MORT, OU EST TA VICTOIRE ? (Daniel-Rops) : Chemin tortueux

mortouesttavictoireDans la bibliothèque de la maison de campagne familiale, se trouvent un certain nombre de livres ayant marqué la jeunesse de ma mère. Autant vous dire qu’ils ne correspondent pas vraiment à mes lectures habituelles, mais j’aime bien y piocher à l’occasion. Il s’agit le plus souvent de romans de la collection Livre de Poche, première édition, qui ne possédaient pas alors de quatrième de couverture. Si je décide d’en lire un, je le fais alors à l’aveugle. Ce fut le cas pour Mort, Où Est Ta Victoire ? de Daniel-Rops.

Laure est une jeune fille orpheline et habite chez les Detérieux, une famille bourgeoise de province. Le fils de la maison, Thierry, est amoureux d’elle, mais ses sentiments ne sont pas partagés. Il se décide alors à la faire chanter quand il met la main sur des lettres ambigües qu’elle a échangées avec Pia, la sœur de Thiery. Après un ultime refus, le jeune homme livre ces missives à son père. Ce dernier furieux menace Laure et tente de la violer. Elle n’a alors d’autre choix que de s’enfuir.

Mort, Où Est Ta Victoire ? est une sorte de roman d’apprentissage, mais qui s’étire de l’adolescence à l’aube de la vieillesse. Plus qu’un portrait ou une suite de péripéties, ce roman nous propose avant tout la description d’un processus. Celui de la recherche du bonheur et de l’affirmation de soi, dans une société où les apparences et les conventions sociales broient les aspirations profondes des individus. Daniel-Rops parcourt les époques de la fin du XIXème à la guerre de 14-18 et nous dresse le portrait d’un univers où la frustration règne en maître.

Mort, Où Est Ta Victoire ? nous propose un mélange assez étrange, qui brouille quelque peu le propos. Daniel-Rops a été à la fois un fervent catholique et le fondateur d’un mouvement politique, l’Ordre Nouveau, iconoclaste, voulant dépasser les querelles entre idéologies. Dans ce roman, il nous présente d’un côté un personnage principal qui lutte pour son émancipation, son droit à la liberté et à l’amour. Mais de l’autre, le récit est également parcouru d’une morale chrétienne, assimilant parfois le bonheur à une forme d’orgueil. Laure est au centre de ces déchirements, mais il est difficile de savoir ce qui l’emporte et quel message l’auteur a cherché à faire passer.

Mort, Où Est Ta Victoire ? a été publié en 1934, dans un contexte historique lourd. Bien sûr, l’intrigue se situe à une autre époque, mais les allusions politiques qui pointent ça et là dans le roman (comme l’évocation du vote de la loi de 1905 sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat) sont sûrement nées des préoccupations de l’auteur au moment de son écriture. Mais encore une fois, on a bien du mal à saisir le sens profond que Daniel-Rops a cherché à donner à son récit.

Reste donc l’intrigue de base, le parcours quelque peu chaotique de cette femme. Il est vrai que dans ce domaine, Mort, Où Est Ta Victoire ? est quelque peu daté. Même si la plume de Daniel-Rops est très agréable (elle finira par le conduire à l’Académie Française), on a parfois un peu l’impression d’être dans du sous-Balzac. Il y a une grande pudeur dans l’écriture, bien que l’histoire aborde largement l’attirance charnelle entre hommes et femmes, mais sans la puissance évocatrice de l’écriture des auteurs du XIXème siècle. Mais il est indéniable que ce roman devait être considéré comme relativement provocateur à l’époque de sa publication.

Mort, Où Est Ta Victoire ? est donc un roman qui n’a pas su atteindre le rang de classique et que le temps finira sûrement par effacer des mémoires. Mais il n’est certainement pas assez passionnant pour gagner le droit de traverser les siècles.

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