LE COMPLOT CONTRE L’AMERIQUE (Philip Roth) : Si c’était vrai…

lecomplotcontrelameriqueCertaines œuvres prennent un sens et une dimension supplémentaires quand elles sont lues à une certaine époque avec laquelle elles rentrent en résonance. Par exemple, on lit certainement 1984 différemment aujourd’hui qu’il y a trente ans, quand on imaginait pas nos vies ainsi à la merci de structures pouvant accéder à toute l’information que nous laissons sur nous sur Internet. Lire en 2020 le Complot contre l’Amérique de Philip Roth, écrit en 2002, se révèle une excellente idée. Parce que ce que le romancier avait imaginé pour son pays 60 ans plus tôt s’avère être prophétique de ce qui arrivera à son pays 15 ans plus tard.

Le Complot contre l’Amérique est un dystopie, faussement autobiographique. Il nous raconte l’histoire d’une Amérique qui finit par élire, en 1940, Charles Lindbergh, aux sympathies nazies et antisémites notoires, au lieu d’offrir un troisième mandat à Roosevelt. On peut facilement imaginer que la face de la guerre s’en verra changer et surtout le quotidien des juifs vivants aux Etats-Unis. La figure d’un Président terriblement populiste, jouant constamment avec la vérité en rappelle évidemment un autre. Certes, le récit est surtout tourné vers le quotidien du narrateur, plutôt que sur ce qui se passe précisément à la Maison Blanche, mais, placée dans le contexte actuel, l’œuvre prend incontestablement une dimension supplémentaire.

Le Complot contre l’Amérique n’en demeure pas moins un extraordinaire roman, indépendamment du reste. Passionnant et remarquablement bien écrit, il se dévore avec avidité. Il s’agit d’un immense œuvre profondément politique, tout en nous plongeant dans le quotidien de citoyens ordinaires. Le récit est vivant et riche, tourné vers les péripéties, même si le narrateur, âgé de sept ans nous fait largement partager ses réflexions. Mais jamais elles ne viennent couper le rythme de la narration. Le seul bémol que l’on peut formuler est un dénouement pas vraiment à la hauteur du reste et qui laisse le lecteur quelque peu sur sa faim. C’est dommage, mais pas assez pour ne pas apprécier la grande de ce très fort moment de littérature.

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