LE MOINEAU DE DIEU (Mary Doria Russell) : Péché au dénouement

lemoineaudedieuParfois les premières pages d’un roman font naître chez le lecteur une très forte attente, surtout quand l’auteur se fait un malin plaisir à nous faire entrapercevoir le dénouement sans que l’on comprenne bien de quoi il s’agit et surtout comment on en est arrivé là. La technique du flash-back est très classique, mais constitue une arme à double tranchant car il faut alors être à la hauteur des espérances que l’on a fait naître chez le lecteur. Mary Doria Russell s’y est essayé avec Le Moineau de Dieu, mais sans réellement échouer, elle n’a pas pleinement réussi.

En 2059 le Père Sandoz est rapatrié sur Terre. Il est le dernier survivant d’une mission jésuite parti 40 ans plus tôt, dans le plus grand secret, vers la planète Rakhat , établissant ainsi le premier contact entre l’humanité et une civilisation extra-terrestre. Il est en revient affreusement mutilé et surtout profondément traumatisé. Sur Terre, on ne connaît que quelques bribes de son histoire. Mais il refuse de se livrer et de se justifier de la mort de ses compagnons.

Le Moineau de Dieu souffre d’un défaut qui n’en est pas tout à fait un et qui conduit à porter un regard injuste sur ce roman. En effet, la première partie est tellement captivante que l’on ne peut qu’être déçu par les dernières pages. Mary Doria Russell fait tout pour que notre imagination travaille à plein, elle nous pousse à dévorer l’intrigue pages après pages en quête des réponses aux questions qui nous brûlent. On veut savoir le fin mot de l’histoire avec une avidité qui ne fait que grandir.

Mais voilà, les pages défilent et défilent encore. On se retrouve vite tout près de la fin du Moineau de Dieu et on se dit qu’il ne reste que trop peu de chapitres pour que tous les évènements dramatiques que l’on a imaginés se produisent. Ils finissent bien par survenir mais avec une certaine précipitation réellement frustrante. On aurait vraiment aimé que Mary Doria Russel prenne le temps de faire plonger l’histoire vers le drame de manière moins soudaine et brutale. On ressort donc de ce livre frustré et c’est réellement dommage.

Encore une fois, cette critique est peut-être injuste car si on reconnaît un livre de qualité à sa capacité à faire tenir le lecteur en haleine, alors le Moineau de Dieu est de tout premier ordre. Il est vrai que j’attendais toujours avec impatience de m’y replonger et la légère frustration finale ne doit pas faire oublier le vrai bonheur littéraire des pages précédentes. Conclure une intrigue est toujours le plus difficile et sa réussite distingue les grands des très bons livres. Ce roman ne restera donc qu’au rang de très bon livre. C’est déjà pas mal !

Il est à noter que Le Moineau de Dieu serait plus à ranger dans le rayon « romans d’aventures » plutôt que « science-fiction ». Bien sûr la confrontation avec une civilisation extra-terrestre est un sujet classique de ce dernier genre, mais les allergiques aux vaisseaux spatiaux et autres rayons laser ne seront pas du tout découragés. La confrontation entre les deux mondes est avant tout culturelle et très peu technologique. Mary Doria Russel ne s’intéresse guère aux objets, mais aux rapports « humains », aux traditions et aux organisations sociétales.  

Le Moineau de Dieu aurait presque pu prétendre au rang de petit chef d’œuvre de la littérature « fantastique ». Il restera néanmoins comme une œuvre fascinante, au ton original, mais qui n’a pas su prendre une autre dimension par un dénouement inoubliable.

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