ILLUSIONS PERDUES : Autopsie d’une époque

Vaut-il mieux lire d’abord le livre ou voir le film ? Si cette question n’a pas vraiment de sens, si ce n’est pour le plaisir réel de lancer des débats inutiles et donc indispensables, j’aurais pu être en mesure de me la poser. En effet, dans l’organisation très précise de mes lectures, Illusions Perdues de Balzac va être le prochain livre dont je vais entamer la lecture. Et au même moment, son adaptation sort sur nos écrans. Il m’est arrivé de bouleverser mon organisation (si, si, j’en suis capable) pour lire un livre avant de voir le film. Je ne l’ai pas fait cette fois. Je ne sais pas si j’ai eu tort ou pas, mais une chose est sûr, ce long métrage ne m’a sûrement pas détourné de l’envie de lire le roman.

J’avais abordé dans ma précédente critique, celle de Julie (en 12 Chapitres), la notion de roman d’apprentissage. J’aurais pu évidemment choisir la même introduction pour Illusions Perdues, qui figure comme un archétype de ce genre littéraire, particulièrement prisé au XIXème siècle. Le personnage principal est un jeune provincial qui arrive à Paris et qui va chercher à faire sa place dans ce monde nouveau. Voilà une introduction qui pourrait être celle de bien d’autres romans de l’époque. Cependant, celui-ci est aussi une vision acerbe d’un phénomène précis, à savoir l’essor d’une forme de corruption généralisée touchant la presse sous la Restauration, où une bonne critique pour une pièce de théâtre ou un roman s’achetait à prix d’or. Le grand mérite de cette adaptation est à la fois de décrire de manière minutieuse un phénomène historique précis… tout en dressant des ponts avec l’époque actuelle et certaines dérives de notre système politico-médiatique. On notera par exemple une petite phrase sur la perspective de voir « un banquier rentrer au gouvernement » qui nous fait forcément penser à notre Président actuel.

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Illusions Perdues brille donc par un mélange de force historique et de modernisme. De ce point de vue là, il est tout à fait remarquable. Il bénéficie aussi des moyens nécessaires pour proposer des décors et des costumes nous faisant plonger sans retenue dans cette époque. Il permet donc au casting de briller de mille feux, tels les éclairages des théâtres parisiens. Mettons tout d’abord en avant le talent et le charme incroyables de la jeune Salomé Dewaels qui illumine l’écran à chacune de ses apparitions. Benjamin Voisin, révélé par Eté 85 de François Ozon, confirme là tout son talent. Le reste de la distribution, faite de figures importantes du cinéma français, se montre à la hauteur de sa réputation. Cela fait tout de même beaucoup de talents rassemblés à l’écran ! Mais une telle œuvre littéraire le valait bien !

LA NOTE : 14/20

Fiche technique :
Réalisation : Xavier Giannoli
Scénario : Jacques Fieschi et Xavier Giannoli, d’après le roman Illusions perdues d’Honoré de Balzac
Direction artistique : Bruno Via
Décors : Riton Dupire-Clément
Costumes : Pierre-Jean Larroque
Photographie : Christophe Beaucarne
Montage : Cyril Nakache
Production : Olivier Delbosc et Sidonie Dumas
Durée : 149 minutes

Casting :
Benjamin Voisin : Lucien de Rubempré
Cécile de France : Marie-Louise-Anaïs de Bargeton
Vincent Lacoste : Étienne Lousteau
Xavier Dolan : Raoul Nathan
Salomé Dewaels : Coralie
Jeanne Balibar : Marquise d’Espard
André Marcon : Baron du Châtelet
Louis-Do de Lencquesaing : Andoche Finot
Gérard Depardieu : Dauriat
Jean-François Stévenin : Singali
Jean-Paul Muel : Monsieur de Bargeton
Jean-Marie Frin : Camusot
Isabelle de Hertogh : Bérénice
Armand Éloi : le contrôleur opéra
Jean-Paul Bordes : le directeur du Réveil
Julien Sibre : le portier contrôleur Bas Rouge

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