TOUT CA, POUR CA : 10 ANS DE MILITANTISME AU PARTI SOCIALISTE : EPISODE 24 : A fond la forme

episode24aAvoir des idées ne demande rien de plus qu’un peu de jus de cerveau. Ce n’est pas cher, même si cela ne garantit évidemment pas la qualité du résultat. Les faire connaître est une autre paire de manches et demande des moyens matériels, parfois non négligeables. Pour les campagnes électorales, les moyens financiers sont fournis par la puissance publique (j’y reviendrai dans le prochain billet), reste à savoir quoi en faire pour attirer l’attention d’une population majoritaire indifférente qui ne voit de toute façon aucune raison immédiate de voter pour vous.

Six ans plus tôt, nous avions mené une campagne des plus classiques et sans réelle imagination (cf. épisode 2). Je me donne donc pour objectif de faire beaucoup mieux et beaucoup plus original. Première décision, se passer d’agence pour faire les tracts. Mon expérience professionnelle m’a donné quelques compétences en mise en page et je sais que je peux faire largement aussi bien que l’agence à laquelle nous avions fait appel six ans plus tôt. Je ne mesurais pas bien le temps que ça allait me prendre, mais j’avais une activité professionnelle qui me permettait de consacrer quasiment l’équivalent d’un mi-temps pendant plusieurs mois. Je ne sais plus combien de mails en une journée nous nous étions échangés pour finaliser le bulletin de vote par exemple, mais cela avait fait surchauffé nos boîtes de réception.

Premier élément à déterminer avant de réaliser le moindre tract : le slogan. Je décide d’opter pour un double slogan, c’est à dire une baseline et un slogan à proprement parler. Pour le premier, je repense à ce que m’avait dit un jour un sympathisant, qu’il votait pour nous parce qu’il était de gauche, sans être pour autant spécialement mécontent du maire. La ville ayant été profondément marquée par la Manif pour Tous, il semble une bonne idée d’afficher clairement notre identité. Nous optons donc pour Un Projet de Gauche pour Tous. Soit exactement le genre de slogan totalement creux que je déteste, mais, au départ, je me dis que cela sera compensé par une baseline qui donne, elle, une indication beaucoup plus claire du contenu de notre projet.

J’impose donc la mention « Energie positive » sous le logo de notre liste. L’idée est de traduire l’esprit général que je veux insuffler au projet et une thématique forte de notre programme. Je me heurte cependant à une légère hostilité de mon secrétaire de Section, qui dit avoir peur que les gens la confonde avec le nom de la liste et ne trouvent pas du coup notre liste le jour J. Du coup, il me pousse à la réduire visuellement à chaque fois que je présente une mise en page de tract et elle finira par être assez petite que personne n’y prête jamais attention.

Pour l’identité visuelle de nos tracts thématiques, je m’appuie sur le talent de mon cousin qui vient de finir son école de bande-dessinée pour qu’il crée et mette en scène une famille dans des scénettes qui vont illustrer des éléments de notre programme. Cela leur donnait un côté attractif et assez original, on a rarement l’habitude de voir des vignettes de bande-dessinée pour illustrer un tel document. Je demande aussi à un ami graphiste de préparer une affiche colorée et originale et le résultat me plaît vraiment. Après, tout n’est pas parfait. Je sollicite un ami photographe à qui j’explique ce que j’attends. Il vient au rendez-vous en m’expliquant qu’il a regardé à quoi ressemblait des photographies de campagne électorale et qu’il sait quoi faire. Résultat, j’hérite de photos d’une banalité affligeante qui ne respecte pas du tout mes instructions. Mais bon, on fait avec.

Reste ensuite à diffuser ces tracts auprès de la population. Les boîtes aux lettres, le marché… on aurait pu s’arrêter là, dans la grande tradition socialiste. Cette fois, on a préféré privilégier les distributions aux gares, qui présentent l’avantage de laisser le temps aux gens de les lire sur le quai ou pendant le voyage. Et surtout, on multiplie ce qu’on appelle des pieds d’immeuble, c’est à dire tout simplement des distributions à d’autres points de la ville que les habituels. Je me souviens notamment d’un tractage à un carrefour très excentré de la ville. On y croisera très peu de monde, mais des gens tellement surpris de nous voir là qu’ils entament volontiers la conversation. Mais quand on y pense, tout ce n’était qu’une goutte d’eau dans l’océan.

episode24bUne distribution au marché s’avéra tout de même assez exceptionnelle puisque j’ai bénéficié de la visite et du soutien d’un Ministre, en la personne de Benoît Hamon, qui faisait encore partie du gouvernement. Il avait surtout pris le contrôle de la fédération PS des Yvelines et j’avais déjà eu l’occasion de mieux connaître le personnages et les pratiques détestables de ses proches. Bref, à cette époque, je ne le portais déjà pas dans mon cœur, ce qui ne s’arrangera pas par la suite. Donc quand l’idée est soulevée, je fus tenté quelques instants de décliner mais voyant que cela faisait plaisir à beaucoup de militants, je n’ai rien dit. Effectivement, le matin de sa venue, nombreux de mes plus proches soutiens étaient présents. Mais ce qui m’a frappé, ce fut la réaction de la population. Même dans une ville aussi à droite, un Ministre, même de gauche, est une rock star. Les gens se pressent pour le voir et comme tout homme politique, il sait se montrer affable avec tout le monde et dit bonjour à tous ceux qu’ils croisent, comme s’ils les connaissaient depuis toujours. Benoît Hamon n’est pas très grand, mais c’est une boule d’énergie et j’ai du mal à suivre son pas. A un moment donné, alors que je suis derrière lui, une dame tente de le rattraper en réclamant un tract. Comme elle est à mon niveau, je lui tends le papier sur lequel se trouve MA photo. Elle me répond « ah non, je veux que ça soit lui qui me le donne ». Bref, elle se foutait bien du contenu du tract, elle voulait juste le recevoir des mains d’un ministre… Quand je vous dis que le fond ne rapporte pas grand chose en politique…

Durant cette campagne, dans l’idée de toucher un maximum de gens, je pense avoir trouvé une idée géniale ! Une opération pare-brise. Rendez-vous à 23h un dimanche soir pour poser des petits tracts sur le pare-brise des voitures pour que les habitants les trouvent le lendemain au moment de prendre leur voiture pour aller bosser. Mais voilà, je n’avais pas prévu quelque chose… la rosée. Nous sommes encore en hiver et les Viroflaysiens ont surtout trouvé un papier complètement détrempé, se délitant totalement au moment où ils tentent de l’enlever de leur pare-brise. Bref, c’est un bide complet, qui aura surtout fait travailler les services de nettoyage des rues qui ont du ramasser de nombreuses boules de papier mâché.

Certaines choses ne changent pas par contre. Notre réunion publique se déroule devant une assemblée plus qu’éparse, malgré la présence d’un homme politique portugais, dont je me demande ce qu’il peut bien faire là, même si j’ai eu l’occasion de le recroiser lors du dernier Congrès du PS. C’est notre camarade de la même nationalité qui nous a proposé sa venue et vu les difficultés qu’il nous avait posées au moment de la constitution de la liste, je pense que personne n’a osé lui dire que ça n’avait aucun intérêt. On le laisse donc cet homme, que personne ne connaît, introduire notre réunion. C’est un peu ubuesque, mais au moins ça met un peu d’inattendu dans cet exercice convenu et un peu tristounet.

