Après être arrivé au bout de mon voyage littéraire au long cours avec le personnage du Poulpe, je viens tout juste d’en achever un autre poursuivit en parallèle depuis plusieurs années. En effet, avec le Docteur Pascal, j’ai achevé ma lecture de l’ensemble des Rougon-Macquart d’Emile Zola. Un périple romanesque débuté en 2006. 16 ans, il fallait bien cela pour parcourir une œuvre aussi immense et magistrale, qui nous plonge au cœur d’un morceau de l’histoire de France. Avec ce dernier volet, le lecteur prend pleinement conscience de la dimension scientifique de la démarche de l’auteur. En effet, il est l’occasion de porter un regard sur tous les personnages qui ont peuplé les épisodes précédents et le poids de l’hérédité qui les relie. Si cela peut prêter à sourire à l’aune des connaissances en génétique de 2022, on mesure toute l’ambition de ce portrait littéraire hors du commun.
Le Docteur Pascal est donc un œuvre à double niveau de lecture. Il est porté par un fil rouge sous forme d’une histoire d’amour entre un oncle et sa nièce qu’il a élevée comme sa fille. Même à l’époque, cela avait moralement choqué, mais c’est évidemment volontaire de la part d’Emile Zola. Cependant, cela passe finalement au second plan. Cela donne de l’épaisseur aux deux personnages, mais ne constitue qu’un emballage pour le propos plus général sur l’hérédité. Ce roman est totalement indissociable de tout ce qui a précédé. Difficile de l’apprécier pleinement si on n’a pas lu le reste. Il s’agit vraiment de la conclusion de toute une saga, lui donnant un supplément de sens en mettant en pleine lumière son but ultime. Le personnage de Pascal Rougon devient ainsi un prolongement direct de l’auteur puisqu’il expose au lecteur les thèses qui ont présidé à la rédaction de l’œuvre.
Difficile donc de porter un jugement sur le Docteur Pascal, sans en porter un sur toute la saga des Rougon-Macquart. Tous les tomes précédents traitaient d’un aspect précis de la société du Second Empire qu’un lecteur égaré pouvait prendre plaisir à découvrir en tombant dessus par hasard. Ce n’est pas le cas ici. Par contre, le lecteur qui a une bonne connaissance des tomes précédents verra des ponts se former entre eux, comme si ce roman était en fait la pierre angulaire conférant à l’ensemble sa solidité finale. Il s’agit là d’une expérience littéraire étonnante et unique. Aussi unique que l’était l’ambition d’Emile Zola. Je ne sais pas si nos auteurs contemporains sauront décrire notre époque comme il a décrit la sienne. Et s’il existe, parmi les romans d’aujourd’hui, un Docteur Pascal pour en faire une aussi brillante synthèse.