POUR UNE POLITIQUE AGRICOLE COHERENTE ET PERTINENTE

tracteur

tracteurVoici un texte que j’ai écrit en tant que contribution au forum de la transition écologique organisée par le PS :

Je poste cette contribution en tant qu’ingénieur agronome. En juin 2010, suite au forum des idées consacré à l’agriculture, notre parti avait produit un texte très intéressant, très complet et tout à fait cohérent. Il évitait de nombreux raccourcis ou erreurs dans lesquels il est facile de tomber. Mais en lisant les contributions générales pour notre dernier congrès, j’ai souvent été choqué par les courts passages consacrés à l’agriculture. Des propos généralement sans intérêt, car totalement caricaturaux.

Pour commencer et avant de trouver des solutions pour aboutir à une évolution des modes de production des denrées agricoles, il est primordial d’arrêter de tomber dans un certain nombre de travers :

-ne jamais perde de vue que le but premier de l’agriculture est de produire des denrées alimentaires en quantité suffisante pour nourrir l’humanité. On a trop souvent tendance dans notre pays, qui se sait à l’abri de toute pénurie, à ne plus penser qu’au qualitatif, comme si le quantitatif n’avait plus aucune importance. Par contre, il faut évidemment considérer la durabilité des modes de production. Il s’agit bien de nourrir la population d’aujourd’hui et de demain. Pour cela, il ne faut pas détruire les ressources naturelles, ne pas produire des denrées qui nuisent à la santé et continuer à avoir des agriculteurs pouvant vivre de leur travail. L’usage avec une connotation négative du terme « productivite » est donc particulièrement malheureux, mais puisque c’est l’usage, je vais l’employer moi aussi dans ce texte.

-arrêter de repeindre les choses en noir et blanc, avec d’un côté les gentils agriculteurs bio et de l’autre les méchants agriculteurs  « productivistes ». Une exploitation agricole peut être gérée de multiples façons, avec un bilan environnemental toujours différent. Il existe tout un panel de pratiques sur lequel on peut coller des étiquettes (agriculture bio, raisonnée, de précision, écologiquement intensive…) parce que cela facilite la compréhension, mais cela se révèle toujours réducteur. Il ne faut pas non plus oublier que l’agriculture biologique n’est qu’un label avec un cahier des charges extrêmement contraignant. Beaucoup d’agriculteurs ont aujourd’hui des pratiques culturales proches de l’agriculture biologique mais n’ont aucun intérêt à se faire labelliser et n’ont donc aucune raison de le faire. Réduire les politiques publiques à un développement de l’agriculture biologique, comme c’est souvent le cas, n’est donc en rien gage d’efficacité. Il vaut mieux n’avoir que 10% d’agriculture biologique à côté de 90% d’agriculture non labellisée mais qui limite son impact sur l’environnement, que 30% d’agriculture biologique avec 70% d’agriculture extrêmement « productiviste » à côté.

-arrêter de croire que rien n’a changé depuis 50 ans. Les pratiques ont déjà largement évolué dans le bon sens. Et ce pour une simple raison : les produits phyto-sanitaires coûtent cher. En tant que produits chimiques, ils suivent le prix du pétrole et leur coût donc pèse donc fortement sur la rentabilité des exploitations. Personne n’épand plus de l’engrais en masse comme ça pouvait se faire il y a plusieurs décennies. N’oublions jamais que ce n’est pas l’engrais qui pollue, mais l’engrais qui n’est pas absorbé par la plante. Cette fraction pollue et représente également un gâchis financier pour l’agriculteur, puisqu’il aura payé à prix d’or un produit qui ne remplit pas sa mission. Malheureusement, les cycles de l’eau sont parfois très lents et beaucoup des molécules utilisées hier ont une durée de vie très longue et vont rester présentes dans l’environnement pendant encore des décennies. Il y a une inertie très forte et les évolutions d’aujourd’hui ne donneront des résultats visibles que dans de nombreuses années.

-arrêter de penser qu’une petite exploitation est forcément plus vertueuse qu’une grande. C’est une idée qui ne repose sur rien et qu’on peut même juger contraire à la réalité. En effet, un exploitant qui possède une surface très importante pourra plus facilement, voire même aura intérêt, à adopter des pratiques culturales plus extensives. A l’inverse, ne posséder qu’une surface limitée implique d’optimiser la valeur ajoutée obtenue sur chaque hectare afin de dégager un revenu et donc de produire au maximum.

Il faut aussi avoir quelques éléments à l’esprit avant de chercher à élaborer une politique agricole efficace et pertinente :

-le revenu de beaucoup d’agriculteurs dépend exclusivement des aides. Sans elles, aucune exploitation céréalière, je dis bien aucune, n’existerait aujourd’hui. Avant la hausse des cours de ces dernières années, la rentabilité d’une telle exploitation était au mieux égale aux montants des aides. C ‘est à dire que sans elles, un céréalier ne pouvait espérer au mieux que de ne pas perdre d’argent. Il faut donc bien comprendre l’enjeu pour cette profession du montant des aides. Les diminuer, c’est diminuer directement leur revenu. Pour certains, cela ne nous arrachera pas de larmes, mais cela reste une minorité. Il faut se demander combien d’entre nous accepterait une diminution de salaire brutale suite à un changement de politique publique avant de juger certaines réactions.

-la rentabilité du capital en agriculture est extrêmement faible, environ 3% pour les exploitations les plus performantes. Avec les cours actuels, les exploitations céréalières atteignent certainement des chiffres supérieurs, mais s’interroger sur la pérennité de cette hausse est un autre débat dans lequel je ne rentrerai pas ici. Cela revient à dire qu’un agriculteur a presque toujours intérêt à vendre son exploitation et à placer l’argent. Cela implique surtout que l’investissement y est particulièrement délicat et n’est possible que parce que les agriculteurs ont leurs revenus largement garantis. Si la politique agricole commune le expose à des risques plus importants, les investissements nécessaires aux changements de mode de production seront d’autant plus difficiles.