Pour le tract résumant l’ensemble du programme, l’ambition était d’éviter de proposer l’éternel litanie de propositions, façon catalogue. Le projet de base est assez concis. Et puis, peu à peu, on se sent obligé de rajouter quelque chose pour telle ou telle catégorie de la population. Je me souviens parfaitement de la dernière proposition à avoir été ajoutée, suite à l’inévitable constat fait par un camarade : ah mais y a rien pour les retraité ! Donc va pour la proposition qui va bien pour ce public, quand bien même notre projet se voulait tourné vers la jeunesse. On a beau se dire qu’en noyant l’information, on la rend moins percutante et donc le plus souvent invisible même pour la cible que l’on a voulu toucher par cet ultime ajout. Mais c’est plus fort que nous ! Au PS, quoi qu’on en dise, le fond l’emporte tellement sur la forme que le fond devient invisible. Invisible comme l’a été notre campagne, malgré tous nos efforts, aux yeux d’une majorité de Viroflaysiens.

TOUT CA, POUR CA : 10 ANS DE MILITANTISME AU PARTI SOCIALISTE : EPISODE 23 : Toucher le fond

episode23Mener une campagne électorale, c’est mener de front trois dimensions différentes : le fond, la forme et l’administratif. Ce qui demande évidemment beaucoup de travail. A l’époque des municipales 2014, j’avais « la chance » d’occuper un emploi me laissant beaucoup de liberté et surtout de temps. Comme beaucoup d’aventure exaltante, on se lance dans un telle campagne en sous-estimant largement le temps que cela va vous prendre au final. Je n’ai pas décompté précisément le temps que j’y aurais consacré, mais je peux résumer ça à un bon mi-temps pendant quatre à six mois, surtout en ayant fait le choix de faire toutes les mises en page moi-même.

Les trois aspects se mènent de front. La difficulté est de trouver le bon équilibre pour ne rien négliger. Il faut avancer dans toutes les directions à la fois, ce qui s’avère particulièrement chronophage. J’ai choisi de ne pas vous raconter les choses chronologiquement, déjà parce que j’aurais bien du mal à me rappeler les événements de cette façon et surtout parce que c’est sans doute la meilleure façon de ne rien oublier.

Choisir les thèmes de campagne quand on est dans l’opposition peut être soit particulièrement facile, soit particulièrement difficile. Tout dépend si l’équipe municipale sortante a fait naître ou non de vrais motifs d’insatisfaction dans la population. A Viroflay, ces derniers naissaient avant tout chez les riverains de certains projets d’urbanisme. Cela nous posait deux problèmes : cela concernait au final assez peu de monde (contrairement à ce que fantasmait la deuxième opposition qui surfait allégrement sur cette vague là, en pensant sincèrement que ça leur permettrait de gagner) et surtout nous reprochions avant tout au maire de ne pas en faire assez en la matière, quand les mécontents en question souhaitaient qu’il en fasse encore moins. Au final, c’est un sympathisant qui résuma le mieux la situation en me demandant un jour : « bon, je suis de gauche alors je vote pour vous, mais vous lui reprochez quoi au juste au Maire ? ».

Il y avait pourtant bien des choses à redire. Mais dans une ville dont la population est infiniment plus aisée que dans la majorité des communes, les reproches que nous pouvions formuler portaient sur des éléments techniques et difficiles à percevoir par la population. De petites mesquineries budgétaires qui touchaient généralement les plus modestes et surtout le fait qu’à force d’être « prudente », la commune avait tout simplement trop d’argent. On associe le plus souvent la mauvaise gestion de comptes publics à des déficits et de l’endettement excessifs, mais à Viroflay, le problème résidait dans les excédents trop généreux et le désendettement trop rapide. Concrètement, la majorité avait réalisé toute un série d’économies ne se justifiant pas, sauf si l’objectif avait été de baisser les impôts, ce que la commune n’a évidemment jamais fait. Le mieux est parfois l’ennemi du bien, mais ce principe fait un très mauvais slogan électoral. Ca peut vite être compris comme une manière de souligner que votre adversaire est trop bon…

J’ai donc fait un choix assez radical, et vraiment peu fréquent dans une campagne électorale menée par une opposition. Nous n’avons jamais dit un seul mot sur la politique du maire sortant dans nos différents documents de campagne (à part éventuellement un exemple de mauvais aménagement en termes d’accessibilité). Nous nous sommes simplement contentés de présenter notre projet, de l’expliquer, d’en présenter les bénéfices attendus dans l’absolu et non par rapport à qui ou quoi que ce soit. Je ne crois pas que cette attitude nous ait rapporté la moindre voix, mais je ne crois pas que nous aurions tiré le moindre bénéfice de taper sur le Maire sortant à longueur de tract. J’avoue que je suis assez fier de ce choix, celui d’avoir fait de la politique comme j’estime qu’elle devrait être toujours menée, en résistant à plus bas instincts d’opposant.

Pour établir notre programme, nous avons vraiment bossé. Personnellement, j’ai passé pas mal de temps à rechercher des initiatives qui avaient marché ailleurs, téléphoner à des élus d’autres communes pour qu’ils me parlent de leur propre expérience. Le résultat, bâti autour de trois priorités (logement, énergie, accessibilité), était (en toute objectivité bien sûr) solide et à même de défendre l’intérêt général à l’échelle de Viroflay, et non plus simplement l’intérêt des Viroflaysiens. Ce sont bien ces deux conceptions de l’action publique qui nous a toujours opposés à la majorité et se traduisait dans nos programme respectif.

Au final, malgré tous nos efforts pour les faire connaître (ça sera l’objet du prochain billet), quelle était la part de la population de la commune capable de vraiment cerner et identifier nos propositions et les différencier de celles de la majorité sortante ? Une partie bien trop infime pour espérer que la qualité du fond bouscule réellement les équilibres, surtout dans une commune de l’agglomération parisienne où les questions purement municipales ont beaucoup moins d’impact qu’ailleurs. Cela se ressentira au moment des résultats… Mais de ça aussi, j’en parlerai bientôt…

TOUT CA, POUR CA : 10 ANS DE MILITANTISME AU PARTI SOCIALISTE : EPISODE 22 : Dresser la liste

episode22Avant de rentrer dans le vif d’une campagne électorale, il faut évidemment d’abord déterminer qui sont les candidats. Pour une élection municipale, il faut une tête de liste (cf. l’épisode précédent) et le reste de ceux qui vont l’accompagner. Viroflay compte 33 conseillers municipaux. Il nous fallait donc trouver 32 noms avec une contrainte non négligeable : 16 femmes, 16 hommes, inscrits sur les listes électorales de la commune ou à défaut y payant des impôts locaux. Et je peux vous assurer que ce n’était pas une mince affaire.

Pour vous rendre compte de la difficulté de l’exercice, il suffit de comparer Viroflay et Versailles. Viroflay comptait alors 16 500 habitants et Versailles 85 000, Viroflay 33 conseillers municipaux, Versailles 53. Bref à Viroflay, c’est un conseiller pour 500 habitants, Versailles un pour 1600. Le réservoir dans lequel puiser est donc bien plus restreint que dans une commune de taille supérieure. Et vous imaginez bien qu’à Viroflay, le réservoir de personnes de gauche prêtes à s’engager est d’autant plus restreint. Surtout qu’en 2014, le tissu militant du PS commençait déjà sérieusement à se déliter (j’y reviendrai dans un autre billet).

