Entre l’Histoire et l’histoire, la frontière est parfois fine, quand un auteur décide d’amener son lecteur à remonter le temps. Souvent, l’intention est claire. Partager une pure fiction ou bien reconstituer le plus fidèlement possible les événements de l’époque. Un romancier n’est pas un historien. Mais il arrive que la séparation soit beaucoup moins nette. Voire même carrément floue. C’est le cas avec le Royaume d’Emmanuel Carrère. Une œuvre relativement inclassable qui nous emmène sur les traces des premiers chrétiens. Et de la vie personnelle de l’auteur.
Le Royaume est donc un roman aux multiples dimensions. Est-ce d’ailleurs réellement un roman ou un essai ? Le souci est qu’à force d’être beaucoup de choses, ce livre n’est au final rien de vraiment abouti. L’introspection personnelle de l’auteur n’est pas des plus passionnantes et occupe principalement les premières pages. Ensuite, on entre dans un récit qui n’est ni vraiment celui d’un romancier et sûrement pas celui d’un historien. Emmanuel Carrère se définit lui-même comme un enquêteur. Mais cela ressemble à une façon de se dédouaner et de justifier le fait qu’il est simplement un romancier qui joue aux historiens, sans en être un.
Le Royaume a au moins le grand mérite de titiller notre curiosité. Emmanuel Carrère se pose beaucoup de questions au sujet de l’origine du christianisme. Il parvient à faire naître le même intérêt sur les sujet que celui qui l’a saisi. Par contre, rien ne nous force à nous intéresser aux hypothèses et autres suppositions formulées par l’auteur, qu’il tire de sa propre étude du travail des autres. Au final, on se dit qu’on aurait pu entre temps s’épargner la lecture de ce livre qui s’étire en longueur. Il a peut-être fait naître quelques vocations d’historien chez ses lecteurs. Mais Emmanuel Carrère n’en est définitivement pas un.