LES SIFFLEURS : En Roumanie aussi

lessiffleursafficheLe cinéma n’a pas de frontière et il n’y a pas beaucoup de pays au monde dont on n’a pas l’occasion de découvrir un bon film de temps à autres. Certains nous en proposent cependant plus fréquemment que d’autres et pas toujours ceux auxquels on s’attend. La Roumanie par exemple s’impose peu à peu comme une place forte du cinéma européen. On imagine facilement ce pays nous proposer des films sombres, voire sinistres. Cela a parfois été le cas, mais pas toujours. La preuve avec les Siffleurs, un vrai bon polar aux multiples qualités.

Les Siffleurs est de ces polars qui tirent leur intérêt avant tout de la qualité des personnages et de tout ce qui gravite autour de « l’enquête », plus que du suspense inhérent à cette dernière. Un film d’ambiance donc plutôt qu’un thriller. Il est néanmoins parcouru par une réelle tension narrative, grâce notamment à une chronologie qui dévoile que très progressivement tous les tenants et les aboutissants de l’intrigue. On se demande jusqu’au bout où tout cela va nous mener et le destin qui attend les personnages. Ces derniers contribuent largement à la curiosité du spectateur qui prend beaucoup de plaisir à suivre cette histoire qui ravira au-delà des purs amateurs de polar.

lessiffleursQui dit film de personnages, dit évidemment des acteurs et des actrices (ok je dis ça à chaque fois que je qualifie un long métrage de films de personnages). On découvre ici un duo étonnant, mais surtout particulièrement brillant. Vlad Ivanov et Catrinel Marlon parviennent à donner assez d’épaisseur, de charisme et de crédibilité à leurs personnages pour qu’on soit définitivement convaincu par cette histoire. Si on ajoute à cela une réalisation parfaitement maîtrisé, cela nous offre un très bon film qui mérite bien les bons échos qu’il a reçu au dernier Festival de Cannes. Vive le cinéma sans frontières !

LA NOTE : 13/20

Production : 42 Km Film, Bord Cadre Films, Film i Väst, Komplizen Film, Les Films du Worso
Réalisation : Corneliu Porumboiu
Scénario : Corneliu Porumboiu
Montage : Roxana Szel
Photo : Tudor Mircea
Décors : Anca Perja
Distribution : Diaphana
Durée : 107 min

Casting :
Vlad Ivanov : Ivan
Catrinel Marlon : Gilda
Rodica Lazar : Magda
Agustí Villaronga : Paco
Sabin Tambrea : Zsolt
Cristóbal Pinto : Carlita

PLAY : Ma génération

playafficheIl existe deux types de films générationnels. D’une part, ceux qui auront marqué une génération et que celles qui suivent regardent d’un air un peu étonné, ne partageant pas du tout l’enthousiasme de leurs aînés. D’autre part, il y a les films qui « racontent » une génération, essayant de récréer l’ambiance, l’univers, la culture dans lesquels elle a baigné et s’est construite. Play est définitivement à ranger dans cette deuxième catégorie puisque c’est même clairement le but de cette histoire. Une belle histoire en tout cas, qui vaut bien plus que la simple nostalgie qu’elle véhicule. Nostalgie qui touchera le cœur de tous ceux nés comme moi autour de l’entrée des années 80.

Les personnages de Play sont visiblement nés en 1980, contrairement à moi qui suis né en 1979. Mais cette petit année d’écart ne change pas grand chose à cette impression étrange de revivre une partie de sa propre existence. Même si j’ai un parcours de vie différant quelque peu de celui des protagonistes de cette histoire, il y a trop de choses dans ce film qui m’ont rappelé des souvenirs pour ne pas me sentir particulièrement concerné. Cet effet miroir fait mouche et démultiplie les émotions véhiculées par l’histoire. Car ce film nous raconte aussi une histoire d’amour un rien ordinaire, mais une belle histoire tout de même, qui parlera à toutes les générations.

playPlay bénéficie d’une forme quelque peu originale. En effet, ce film est supposé avoir été fait en montant des passages de la vie des personnages tournées au caméscope. Un choix qui aurait pu rendre le film absolument insupportable, mais qui fonctionne finalement parfaitement. Cela renforce le sentiment d’intimité très fort qui naît avec le spectateur. Cela est renforcé par un casting qui fonctionne très bien rendant totalement crédible la progression en âge des spectateurs. Max Boubil confirme qu’il est un acteur à part entière, qui mériterait des rôles encore plus intéressants. La vraie star du film reste cependant Alice Isaaz, absolument éblouissante. Les deux comédiens entrent vraiment en synergie pour faire de ce film une réussite étonnante de 7 à 77 ans… mais encore plus à 40 ans !