Une liste municipal est une liste à plusieurs étages. Il y évidemment la tête de liste, je ne vais pas revenir dessus, puis il y a les potentiels élus en cas de résultat « normal ». C’est à dire pour nous, les quatre premiers de la liste (même si malheureusement notre mauvais résultat final nous coûtera finalement un élu). Sur les quatre sortants, deux allaient laisser leur place. Il n’aurait pas fallu beaucoup insister pour que la troisième fasse de même, mais dans mon esprit il n’en était pas question. Déjà parce que 50% de nouveaux élus et 50% plus expérimentés est un bon ratio, mais surtout parce qu’elle était une élue de grande valeur et quelqu’un sur laquelle je pouvais savoir compter. Quelqu’un qui partageait ma vision équilibrée de l’action de l’opposition.

Pour le deuxième homme, j’avais le choix entre deux candidats potentiels. Je choisis finalement notre secrétaire de Section, avec qui je pouvais avoir des désaccords (j’y reviendrai), mais que je savais intellectuellement très solide et capable de produire de vraies argumentations étayées. Pour la deuxième femme, les premières réunions de réflexion nous a mis en lumière les grandes qualités d’une sympathisante, la femme d’un ancien membre du parti. On la connaissait depuis longtemps mais on a senti alors chez elle une réelle envie de s’engager pour de bon. Nous étions donc très heureux qu’elle accepte de figurer en quatrième position sur la liste. Et nous n’allions vraiment pas le regretter !

Le deuxième étage est formé par les ceux qui viennent compléter les 4 premiers pour constituer les 10 premiers de la liste. Ces derniers représentent en effet le maire et ses adjoints potentiels (même si ici le potentiel n’avait aucune chance de se concrétiser). C’est aussi eux qui sont plus mis en avant sur le tract présentant les candidats ou sur le site de campagne par exemple. Il faut donc que ces candidats « fassent envie » et si possible qu’un maximum de personnes puissent s’y reconnaître. C’est hyper subjectif et en toute honnêteté, notre choix était de toute façon limité. Malgré cela, nous sommes parvenus à constituer un début de liste répondant totalement à ces attentes et qui aurait, j’en suis profondément convaincu, fait un merveilleux travail si nous l’avions emporté. Nous avions même une jolie « prise de guerre », en la personne d’un professeur tout juste parti à la retraite particulièrement populaire. Une figure locale que le Maire n’était pas ravi de voir renforcer le camp d’en face.

Viennent ensuite les 23 autres. Et là, vues les difficultés évoquées plus haut, pour eux, on fait comme on peut. Dans les mois précédents l’élection, nous avions identifié, voire même été approchés par des citoyens proches du PS qui s’étaient déclarés intéressés pour s’engager à nos côtés. Mais entre les intentions et la réalité, il y a un pas que beaucoup ne franchissent jamais. L’excuse est souvent la même… le manque de temps. Une excuse particulièrement mauvaise puisque nous ne leur demandions pas plus que mettre leur nom sur la liste, même si nous aurions été ravis qu’ils consentent à plus. Bref, ne pouvant forcer personne et fort de quelques nouvelles recrues, nous parvenons à boucler la liste avec les expédients habituels : les anciens élus en fin de liste et les militants pour boucher les trous, sans avoir les moyens d’être trop regardant. Résultat, malgré une volonté de renouvellement et pas mal d’efforts déployés, sur 33 personnes sur la liste, 11 ont 65 ans et plus. Un tiers. Mais bon, l’expérience est une vertu !

Malgré tout cela, constituer une liste est toujours délicat humainement et peut se heurter à des susceptibilités mal placées. Le PS étant définitivement un parti démocratique, les militants sont invités à voter pour une liste ordonnée des candidats appartenant au parti. Il est clair que cette liste sera complétée par des candidats qui ne sont pas encartés et qui viendront s’intercaler entre les candidats issus du PS. Visiblement le 9ème sur la liste du PS ne l’avait pas compris, quand il s’est retrouvé finalement 13ème sur le premier projet de liste. Dans un premier temps, aucune réaction de sa part. Mais à l’occasion des vœux du Maire, début 2014, auquel il assiste, je viens lui demander quelque chose à propos d’un candidat éventuel qu’il connaît. Il me répond froidement et m’explique que de toute façon, il ne veut plus lui même figurer sur la liste puisqu’il a été rétrogradé, sans respect du vote des militants. Je tente de lui expliquer calmement qu’il reste bien le 9ème socialiste de la liste, mais que des candidats extérieurs sont venus s’intercaler et que cela a toujours été prévu. La conversation prend vite un tour désagréable.

S’en suivra quelques échanges de mail dont certains assez agressifs à mon égard. J’y apprends notamment qu’un jour (lors de la cérémonie du 11 novembre), je l’aurais volontairement ignoré et dénié lui dire bonjour… Réaction de maternelle 1ère année. A un moment donné, je décide de siffler la fin de la récréation et d’acter son retrait de la liste. Finalement, deux camarades le connaissant depuis longtemps finiront pas rattraper le coup et il occupera bien la place qui lui était assigné. Tout cela n’est qu’une anecdote mais montre bien que le facteur humain joue toujours un rôle en politique. A 33 ans, exerçant une profession sans collègue, je n’étais pas le mieux armé pour y faire face. Mais en tout cas, j’aurais beaucoup appris.

TOUT CA, POUR CA : 10 ANS DE MILITANTISME AU PARTI SOCIALISTE :EPISODE 21 : Veillée d’arme !

episode21Les élections municipales de 2014 approchaient. Le fait que je devienne tête de liste avait quelque chose d’évident, mais pour autant j’évitais de trop me projeter vers cette idée. Sans doute, trouvais-je ça quelque peu délicat et prétentieux de dire « au fait, on est bien d’accord que ça sera moi la prochaine tête de liste ? ». Et puis en février 2013, lors d’une réunion du bureau de la Section, la question a été abordée. Tous les membres présents considéraient que cela ne nécessitait aucun débat et personne n’envisageait un autre scénario. Je suis sorti de la réunion en ayant en tête que je serais le futur candidat du Parti Socialiste pour la mairie de Viroflay.

Je n’ai pas le souvenir de m’être senti bouleversé par tout ça, mais ça a tout de même remué quelques questions dans mon esprit. J’ai même écrit un billet à ce sujet (Se jeter à l’eau). Mais cela marquait incontestablement une étape supplémentaire dans l’exercice d’une forme de leadership dont j’ai déjà parlé longuement ici. Forcément, ça remuait un peu car cela rendait tout à coup beaucoup plus concret quelque chose qui était jusqu’alors plutôt diffus. A 33 ans, dans une Section comptant un grand nombre de militants très expérimentés, on se demande obligatoirement, au moins l’espace d’un instant, si on va être à la hauteur. Mais pour être honnête, le billet cité plus haut est la seule trace qui me reste de cette cogitation.

Je garde de toute cette campagne électorale le souvenir d’une aventure avant tout stimulante, marquée par l’envie et l’ambition, mais vraiment pas par le doute. J’avais des idées sur la forme et sur le fond et j’étais plutôt impatient de les mettre en œuvre. C’est peut-être extrêmement prétentieux de ma part, mais je n’ai jamais considéré une seule seconde que je pourrais ne pas être à la hauteur de la tâche. Je l’ai déjà évoqué lors de mon billet sur le PLU, je savais valoir tellement mieux intellectuellement que les élus de la majorité et leur vision étroite de l’action municipale. Mais au final cette élection, et tout mon parcours militant en fait, m’auront appris que c’est une qualité finalement guère utile en politique.

