On entre dans certaines œuvres avec une facilité, une douceur, une fluidité, qui rappelle fort justement celle d’un couteau dans une motte de beurre ayant passé deux heures au soleil. Et puis, à l’inverse, il y a celles où l’on rentre à grands coups de machettes pour se frayer un chemin au milieu de pages dans lesquelles il n’est pas facile d’avancer. John Irving fait incontestablement partie des auteurs qui ne vous laisse pas glisser sur son écriture comme un pingouin sur la banquise. L’Oeuvre de Dieu, la Part du Diable en est une nouvelle preuve. Mais une bien jolie preuve.
L’Oeuvre de Dieu, la Part du Diable est un avant un roman de personnages. Ceux de romans ne sont pas de ceux qu’on a l’habitude de croiser. Les premiers chapitres s’efforcent de nous les présenter de manière assez précise et il est vrai que le lecteur est alors quelque peu décontenancé. Quel chemin va-t-on bien pouvoir faire avec ces protagonistes ? L’interrogation est certes quelque peu inquiète, mais aussi pleine de promesses, car il s’agit bien d’une vraie question. Nul ne peut deviner à l’avance où l’auteur à l’intention de nous emmener.
Je mentirai si je disais que ce chemin littéraire est au final le plus inoubliable que j’ai eu l’occasion de parcourir. Mais L’Oeuvre de Dieu, la Part du Diable fait tout de même partie de ces romans assez uniques pour être inoubliables. Cela ne les exonère pas de faiblesses. Ce roman en possède quelques unes notamment un dénouement qui n’a pas la forcé que l’on aurait espérer. Mais reste la plume d’un grand auteur qui nous ne facilite pas toujours la tâche, mais récompense nos efforts pas un style unique et une histoire qui ne l’est pas moins.