LA NOTE : 13,5/20

Fiche technique :
Réalisation : Anthony Marciano
Scénario : Anthony Marciano et Max Boublil
Directeur de la photographie : Jean-Paul Agostini
Chef décorateur : Sidney Dubois
Son : Pascal Armant
Monteur : Samuel Danési
Musique : Raphaël Hamburger
Production : Dimitri Rassam, Benjamin Elalouf
Directrice de production : Gaëtane Josse
Costumes : Caroline Spieth
Durée : 108 minutes

Casting :
Max Boublil : Max
Alice Isaaz : Emma
Malik Zidi : Mathias
Arthur Périer : Arnaud
Noémie Lvovsky : la mère de Max
Alain Chabat : le père de Max
Camille Lou : Fanny
Alexandre Desrousseaux : Max (16–20 ans)
Gabriel Caballero : Mathias (16–20 ans)
Gabriel Brunet : Arnaud (16–20 ans)
Mathias Barthélémy : Max (13–15 ans)
Camille Richeux : Emma (13–15 ans)
Jules Porier : Mathias (13–15 ans)
Thomas Aprahamian : Arnaud (13–15 ans)
Marie Narbonne : Olivia (13–15 ans)

LES FILLES DU DOCTEUR MARCH : Jeunes femmes, grande oeuvre

lesfillesdudocteurmarchafficheIl n’est jamais trop tard pour boucher les trous béants dans sa culture. Il existe encore beaucoup d’histoire, d’artistes, d’œuvres que je connais de nom, sans vraiment savoir ce qu’il y a derrière. J’ai toujours pris les 4 Filles du Docteur March pour une histoire cucul pour jeunes filles prépubères. Il faut dire que la traduction française du titre original (Little Women) du roman de Louisa May Alcott s’avère particulièrement mauvaise et trahit totalement son esprit. Heureusement, Greta Gerwing m’a permis de découvrir enfin ce qu’il en était vraiment grâce à une excellente adaptation. De plus, le film bénéficie d’une nouvelle traduction du titre, particulièrement recherchée… les Filles du Docteur March (sic!).

C’est donc sans aucune connaissance de l’histoire que je suis allé voir les Filles du Docteur March. J’ai donc eu le bonheur de découvrir ce récit émouvant et passionnant, portant avec beaucoup de brio des thématiques fortes. La plus centrale demeure avant tout l’émancipation individuelle, à une époque où les conventions pesaient encore lourdement sur les individus, évidemment encore plus fortement quand il s’agissait de jeunes femmes. Mais il offre une réflexion plus général sur le bonheur, le prix à payer pour l’atteindre, la difficulté de faire les bons choix, le courage qu’il faut pour le garder et sa précarité aussi. Un récit de grande envergure qui mérite bien sa postérité.

lesfillesdudocteurmarchTous ces commentaires pourraient tout aussi bien porter sur le roman. Or les Filles du Docteur March est bien un film, brillamment réalisé par Greta Gerwing. Elle parvient à insuffler beaucoup d’énergie dans sa narration. Elle met en valeur de manière particulièrement brillante ses personnages. Il faut dire qu’elle bénéficie d’un casting réellement impeccable où Saoirse Ronan brille vraiment de mille feux. On est heureux également de voir Emma Watson dans un très beau rôle et on espère que plus de réalisateurs penseront à elle dans les années à venir. En tout cas, le film est une réussite pleine et entière, qui me donne très envie de combler définitivement mes lacunes en lisant enfin le roman.

