TOUT CA POUR CA : 10 ANS DE MILITANTISME AU PS : EPISODE 14 : Débat primaire

episode14Le résultats des scrutins intermédiaires ne laissent guère de doute. Nicolas Sarkozy ne serait pas réélu et le candidat du Parti Socialiste avait toutes les chances de devenir le prochain Président de la République. Restait à le désigner et, avant cela, choisir la manière dont il serait désigné. Ce débat, comme beaucoup d’autres au PS, ne pouvaient être totalement compris sans être capable de décoder les intentions de chacun se cachant derrière les discours pleins de bonnes intentions désintéressées.

Sur la table du débat étaient posées deux options. Soit une désignation classique par les membres du Parti, soit une primaire ouverte à tous ceux qui voudraient bien se reconnaître comme sympathisant socialiste. Cela ressembla à une sorte de controverse entre les anciens et les modernes. Bon, peut-être que cette vision vient de mon jeune âge à l’époque. En tout cas, les arguments pertinents des deux côtés ne manquaient pas, même si je trouvais personnellement beaucoup des objections avancées par les opposants aux primaires ouvertes totalement infondées. Elles se révélèrent l’être d’ailleurs, mais à l’époque, organiser une telle désignation s’assimilait à un saut dans l’inconnu et il est facile de se donner raison avec le recul.

Un débat purement intellectuel alors ? Un débat où chacun avançait les idées qui lui semblaient les plus justes en son for intérieur ? Il n’en n’était évidemment rien. En fait, tout cela se croisait avec un débat beaucoup plus personnel. Parmi les opposants aux primaires ouvertes, on comptait un nombre étonnement élevé de supporters de Martine Aubry. En effet, garder un mode de désignation interne, constituait le meilleur moyen de désigner comme candidate la Première Secrétaire du Parti. Mais pour preuve qu’elle n’en tenait pas les rennes si fermement puisque les partisans des primaires ouvertes réussirent à faire adopter ce mode de désignation. Une fois, ceci fait, on pouvait en être quasiment certain, Dominique Strauss-Kahn serait le prochain Président de la République.

On sait ce qu’il advint, prouvant que l’histoire prend parfois des chemins passablement inattendus. Je me souviens avec une clarté absolue du moment où ma copine de l’époque m’a annoncé l’arrestation de Dominique Strauss-Kahn. Cela fait partie de ses événements assez marquants pour que l’on se souvienne toute notre vie précisément de ce que l’on faisait au moment où l’a appris. Bon, pour celui-ci en particulier, cela concerne avant tout les militants socialistes, mais en tout cas il est bien gravé dans ma mémoire.

Il serait vraiment malhonnête de ma part de me prétendre être un « hollandais » de la première heure. J’en connais des véritable, d’autres qui ne le sont que dans leurs discours. De mon côté, j’admets volontiers que l’annonce de sa candidature aux primaires avaient fait naître chez moi un sourire amusé et condescendant, trouvant cette ambition un rien pathétique. Mais il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis et j’ai la prétention de ne pas en être un. Je finis donc par examiner la situation et me rendre compte que François Hollande était bien le candidat avec qui je partageais le plus d’idées.

Je ne fis pas campagne dans ces primaires mais vota François Hollande pendant les deux tours, avant de me réjouir sincèrement de sa victoire. Mais ces primaires restent à ce jour un des meilleurs souvenirs de mon parcours de militant. La participation fut remarquable, même à Viroflay. Quelle joie de voir défiler tous ces électeurs de gauche dans une commune où ils semblaient sortir de nul part. Cela mettait un visage aux électeurs qui nous apportaient leurs voix aux élections et cela donnait du sens à notre action au sein du Conseil Municipal et aux campagnes que nous menions à chaque élection.

