron Eckhart : Harvey Dent
Michael Caine : Alfred
Maggie Gyllenhaal : Rachel Dawes
Gary Oldman : Gordon
Morgan Freeman : Lucius Fox
Monique Curnen : Det. Ramirez
Cillian Murphy : Scarecrow
Eric Roberts : Salvatore Maroni