LES CHOUANS (Balzac) : Balzac avant Balzac

leschouansMême les grands hommes ont été jeunes, Honoré de Balzac également. Lorsqu’il commence à écrire, il veut devenir le Walter Scott (l’auteur d’Ivanhoé) français. Il espère y parvenir en publiant, à tout juste 30 ans, Les Chouans. Il est alors loin de se douter qu’il deviendra l’auteur d’une des plus grandes entreprises littéraires jamais entreprises, celle de la Comédie Humaine.

En 1799, alors que Napoléon s’apprête à prendre le pouvoir, les troubles reprennent en Vendée et en Bretagne, malgré la mort de Charrette trois ans plutôt. Les royalistes et les catholiques ne désespèrent de rétablir l’ancienne monarchie de droit divin. A leur tête, un nouveau leader, surnommé Le Gars. Pour l’arrêter, Fouché, ministre de la police, recrute une jeune femme aux origines douteuses qui se rend en Bretagne en se faisant passer pour l’héritière de la Madame de Verneuil. Si la rencontre des deux personnages aura bien lieu, et de manière fortuite, le jeu de séduction prend un tournant inattendu. Les deux ennemis tombent éperdument amoureux l’un de l’autre.

Si Les Chouans peut paraître un sympathique roman d’aventures-amour, il faut bien replacer le livre dans son contexte historique. Balzac situe son intrigue au cœur d’évènements dont les échos résonnaient encore à l’époque. Un peu comme lorsque l’on parle de la Guerre d’Algérie aujourd’hui. Bref, le fond n’est pas si léger qu’il n’y paraît et l’auteur avait faire preuve pour le coup d’une vraie audace littéraire.

Cependant, il est vrai que près de deux siècles plus tard, ces considérations tiennent plutôt de l’anecdote et n’influent guère sur la perception, et le plaisir, que l’on peut avoir en parcourant Les Chouans. C’est écrit comme du Balzac, autant dire avec une plume un tantinet habile (c’est un euphémisme), mais encore emplit d’un enthousiasme qui accompagne la jeunesse ! Bah oui, à 30 ans, on n’est encore très jeune, non mais ! On savourera en particulier des dialogues magnifiques à l’écrit, mais totalement improbables. Les lires à haute voix nous permet de très vite de nous rendre compte qu’aucun humain normalement constitué, même en 1799, n’aurait prononcé de telles paroles dans le feu de l’action.

Mais franchement, ça n’a strictement aucune importance. La magnificence de l’écriture se suffit à elle-même. Les Chouans sont encore emplis d’une grande naïveté, qui disparaîtra chez Balzac avec la maturité, mais le génie littéraire est lui déjà là. On sent bien sa volonté de recréer le charme des romans d’aventures anglo-saxons. Il n’a pas encore le style et le ton qui feront son succès. Du coup, même si ce roman fut ensuite intégré dans la Comédie Humaine, il est un peu à part dans la carrière de Balzac.

Les Chouans n’est donc pas le meilleur roman d’aventures de l’histoire, ni l’œuvre la plus magistrale de Balzac. Mais il n’en reste pas moins un grand et vrai moment de littérature, somme toute assez léger et divertissant, avec de l’action, des rebondissements et de la passion, le tout avec un style et une exaltation romantique qui n’appartient qu’au XIXème siècle. Les amateurs de Balzac apprécieront forcément, mais aussi certains dont le cœur penche plus vers Alexandre Dumas.

Les Chouans sont donc peut-être une œuvre de jeunesse, avec les défauts qui vont avec, mais il y’en a certains chez qui le génie est précoce. Balzac est de ceux-là.

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