Le Parti Socialiste étant une institution démocratique, j’ai du tout de même du faire valider mon statut de tête de liste auprès des mes camardes socialistes. Un vote était organisé pour cela à l’automne. Même avec un seul candidat, on fait les choses bien au PS avec un bureau de vote ouvert de 17h à 22h, où de nombreux camarades sont venus exprès pour me témoigner leur soutien. Enfin tous sauf un, qui avait mis sur le bulletin le nom ma ancienne/future colistière, numéro deux sur la liste 5 ans auparavant et qui allait garder cette place l’année suivante. J’imagine aisément que cela témoignait d’un regret de ne pas voir une femme tête de liste, plutôt que de l’hostilité à mon égard.

D’ailleurs, je me rappelle que ma meilleure amie m’avait fait la réflexion que j’aurais quand même pu lui demander si elle ne voulait pas être tête de liste, surtout qu’elle se situait un rang devant moi l’élection précédente. Je lui avais répondu qu’il n’y avait strictement aucun suspense quant à la réponse qu’elle aurait donné à une telle question et que l’enjeu serait de lui faire accepter de rempiler, sûrement pas de la voir prendre le leadership. Ma meilleure amie m’a alors répliqué que j’aurais pu poser la question juste pour le principe et la politesse, même en connaissant pertinemment la réponse. Sans doute, suis-je encore le fruit d’une vie politique misogyne et paternaliste.

J’ai appris ensuite que certains (enfin une personne tout du moins) me reprochait de n’avoir même pas rédigé une profession de foi. Pour le coup, ce camarade avait totalement raison. Comme quoi la notabilité vient vite. Le moment où on pense que le « pouvoir » vous est dû, sans que vous ayez vraiment besoin de le justifier et de vous remettre en question. Certes, mon travail d’élu lors de la mandature précédente m’apportait une légitimité naturelle. Mais prendre le temps de l’exposer et de tracer des perspectives pour l’avenir aurait constitué la moindre des choses. Pris dans l’enchaînement des événements, je n’y avais tout simplement pas pensé… et personne n’a d’ailleurs pensé à me le demander. Et si j’ai eu vent des critiques, c’est de manière indirecte, personne n’ayant eu la bonne idée de me dire les choses en face. Une simple remarque polie et je me serais exécuté en m’excusant platement. Mais bon, visiblement même à un tout, mais alors tout petit niveau, les rapports de pouvoir rendent les relations compliquées.

En tout cas, une fois ma nomination validée officiellement, il ne restait plus qu’à établir la liste complète des candidats et à faire campagne !

TOUT CA, POUR CA : 10 ANS DE MILITANTISME AU PARTI SOCIALISTE :EPISODE 20 : Mariage pour tous, honte pour moi

episode20J’ai souligné la dernière fois que contrairement aux idées reçues, les hommes politiques respectent le plus souvent la plupart de leurs engagements, mais qu’on leur reprochait le moindre écart ou le moindre manquement, en oubliant tout le reste. Mais force est de constater que parfois l’application d’une mesure pourtant clairement énoncée à l’avance provoque des tempêtes inattendues, alors qu’elle n’avait fait l’objet d’aucun débat particulier pendant la campagne. François Hollande et tout le PS en feront l’amère expérience avec le Mariage pour Tous.

Pourtant, personne ne doutait au moment de son élection que la société française serait assez mature sur la question pour que la loi soit adoptée comme on dépose une lettre à la Poste. Mais le début du quinquennat avait déjà trop fragilisé François Hollande pour que l’adversité n’y voit pas là une occasion de se faire entendre. Tout le monde sera surpris par l’ampleur de la mobilisation des « anti ». La mise en lumière d’une France rétrograde qui semblait avoir quasiment disparu a représenté un fait marquant qui connaît malheureusement bien des répliques depuis.

Le Mariage pour tous tient une place particulière dans ma « carrière » politique. Tout d’abord, parce que c’était une mesure qui me tenait particulièrement à cœur. Mais aussi parce que Viroflay dans le prolongement de Versailles a constitué le cœur géographique du mouvement. Cette droite catholique y occupe une place prépondérante dans le paysage politique local mais surtout dans la population qui occupe ce territoire. En tant que leader du Parti Socialiste sur ce secteur, j’aurais pu jouer un rôle de soldat obligé de monter en première ligne. Il n’en a rien été et j’en garde de profond regret et un peu de honte.

Ce qui a été particulièrement douloureux est de voir qu’au sein même du PS, l’unanimité n’était pas de mise et l’envie de partir au front encore moins. Il est vrai que la Section locale possédait à l’époque (et sûrement encore aujourd’hui pour ce qu’il en reste) une sociologie quelque peu particulière. La gauche « croyante » (catholique ou protestante) y occupait une place importante, auquel on peut ajouter une moyenne d’âge relativement élevée. Le sujet provoquait donc un léger malaise chez certains camarades. L’immense majorité d’entre eux se contentaient d’un « on n’a rien contre, mais faut peut-être en faire trop » un peu hypocrite, avec le sentiment que leur opinion réelle était désormais inavouable quand on se veut de gauche.

Un d’entre eux cependant a fait savoir de manière répétée son opposition au projet. Figure respectée de la communauté protestante locale, il utilisait pour cela des arguments abscons entre philosophie et religion. Il a surtout insisté plusieurs fois auprès de notre Secrétaire de Section pour organiser un débat sur la question. Je remercie encore ce dernier de n’avoir jamais donné suite, car je doute qu’il aurait donné lieu à des échanges uniquement placés sous le signe de la camaraderie. Dans un monde idéal, ce genre de prise de position, relevant de l’homophobie pure et simple, aurait du lui valoir une exclusion immédiate du parti et pas mal d’antipathie. Mais on mesure là qu’il existe une hiérarchie et que pour beaucoup être homophobe est moins « grave » qu’être raciste (coucou Noël Le Graët!).

Au niveau national, j’aurais évidemment participé à toutes les manifestations soutenant la réforme. Les cortèges y étaient malheureusement moins fournis que ceux du camp d’en face. Noyé dans la foule, c’était une manière assez facile et anonyme d’exprimer ma position. Par contre, au niveau local, nous avions adoptés la position de ne pas jeter de l’huile sur le feu et de ne pas jouer la surenchère face à l’omniprésence des anti, recouvrant la ville de leurs affiches et de leurs autocollants. Nous avons donc considéré qu’une inaction totale revenait à faire preuve de sagesse. Mais la vérité est que nous avions tout simplement peur. Peur de se voir pris à parti par les plus enragés du camp d’en face, dont on pouvait parfois douter de l’équilibre mental.

Nous avons donc assisté sans rien dire à la tentative lamentable de mon Maire de surfer sur la vague des manifestations. Il faut dire qu’il a connu un quasi moment de gloire médiatique en faisant partie des participants de la première manif cités dans l’article principal du journal le Monde. Ensuite, lors de la cérémonie des vœux pour l’année 2013, il placera dans son discours qu’il souhaitait que chaque enfant ait un papa et une maman, en illustrant son propos par le logo du mouvement. Lamentable car tout cela va se transformer en retraite en rase campagne quand il a compris le mouvement qu’il venait d’encourager devenait totalement hors de contrôle et carrément envahissant. A plusieurs reprises, le monument le plus visible de la ville, les arcades, se retrouvait au petit matin constellé d’affiches de la Manif pour Tous. Très vite, le Maire fera le nécessaire pour les faire enlever au plus tôt par les services de la ville. Et surtout, tout cela aboutira à une candidature contre lui aux élections départementales d’un représentant du mouvement, venant manger une partie de son électorat.