J’aurais évidemment à reparler des primaires dans un épisode proche de la conclusion de ce récit. Ce chapitre sera alors nettement moins réjouissant. Mais pas assez en tout cas pour me faire oublier ce beau moment de démocratie qui donna à François Hollandais et tous ceux prêts à s’engager à ses côtés un élan incomparable. Les primaires sont comme tout, ni la panacée, ni une calamité. Mais là encore, éviter un débat trop manichéen semble hors de portée. Et pendant ce temps là, les citoyens perdent foi en la démocratie.

TOUT CA POUR CA : 10 ANS DE MILITANTISME AU PS : EPISODE 13 : Leadership

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episode13L’image du responsable politique est associée à beaucoup de caractéristiques. Certes, beaucoup sont désormais négatives, type malhonnêtes et manipulateurs. Mais si on abandonne ces clichés grossiers, on l’imagine aussi facilement charismatique et doté d’une âme de meneur. Autant dire du leadersphip, même si je n’aime pas forcément les anglicismes. Pour le charisme, j’ignore si j’en ai, pas du tout, un peu ou beaucoup et ce n’est de toute façon pas le sujet ici. Par contre, je sais très bien que je n’exerce pas naturellement le leadership au sein d’un groupe. Ce n’est pas de la fausse modestie, ce n’est vraiment pas mon genre, mais juste une constatation.

Je ne suis certes pas pour autant un suiveur. Je suis plutôt un solitaire qui aime que les événements se déroulent comme il en a envie. Mais pour cela, je vais plus naturellement suivre ma route en impliquant le moins de personnes extérieures possible, plutôt que de convaincre le plus grand nombre de faire comme je l’entends. Or, mon parcours politique a du me forcer quelque peu ma nature pour assurer un rôle de meneur pour lequel je ne suis pas forcément fait.

Lorsque je me suis engagé et que je suis devenu très vite un élu municipal, je me suis naturellement placé dans les pas de notre tête de liste. Surtout que nous partagions des combats aussi au sein de l’organisation interne du PS, notamment au niveau fédéral (départemental). Je ne peux évidemment que le remercier de m’avoir mis ainsi le pied à l’étrier et de m’avoir fait assez vite confiance. Je resterai à jamais admiratif de son éloquence dans des numéros totalement improvisés, quand j’ai personnellement besoin de préparer à l’avance mes interventions pour avoir une chance d’être convaincant.

Cependant, au cours de cette première mandature, j’ai du peu à peu occuper une place de leader qui n’était pas la mienne au départ. Très pris par sa vie professionnelle, notre tête de liste n’était pas toujours en mesure d’être présent et de travailler les dossiers comme il l’aurait du. De plus, comme tout être humain, il n’était pas parfait et souffrait notamment d’une capacité d’écoute et d’une mémoire proches de zéro. Ceci a entraîné quelques désaccords sur ses prises de position en séance du Conseil Municipal qui reposaient sur des bases erronées, voire même en contraction sur ce qu’on avait dit quelques mois plus tôt, dont il ne gardait strictement aucun souvenir.

Tout cela n’était pas très grave. En effet, nous étions juste des militants-élus, donnant bénévolement beaucoup de notre temps pour peu de remerciements et de bravos. Alors, chacun fait du mieux qu’il peut avec sa personnalité et sa manière de voir les choses, tout en restant solidaires les uns des autres. Du moins, c’est ma manière de voir les choses. Je m’imaginais mal faire le moindre reproche à mon camarade, au-delà de quelques commentaires sur le ton de l’humour pour me moquer gentiment quand il poussait le bouchon un peu loin. Si je prenais mon mandat très au sérieux, ce n’était pas au point de me prendre moi-même trop au sérieux.

Malheureusement, la réciproque n’était pas vraie. Lors de cette mandature, je me suis particulièrement impliqué sur le dossier de l’élaboration du Plan Local d’Urbanisme (j’y reviendrai dans une billet spécifique). Au moment, d’arriver aux conclusions, notre tête de liste a fait état d’un certain nombre de points de désaccord. Certains ne m’étonnaient pas le connaissant, mais j’avais assez travaillé le dossier pour que mes positions reposent sur une argumentation solide et fondée, quand il optait pour des idées purement idéologiques et d’une grande fragilité.