Je prêche pour ma paroisse, mais l’agronomie est une science complexe et comprendre comment une exploitation fonctionne est un exercice qui demande de solides connaissances. Beaucoup de gens jugent l’agriculture, comme si c’était quelque chose de simple, alors qu’ils n’auraient aucun avis sur les procédures de contrôle des avions, n’étant pas eux-même ingénieurs aéronautiques. C’est un sujet qui touche chacun de nous, les discours trop simplistes font peut-être plaisir à une partie de notre électorat, mais cela ne peut pas aboutir à des politiques cohérentes et pertinentes. Sans parler de l’impact que cela auprès de la profession agricole. Employer le terme d’empoisonnement pour parler d’une activité qui nous nourrit et nous a mis à l’abri de la famine grâce à une augmentation de la production est évidemment très mal vécue. Ce terme s’est pourtant retrouvé dans plusieurs contributions, oubliant peut-être que cela revient à accuser une partie des agriculteurs de tentative de meurtre.

Une fois tous ces éléments pris en compte, quels pistes pour avancer :

-soutenir l’innovation que ce soit au niveau de la recherche fondamentale que dans les exploitations elles-mêmes. Les choses ont déjà largement évoluées, mais il reste tout de même une inertie non négligeable. Elle tient à la résistance naturelle au changement, mais aussi, comme je l’ai souligné plus haut, aux difficultés à financer ces évolutions dans les exploitations, qui ne peuvent pas toujours prendre d’importants risques financiers. La mutation des pratiques ne peut donc qu’être lente. Les travaux de l’Institut National de Recherche Agronomique (INRA) vont évidemment désormais tous dans le sens d’une agriculture durable. Mais j’ai pu constater lors de mes études au début des années 2000 que cette évolution a été lente et a démarré avec une ou deux décennies de retard. Il s’agit maintenant de le combler.

-avoir des politiques territoriales cohérentes. S’il y a bien une activité économique dont le fonctionnement dépend de la nature du territoire, c’est bien l’agriculture. Terroir, géologique, relief, nature des sols, pressions urbaines, autant de paramètres qui vont déterminer la direction la plus pertinentes à suivre. Mais là encore, il faut veiller à ne pas rentrer dans les clichés et les fantasmes. Il faut aussi accepter les expertises agronomiques et techniques. Par exemple, développer le maraîchage sur le Plateau de Saclay est peut-être très tendance, mais il s’agit d’un des meilleurs plateaux céréaliers au monde et il doit donc garder cette vocation principale, puisque c’est dans ce genre de terres que l’on peut obtenir de bons rendements en céréales sans intrant. Mais à l’inverse, combien de parcelles avec une pente bien trop forte pour que les engins agricoles y fonctionnent sans consommer une maximum de carburant ont perdu leur nature de pré pour devenir de la grande culture dans le cadre de la PAC de 1992 ?

-utiliser le levier financier intelligemment et non comme une punition. Mais pour cela, il faut que des pratiques de substitution existent. C’est alors la transition vers elles qui doit être financée. Mais il faut laisser aux agriculteurs leur autonomie et faire appel à leur propre expertise. Les mesures aussi technocratiques que les bandes enherbées, qui partent d’une bonne intention mais dont la mise en œuvre s’est révélée parfois être un enfer, doivent laisser place à des politiques visant à améliorer le fonctionnement de l’exploitation dans sa globalité. Bien sûr, cela passe par des moyens de suivi et de contrôle pas forcément faciles à créer. Mais rappelons-nous que moins de fuel et moins d’intrants, c’est autant moins de charges pour les exploitations. S’ils peuvent maintenir des rendements acceptables, les agriculteurs auront tout intérêt d’effectuer la transition vers des pratiques qui les limitent. La politique des Contrats Territoriaux d’Exploitation (CTE) mis en place sous le gouvernement Jospin allait dans ce sens. Leur mise en œuvre s’était révélée délicate et insatisfaisante, mais c’est vraiment dommage que la droite ait tout simplement abandonné cette idée au lieu de chercher à l’améliorer.

-enfin le volet réglementaire doit être activité lorsqu’il est nécessaire d’interdire l’usage de produits nocifs pour la santé ou la qualité de l’environnement. Mais il faut le faire en mesurant les bénéfices et avantages. Encore une fois, diminuer les quantités de denrées produites n’a rien d’anodin. Notre pays est exportateur de céréales, ce qui signifie qu’il contribue à nourrir le monde, au-delà de notre pays. Une expertise indépendante de tout lobby est donc plus que jamais indispensable. Facile à dire, je sais bien…

UN SEISME QUI NE SECOUE PAS GRAND MONDE

budgeteuropeen

budgeteuropeenHier a eu lieu un événement d’une portée considérable, un vrai séisme… Non, je ne parle pas de l’élection d’un pape sud-américain, dont on a abondamment parlé (et qui constitue tout de même un événement un peu plus remarquable que le fait qu’il neige parfois en hiver, admettons-le). Je parle du rejet, à une quasi unanimité par le parlement européen du projet de budget de l’Union. Imaginez en France si droite et gauche confondues votaient d’une seule voix contre un budget proposé par le gouvernement. On serait alors dans la situation d’une crise majeure dont tous les journaux feraient leur une et qui animerait toutes les conversations dans notre beau pays.

Mais voilà, l’Union Européenne organise bien des élections, mais ne constitue pas un espace politique et démocratique, au moins dans l’esprit de nos concitoyens. L’Union Européenne a bien un budget, mais d’un montant anecdotique. L’Union Européenne a une monnaie, mais pas de gouvernance économique. Bref, on n’a pas à chercher bien loin les raisons profondes de cette indifférence. Surtout que cet épisode n’est qu’un énième rebondissement d’un feuilleton qui a mis en lumière depuis 2008 les graves problèmes de fonctionnement des institutions européennes, feuilleton qui commence sérieusement à lasser, surtout qu’il n’est pas toujours très aisé d’en comprendre les subtilités.

Les élections européennes de l’année prochaine pourraient bien tourner au désastre. Tout le monde prédit une abstention qui atteindra de nouveaux sommets et surtout une arrivée massive de députés franchement opposés à la construction européenne. Or, le vote d’hier montre bien que le Parlement Européen est le dernier endroit où cette notion semble réellement intéresser des décideurs politiques, à l’inverse de la défense des égoïsmes nationaux pratiquée par les différents chefs d’état européens. Si demain, il ne joue plus ce rôle, on peut être très inquiet sur l’avenir de la construction européenne, pourtant plus que jamais nécessaire.