LA NOTE : 14/20

Fiche technique
Production : Columbia pictures, New Regency Pictures, Pascal Pictures, Sony Pictures Entertainment
Distribution : Sony Pictures France
Réalisation : Greta Gerwig
Scénario : Greta Gerwig, roman de Louisa May Alcott
Montage : Nick Houy
Photo : Yorick Le Saux
Décors : Jess Gonchor
Musique : Alexandre Desplat
Durée : 134 min

Casting :
Saoirse Ronan : Jo March
Emma Watson : Meg march
Florence Pugh : Amy March
Timothée Chalamet : Theodore Laurie Laurence
Laura Dern : Marmee March
Louis Garrel : Fridrich Bhaer
Meryl Streep : Tante March
Chris Cooper : Mr. Laurence
James Norton : John Brooke
Eliza Scanlen : Beth March

NOTRE-DAME : Divine légèreté

notredameafficheParfois le plus grand des hasards donne à un film une saveur supplémentaire non prévue à l’origine. Y compris un hasard quelque peu tragique. Valérie Donzelli n’a pas écrit Notre-Dame pour rendre hommage à ce monument suite à l’incendie de l’année dernière, mais sa sortie quelque mois après ce dernier procure à ce film un relief supplémentaire. Cependant, même sans cette concordance des temps involontaire, il serait resté cette comédie pleine d’imagination, de fantaisie et d’humour (ce qui est quand même bienvenu pour une comédie) qui nous aura ravi et permis de passer de 2019 à 2020 dans la joie et la bonne humeur !

A mon sens, la Guerre est Déclarée est une des meilleurs films de l’histoire du cinéma hexagonal. Il est vrai que le reste de sa filmographie est beaucoup plus anodin, mais j’ai n’ai été en rien surpris d’être agréablement surpris par un film de Valérie Donzelli. On y retrouve sa créativité débridée et sa capacité à traiter de manière enjouée les sujets le plus divers, y compris les plus graves.Bon il est vrai que ceux qu’aborde Notre-Dame sont à base le plus souvent d’un poids fort modeste, mais elle parvient à leur enlever définitivement toute trace de lourdeur, même la plus insignifiante. Son plus grand mérite est de parvenir à offrir autant de légèreté à son propos sans le priver de consistance.

notredameValérie Donzelli parvient se mettre elle-même en scène avec beaucoup de talent et sans complaisance. Certes, elle a écrit ce rôle pour elle-même, mais elle incarne avec un talent qui va plus loin que cela. A ses côtés, Pierre Deladonchamps roule un peu plus à l’ordinaire, mais apporte sa dose de charme. On est très heureux de retrouver Virginie Ledoyen qui ne fréquente plus trop nos écrans. On peut également souligner une nouvelle fois l’immense talent de Bouli Lanners dans un nouveau second rôle absolument parfait. Tout ce joli petit monde fait de Notre Dame une jolie réussite. A la hauteur, de la grande dame dont il porte le nom.

LA NOTE : 13,5/20

Fiche technique :
Réalisation : Valérie Donzelli
Scénario : Valérie Donzelli et Benjamin Charbit
Décors : Gaëlle Usandivaras
Costumes : Elisabeth Mehu
Photographie : Lazare Pedron
Montage : Pauline Gaillard
Musique : Philippe Jakko
Superviseur musical : Matthieu Sibony
Producteur : Alice Girard et Édouard Weil
Durée : 90 minutes

Valérie Donzelli : Maud Crayon
Pierre Deladonchamps : Bacchus Renard
Thomas Scimeca : Martial
Bouli Lanners : Didier
Virginie Ledoyen : Coco
Isabelle Candelier : la maire de Paris
Philippe Katerine : Martin Guénaud
Claude Perron : Monique Delatour
Samir Guesmi : Greg

LA VERITE : Monstres gâchés

laveriteafficheMonstres sacrés, voici une expression un peu étrange. Mais elle convient relativement bien pour parler de la place qu’occupent Catherine Deneuve et Juliette Binoche dans le cinéma français. Les voir réunies à l’écran à de quoi réjouir tous les cinéphiles. Malheureusement, les meilleures actrices du monde ne peuvent pas donner à elles seules de l’intérêt à un film. La preuve avec la Vérité qui livre une réflexion bancale et sans grand intérêt sur la famille et en particulier les relations mère-fille. Mais faute de crédibilité, on s’ennuie ferme.