Ceci aurait pu s’arrêter là, s’il n’avait refusé obstinément d’acter que les positions que nous adopterions en tant que groupe ne seraient pas les siennes. Il n’eut strictement aucun respect pour le fait que nous étions trois sur quatre dans le groupe à partager la même vision du sujet et surtout strictement aucun respect pour tout le travail accompli quand lui n’avait pas produit le moindre effort. Même si la hiérarchie théorique faisait de lui notre leader, je ne pouvais évidemment accepter une situation qui balayerait ainsi autant d’efforts et nous forcerait à défendre des idées ineptes.

Alors j’ai du m’affirmer. Je profitais d’un repas avec les autres élus et notre Secrétaire de Section pour mettre les pieds dans le plat et lui signifier que son attitude était insupportable et qu’il n’aurait pas gain de cause. Ce fut d’autant plus difficile que ce n’est pas du tout dans ma nature et que sa compagne était également présente et que je l’appréciais beaucoup. Elle fut un peu surprise par la tournure des événements (elle n’était pas militante) mais je n’avais guère d’autre choix que d’en passer par là. Je savais que je pouvais compter sur le soutien plein et entier des autres élus et militants présents et ceci mit fin à cette situation pénible. Après cela, je suis définitivement devenu le leader de notre groupe, ce qui me conduira naturellement à devenir tête de liste pour les élections suivantes.

Si on tombe dans les clichés, on peut dire que c’est le soir où j’ai tué le père. Je ne sais pas si il faut forcément passer par là pour s’affirmer en politique. En tout cas, ça ne reste pas le meilleur souvenir de mon parcours politique. Mais ce fut aussi un des moments qui vous font mûrir et vous permettent de vous affirmer. Ca n’aura définitivement pas changé le cours de l’histoire de Viroflay, mais en tout cas, ça aura joué un rôle dans le déroulement de ma propre existence.

TOUT CA POUR CA : 10 ANS DE MILITANTISME AU PS : EPISODE 12 : La Coopol, la bonne blague

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episode12Après avoir négligé quelque peu cette chronique, il est temps d’y revenir avec un épisode qui prête plutôt à sourire, mais qui en dit long sur le fonctionnement du Parti Socialiste (et de tous les partis politiques en fait). Bon, il est vrai que je dis ça à peu près à chaque billet, je l’admets. Je vais donc vous parler de la Coopol, acronyme de Coopérative Politique. Je suis sûr que je viens de réveiller un mot oublié depuis longtemps chez les vieux militants et en prononcer un totalement inconnu chez les autres.

La Coopol était un réseau social destiné aux adhérents du PS et aux sympathisants. Un projet particulièrement ambitieux qui a été mené à peu près n’importe comment, qui a coûté un prix faramineux pour constituer au final un bide retentissant. A la limite, j’aurais presque envie de m’arrêter là, puisque tout est dit, mais je vais quand même vous contez de manière un peu plus précise comment ce fiasco s’est déroulé.

Tout cela partait pourtant d’une bonne idée. Développer un outil « réseau » pour un parti politique à la base militante forte et structurée localement comme le PS n’avait rien d’absurde. Un outil sur mesure qui offrirait à chacun des outils utiles à l’exercice de ses fonctions dans le parti, voilà qui aurait pu représenter une vraie source de progrès et surtout assurer une certaine continuité. Ainsi, par exemple, quand un secrétaire de Section changerait, le nouvel élu aurait pu retrouver un historique, une liste de contacts à jour, quelle que soit la manière dont la transition se serait déroulée. Bref, dans l’absolu, l’opération avait tout pour être un succès.

Tout ceux qui se sont frottés au déploiement de ce genre d’outils le savent bien. La réussite est délicate et nécessite au strict minimum trois choses: du temps, de la compétence et de la communication. Le déploiement de la Coopol s’est évidemment déroulé sans aucun de ces trois éléments, ce qui explique largement l’échec.