Avec le recul, je me demande comment, alors que j’occupais déjà la position de leader de l’opposition, ai-je pu ne jamais manifesté publiquement mon soutien au projet et mon dégoût face au mouvement réactionnaire qui déferlait sur ma ville. Certes, Viroflay n’est qu’une commune de 16 000 habitants, mais j’étais alors la personne la plus légitime pour y incarner les valeurs de gauche. Mais j’ai choisi de me taire et de ne rien faire. Les citoyens de cette ville partageant ces valeurs ont eu à subir le spectacle affligeant de Viroflay repeint régulièrement aux couleurs de la Manif pour Tous, sans jamais entendre ma voix, sans se dire qu’il y avait dans leur commune des élus prêts à les représenter et à faire vivre leur indignation. Ca restera un peu plus qu’un regret, mais bien une part de honte que je porterai à jamais.

J’emploie ici volontairement la première personne et non le nous qui désignerait notre groupe au Conseil Municipal ou plus largement la Section PS de la ville. L’inaction était une décision collective, la faute l’était donc aussi. Mais je n’ai même pas essayé de nous faire changer d’avis. Et en tant que leader, la faute est forcément un peu plus la mienne que celle de quiconque. Cyniquement, c’était en plus une erreur politique à une petite année des municipales. Dans une commune où les gens de gauche me demandais parfois : « je vote pour vous, mais vous lui reprochez quoi au Maire en fait ? », se saisir de cette question pour se démarquer de lui représentait une occasion unique. Cyniquement une erreur et en fait surtout moralement. Je n’ai tout simplement pas été à la hauteur des valeurs que je m’étais promis de porter à travers mon engagement politique.

Le sentiment de honte que je décris ici me sera venu le jour de la dernière étape du Tour de France 2013 qui traversait Viroflay. Il faisait chaud et lourd ce jour-là et j’étais revenu d’un pique-nique avec des amis en ne me sentant pas très bien. Du coup, j’ai choisi de le voir passer à la télé, plutôt que de me rendre le long du parcours. C’est sur mon petit écran que j’ai découvert avec consternation que la traversée de notre commune a conduit le peloton à longer une masse de militants de la Manif pour Tous dont on a clairement distingué les t-shirts et les drapeaux. Voilà l’image que ma commune offrait au monde. Ce jour là, j’ai pleuré devant ma télé. Pas tant à cause de ce que je voyais, mais à cause de ce que j’avais fait. Ou plutôt ce que je n’avais pas fait…

Suite à cela, j’aurais quand même au moins une fois affirmé un minimum publiquement ma position dans ce débat. Au sein de nos propositions formant notre programme pour les municipales 2014, j’ai voulu absolument inclure une allusion à ce sujet. J’ai proposé d’inscrire que nous célébrerions tous les mariages avec le même enthousiasme. La proposition a fait débat et j’ai du utiliser mon autorité de leader pour y mettre fin et affirmer autoritairement que cette proposition figurerait dans notre programme. C’est alors qu’un de militant de la frange catholique de la Section que j’évoquais plus haut, par ailleurs un homme remarquable, m’a écrit pour me dire que le mot enthousiaste le dérangeait car il dérive de Theos qui veut dire Dieu… Un peu lassé, j’ai remplacé le mot enthousiasme par joie. Peut-être ai-je eu tort de faire cette dernière concession. Peut-être ai-je eu raison car les combats se gagnent pas à pas et il ne m’avait pas demander de retirer la proposition.

Mais désormais, je peux l’affirmer sans retenue. Le Mariage pour Tous est une idée qui mérite l’enthousiasme et je combattrais toujours ceux qui ne le partagent pas !

TOUT CA POUR CA : 10 ANS DE MILITANTISME AU PS : EPISODE 19 : La Fronde se lève

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episode19Les politiques ne respectent pas leurs promesses de campagne, c’est bien connu. Cette affirmation est totalement fausse, mais tout le monde s’en fout. François Hollande, comme les autres, au réalisé une large majorité de ses engagements. Mais comme dans toutes campagnes électorales, il a été amené à en formuler beaucoup, de natures variées et sur des sujets fort divers, et forcément, principe de réalité oblige, il y a eu quelques oublis et ratés en route. Pendant son quinquennat, il aura été aussi amené à prendre des décisions qui ne figuraient pas dans son programme, mais ça, j’aurais l’occasion d’y revenir plus tard.

Tout élu va donc affronter le même schéma. Il aura beau réaliser la quasi totalité de ses promesses de campagne, au premier écart, tous ceux qui lui veulent du mal (soit généralement tout le reste de la classe politique qui rêverait d’être à sa place et qui lui en veut pour cela) ne vont plus que se focaliser que là-dessus. Ils jetteront autant d’huile que possible pour entretenir le feu des idées reçues de l’opinion sur les reniements perpétuels des élus, comme s’ils ne le paieraient pas le jour où ils accéderont à leur tour au pouvoir. Le débat, les médias et les souvenirs du plus grand nombre vont alors porter que sur ça, oubliant tout ce qui a été accompli par ailleurs. Ceci se répète encore et encore, mais je suis toujours très étonné du fait que les élus semblent naïvement penser qu’ils y échapperont.

Quant on est un élu PS, ses ennemis les plus implacables sont souvent ses propres camarades. Pour avoir vécu les choses de l’intérieur, même si c’était à la base, je peux témoigner qu’à la seconde où François Hollande a été élu, une large part des forces vives de son propre parti n’a plus été à l’affût que d’une seule chose : la première promesse abandonnée pour pouvoir basculer à nouveau dans la seule culture qu’elle connaît, à savoir l’opposition. C’était évident, palpable, inévitable et surtout irréversible. Le PS, après avoir sabordé Ségolène cinq ans avant, constituait à s’apparenter une planche en partie pourrie et ce n’est pas en étant au pouvoir qu’il serait possible de la réparer.

François Hollande l’aura vite constaté à ses dépens. Pendant la campagne, il avait promis de renégocier les traités européens. Promesse aussi absurde qu’inutile, puisque l’élection de la Présidence du pays avait peu de chance de se jouer sur les questions européennes. Promesse absurde puisque promettre quelque chose qui ne dépend pas de soi ne peut pas être vraiment une promesse. On image bien François Hollande arrivant au premier sommet européen avec en face de lui Merkel, Cameron, Berlusconi et Aznar, soit tous les autres principaux pays alors solidement ancrés à droite. Il a du vite sentir, et à raison, que le rapport de force au niveau européen ne lui permettrait pas d’arriver à ses fins.

Alors il opta pour ce qu’il maîtrisait à la perfection, l’art du compromis. Ne pouvant modifier le pacte budgétaire européen, il obtient tout de même de ses partenaires la création en parallèle d’un pacte de croissance pour stimuler l’investissement. Au vu de la situation et de manière réaliste, François Hollande ne pouvait espérer plus. Et surtout, cette avancée n’était pas rien, surtout dans un rapport de force aussi déséquilibré. Mais voilà, ce n’était pas ce qu’il avait promis pendant sa campagne. L’occasion était trop belle pour beaucoup. Surtout qu’autour de ça, François Hollande n’aura construit aucun véritable storytelling. Il aura fait ça à sa manière, discrètement, pour ne pas froisser ses partenaires à qui il demandait des concessions. Un vrai résultat certes, mais sans grand discours ou envolée lyrique. Et pour l’opinion, l’image d’un homme passif reniant ses promesses.