Livrer un film aussi centré sur ses personnages que la Vérité avec des protagonistes aussi peu enclins à faire naître la moindre empathie chez le spectateur représentait un pari risqué. Il est clairement perdu. Jamais aucun attachement ne naît pour ces deux femmes qui ont vraiment des problèmes de riches comme l’on dit. Et ce n’est pas cette histoire de troisième femme décédée il y a longtemps qui va apporter la moindre émotion supplémentaire. Cela apparaît comme totalement artificiel et absolument pas convaincant. Les rapports entre les personnages ont effectivement une certaine complexité qui aurait pu donner de la profondeur à la réflexion, mais on n’a pas grand chose à faire des états d’âme des uns et des autres.

laveriteCatherine Deneuve et Juliette Binoche livre une prestation à la hauteur de leur talent, mais sans vraiment non plus sublimer leurs personnages respectifs. La tâche s’avérait ardue de toute façon, mais on les sent mollement motivées pour réellement essayer. Au final, c’est la jeune Manon Clavel et la très jeune Clémentine Grenier qui nous ravissent vraiment et apportent une vraie touche de sincérité dans la Vérité. La réalisation de Kore-Eda Hirokazu n’est pas dénuée d’élégance et aurait pu vraiment séduire, si elle avait été au service d’un propos réellement intéressant. En tout cas, ce qui est sûr, c’est que ce dernier est loin d’être à la hauteur de son casting.

LA NOTE : 08/20

Fiche technique :
Production : 3B Productions
Distribution : Le Pacte
Réalisation : Kore-Eda Hirokazu
Scénario : Kore-Eda Hirokazu
Montage : Kore-Eda Hirokazu
Photo : Eric Gautier
Musique : Alexeï Aïgui
Directeur artistique : Riton Dupire-Clément
Durée : 107 min

Casting :
Catherine Deneuve : Fabienne
Juliette Binoche : Lumir
Ethan Hawke : Hank
Clémentine Grenier : Charlotte
Manon Clavel : Manon
Ludivine Sagnier : Amy 38 ans

PALMARES 2019 : Les papys font de la résistance

jokerIl avait été annoncé bien à l’avance comme un chef d’œuvre, de manière un peu suspecte. La bande annonce avait fait naître beaucoup d’espoirs. Du coup, on pouvait facilement craindre que tout cela n’aboutisse à une amère déception. Il n’en a rien été. Joker est bien le meilleur film de cette année 2019, qui nous a réservé quelques autre beaux moments de cinéma par ailleurs. Une année marquée par la prédominance du cinéma américain, même si le cinéma hexagonal parvient tout de même à placer deux représentants dans un classement relativement resserré.

9 films seulement, dont une reprise, ce palmarès 2019 est relativement léger. La faute sans doute à l’absence de films asiatiques, pourtant souvent largement représenté dans ce classement. Beaucoup pourront me reprocher d’avoir oublié Parasite. Mais j’assume de montrer un peu plus mitigé à son propos que beaucoup d’autres (mais en ayant beaucoup aimé néanmoins). Mais on peut se réjouir de voir six films américains, tous très différents, démontrant ainsi qu’il n’y a pas encore de raison de désespérer du cinéma d’Outre-Atlantique.

Concernant, les performances individuelles, chez les hommes, on pense évidemment en premier lieu à Joaquin Phoenix pour son interprétation magistrale de Joker. Chez les femmes, on retiendra les deux actrices principales de la Vie Invisible d’Euridice Gusmao, Carole Duarte et Julia Stockler, dans un film qui était tout près d’intégrer ce classement.

Chez les réalisateurs, 2019 a permis de vérifier que rien ne remplace l’expérience. En effet, beaucoup de cinéastes confirmés dans ce classement. Au final, seul Ladj Ly peut être classé dans la catégorie révélation. Mais quelle révélation ! Par contre, il y a longtemps que Quentin Tarantino ou Pedro Almodovar n’ont plus rien à prouver. Mais ils ont prouvé cette année qu’ils ont encore beaucoup de bonheur à nous apporter et on les remercie pour cela.

greenbookPour finir, voici un tour d’horizon des films qui ont marqué cette année 2019.

1-Joker
Un film dans l’univers des super-héros, mais qui n’a strictement rien d’un film de super-héros. Un film sur la chute d’un homme et de celle de toute la société avec lui. Magistralement réalisé, porté par la fantastique performance de Joaquin Phoenix, il a séduit un large public, alliant grand spectacle avec une qualité artistique sans faille et une grande profondeur.

2-Donnie Darko (director’s cut)
J’aurais pu ne pas inclure le nouveau montage de ce film culte de 2001. Mais il fait partie des meilleurs moments que l’on a pu passer dans une salle obscure cette année. Et quel plaisir de revoir les débuts de Jake Gyllenhaal dans ce qui reste aujourd’hui peut-être son plus grand rôle.

