LA CEREMONIE : Chabrol au sommet

laceremonieafficheClaude Chabrol a été un des réalisateurs les plus prolifiques de l’histoire du cinéma français. Capable de sortir 3 films par an dans les années 60, sa mort a laissé un vrai vide. Il restera un incroyable conteur des recoins le plus sombres de l’âme humaine. Il a décrit avec une formidable justesse comment les apparences les plus bourgeoises et les plus respectables pouvaient cacher les secrets les plus méprisables. De mon point de vue, même si je ne connais pas toute sa pléthorique filmographie, son plus grand chef d’œuvre restera la Cérémonie, sorti en 1995.

Sophie, une jeune femme renfermée et timide, est engagée comme bonne par la famille Lelièvre. Ils sont ravis de ses services, même si, humainement, les relations sont inexistantes. Elle va tout de même se lier d’amitié avec Jeanne, employée au bureau de poste local et accusée par la rumeur d’avoir tué son propre enfant. Mais Sophie cache elle aussi bien des secrets.

La Cérémonie est inspiré très librement par le célèbre fait divers des sœurs Papin, qui défraya la chronique judiciaire dans les années 30. Il possède cependant une portée totalement universelle. Ce film nous parle de l’humiliation, ce sentiment qui peut ronger et conduire l’être humain aux pires extrémités. Sophie est dévorée par la honte (je ne vous dirai pas de quoi) et essaye de le cacher, ce qui conduit son personnage à un refoulement qui se révèlera dévastateur une fois qu’il sera mis à jour. Si le film se déroule sur fond de lutte des classes, les cœur du sujet est beaucoup psychologique que social.

Encore une fois, Claude Chabrol nous expose les ressorts de l’âme et du comportement humains. Le processus qui amène aux pires extrémités est un sujet traité régulièrement au cinéma. En effet, chercher à comprendre ce qui nous pousse à sortir des barrières morales semble une quête sans fin. Mais on l’a vu récemment avec les films A Perdre la Raison ou Possessions, ce genre d’histoire peut facilement donner des scénarios linéaires, prévisibles et au final sans grand intérêt. Il n’en est rien ici car l’intrigue est remarquablement construite avec une évolution constante des rapports entre les personnages qui prennent des tournures que l’on ne peut pas forcément soupçonner à première vue.

La Cérémonie repose également largement sur la manière dont Claude Chabrol révèle progressivement les secrets portés par les personnages. Le film porte vraiment dans ce domaine la patte de ce réalisateur. Cela engendre une tension permanente, un sentiment de malaise persistant, qui crée au final un vrai suspense. L’intérêt du film ne repose pas sur le mystère autour du dénouement (même s’il réserve un très beau rebondissement final), mais vraiment sur le chemin que prendront les personnages pour y arriver, chemin dicté en partie par des éléments de leur passé qu’on ignore au début du film. Bref, une nouvelle brillante démonstration sur le thème du « les choses ne sont pas ce qu’elles semblent être » de la part de Claude Chabrol.

laceremonieSi La Cérémonie, comme tous les Chabrol, ne se distingue pas par une réalisation artistiquement novatrice, elle se démarque par une direction d’acteurs remarquable. Elle vaudra un Oscar à une Isabelle Huppert qui a tenu là un de ses rôles les plus marquants. Mais la vraie star de ce film reste Sandrine Bonnaire dont le jeu est d’une justesse saisissante. La famille Lelièvre, interprétée par Jacqueline Bisset, Jean-Pierre Cassel et la très jeune Virginie Ledoyen, est elle aussi magnifiquement incarnée par ce très bon casting.

La Cérémonie est donc un film qui restera un des plus marquants dans l’œuvre de Claude Chabrol. Il reprend tous les thèmes qui lui sont chers et nous livre un film empli de tension, de gravité et d’une grande profondeur.

Fiche technique :
Réalisateur : Claude Chabrol
Scénario : Claude Chabrol et Caroline Eliacheff, d’après le roman de Ruth Rendell, A Judgement in Stone (L’Analphabète).
Producteur : Marin Karmitz
Musique originale : Matthieu Chabrol
Musique additionnelle : Wolfgang Amadeus Mozart
Photographie : Bernard Zitzermann
Montage : Monique Fardoulis
Décors : Daniel Mercier
Pays : France
Durée: 112 minutes
Genre: Drame
Date de sortie : 30 août 1995

Casting :
Sandrine Bonnaire : Sophie
Isabelle Huppert : Jeanne
Jacqueline Bisset : Catherine
Jean-Pierre Cassel : Georges
Virginie Ledoyen : Mélinda
Jean-François Perrier : Le prêtre
Valentin Merlet : Gilles
Julien Rochefort : Jérémie
Dominique Frot : Madame Lantier
Christophe Lemoine : le marchand de lunettes

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