Je resterai cependant optimiste. Pas forcément pour 2014, mais à plus long terme. Il ne faut pas que la conjoncture nous empêche d’avoir du recul sur un phénomène qui est à l’œuvre depuis plus d’un demi-siècle. La crise que nous traversons est à la fois économique et politique (mais l’un peut-il aller sans l’autre?) et il est quelque part logique que l’Union Européenne et ses institutions y soient plongée. Certains y voit le problème, d’autres la solution. Elles sont pourtant ni l’un, ni l’autre. Elles sont un outil dont l’efficacité dépend de la manière dont l’utilise. Elles sont un chemin que l’on peut toujours tracer en direction du mur plutôt que de la sortie. Mais elles sont à une échelle qui nous permettra d’exister dans un monde plus que jamais ouvert et qui n’a pas grande pitié pour les petits et les insignifiants.

GRAND PARIS EXPRESS, LA REVOLUTION EN MARCHE !

grandparisexpress

grandparisexpressEn 13 ans, de 1900 à 1913, Paris a vu se créer 10 lignes de métro. 3 autres naîtront pendant l’entre-deux guerre. Depuis, il ne s’était pas passé grand chose. La création du RER a certes eu un impact réel, mais son développement s’est étalé sur près de 50 ans. Mais le développement de la métropole parisienne s’est poursuivi sans que l’offre de transport ne suive, engendrant les difficultés que l’on connaît aujourd’hui. Et surtout, quasiment tous les liaisons ont été pensées pour relier la banlieue à Paris, alors qu’une majorité des déplacements quotidiens des Franciliens se fait de banlieue à banlieue.

C’est donc une véritable révolution que nous propose le projet du Grand Paris Express. En une quinzaine d’années devraient naître autant de kilomètres de voies nouvelles et de gares que n’en compte le métro parisien aujourd’hui. Le réseau sortira également de son schéma en étoile pour enfin connecter des territoires de petite et grande couronne sans passer par le centre de la capitale. Un projet ambitieux qui répondra à des besoins qui existent depuis bien longtemps. Mais pourquoi alors avoir attendu aussi longtemps ?

Il serait tentant de dénoncer une inertie propre à notre époque. Il faut pourtant savoir que le premier projet de métro parisien date de 1854. Il aura donc mis 46 ans pour voir le jour. La lenteur des décisions n’est donc pas nouvelle, même si ce coup-ci, on n’a plus l’excuse d’une innovation technique sans précédent. Il y aura bien quelques débats politiciens sur les modalités exactes, le calendrier ou le financement, mais le projet fait l’objet d’un consensus quant à son utilité. Que dis-je, sa nécessité.

Le calendrier prévisionnel prévoit 15 ans de travaux, ce qui fut la durée de la création de l’essentiel du réseau du métro parisien. Malheureusement, on peut s’attendre à ce que cette durée se voit allongée par tous les obstacles propres à notre époque et la lourdeur de notre société. Combien de recours, de contre-temps, de procédures interminables viendront bousculer ce calendrier initial ? Je joue peut-être les oiseaux de mauvais augure, mais ma maigre expérience dans le domaine de l’urbanisme m’a montré à quel point tout peut devenir un enfer, même quand le projet est objectivement indispensable. Les pertes d’énergie, de temps et de croissance qui en résultent sont particulièrement dommageables à notre économie et à notre société.

Reste le problème du financement. On a déjà longuement parlé de la revalorisation du coût prévisionnel du projet. Parions que ce n’est pas la dernière et que le budget sera allégrement dépassée, comme pour tous projets de ce type, forcément soumis à une part d’incertitude. Par contre, il est inquiétant que l’on considère le financement d’un tel projet comme une difficulté. Toutes les études montrent à quel point il apportera une valeur ajoutée aux territoires, et plus largement à l’économie francilienne, dépassant de très loin le coût de construction.

Voici typiquement le genre d’investissements publics utiles et rentables qui devraient pouvoir se financer sans difficulté, sans forcément passer par les marchés financiers. En Europe, on s’est interdit les prêts directs de la banque centrale aux états, ce que l’on résume par faire tourner la planche à billets. Certes, on connaît les effets néfastes d’un abus d’une telle pratique. Mais pourquoi donc se condamne-t-on au tout ou rien ? Financer ainsi un tel projet, qui aboutira à la création d’un actif bien réel et qui engendrera de la valeur ajoutée, n’aura pas d’impact inflationniste, comme si l’on avait créé de l’argent qui ne vaudrait rien. Mais voilà un tabou qui n’est malheureusement pas prêt de tomber, tant l’orthodoxie économique en vigueur, qui a pourtant largement prouvé son inefficacité et son côté destructeur, dicte encore sa loi.

En tout cas, le Grand Paris Express représente bien un projet historique dont on ne mesure certainement pas encore l’impact. Espérons donc qu’il voit rapidement le jour pour le bien des millions de Franciliens qui font face à une offre de transport inadaptée à leurs besoins.

RETOUR VERS LE PASSE… 2007 ? 2002 ?

nicolassarkozy

Après Alain Juppé, voici Bernadette Chirac qui prend la parole dans la presse pour appeler de ses vœux la candidature de Nicolas Sarkozy en 2017. Hasard ou bien manœuvre souterraine pour préparer son retour ? On le sait en politique, il est fréquent de lancer des idées l’air de rien, histoire de tester la température de l’opinion, avant éventuellement de passer aux choses sérieuses. On peut donc vraiment se demander si l’ancien chef de l’Etat n’a pas fait comprendre à certains qu’il serait bon qu’ils s’expriment sur le sujet.

Les sondages qui ont suivi ont montré que l’opinion n’est pas vraiment enthousiaste à cette idée. Mais la route est longue jusqu’en 2017 et le spectacle affligeant donné par le couple Fillon-Copé peut lui faire espérer que la concurrence sera trop faible pour s’opposer à une réelle volonté de retour. L’élection de Nicolas Sarkozy dans 4 ans tient encore de la politique fiction, mais pas non plus de la science-fiction.