Du temps donc. Sauf que la Coopol s’est déployé dans une totale précipitation. Pourquoi une telle urgence ? L’UMP avait annoncé qu’il lançait lui aussi son propre réseau social. Il fallait absolument les devancer. Pourquoi ? Euh bah parce que ! Lorsque la Coopol est lancée, l’outil est encore loin d’être finalisé. On imagine que l’analyse des besoins a été vite fait mal fait et beaucoup des fonctionnalités qui aurait vraiment fait la différence par rapport à un simple boîte mail n’étaient encore pas présentes. Et surtout, le lancement s’est fait immédiatement à grande échelle. L’ensemble des adhérents et même les sympathisants sont invités à l’utiliser !

Ce genre d’outil se déploie progressivement à partir d’un noyau chargé dans un premier temps de le tester puis de le faire vivre, avant d’agglomérer des nouveaux utilisateurs progressivement. Vouloir en lancer un, non finalisé, rapidement et à grande échelle, représentait déjà un défi totalement insurmontable. Surtout quand on manque à ce point de compétences. Je ne veux surtout pas jeter la pierre aux permanents et aux militants qui ont œuvré à son déploiement. Je veux juste rappeler que ce genre d’opération constitue un métier, qui demande une formation spécifique. On touche là vraiment la limite des systèmes militants à grande échelle. La bonne volonté, l’enthousiasme et l’implication ne font pas tout et poussent à commettre des erreurs liées à certaine forme de naïveté. Croire que l’opération « Coopol » pouvait marcher relever tout à fait de cette dernière.

Enfin, il reste la communication et la pédagogie. Je peux d’autant mieux en parler que j’ai été chargé de cette dernière pour les Yvelines. Et oui, même si je prends du recul désormais, je ne prétends pas du tout avoir été exempt de cette naïveté que j’évoquais précédemment. Au niveau de ma Section, je me suis heurté à mon Secrétaire qui n’a jamais vu l’intérêt de cet outil. Il est vrai, je l’ai déjà souligné, que ma Section marchait particulièrement bien à l’époque, alors c’était d’autant plus difficile de faire changer des habitudes, surtout avec un outil aussi imparfait.

Au niveau fédéral, cette fonction m’a permis de vivre deux beaux moments de la vie interne de la Fédération des Yvelines. J’ai présenté d’abord la Coopol au Secrétariat Fédéral, c’est à dire l’instance où se réunissent les différentes personnes chargées de faire vivre et travailler des groupes thématiques… Si, si, ça a existé à une époque dans les Yvelines. Le contexte était particulier, suite à au décès de notre Premier Fédéral, la fédération étant dirigée transitoirement alors par deux vice-Secrétaires, entrée dans une phase de détestation absolue. Si j’ai pu réaliser mon intervention dans une certaine écoute, je me suis retrouvé au milieu de l’assemblée, en mesure d’entendre ce que murmurait chacun des deux à leur voisin, chacun à un bout de la table. Chaque prise de parole de l’un provoquait des commentaires désobligeants de la part de l’autre. Bonne ambiance !

Ma seconde intervention s’est déroulée en Conseil Fédéral, soit le « parlement » de la Fédération. Les circonstances ne m’ont pas aidé. Je me suis retrouvé en fin de programme, vers 23h, et la réunion avait lieu exceptionnellement dans une salle à l’acoustique déplorable. Du coup, personne ne m’écoutait, ceux qui auraient bien voulu ne m’entendaient pas et la salle me renvoyait un brouhaha absolument insupportable. Par contre, j’entendais bien les commentaires désagréables (sur le projet, pas sur moi, mais quand même) d’un personnage absolument exécrable que j’ai déjà évoqué dans un épisode précédent. Bref, je me suis vraiment demandé ce que je faisais là, pourquoi j’étais venu perdre ma soirée et traverser la moitié des Yvelines pour subir ça.