3-Greenbook
Un Oscar du meilleur film qui ne souffre guère de contestation. Un film sensible, émouvant et drôle, sur les différences et leur acceptation. Un scénario qui aurait pu tomber dans mille pièges pour devenir insupportable de bons sentiments faciles, mais qui les as tous esquivé avec un talent immense.

4–Les Misérables
Sans doute la plus grande claque de l’année cinématographique. Un film qui va crescendo et qui nous offre une dernière séquence qui laisse le spectateur KO à la sortie. Porté par un propos particulièrement marquant, il force notre pays à ne plus détourner les yeux face à certains problèmes qui rongent notre société.

5–Toy Story 4
Le quatrième film d’une franchise ressemble souvent au film de trop, qui est même souvent survenu bien avant. Mais Toy Story fait vraiment exception à la règle. La saga parvient toujours à se renouveler et à proposer le même cocktail délicieux d’aventures, de nostalgie et d’émotion pour être un peu plus qu’un simple divertissement familial.

onceuponatimeinhollywood6–Once Upon a Time… in Hollywood
Réunir à l’écran Brad Pitt et Leonardo Di Caprio est pour beaucoup de réalisateurs un rêve absolu. Mais qui n’est pas inaccessible pour un réalisateur comme Quentin Tarantino. S’il n’est peut-être pas son meilleur film, celui-ci nous offre quelques séquences réellement inoubliables.

7-Ad Astra
On retrouve également Brad Pitt à l’affiche de ce film de science-fiction parfois un peu trop contemplatif, mais absolument superbe.

8-Douleur et Gloire
Pedro Almodovar signe son meilleur film depuis de longues années. Le film est porté par un Antonio Banderas à qui le réalisateur espagnol aura offert tous ses plus grands rôles.

9- Grace à Dieu
François Ozon est depuis longtemps un des réalisateurs formellement les plus brillants du cinéma français. Mais on pouvait lui reprocher un manque d’audace récurent. En s’attaquant à un sujet aussi douloureux que la pédophilie dans l’Eglise, il ose enfin et offre un film aussi réussi sur la forme que sur le fond.

LA LAC AUX OIES SAUVAGES : Il était une fois dans l’Est

lelacauxoiessauvagesafficheLe polar noir chinois a fait sa place dans le paysage cinématographique français. Diao Yinan s’était déjà fait remarquer sur nos écrans avec Black Coal. Le revoici distribué chez nous avec le Lac aux Oies Sauvages. Une nouvelle plongée dans une Chine loin du miracle économique, où se côtoient misère et violence. Si le film n’échappe pas à tous les stéréotypes du genre, il nous livre un scénario assez original et inattendu pour réellement nous tenir en haleine tout du long.

Je ne sais pas s’il pleut aussi souvent à verse en Chine que dans les polars qui en sont issus. Ce n’est qu’un détail, mais assez révélateur des quelques éléments récurrents que l’on trouve régulièrement dans ce genre de film. Malgré tout cela nous transporte dans un monde assez éloigné du notre pour ne pas du tout tomber dans une impression de déjà-vu. Le cœur de l’intrigue, vraiment réussi, aurait pu sans doute être transposé dans des décors plus familiers. Mais le Lac aux Oies Sauvages y aurait évidemment perdu beaucoup de son intérêt à nos yeux de spectateurs occidentaux en mal de dépaysement.

lelacauxoiessauvagesLa réalisation de Diao Yinan est typiquement chinoise, sans excès. Bref, le Lac aux Oies Sauvages est assez lent et un rien contemplatif, mais sans jamais faire perdre à l’histoire sa densité et plonger le spectateur dans l’ennui. La photographie est de toute beauté. Elle contribue à créer une ambiance fascinante qui sublime l’histoire. Enfin, le film est l’occasion de découvrir ou redécouvrir le talent de Gwei Lun Mei qui irradie réellement à l’écran, avec un jeu plein de sensibilité. Elle contribue à la belle réussite de ce film. Incontournable pour les amateurs du genre.