On peut cependant s’inquiéter d’un tel scénario. Déjà, il en dirait long sur l’incapacité de notre pays à renouveler son élite politique. Quand on est au pouvoir en France, on l’est souvent pour longtemps et qu’importe votre bilan et vos erreurs passées, vous trouverez toujours des électeurs à la mémoire courte pour voter pour vous. Mais ce phénomène n’est pas nouveau et existera indépendamment de la candidature de Nicolas Sarkozy.

En fait, tout dépendra de la situation économico-sociale de notre pays en 2017. Soit le bilan de François Hollande s’avère finalement positif, ce qui n’est pas gagné avouons-le, et dans ce cas-là le Président actuel aura l’image de celui qui aura redressé la situation laissée par son prédécesseur. On voit mal alors les électeurs voter pour ce dernier, qui, à mon sens, ne se présenterait de toute façon pas dans ce cas de figure. Soit, la situation ne s’est pas améliorée significativement et la grogne sociale sera plus forte que jamais. Nous aurons alors une élection qui opposera les deux hommes qui seront considérés par l’opinion comme les deux principaux responsables de la situation. On imagine alors facilement qu’un troisième homme saura profiter de la situation.

Ce dernier peut s’appeler François Bayrou… non, je rigole…, Jean-Luc Mélenchon, même si je n’y crois guère, mais plus certainement Marine Le Pen. Même en dehors d’une éventuelle candidature de Nicolas Sarkozy, on sait que chaque jour supplémentaire où la crise s’éternise lui fait gagner de nouveaux suffrages. Mais lui opposer les deux derniers Présidents reviendrait à lui dérouler le tapis rouge vers le deuxième tour.

Cela montre l’étendue de la responsabilité à laquelle fait face le gouvernement et François Hollande. Déjà parce que notre pays va mal, mais aussi parce que, pour l’instant, aucun alternative acceptable ne semble émerger dans le camps d’en face. L’échec est donc définitivement interdit…

CARLOS DANS SON OASIS

carlosghosn

carlosghosnL’avantage quand on est riche et puissant, c’est que l’on peut se foutre de la gueule du monde sans vraiment craindre pour ses fins de moi. Si cette sentence peut paraître un cliché facile pour gauchistes convaincus, elle a pourtant été magnifiquement illustrée par Carlos Ghosn, le merveilleux patron de Renault. Son annonce de renoncement à 30% de la part variable de son salaire de 2012, si jamais l’entreprise arrivait à faire passer l’accord de compétitivité qu’elle veut imposer à ses salariés (consistant, pour faire court, à travailler plus pour gagner autant, voire moins) frise la provocation.

Petit rappel historique, Carlos Ghosn est arrivé en 2005 à la tête de Renault, auréolé d’un sauvetage inespéré de Nissan. Il a immédiatement présenté un plan ambitieux et s’est, au passage, augmenté de 40% pour porter la part fixe de son salaire à environ 1,2 millions d’euros. Le tout est complété par une part variable qui peut facilement doubler son salaire, comme en 2011. Le problème réside dans le fait que quasiment aucun des objectifs qu’il avait fixé n’ont été atteints. Renault perd régulièrement des parts de marché (au-delà de la baisse générale des ventes d’automobiles due à la crise et aux changements de comportement), si bien que certains soupçonnent une volonté de sa part de faire disparaître totalement Renault au profit de Nissan, entreprise qui le rémunère à une hauteur 5 fois supérieure.

Je n’irai pas jusque-là (non pas que je sois convaincu du contraire, je n’ai juste aucune opinion sur le sujet), mais cette affaire pose déjà deux questions. Déjà, on mesure à quel point la gouvernance des entreprises n’est plus guidée par la rentabilité financière à court terme. En effet, en diminuant sa production tout en maintenant ses profits, une entreprise préserve certes ses revenus mais perd du capital. Pour un particulier, cela revient à maintenir son train de vie en vendant son patrimoine. C’est évidemment une logique qui ne peut pas durer éternellement et qui surtout ne correspond en rien à un enrichissement. Depuis l’arrivée de Carlos Ghosn à sa tête, Renault n’est ni plus riche, ni plus solide, éventuellement parvient-elle à maintenir une certaine rentabilité à coup de licenciements et de délocalisation, ce qui représente une perte nette de capital humain. Même si certains ont du mal à l’admettre, ce dernier reste tout de même une des principales richesses d’une entreprise.

Ensuite, cela pose la question de la signification de la part variable des salaires des grands patrons. Dans mon ancienne boîte, une année s’étant soldée par un déficit m’a valu un chèque d’intéressement de 150 euros, ce qui ressemblait à un pourboire quand les bonnes années le montant approchait les deux mois de salaire. Mais au moins, cela avait un sens ! Les 1,5 millions de Carlos Ghosn en ont-ils un quand on considère qu’il n’a pas réussi à atteindre les objectifs qu’il avait fixé (et qui justifiait son augmentation initiale, rappelons-le) ? Quand on considère que Renault est vu comme une entreprise en déclin, mal positionné sur le marché et qui ne propose plus de produits innovants ?

Les défenseurs des rémunérations délirantes rappellent à l’envie que ces salaires sont mérités. Alors comment expliquer que Carlos Ghosn gagne chez Nissan sept fois plus que le patron de Toyota, pourtant premier producteur automobile mondial ? Certes, il a sauvé l’entreprise de la faillite et continue de bénéficier d’une certaine aura grâce à cela. On peut aussi opposer que le patron de Volkswagen gagne lui le double. Mais les résultats de la firme allemande font rêver tous ses concurrents. Tout cela démontre en fait un fonctionnement oligarchique totalement déconnecté d’une quelconque réalité ou performance. Ce ne sont pas tant les montants dans l’absolu que cette déconnection qui est grave. Tant qu’il arrose les actionnaires, un PDG peut s’octroyer tout l’argent qu’il veut sans que personne ne s’inquiète de la solidité à long terme des résultats. De toute façon, la variable d’ajustement sera l’emploi, pas le salaire, y compris la part variable, de sa direction.

Carlos Ghosn a essayé de nous faire croire le contraire, mais c’est trop gros pour être convaincant. Au football, quand une équipe va mal, on commence souvent par virer l’entraîneur. Chez Renault, personne ne semble avoir compris que l’adage « on ne change pas une équipe qui gagne »a un corollaire en cas de mauvais résultats. En attendant, les salariés, eux, savent bien ce qu’ils risquent de perdre !