Dès septembre 2012, au moment du vote du pacte budgétaire européen à l’Assemblée Nationale, des députés PS s’abstinrent ou même votèrent contre. La Fronde était née. A partir de ce moment là, avec le recul, une partie de l’échec du quinquennat était jouée. En effet, de la base au sommet, le PS ne passerait plus son temps qu’à une seule chose : débattre en interne à l’infini pour savoir qui a tort et qui raison, qui sont les bons et qui sont les gentils, qui sont les purs et qui sont les traîtres. Le parti excelle à cet exercice vain qui aura marqué depuis toujours son histoire. Mais en faisant ça, il dilapidera toute son énergie, ne jouera jamais vraiment son rôle de soutien à la politique gouvernementale, se sclérosera et oubliera de préparer l’avenir. Il en paye chèrement le prix aujourd’hui.

TOUT CA POUR CA : 10 ANS DE MILITANTISME AU PS : EPISODE 18 : Congrès de Toulouse ou les graines de l’auto-destruction

episode18Suite à l’élection de François Hollande, le PS du continue à vivre sa vie de parti politique. Ses principaux leaders désormais Ministre et Martine Aubry partie bouder à Lille, il fallait bien trouver quelqu’un pour garder la maison. Un peu comme François Hollande lui-même en 1995 suite à la victoire aux législatives et la formation du gouvernement de Lionel Jospin. Un peu (beaucoup… totalement…) par défaut, c’est Harlem Désir qui sera chargé de cette mission. Pour cela, il fallait organiser un congrès. Il aura eu lieu à Toulouse. Il sera resté comme peut-être le moins intéressant de l’histoire du PS. Du moins, sur le front des idées. Car c’est peut-être ici que bien des graines d’auto-destruction furent semées.

Fraîchement arrivée au pouvoir, le parti ne pouvait évidemment pas afficher trop vite des signes de désunion. La totalité des leaders se rangèrent donc derrière une seule et grande motion unitaire, qui ne ferait face qu’à des motions anecdotiques, même si celle conduite par Stéphane Hessel fit un peu parler d’elle, vu l’identité de son premier signataire, âgé alors de 95 ans. L’aile gauche du PS présentait bien également une motion, mais elle était privée de son principal leader, Benoît Hamon, obligé en tant que Ministre de se ranger derrière la motion majoritaire. Bel exemple d’unité ? Ou erreur stratégique ?

La suite prouvât qu’il s’agissait bien de la seconde option. En effet, inviter dans une même motion des « leaders » que l’on ne sait pas forcément profondément acquis à sa cause ne constitue en rien une garantie de soumission de leur part. Cela a par contre permis à tous les faux amis du Présidents de placer des hommes et des femmes à eux dans les instances du parti. Ainsi, l’aile gauche (on ignorait alors ce qu’était un frondeur) fut représentée à la fois par des signataires de la motion affichant d’ors et déjà un certain scepticisme face à la politique prônée par François Hollande (ce qui était logique)… et par des signataires de la motion qui aurait du logiquement rassemblé les vrais soutiens du Président. Dans ces passagers clandestins se trouvait notamment la garde rapprochée de Benoît Hamon et celle d’Arnaud Montebourg. Quand on y repense en sachant ce qui s’est passé ensuite, on se rend compte à quel point la frontière entre volonté de rassembler et naïveté coupable est fine.

La meilleure illustration de ce jeu de dupes restera incontestablement ce qui s’est passé dans les Yvelines et que j’ai eu la « chance » de vivre aux premières loges. Benoît Hamon avait été parachuté dans mon département quelques mois plus tôt, suite à la perte de son mandat de député européen. Il fallait bien le recaser quelque part. Il n’était évidemment pas question pour lui de se contenter d’être là. Les instances du parti lui avaient concédé un département profondément ancré à droite comme terrain de jeu pour le neutraliser et il avait bien l’intention de jouer y compris contre son propre camp. C’est d’ailleurs ce qu’il fait de mieux, mais j’aurais le temps d’y revenir souvent.

La première étape allait être pour lui de prendre le contrôle de la fédération départementale. Mais il eut l’intelligence de sentir qu’il devait avancer masqué. Dans un département où les adhérents sont avant tout des cadres, un positionnement trop à gauche de la gauche aurait été voué à l’échec. Heureusement pour lui, le monde politique offre assez d’ambitieux et d’ambitieuses pour autoriser ce genre de manœuvre. Pour profiter de la confusion idéologique provoquée par cette grande motion qui n’avait d’unitaire que de nom, quoi de mieux que d’aller débaucher quelqu’un supposé être à l’opposé du spectre politique du PS. Benoît Hamon trouva ainsi le moyen d’avancer comme pion l’ancienne représentante du courant animé par Pierre Moscovici. Comme quoi, les grands écarts ne se font pas que dans les salles de gymnastique. La plupart des militants de terrain étant loin, et grand bien leur fasse, de ces petites manœuvres, cela fonctionna parfaitement.

Cette campagne départementale fut marquée par quelques épisodes savoureux. A côté du pôle hamoniste et du pôle hollandais, dont je faisais partie, on vit émerger comme candidate la compagne du Maire de Conflans St Honorine. Elle avait comme atout d’avoir le contrôle de la plus grosse Section du département. Le soir du premier tour, le résultat fut longtemps incertain. A notre grande déception, elle semblait devant nous pour la deuxième place. Mais certains résultats prêtaient à contestation avec des adhésions pas très nettes de dernière minute. Finalement, le résultat d’une commune où elle gagnait beaucoup de voix fut annulé. Au final, le candidat que je soutenais et elle se retrouvaient à égalité parfaite. Dans ce cas-là, les règles du parti indiquent que c’est le plus ancien en termes de date d’adhésion au PS qui l’emporte. C’est ainsi que nous nous sommes retrouvés au deuxième tour. Le lendemain, la Section de Conflans St Honorine passa d’une centaine de votants… à trois… Sans ce report de voix, nous n’avions aucune chance et Benoît Hamon prit tranquillement le contrôle de la fédération des Yvelines, qui cessa alors de servir à quoi que ce soit d’autre si ce n’est servir ses intérêts personnels.

Cette campagne départementale m’a également permis de vivre une scène qui m’a marquée. Nous sommes le midi avant le congrès fédéral qui suit l’élection. Au sein de notre groupe, nous devons attribuer les postes de conseillers fédéraux qui nous reviennent. Nous sommes plus de candidats que de places. Il faut donc choisir et désigner ce qui ne vont pas avoir satisfaction. Je suis le premier à prendre la parole pour dire que j’allais avoir bientôt une campagne municipale à mener qui allait me prendre beaucoup de temps et que j’étais donc prêt à renoncer. Je me souviens parfaitement du tonnerre d’applaudissements qui a suivi et du soulagement de certains… Un de moins, pensaient-ils ! Quand on connaît à quel point être conseiller fédéral ne sert à peu près à rien et surtout à quel point une bonne moitié de ceux qui seront finalement nommés brilleront surtout au final par leur absentéisme et leur inutilité, je ne peux qu’affirmer une nouvelle fois quelque chose dont je suis profondément convaincu : le militantisme rend un peu con…

Ah oui, j’ai failli oublier de mentionner qu’à l’issu de ce congrès Harlem Désir était devenu premier secrétaire du Parti Socialiste. A la fois, je n’aurais pas été le seul à l’avoir déjà oublié.