LA NOTE : 13/20

Fiche technique :
Production : Memento Films Production
Réalisation : Diao Yinan
Scénario : Diao Yinan
Montage : Jinley Kong
Photo : Jingsong Dong
Distribution : Memento Films Production
Directeur artistique : Liu Qiang
Durée : 107 min

Casting :
Ge Hu : Zenong Zhou
Lun-Mei Kwei : Aiai Liu
Fan Liao : le chef de la brigade criminelle
Regina Wan : Shujun Yang
Qi Dao : Hua Hua

UNE VIE CACHEE : Au service de l’histoire

uneviecacheeafficheCertains réalisateurs possèdent un style particulièrement marqué qui ne laisse pas indifférent. Terrence Malick fait partie de ceux-là. Je fais partie de ceux qui ont par exemple trouvé The Tree of Life absolument extraordinaire. Mais je me rappelle aussi très bien de toutes les personnes quittant la salle avant la fin. Je dois admettre que certains de ses films plongent même les spectateurs les plus bienveillants à son égard dans un ennui des plus profonds. Aller voir un de ses films s’apparente donc toujours à un pari. Et un pari risqué puisque la plupart de ses films frôlent les trois heures. C’est un nouvelle fois le cas avec Une Vie Cachée. Mais cette fois, la réussite est pleinement au rendez-vous.

Avec une bonne demi-heure de moins, Une Vie Cachée serait sûrement définitivement un grand film. Cependant, s’il était plus court, il ressemblerait moins à un film de Terrence Malick. La grande force de ce film est de parvenir à allier la puissance esthétique de la réalisation avec une histoire particulièrement forte. On assiste ici à un vrai récit, avec un enjeu fort, une tension dramatique qui saisit le spectateur et le rive à ce film. Il souffre de quelques longueurs en son milieu, mais la première et la dernière partie sont absolument passionnantes. Le propos est riche et bouscule le spectateur. Il prouve aussi que son style si particulier ne le condamne pas à un cinéma uniquement contemplatif. Il peut être aussi au service d’un scénario puissant.

uneviecacheeUne Vie Cachée nous offre quelques plans absolument sublimes. Le décor alpin est déjà beau en lui-même, mais il est ici magnifié. Mais la caméra de Terrence Malick sait aussi livrer des scènes intimistes dans des espaces étroits tout aussi belles. Il laisse aussi plus de place aux jeux des acteurs, en offrant de vrais dialogues quand il est connu pour user et abuser des voix-offs, encore bien présentes cependant. L’alternance entre les deux est vraiment au service de l’histoire, décuplant l’émotion qu’elle véhicule et son caractère dramatique. Terrence Malick livre là une de ses œuvres les plus aboutis, peut-être moins spectaculaire que The Tree of Life, mais qui pourra séduire un public plus large.

LA NOTE : 14,5/20

Fiche technique :
Production : Elizabeth Bay Productions, Studio Babelsberg
Réalisation : Terrence Malick
Scénario : Terrence Malick
Montage : Rehman Nizar Ali, Joe Gleason, Sebastian Jones
Photo : Jörg Widmer
Décors : Sebastian T. Krawinkel
Distribution : UGC Distribution
Musique : James Newton Howard
Durée : 173 min

Casting :
August Diehl : Franz Jägerstätter
Valerie Pachner : Franziska Jägerstätter
Maria Simon : Resie
Bruno Gans : Juge Lueben
Matthias Schoenaerts : Capitaine Herder

THE LIGHTHOUSE : Joli creux

thelighthouseafficheDevenir fou n’est pas quelque chose qui arrive tous les jours, ni très facilement. Mais le cinéma n’étant pas tout à fait le reflet de la réalité, on y assiste souvent à des chutes vers la folie, parfois particulièrement spectaculaires et rapides, spectacle parfois particulièrement fascinant. Un nouvel exemple avec The Lighthouse. Mais si ce genre de glissement d’un personnage vers la folie est un point de départ solide pour bâtir une histoire, il faut l’agrémenter de bien d’autres choses pour lui donner du sens et par là même un certain intérêt. C’est bien ce qui manque ici, où l’esthétisme ne peut rattraper une profonde vanité.

A toutes les critiques que l’on peut énoncer à l’encontre de The Lighthouse, on a parfois l’impression que Robert Eggers pense qu’il pourra y opposer un seul argument : « oui mais c’est en noir et blanc ! ». Il est vrai que cela donne une vraie personnalité visuelle au film mais cela paraît parfois aussi comme un artifice pour masquer le vide qui l’habite et se donner un style un peu « intello ». Mais un joli creux reste désespérément creux. Le spectacle proposé est relativement gratuit et finit très vite par lasser. Le film dure près de deux heures et on a l’impression d’assister toujours plus ou moins à la même chose, même si tout va crescendo. Plus l’histoire avance, plus la frontière entre délire et réalité se brouille, mais ni l’un, ni l’autre ne nous émeut. Les allers et retours incessants entre les deux nous laissent donc totalement froid.

