LE TAILLEUR DE PANAMA (John le Carré) : Manipule-moi si tu peux !

letailleurdepanamaJ’ai découvert, il y’a bien longtemps déjà, John Le Carré en lisant son plus célèbre roman, l’Espion qui Venait du Froid et il est vrai que je l’avais plus qu’apprécié. Plus tard, je me suis attaqué à Un Pur Espion et Comme un Collégien, deux romans assez difficiles d’accès, à l’écriture puissante mais si dense qu’on y avance avec peine. J’avais donc une légère appréhension en attaquant Le Tailleur de Panama. Mais puisque j’avais déjà vu l’adaptation cinématographique, je savais que le ton y était un peu plus léger qu’à l’habitude. Enfin un peu…

Andrew Osnard est un espion britannique chargé de surveiller l’évolution de la situation politique au Panama. Et quel meilleur contact que Harry Pendel, le tailleur chez qui toute l’élite du pays vient se faire faire un costume sur mesure ? Surtout lorsque ce dernier a quelques problèmes d’argent. Mais, il va vite avoir tendance à broder aussi bien ses renseignements qu’il coud ses vestes.

Si ce synopsis vous fait penser à l’inoubliable Notre Agent à la Havane, avec Alec Guiness, rassurez-vous, cette parenté est assumée, puisque John Le Carré dit avoir eu l’idée du livre depuis le jour où il a vu ce film. Mais si le film de Carol Reed est une vraie comédie, Le Tailleur de Panama est lui sur un ton…disons contrasté. La situation est porteuse d’un vrai potentiel burlesque, mais on sent bien que l’auteur n’est pas ici dans son domaine et a bien du mal à l’exploiter totalement. Roman d’espionnage ou parodie de roman d’espionnage, la plume balance pour finalement pencher sur la fin vers un ton plus grave. On ne se refait pas…

L’écriture de John le Carré conserve ici toute sa force. Mais dans Le Tailleur de Panama, elle gagne surtout en clarté. Dans ce roman, on ne passe pas deux cents pages à essayer de comprendre qui est qui… C’est un vrai changement par rapport à pas mal de ses œuvres. Honnêtement, j’ai pris ça pour un progrès, même si du coup, ce livre est moins « typique » du style de l’auteur, plus classique et moins original. Mais rentrer vraiment dans une histoire dès son commencement facilite largement l’attachement que l’on peut porter aux personnages et à l’histoire en général.

Le Tailleur de Panama est donc un John Le Carré largement accessible. L’hésitation entre deux tons tout au long du récit ne pose pas forcément un problème, même si cela constitue sûrement la plus grande limite de ce roman. En choisir un pour de bon lui aurait peut-être permis d’y mettre la petite étincelle qui en aurait fait un grand roman. Il n’en reste pas moins qu’on est là face à un très bon roman, porté par une plume d’une personnalité rare.

Le couple Harry Pendel – Andrew Osnard est savoureux et cette réussite explique en grande partie le succès du Tailleur de Panama. Entre le tailleur mythomane et l’espion trop sûr de lui, le duel semble trop déséquilibré, mais très vite on ne sait plus très bien qui manipule vraiment l’autre. C’est là que repose tout l’intérêt de l’intrigue et cet aspect est parfaitement maîtrisé par John Le Carré, qui n’est quand même pas le premier auteur venu. Le récit est cependant largement centré sur le personnage d’Harry Pendel dont on partage de très près les états d’âme. Le tout conduira à un dénouement auquel on ne s’attend pas forcément, même si, personnellement, je n’ai pas trouvé que la fin soit tout à fait au même niveau que le reste du roman.

Le Tailleur de Panama est donc un bon bouquin, pour une fois très accessible, d’un grand auteur. Un roman d’espionnage, loin des clichés à la James Bond, qui vous fera naviguer entre humour, exotisme et manipulations.

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