On associe souvent le sport à une bonne santé et à un corps s’approchant de la perfection. Si effectivement le sport est un acte sanitaire de première importance, qui devrait être pleinement inclus dans les politiques publiques de santé, on oublie souvent que le sport de haut niveau pousse souvent le corps dans des extrêmes qui lui font plus de mal que de bien. Courir un marathon est quelque d’extrêmement traumatisant pour le corps et si on peut associer marathon et bonne santé, c’est parce qu’il faut être en bonne santé pour supporter un telle traumatisme. Le sport de haut niveau est aussi souvent une histoire de douleur, de souffrance et de blessures.
La médaille d’argent de Kevin Mayer a écrit une nouvelle page du mythe de l’athlète surmontant la douleur pour triompher malgré tout. Triomphe relatif certes, avec cette médaille d’argent, mais elle présente une dimension héroïque qui lui donne une saveur particulière. Elle ne fera que renforcer l’admiration que l’on peut ressentir pour le Français qui s’approche au plus près de la notion d’athlète ultime. Mais ce qu’il a imposé à son corps pendant deux jours n’est sûrement pas un cadeau pour ce dernier. Le sport de haut niveau n’est pas le triomphe du corps, mais bien celui de l’esprit qui fait du corps un instrument sous son entier contrôle.
Cette ambivalence du sport de haut niveau est souvent tue, pour ne pas dire niée. Ce genre discours apparaît parfois pour évoquer le dopage et les morts précoces qu’il a pu engendrer. On parle moins de la vieillesse parfois difficile que connaissent les anciens de certaines sports particulièrement traumatisants : boxeurs, footballers américains et même footballers abusant du jeu de tête. Ou du moins, ces polémiques disparaissent le temps de la quinzaine olympique. Il ne faudrait pas gâcher la fête avec ce genre de considération. Pourtant, l’image d’un Mohamed Ali allumant la vasque olympique en tremblant, frappé par la maladie de Parkinson reste une des plus célèbres de l’histoire de l’olympisme. Malgré quelques précautions prises par certains sports, on continue de célébrer des comportements qui n’ont rien de bon pour la santé à long terme des athlètes. Faire un décathlon malgré un lumbago ne laissera peut-être pas de séquelles à Kevin Mayer, mais ce n’est pas quelque chose à recommander à qui que ce soit. D’ailleurs, faire un décathlon n’est sûrement déjà pas recommandé à la base…
En tout cas, ce jeudi 05 août 2021 restera gravé dans les mémoires de tous les amoureux français de l’olympisme. On retiendra bien sûr avant tout cette médaille d’argent arraché et surtout les trois qualifications pour la finale olympique de nos équipes de handball, basket et volley. Un triplé historique chez les hommes, qui sera peut-être complété par la même chose chez les femmes (en comptant le rugby à 7) demain. Le match de l’équipe de France de basket contre la Slovénie a été d’une intensité incroyable et a offert un dénouement absolument fabuleux. C’est là qu’on comprend que le sport peut écrire des histoires aussi incroyables que la plus imaginative des fictions. Tout le monde aura vu les Bleus perdre à la dernière seconde quand le Slovène s’est élevé vers le panier, visiblement sans opposition. Personne n’a vu venir le bras de Nicolas Batum, comme sorti de nul part pour sauver la patrie en danger et envoyer la France en finale. Là aussi, un grand moment d’héroïsme.
C’est avant tout ce que l’on retiendra de cette journée, pourtant encore contrastée finalement pour le sport français. Aujourd’hui, cinq de nos athlètes pouvant légitimement espérer remporter la médaille d’or. Steven Da Costa y est parvenu, avec autorité et maîtrise, malgré un petit raté le matin. Par contre, si on excepte le cas Kevin Mayer, trois autres ont échoué, se retrouvant même carrément hors du podium. L’échec le plus emblématique reste celui de Marc-Antoine Olivier en natation en eau libre, qui avait preuve d’une certaine forme d’arrogance en affirmant haut et fort qu’il allait l’emporter. Ce genre d’échec arrive forcément, mais pour ces olympiades, on reste sur la sensation que cela arrive trop souvent pour ne pas se poser des questions sur la capacité du sport français à conduire ses athlètes en forme le jour J et pas le jour d’avant. Et le mauvais départ de nos pentathlètes homme et femmes, à qui l’or semblait aussi promis, laisse à penser que cela va malheureusement perdurer. Une question que doit aussi se poser l’athlétisme américain, dont les résultats sont bien en deçà de ce ce qui lui était promis au vu des bilans mondiaux.
En tout cas, on compte bien sur nos équipes féminines de basket et de handball pour nous faire oublier toutes ces considérations et rendre la fête définitivement belle !