thelighthouseThe Lighthouse aurait pu éventuellement valoir le détour pour voir Robert Pattinson dans un rôle loin de son registre habituel. Mais il y a longtemps que cet acteur a su s’éloigner de son image de jeune premier de l’époque de Twilight. Ce n’est pas le premier rôle dans un univers barré et un rien malsain. Mais Robert Eggers n’est pas David Cronenberg. Du coup, il n’y a aucune effet de surprise à attendre de ce côté là. Et voir Willem Dafoe jouer le rôle d’une personnage ayant quelque peu perdu la raison n’est pas non plus une nouveauté jamais vue. Bref, à part la photographie absolument sublime, ce film n’allume vraiment rien dans l’œil du spectateur qui s’ennuie profondément. Au lieu de tomber dans la folie, il tombe dans une torpeur dont il ne sortira qu’en quittant la salle.

LA NOTE : 07/20

Fiche technique :
Production : A24, New Regency, RT Features
Réalisation : Robert Eggers
Scénario : Robert Eggers, Max Eggers
Montage : Louise Ford
Photo : Jarin Blaschke
Décors : Craig Lathrop
Distribution : Universal Pictures International France
Son : Damian Volpe
Musique : Mark Korven
Durée : 118 min

Casting :
Willem Dafoe : Thomas
Robert Pattinson : Ephraim

LA VIE INVISIBLE D’EURIDICE GUSMAO : Mélo de fin d’année

lavieinvisibledeuridicegusmaoafficheDans un premier temps, je n’avais pas forcément imaginé aller voir la Vie Invisible d’Euridice Gusmao. Quelle erreur funeste aurais-je commis ! Récompensé par le Prix Un Certain Regard au dernier Festival de Cannes, ce film est des petits bijoux qui viennent enchanter les salles obscures en cette fin d’année. Beau, passionnant, touchant, ce film nous propose une histoire forte, peuplée de personnages marquants et nous offrant un vrai panorama sur un pays et une époque. Ce film est donc à ajouter dans la longue liste des petits chefs d’œuvre cinématographiques venus du Brésil.

La Vie Invisible d’Euridice Gusmao est un vrai mélodrame. Ce terme prend parfois un sens péjoratif. Il n’en est rien ici et redonne au contraire à ce genre toutes ses lettres de noblesses. Pas d’émotion facile ou de grosses ficelles narratives, mais un récit poignant qui prend des allures de fresques familiales et quasi historiques. Car à travers le destin de deux sœurs et de leur famille, c’est toute une société que l’on découvre et que l’on voit évoluer. La construction du récit est vraiment remarquable. Il prend progressivement de l’épaisseur pour laisser le temps au spectateur de s’imprégner de chaque couche, qui est aussi réussie que la précédente. Il passera par beaucoup d’émotions, toujours plus fortes et toujours sincères.

lavieinvisibledeuridicegusmaoLa Vie Invisible d’Euridice Gusmao est porté par deux merveilleuses actrices. Carol Duarte et Julia Stockler forme un formidable duo. La réussite de ce film repose largement sur la qualité de leur interprétation, même si c’est tout le casting qui est à saluer. Karim Aïnouz fait preuve d’une réelle maîtrise artistique en tout point, de la photographie en passant par l’écriture et la direction d’acteurs donc. Son film a reçu un prix réellement mérité, sans aucune contestation possible, ce qui est quand même assez rare quand on parle du palmarès cannois. Un film qui ne laissera donc aucun regret à quiconque se laissera tenter. J’invite donc tous les amateur de beaux films à faire comme moi.

LA NOTE : 14/20

Fiche technique :
Production : RT Features
Réalisation : Karim Aïnouz
Scénario : Muriel Hauser, Inés Bortagaray, Karim Aïnouz, roman de Martha Batalha
Montage : Heike Parplies
Photo : Hélène Louvart
Décors : Rodrigo Martirena
Distribution : ARP Sélection
Musique : Benedikt Schiefer
Durée : 139 min

Casting :
Carol Duarte : Euridice
Julia Stockler : Guida
Gégrorio Duvivier : Antenor
Barbara Santos : Filomena
Flavia Gusmao : Ana
Maria Manoella : Zelia
Antonio Fonseca : Manuel
Fernanda Montenegro : Euridice âgée