SCHIZOPHRENIE POLITIQUE

schizophrenie

schizophrenieA l’heure où l’argent public devient une denrée rare et précieuse, il est important d’éviter la schizophrénie politique et budgétaire. Certes, elle est toujours à proscrire. Disons que les temps actuels pourraient justement constituer l’occasion d’une réflexion sur le sujet. Surtout que l’actualité de ces jours derniers a donné de quoi largement alimenter le débat.

Au PS et plus largement à gauche, on aime parler d’Etat stratège ! A l’heure où l’on cherche à réindustrialiser notre pays, cette notion est d’autant plus importante. Favoriser l’industrie ne consiste pas, comme le voudraient certains, uniquement à baisser les salaire au nom de la sacro-sainte compétitivité (qui passe plus par la productivité que par le coût horaire, mais ceci est un autre débat). L’Etat doit être en mesure d’impulser de grandes politiques en faveur de secteurs d’avenir, avec tout un arsenal à sa disposition : subventions, orientation de la recherche publique, développement de la formation, commande publique…

Définir une stratégie revient à fixer des objectifs clairs et surtout cohérents, puis à chercher les moyens de les atteindre. Il faut alors définir des priorités, favoriser ce qui va dans leur sens et au contraire chercher à changer ce qui va dans le sens inverse. Cela paraît tellement évident qu’on voit mal le besoin de rappeler ce genre de banalités. Mais dans un monde politique dominé par l’urgence et le court terme, pressé par des médias qui changent de sujet et d’opinion comme Gérard Depardieu de nationalité et soumis à la dictature de l’image, il semblerait que certains principes de base soient ignorés.

On vient d’évoquer récemment une possible participation de l’Etat dans Petroplus et Peugeot. Si le sors des milliers de salariés sur le point de perdre leur emploi représente une urgence sociale, on peut vraiment s’interroger sur la pertinence d’un investissement de l’Etat dans le pétrole et l’automobile. Ce sont certes deux secteurs qui ne sont pas encore voués à disparaître. Mais à côté de cela, on dépense des millions d’euros d’argent public pour développer les transports en commun, favoriser le ferroutage, construire des pistes cyclables ou bien diminuer la consommation de fioul pour le chauffage.

Bref, l’argent public favorise, et heureusement, une mutation sociale qui va forcément engendrer un déclin de l’automobile et de la consommation de pétrole. Mais comment alors ne pas assumer la diminution des emplois dans ces secteurs ? Certes, les difficultés chez Peugeot ou Petroplus sont largement dues à la crise économique, mais cette dernière n’a fait qu’accélérer une tendance inéluctable à long terme, notamment du fait de l’intervention de l’Etat. Bref, ce dernier veut jouer les pompier sur un feu dont il a participé à l’embrasement. Voici un bel exemple de schizophrénie !

Evidemment, il n’est pas question ici de passer sous silence les délocalisations pour profiter de coûts salariaux inférieurs ailleurs. Mais personne ne semble vouloir admettre que de toute manière l’emploi dans l’automobile est voué à décliner, que c’est une bonne chose, tant que cela correspond à un recul de la place de la voiture dans notre vie. On peut prendre tant qu’on voudra Volkswagen comme modèle, même si tout le monde avait adopté la même stratégie que le constructeur allemand, c’est n’est pas pour autant que les Européens auraient acheté plus de voitures. Bien sûr, on aurait aimé que ce soit une entreprise française qui résiste le mieux à cette évolution. Mais elle n’en est pas moins inéluctable.

Un Etat stratège doit mesurer toutes les conséquences des politiques qu’il met en place, pas seulement celles qui font plaisir. Sans cela, la schizophrénie n’est pas prête de quittée nos politiques publiques.

QUESTION LARGE, REPONSE LONGUE

voteetrangers

voteetrangersN.B : J’ai écrit ce texte dans le cadre d’un débat d’actu sur le site Ciao.fr. La question était « pour ou contre le vote des étrangers ». Vu comme la question était posée, c’était déjà mal parti et le contenu des interventions a confirmé mes craintes. Je n’ai donc pas pu résister à l’envie de participer 

Je m’étais toujours dit que je ne participerai jamais à un débat d’actualité sur Ciao. J’avoue même éviter au maximum de lire les avis de cette rubrique, qui pour moi, n’a rien à faire sur ce site. Mais m’exprimant régulièrement sur l’actualité sur mon blog et assez édifié par ce que j’ai pu lire pour l’instant, je prends ma plume (enfin mon clavier) cette après-midi pour ne pas laisser la pensée unique triompher.

Déjà, la question est formulée de la manière la plus vaste possible et dépasse largement ce qui devrait être débattu prochainement en France. Du coup, je trouve quand même terrifiant de voir comment tous ces avis quasi unanimes passent complètement sous silence le fait que ce droit existe déjà. Certes, il se limite aux ressortissants de l’Union Européenne et aux élections municipales (et européennes, mais pour le coup, tout le monde s’accordera que c’est logique), mais il existe. Et jusqu’à preuve du contraire, les panzers allemands n’occupent aucune de nos 36 000 communes et la mafia roumaine n’a pris le contrôle d’aucune d’elle. Mais j’y reviendrai.

L’argument le plus étonnant reste quand même le fait que cela ne constitue pas une priorité et que le gouvernement devrait s’occuper d’autre chose. Ok, bon moi je ne fais pas de sport, alors je vais demander la suppression du Ministre des Sports ! Depuis quand des difficultés économiques doivent-elles empêcher de traiter des problèmes de société ? On s’est tous arrêté de vivre à cause des subprimes ? En fait, c’est juste une façon de dire de façon détournée que l’on est contre et non concerné. Mais la question n’est pas de savoir si c’est prioritaire ou non, mais de savoir si c’est souhaitable ou pas. Si ça l’est, cela doit être adopté, quel que soit l’heure ou l’instant !

L’argument du contre-feu médiatique allumé pour détourner le débat des vrais problèmes est totalement fallacieux, pour ne pas dire qu’il constitue un monstrueux foutage de gueule ! Surtout quand il provient des mêmes personnes qui vont bloquer l’Assemblée Nationale pendant deux semaines et cherchent à tout prix à occuper les médias pour s’opposer à une autre réforme de société, tout en proclamant qu’on ferait mieux de s’occuper d’autre chose. Le parallèle entre les deux débats est d’ailleurs frappant.

