Peu à peu, je comble les plus gros trous qui font ressembler ma culture à un gruyère (même si le gruyère n’a pas de trous, contrairement à l’emmental… ma culture fromagère est par contre relativement complète). La littérature russe est un domaine que je n’avais guère exploré (peut-être même pas du tout d’ailleurs) jusqu’à présent. La lecture d’Anna Karénine de Léon Tolstoï constitue donc une vraie découverte. Et non des moindres, vue la notoriété de l’œuvre et sa longueur. 900 pages imprimées avec une petite police. Malheureusement, les découvertes ne sont pas toujours des surprises inoubliables.
Si je garderai Anna Karénine tout de même un peu dans mon cœur, c’est parce que c’est le seul roman, à ma connaissance, qui offre une long passage sur les cultures fourragères. Globalement, on parle beaucoup d’agriculture dans ce roman. On parle de beaucoup de choses en fait, diluant presque à l’infini les intrigues principales. Un lecteur assidu de Zola comme moi n’aurait pas dû être trop perturbé. Mais ici, cela prend des proportions encore supérieures. Ce qui m’a plus perturbé, c’est le fait que le personnage d’Anna Karénine tient finalement une place limitée dans cette histoire. A l’origine, Léon Tolstoï voulait l’intituler « Deux mariages, deux couples », ce qui aurait beaucoup mieux traduit le contenu du récit.
Je ne suis donc jamais tout à fait rentrer dans l’histoire d’Anna Karénine. Les personnages n’arrivent pas à prendre toute la force qu’on pourrait attendre. Leur présence dans le récit est trop intermittente. Entre deux de leurs passages se trouvent trop de pages pour qu’on ne les oublie pas un peu. Ou du moins que l’impression qu’ils laissent a largement le temps de s’affadir. L’œuvre a quelque chose d’impressionnante et magistrale, mais parvient trop peu à faire naître l’émotion pour un récit qui traite des grands sentiments et des tourments de l’âme humaine. Même quand le récit devient terriblement dramatique, on reste de marbre. Et c’est finalement tout le roman qui fait cette effet.