TOUT CA POUR CA : 10 ANS DE MILITANTISME AU PS : EPISODE 17 : Plongée rapide

episode17La fête ne dure qu’un temps. Pour une élection, elle ne dure même qu’un soir car la réalité et les problèmes vous rattrape vite. Surtout quand la pluie vient s’en mêler. La première image de François Hollande Président aura été celle d’un homme trempé par les trombes d’eau qui s’abattaient sur lui en remontant les Champs Elysées après son investiture. Elle fera plutôt sourire. Elle aurait pu être celle d’un homme qui reste droit et fier malgré les éléments contraires, elle est surtout restée comme celle d’un homme qui n’a pas de bol. On ne savait pas alors qu’elle serait tout à fait symbolique du quinquennat qui allait suivre.

En effet, le quinquennat a commencé avec un brin de légèreté. L’attitude ouverte et amicale de Hollande lors de ses premiers déplacements fait de lui le « Président des bisous ». On veut croire que la page Sarkozy est totalement refermée et que celle qui s’ouvre sera plus joyeuse et riante. Au moment de son élection, tous les grands esprits prévoient que la reprise économique est solide et la conjoncture favorable. Il se pourrait qu’on oublie enfin définitivement la crise de 2008. Mais très vite tout cela va se gripper.

Déjà, le calendrier électoral condamne tous les Présidents à commencer par un grand rien. En effet, tant que les législatives ne sont passées, il ne passe pas grand chose. Après avoir été saoulé de politique pendant des mois, beaucoup de citoyens se lassent une fois l’élection présidentielle passée et tout cela leur donne une impression que le changement n’est en fait pas pour maintenant. Et quand le nouveau gouvernement se met au travail, il commettra une série de maladresses, d’annonces ratées, suivies de rétro-pédalages. La presse parlera de « couacs » et dans l’opinion, cela deviendra sa marque de fabrique. L’année 2012 se termine avec déjà un sentiment de gâchis et de confiance perdue.

Je ne veux pas refaire l’histoire, mais à mon sens la plus grande erreur de François Hollande est de ne pas avoir laissé Jean-Marc Ayrault donner le ton que ce dernier souhaitait à son discours de politique générale à l’Assemblée Nationale. L’ancien maire de Nantes voulait tenir un propos churchillien, à base de sang et de larmes. Bref, dire que c’était vraiment la merde et qu’on allait en chier. Cela n’aurait d’autant pas posé de problème que l’opinion partageait ce sentiment et que le candidat Hollande n’avait jamais promis des lendemains qui chantaient, mais plutôt des hausses d’impôts qu’il avait toujours assumées et annoncées. En définitive, le Président convaincra le Premier Ministre d’être plus optimiste. Il se justifie d’ailleurs dans son livre en indiquant qu’il ne voulait pas briser l’élan impulsé lors de son élection. C’était pour moi avant tout une erreur qui a mis profondément dans l’esprit des gens qu’on se moquait d’eux. Pourquoi consentir des efforts si ceux qui vous les demandent vous explique que tout ne va pas si mal ?

Et le militant de terrain dans tout ça ? Parce que bon, je suis ici pour parler de lui (enfin de moi en l’occurrence), pas pour raconter l’histoire du quinquennat. Forcément, tout cela a affecté tous ceux qui s’étaient battus pour que François Hollande soit élu. Ils se sont vite heurtés à un grand sentiment d’impuissance. Plus rien n’était dans leurs mains. Une campagne électorale ressemble un minimum à une œuvre collective quand on est militant d’un parti politique. L’exercice du pouvoir est beaucoup plus solitaire. Un homme prend les décisions à l’Elysée, plus un parti. Le Président de la République gouverne pour tout le pays, plus pour ses supporters.

J’ai pu voir le scepticisme monté à vitesse grand V. Très vite une image s’est forgée, à tort ou à raison, et plus rien ne pourra vraiment la changer. Et elle n’était pas flatteuse. Mais ce qui est difficile à accepter, c’est qu’elle se sera forgée avant même qu’aucune action ne puisse avoir le temps de porter le moindre fruit. Les débuts du quinquennat ont montré à quel point le temps de l’opinion n’a plus aucun rapport avec le temps de l’action et encore celui du résultat. Une grosse averse peut avoir infiniment plus d’impact qu’un travail patient de construction. Et en attendant, le militant de terrain éponge.

TOUT CA POUR CA : 10 ANS DE MILITANTISME AU PS : EPISODE 16 : Mauvais plan

episode16Autant vous avertir tout de suite, ce billet sera particulièrement égocentrique. Mais voyez-vous, être élu d’opposition dans une ville aussi moyenne que Viroflay revient un peu à prêcher dans désert. Alors quand vous consentez beaucoup d’efforts, quand vous vous investissez à fond dans quelque chose et surtout quand vous êtes brillant, tellement plus brillant que d’autres, il n’y aura pas grand monde pour le savoir et pour le souligner. Surtout que votre principal public reste quand même vos principaux adversaires formant la majorité, qui se pendraient plutôt que de vous faire un compliment (sauf le jour de votre départ évidemment… mais là aussi j’y reviendrai).

J’ai été élu municipal pendant près de huit et demi. J’ai travaillé sur bien des sujets, plus ou moins profondément. J’ai du acquérir des compétences, comme savoir décrypter une budget et une comptabilité municipale. Mais rien ne fut comparable à ce que j’aurais accompli dans le suivi et évidemment la critique du projet du Plan Local d’Urbanisme (PLU) aura occupé à peu près la moitié du temps que j’aurais passé au Conseil Municipal de Viroflay. Ce dossier, je m’y serai plongé totalement, me documentant pour mieux le comprendre, comparant ce que nous faisons avec ce qui se faisait ailleurs. Bien sûr, mon activité professionnelle ayant trait au foncier agricole, j’avais quelques connaissances de base qui m’ont facilité la vie, mais dans un contexte trop différent pour m’épargner certains efforts. Quand vous êtes élu d’opposition, vous réalisez vite que vous ne disposez pas d’employés municipaux pour vous aider et apporter leurs compétences. Vous êtes seul et vous devez tout maîtriser, le camp d’en face étant à l’affût du moindre faux pas.

La séance lançant la procédure aura été l’occasion de mon premier grand discours. Dix bonnes minutes sans note (cf. l’épisode 3) pour déjà marquer notre différence. Dès ce jour-là, on sentira à bien tout ce qui nous séparait au fond de la majorité municipale viroflaysienne. Cette dernière est là pour gérer les choses au mieux, quand nous sommes habités d’une mission. Nous voulons rendre le monde meilleur. Evidemment, ce n’est pas le PLU de Viroflay qui pouvait sauver la planète. Mais ce qui aura toujours guidé mes choix et mes prises de position, c’est bien la volonté de faire à travers ce document tout ce qui était en notre pouvoir, aussi limité soit-il, pour aider à résoudre les grands problèmes environnementaux et sociaux, dans l’espoir que si toutes les communes faisaient de même, alors il existerait une chance réelle qu’ils soient résolus.

Tout ce travail durera près de trois ans avant d’aboutir sur un projet qui est donc soumis à l’approbation du Conseil Municipal. C’est ainsi le moment d’exposer tous les fruits de ma propre réflexion. J’ai fait ce jour là la plus longue intervention de ma carrière d’élu. Et très certainement la meilleure. J’ai souligné ce jour-là tout ce que le PLU aurait pu être et qu’il n’était pas. Je mis en lumière la manière dont il ne contribuait pas comme il le faudrait au développement de l’offre de logements, à la préservation des espaces agricoles, à la lutte contre le réchauffement climatique. Les arguments étaient travaillés, étayés et je les maîtrisais totalement. Ce jour-là, j’ai eu le sentiment profond et sincère d’avoir les capacités d’être un maire d’une toute autre carrure que celui qui occupe le poste. Je voyais tellement plus loin que cette majorité qui semblait penser parfois que leur ville flottait au milieu de rien. Ce jour-là, je fus profondément fier de moi et je crois que j’avais de quoi l’être.