Un deuxième argument absurde est que cette réforme est une manière pour la gauche de gagner des voix. Il serait évidemment malhonnête de dire que cela ne va pas globalement la favoriser (mais dans une infime proportion). Mais on peut tout à fait retourner l’argument en disant que la droite s’y oppose parce que cela va la défavoriser. Il faut alors se rappeler que c’est la gauche qui s’est le plus opposé au droit de vote des femmes, de peur que ces douces créatures sous l’influence de l’Eglise ne votent majoritairement contre eux. La question n’est pas de savoir pour qui ces gens vont voter, mais de savoir s’il est légitime qu’ils en aient le droit. Accorder ou non le droit de vote selon pour qui la personne va voter n’est pas vraiment compatible avec la démocratie.

Un autre argument qui n’en est pas un est le fait que les étrangers vont prioritairement voter pour des gens issus du même pays qu’eux et vont défendre leur intérêt particulier. Bref, ils vont voter pour des gens qui leur ressemblent et qui pensent comme eux. Non, sans blague ? Parce que les bons Français ne font pas ça ? J’avais pourtant l’impression que, vivant dans une ville très à droite et très catholique (je touche Versailles), la majorité municipale est essentiellement composée de personnes fréquentant assidument la paroisse et de beaucoup de mère de famille nombreuse au foyer. Encore une fois, il n’est toujours pas question de savoir pour qui ces gens vont voter, mais de savoir s’il est légitime qu’ils en aient le droit. Je me répète, je sais… De plus, cet argument se heurte à un problème technique, du moins pour les élections municipales, mais j’y reviendrai plus tard.

Enfin, peut-être mon préféré, c’est le « vous n’imaginez pas, un étranger va venir voter, influencer des décisions que les bons Français vont subir pendant des années, alors que lui sera peut-être reparti dans son pays ! ». Bon alors, prenons l’exemple de Monsieur X et Monsieur Y aux élections municipales… Très bon exemple, les élections municipales puisque c’est a priori la seule élection potentiellement concernée par une éventuelle réforme.

Monsieur X est Marocain, il vit depuis dix ans dans la commune de Z. Ses deux enfants y sont scolarisés. Il travaille comme épicier (oui je sais les clichés) dans cette même commune, où il est un commerçant très apprécié. Il paye ses impôts locaux en tant que contribuable privé et entreprise.

Monsieur Y est Français, il vient de finir son BTS commercial. Il a pris un studio dans la commune de Z, mais a bien l’intention de prendre un appart avec sa copine dès qu’elle aura fini ses études l’année prochaine. Ils ont envie de partir dans la commune de W, d’où est originaire sa copine.

La question est : qui de Monsieur X et de Monsieur Y est le plus à même de fonder son vote aux élections municipales sur des critères objectifs, défendant l’intérêt général des habitants de la commune de Z à court et long terme ? Ne répondez pas Monsieur Y, vous seriez de mauvaise foi. Cependant, c’est bien lui qui aura le droit de vote, pas Monsieur X. Certes, un contre-argument peut être que Monsieur X n’a qu’à demander la nationalité française. Il est fondé, j’y reviendrai également. Mais le but était de démontrer que la nationalité n’est pas forcément un critère pour savoir si vous êtes à même de prendre ou non les bonnes décisions au niveau local.

D’ailleurs, il est intéressant de regarder quels sont les critères qui permettent d’établir votre domicile électoral :
• Soit à la mairie de votre domicile,
• Soit à la mairie d’une commune dans laquelle vous êtes assujetti aux impôts locaux depuis au moins 5 ans,
• Soit à la mairie de votre résidence si vous y résidez de manière effective et continue depuis au moins 6 mois,
• Soit à la mairie de la commune où vous êtes assujetti à résidence obligatoire en tant que fonctionnaire public.

On s’aperçoit donc que l’on peut très bien voter dans une commune où on n’habite même pas. Il suffit d’être propriétaire sur la commune depuis au moins cinq ans. Bon, il est évident que c’est un cas d’école et que ce cas ne doit représenter qu’un nombre infinitésimal d’électeurs. Mais si j’écoute certains, ils doivent être abattus sur le champ !

En fait, de mon point de vue, le débat doit prendre de la hauteur et reformuler la question en se demandant sous quelle condition devient-on citoyen ?
La définition du mot citoyen est : Personne faisant partie de ceux qui, dans un état organisé, jouissent des mêmes droits et obéissent aux mêmes lois. Un étranger n’est donc pas un citoyen puisqu’il n’a pas le droit de vote.

L’étendue de la citoyenneté est un débat constant et légitime, car c’est une notion qui a beaucoup évoluée au cours de l’histoire. On pense évidemment au droit de votes des femmes qui va bientôt fêter ses 70 ans, mais on se souvient qu’au XIXème siècle, il a longtemps fallu être propriétaire ou justifier d’un certain revenu pour pouvoir voter. Plus récemment, on a abaissé l’âge d’entrée dans la citoyenneté de 21 à 18 ans.

Aujourd’hui, quelles sont les conditions pour être un citoyen en France :
– avoir 18 ans
– ne pas être déchu de ses droits civiques
– être de nationalité française…

…sauf qu’on l’a vu cette dernière condition souffre déjà des exceptions. Ce sont ces exceptions que certains, dont je fais pleinement partie, voudraient voir étendre.

Avant d’aller plus loin (pour ceux qui sont déjà arrivés jusque-là), un petit rappel. Les élections municipales sont des scrutins de liste. Donc ceux qui brandissent la crainte de voir apparaître des dérives communautaristes oublient de dire qu’il faut pour cela que se constituent des listes composées de personnes d’une même communauté. Et croyez mon expérience d’élu local, constituer une liste n’est pas une chose facile. Mais admettons. On oublie de dire également, que les postes de Maire et d’adjoints restent, et resteront dans le projet de réforme, réservés aux seuls citoyens français. Il faut donc que la liste en question soit composée d’un certain nombre de citoyens français. Une liste composée entièrement d’étrangers ne peut se constituer…

Bon, pour clarifier mon propos, mettons les pieds dans le plat. En gros, ce dont on a peur, c’est que des Magrébins barbus prennent le contrôle d’une commune de Seine-Saint-Denis. Déjà, dans beaucoup de ces communes, rien n’empêche une liste d’obédience islamiste de se présenter, du moment que ceux qui la composent aient acquis la nationalité française. Or, ces personnes existent déjà et aux dernières nouvelles, aucune mairie n’est tombée sous leur joug. Ah oui, mais si les étrangers votent, ils auront plus de voix et cela risque d’arriver…

Cela relève clairement du fantasme, mais admettons. On se retrouve là face à un typique « tant que le problème n’est pas trop visible, il n’existe pas ». Si jamais cela arrivait, le problème n’est pas que l’on ait donné le droit de vote des étrangers, mais que des territoires se retrouvent à ce point confinés dans leur statut de ghetto. Ce problème est une réalité que je ne vais pas développer ici, mais qui existera indépendamment de ces histoires de droit de vote. Et je reste persuadé que l’accorder à tous ceux qui font vivre ces territoires ne pourra qu’améliorer leur fonctionnement.

Pour finir (enfin dirons certains), j’en viens à la deuxième définition du mot citoyen : Celui qui habite dans une ville et y jouit du droit de cité. La commune reste l’échelon territorial administratif auquel on est profondément attaché, par lequel on est le plus concerné (en dehors du national bien sûr). Je le vis en tant que conseiller municipal. On n’a pas le même rapport avec sa ville de résidence qu’avec son département ou sa région, qui reste des notions largement administratives. Une commune, c’est une communauté de vie (non le mot communauté n’est pas un gros mot quand il n’est pas pris au sens de replis sur soi), où chacun joue un rôle et où chacun devrait avoir le droit de donner son avis, de participer à sa gestion et donc de voter pour désigner ceux qui en sont chargés. A Viroflay, nous avons une Allemande au Conseil Municipal et elle apporte une richesse au débat par un point de vue peut-être différent, mais tout aussi légitime que le mien (et pour le coup, on n’a pas du tout le même !).

Si je m’installe à Marseille, moi le Parisien, je serai toujours moins Marseillais que l’étranger qui habite cette ville depuis longtemps. Mais contrairement à lui, j’aurais le droit de vote. Et s’il vient d’un pays qui ne reconnaît pas la double nationalité, de quel droit vais-je lui demander de renoncer à sa première nationalité pour exercer un droit pour lequel il est plus légitime que moi ? C’est vrai que la France est un des rares véritable Etat-Nation et que nous restons très jacobins. Mais lier de manière irréductible nationalité, identité et citoyenneté ne correspond absolument pas à la manière dont chacun d’entre nous va se définir.

Après, on peut discuter à l’infini des modalités exactes d’une telle réforme. Faut-il l’accorder au bout de 5 ou 10 ans ? Personnellement, 5 ans me semble un bon chiffre. Les ressortissants de l’UE ont ce droit immédiatement, alors instaurer ce droit au bout de 10 ans seulement pour les autres serait pour moi totalement déséquilibré.

Après doit-on s’arrêter aux municipales ? Pourquoi pas les départementales ou les régionales ? Personnellement, je n’y serais pas opposé, mais vu le peu d’intérêt que ces élections suscitent, je doute que cela motive tellement plus les électeurs étrangers qui verront ces institutions comme des objets encore plus flous que les électeurs français.

Pour les législatives, je suis partagé. D’un côté, ce n’est pas totalement absurde que les étrangers qui payent des impôts élisent ceux qui en fixent le montant, alors que les Français de l’étranger ont désormais leurs députés (invention sarkozienne puisque ils sont censés voter plutôt à droite…) qui fixent le montant d’impôts qu’ils ne payeront de toute façon pas. Cependant, l’Assemblée Nationale prend aussi des décisions qui concernent la Nation en tant qu’entité. C’est pourquoi, je suis finalement tout de même plutôt opposé à étendre le collège électoral aux étrangers.

Pour le Président de la République, la question ne se pose pas. En tant que chef des armées, il ne peut naturellement être désigné que par les seuls électeurs nationaux.

En tout cas, je remercie tous ceux qui ont été au bout de cette lecture qu’ils soient ou non d’accord avec moi. Mais tant de fantasmes et d’inepties viennent troubler ce genre de débat qu’il m’a semblé important d’y apporter ma voix.

97 HOMMES VOUES A L’OUBLI

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mariagepourtousarticle1On se rappelle des grandes lois et de ceux qui les ont porté. Jules Ferry et l’école gratuite, laïque et obligatoire. La loi de 1901 sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat sous l’égide de Waldeck-Rousseau. Les congés payés inventés par le Front Populaire. Simone Veil et la légalisation de l’avortement, Robert Badinter et l’abolition de la peine de mort. Mais à chaque fois, il y a eu des députés pour s’y opposer, voter contre et expliquer que l’on courait à la catastrophe. Qui se souvient d’eux et de leurs arguments ? Personne ! Car l’histoire est cruelle avec ceux qui croient pouvoir s’opposer à son cours et les fait sombrer dans l’oubli.

On ne sait pas encore quelle place la loi pour le mariage pour tous occupera dans la mémoire collective de notre pays. On ne sait pas non plus si un nom lui sera associé. Parlera-t-on du rôle de Christiane Taubira ? Son discours de mardi sera-t-il vu comme un moment historique ? Seul l’avenir le dira. Mais une chose est sûr, les 97 députés qui ont voté ce matin contre l’adoption du premier article de la loi disparaîtront des mémoires. Personne ne verra comme un acte significatif celui de s’être opposé à quelque chose voué à devenir aussi naturel que les congés payés ou la scolarisation universelle.

On ne fait pas de la politique pour rentrer dans l’histoire, mais pour défendre des idées. Ces 97 députés étaient donc en droit de défendre les leur. Dans notre pays, on est toujours libre de ne pas prendre le train, serait-ce celui de l’histoire. De toute façon, à une autre époque, ces 97-là se seraient opposés à l’invention de la roue…

MADAME TAUBIRA…

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christianetaubiraPardon Madame Taubira. Oui, ce billet sera un billet d’excuses… Quand les excuses doivent être mutuelles, il faut bien que quelqu’un commence. Oh, je sais bien que les excuses en retour ne viendront sûrement jamais. Je ne l’écris pas pour en avoir (en dehors du fait que vous ne lirez jamais ces lignes), mais parce que je me suis trompé sur votre compte et que je ne peux que le reconnaître. Aussi parce qu’en ces heures, votre combat est trop important pour ne pas recevoir un soutien plein et entier.