A la fin de la séance, le leader de l’autre opposition viendra me féliciter. Cela restera le seul signe me confortant dans mon auto-satisfaction. En effet, même quand un sujet aussi important est abordé, les spectateurs pouvaient se compter sur les doigts d’une main (ou les deux les jours de grande affluence). Nul journaliste, nulle caméra n’étaient là pour témoigner de mon moment de gloire. Alors que les élections municipales se rapprochaient, personne ou presque parmi les Viroflaysiens n’eut conscience à quel point j’avais pu être bon, tellement meilleur en tout cas que nos adversaires. Me voilà donc condamné à un exercice d’auto-satisfaction sur mon blog. Et personne n’est obligé de me croire.

Je mesurerais toute l’étendue de cette indifférence quelques semaines plus tard. Ce long discours, je l’ai transformé en un texte pour notre petit journal que nous diffusions de temps en temps auprès de la population. Je l’ai ramené à deux pages Word, quand le texte d’origine faisait beaucoup plus. Deux petites pages de texte pour un sujet aussi important, deux pages parlant du document qui va décider et structurer l’évolution du visage de la ville pour au minimum les dix prochaines années, ça ne me semblait pas grand chose. Pourtant, à l’occasion d’une fête chez des amis, j’ai eu l’occasion de discuter avec une de nos électrices fidèles. Fidèle parce que « de gauche », mais sans savoir grand chose de notre action. Elle me parle pourtant du numéro où nous parlions du PLU et me dit qu’elle l’a lu. Je me dis alors que tout cela n’était pas si inutile. Avant qu’elle ne m’avoue, après quelques secondes d’hésitation, qu’elle n’a lu que le début parce que c’était un peu long…

Peut-être bien que mon texte n’était pas assez bien écrit ou intéressant pour passer dix petites minutes à le lire. Peut-être. Ce jour-là j’ai mieux mesuré tout ce qui ne servait à rien, ou pas grand chose, dans le jeu politique. Comme avoir des grandes idées fondées et pertinentes par exemple. C’est malheureux, mais c’est comme ça. Reste un peu d’aigreur sans doute. Mais heureusement, un peu de fierté aussi. Les grands problèmes attendront encore avant d’être résolu. Au moins, j’aurais fait ce que j’ai pu. Même si ça n’aura servi à rien.

TOUT CA POUR CA : 10 ANS DE MILITANTISME AU PS : EPISODE 15 : Jour de fête

episode15Quand on est un militant politique en France, l’élection présidentielle reste incontestablement un moment particulièrement fort. Mais un moment un peu ambivalent car c’est aussi celui où ce qui se joue est le plus éloigné du militant de terrain. Elle constitue aussi une promesse. La promesse de faire bouger les choses à grande échelle et d’avoir un impact réel sur la vie des gens. Certes, les élus locaux jouent aussi un rôle important dans la vie des citoyens, mais pas tout à fait à la même échelle.

J’ai un souvenir flou de cette campagne. Pas d’anecdote croustillante à raconter. Les tractages n’ont pas donné dans mon souvenir donné lieu à des échanges mémorables. Mais je me rappelle de beaucoup de joie, surtout lors des deux meetings où je me suis rendu, à Vincennes et à Bercy. De la joie aussi parce que, dès le mois de décembre, tout semblait déjà plié. François Hollande l’emporterait largement au second tour face à Nicolas Sarkozy. Après tant de victoires au niveau local, le PS allait boucler la boucle, terminer d’accomplir cette reconquête après le traumatisme de 2002. Alors, au moment de faire campagne, les militants s’engageaient le cœur léger. C’était leur moment, leur récompense méritée après des années d’efforts. Il fallait donc savourer.

Certes, chaque semaine l’écart se resserrait et le doute finit par naître chez certains. Je me rappelle très bien du sketch des Guignols où Hollande et les cadres du PS chantaient « Alors on flippe ! », sur fond de baisse lente du score dans les sondages. Cependant, la différence est toujours restée significative et je me rappelle être resté serein jusqu’au bout. Certes, François Hollande m’avait un peu déçu lors du débat de l’entre deux tours, malgré la diatribe « Moi, Président » restée célèbre. Tout le monde s’accordait pourtant dire alors que les jeux étaient faits et le jour de l’élection fut une longue mais délicieuse attente.

Je souhaitais vivre comme un vrai moment historique dont j’étais acteur. Je terminais ma Présidence tournante de mon bureau de vote à 18h. Je me précipitais alors à la gare pour prendre un RER C pour rejoindre Solférino. J’y arrive une heure avant le verdict. Il est déjà difficile de se faire une place dans la rue et je vois de très très loin l’écran géant installé. La foule se fait de plus en plus compacte. Vers 19h30, Benoît Hamon au balcon du siège du PS nous fait comprendre du geste que la victoire espérée est bien là (ce qui est assez ironique quand on connaît la suite de l’histoire). En bas, nous sommes tous compressés avec des mouvements de foule qui vous entraînent sans que vous puissiez résister. J’avoue que je me sens de plus en plus mal à l’aise et que j’ai envie que tout se termine au plus vite.

Le compte-à-rebours avant 20h commence… 10…9… Bon à ce moment là les drapeaux s’agitent et on ne voit plus rien, je n’ai donc pas pu vivre cette seconde où le visage de François Hollande apparaît à l’écran. Je regrette presque d’être venu. Mais la suite sera un trop beau moment pour que les regrets ne s’estompent pas très vite. La foule se disperse en cortège pour rejoindre la Bastille. Une foule joyeuse, heureuse, qui chante et hurle sa joie. Aux balcons, nombreux sont ceux qui chantent avec nous. Avec le recul, je mesure que les « Sarkozy, c’est fini ! » étaient extrêmement présents. Les gens sont heureux de tourner une page, mais peut-être pas enthousiasme pars celle qui va s’ouvrir.

La fête à la Bastille sera belle et émouvante. Vivre ces moments-là vous donne envie de vous engager politiquement. Cette journée aura toujours une place particulière dans mon existence et pour bien des raisons autres que politiques (mais ce n’est pas le sujet ici). Tous les militants avaient sûrement tous dans la tête à ce moment là que le plus dur restait à venir. L’histoire l’aura prouvé avec une force que l’on imaginait alors pas. Reste les beaux souvenirs. Et ils sont précieux.

Il y a un épilogue à cette épisode. En effet, vous imaginez bien que compressé dans la foule un beau jour de mai, j’ai abondamment transpiré dans mon costard. Je l’ai donc porté chez le teinturier. Le jour où je vais le récupérer, je croise une amie qui rentre avec moi dans le magasin. Je lui raconte alors les circonstances qui m’ont poussé à faire nettoyer ces vêtements. Derrière son comptoir, le gérant me regarde d’un œil un peu sombre. Sur le ton de l’humour, il m’indiquera qu’il ne partage pas vraiment ma joie. Dans l’euphorie, on oublie trop vite que les déçus sont à peine moins nombreux que les satisfaits. Et que gouverner, c’est aussi gouverner pour eux. Et que si vos supporters ne vous pardonneront pas grand choses, les battus ne vous pardonneront rien.