J’ai longtemps pensé que vous n’étiez devenue Ministre de la Justice que parce que vous étiez (dans le désordre) radicale, antillaise et une femme. Peut-être que cela fait de moi un affreux raciste misogyne, mais il est ridicule de nier que la composition d’un gouvernement ressemble au moins autant à un casting qu’à un entretien d’embauche. Je continue de penser que vous n’avez pas été nommée pour vos compétences. Mais cela ne vous empêche pas d’en posséder, vous l’avez largement prouvé, je ne peux que le reconnaître.

Je suis le premier à défendre l’idée que la fonction d’homme ou de femme politique n’est en rien celle d’un expert. On n’a pas besoin d’être spécialiste d’un domaine pour devenir un bon ministre. Ainsi on ne confie pas la défense à un militaire ou l’éducation nationale à un prof. Alors pourquoi pas vous comme ministre de la Justice ? Parce que je n’ai pas oublié le 21 avril 2002. Oh, la responsabilité de la catastrophe ne vous incombe pas, mais vous y avez largement contribué. Or, vous n’avez jamais reconnu votre part de responsabilité, ce qui est pour moi le début de l’irresponsabilité. Oui je pensais que vous ne pourriez pas être une bonne ministre, je pensais que vous ne seriez pas à la hauteur, je pensais que vous étiez une erreur de casting qu’on allait amèrement regretter.

Quand, au meeting de François Hollande à Bercy à quelques jours du premier tour des Présidentielles, on vous a applaudi, je me suis abstenu. Je ne voyais pas en quoi vous méritiez la moindre acclamation, bien au contraire. Aujourd’hui, je le frapperai mes mains en votre honneur. Aujourd’hui, je vous féliciterai surtout pour votre discours d’hier à l’Assemblée, qui n’est pas la première sortie remarquable que vous avez effectué depuis que vous êtes Ministre. Oui le discours était beau, convaincant, fort et sincère pour une cause qui vaut bien que l’on mette tout son talent à son service. Et du talent, vous en avez.

Je vous avais mal jugé, Madame Taubira. Je m’en excuse encore une fois. On n’effacera jamais le passé, mais votre action conduira demain à une société plus juste, plus solidaire, tout simplement plus agréable à vivre. Cela vaut bien des excuses. Cela vaut même bien un merci.

NE PAS SE TROMPER DE SENS

vincentpeillon

vincentpeillonJ’ai quelque peu hésité à rédiger ce billet, tant l’éditorial du Monde d’hier correspondait déjà parfaitement à ce que je voulais exprimer, même si le ton était tout de même particulièrement agressif. Il concernait la réforme des rythmes scolaires et la grève des instituteurs parisiens particulièrement suivie. Il rappelait qu’il serait bon que les acteurs de l’éducation se mobilisent avant tout pour améliorer la qualité de l’enseignement prodigué aux enfants et non pour défendre leurs propres intérêts.

Du coup, je vais plutôt m’aventurer dans une réflexion plus large, mais que j’ai déjà eu sur d’autres sujets. Lorsque l’on définit une politique publique (cela peut cependant être vrai dans d’autres domaines), il faut bien distinguer les buts des moyens. Cela peut paraître trivial, mais cela ne l’est pas tant que ça ! Dans bon nombre de cas, la frontière est floue et surtout ne va pas être tracée au même endroit selon qui la dessine. Pour un acteur public, elle est pourtant supposée être toujours sur le même axe, celui de l’intérêt général.

On ne paye pas les professeurs pour leur permettre d’occuper leur journée. De même, on ne subventionne pas les agriculteurs parce qu’ils ont la vocation de l’être. Non, l’Education Nationale existe pour éduquer les enfants et la Politique Agricole Commune existe pour assurer la production de denrées alimentaires en quantité suffisante pour nourrir l’ensemble de la population européenne. Tout autre objectif assigné à ses institutions ne peut être que secondaires, c’est-à-dire un moyen d’arriver à l’objectif principal.

Prenons l’exemple de l’agriculture, sujet que je maîtrise quand même beaucoup plus. De mon point de vue, le seul et unique objectif que doit donc se fixer la moindre politique agricole, c’est d’assurer de manière durable une production alimentaire capable de satisfaire les besoins de la population et sa bonne santé. Ce n’est donc ni de préserver l’environnement, ni d’offrir un revenu aux agriculteurs. Mais sans le premier élément, l’épuisement ou la détérioration des ressources conduira à une décroissance de la production et d’autres problèmes de santé surviendront par ailleurs. Sans le second, il n’y aura plus de production du tout… Les politiques cherchant à consolider ces deux approches sont donc totalement légitimes, tant qu’elles ne perdent pas de vue leur but premier qui les rend légitime. Cela reste pour moi la meilleure manière de savoir où l’action publique doit s’arrêter avant d’entrer dans le superflu.

Concernant les rythmes scolaires, une seule question doit donc être posée : la réforme permet-elle d’améliorer les conditions d’apprentissage des enfants ? Si la réponse est oui, et il semble bien qu’un large consensus existe autour de cette réponse positive, alors elle doit être mise en œuvre. Concernant les modalités, la seule question à se poser est : celles qui sont définies permettent-elles d’appliquer la réforme à court et à long terme ? Si la réponse est encore oui, alors la loi est bonne et doit être votée et appliquée. Que cela modifie les conditions de travail de certains, c’est possible. Mais tant que cela n’implique pas qu’ils soient découragés, qu’ils ne puissent plus exercer leur fonction convenablement ou qu’il devienne impossible de recruter, alors cela ne peut contrebalancer le bénéfice au profit du sens même de la politique d’éducation, qui reste tout de même avant tout d’éduquer.

L’action publique gagnera toujours à garder à l’esprit son sens et son but premiers. Tout peut être bon ou mauvais s’il est regardé avec un regard étroit et subjectif. Et la politique est malheureusement un domaine où les myopes sont nombreux ! Espérons que Vincent Peillon continuera à l’être un peu moins que ses prédécesseurs