Suite à ça, ayant accompli le minimum de ma mission, je laissais la Coopol mourir de sa belle mort et décidais de ne plus mettre les pieds à la Fédération pour un moment…

J’aurais pu arrêter mon billet là, mais il y a un petit épilogue. En effet, pour préparer ce billet, j’ai essayé de voir si la Coopol existait encore et si je pouvais encore me connecter. Et bien la réponse est oui… Je n’y ai relevé absolument aucune activité récente, mais le PS continue de payer pour faire vivre cet projet totalement mort né. Vous avez dit incompétence ?

TOUT CA POUR CA : 10 ANS DE MILITANTISME AU PS : EPISODE 11 : Elections régionales 2010, la grande illusion

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episode11A chaque défaite électorale, chaque parti politique déçu jure la main sur le cœur qu’il saura tirer toutes les leçons, de faire le bilan de ses erreurs et de revenir victorieux. L’expérience montre, au PS ou ailleurs, que c’est rarement le cas. Il est alors facile d’imaginer qu’une telle analyse n’est jamais réalisée en cas de triomphe. Cela serait pourtant nécessaire, comme l’a prouvé l’écrasante victoire du PS aux élections régionales de 2010.

Certes l’Alsace résistait encore mais sans cette tâche bleue, la France métropolitaine aurait été uniformément rose ce soir là. Partout, les scores étaient écrasants, dépassant parfois 60% pour certaines majorités reconduites. A Viroflay, la liste mené par Jean-Paul Huchon avait fait un score légèrement supérieur à 48%, score historique pour la gauche dans notre commune. Évidemment, lors de la soirée post électorale organisée chez notre regretté camarade Jean-Etienne, nous avions tous le sourire. Mais avons-nous raison ? Notre sourire n’était-il pas excessivement arrogant ?

Quels étaient donc les faits objectifs qui ont conduit à un tel triomphe ? La plupart des discours de victoire de la reconnaissance d’un bilan. Ce genre d’argument est incontournable et il est difficilement envisageable pour un élu venant d’être reconduit dans ses fonctions de dire autre chose… même si cette affirmation est clairement erronée. Dans le cas d’une élection régionale, ce critère joue un rôle mineur puisque l’immense majorité des citoyens sont strictement incapables de juger la qualité de l’action d’une collectivité dont ils ont bien du mal à saisir l’utilité. Même si les choses évoluent doucement, en 2010, les Conseils Régionaux s’apparentaient surtout à une collectivité « chéquier » vouée à financer des actions menée concrètement par les collectivités plus locales.

Je me souviens très bien d’un reportage un peu cruel du Petit Journal, suivant Jean-Paul Huchon qui remontait une rame de RER tout en saluant les voyageurs. Le journaliste interviewait ensuite les personnes qu’il venait de saluer pour leur demander s’ils avaient une idée de l’identité de celui qui venait lui serrer la main. Même si le montage est évidemment passé par là, la plupart avouait leur ignorance et n’avait absolument pas reconnu le Président de leur Région, dont ils ignoraient parfois même le nom. C’était plus drôle que méchant, mais terriblement révélateur.

Le PS avait-il triomphé alors du fait de la qualité de la campagne menée par ses militants ? Évidement un soir comme celui-là, le militant que j’étais, et tous les autres, ressentait une certaine fierté personnelle d’avoir participé à une victoire collective. Un sentiment tout à fait légitime, sans lequel d’ailleurs le militant arrêterait vite de militer. Mais il faut avoir la modestie de reconnaître que participer ne veut pas dire être décisif. Quand bien même notre action auait rapporté un, deux, allons jusqu’à 3% au PS, elle ne peut constituer qu’une explication mineure vu les scores pléthoriques réalisés.

Quant à la qualité des programmes… Si cela permettait de remporter des élections, ça se saurait. Je ne vais pas perdre mon temps à discourir là-dessus.

En y repensant, ces élections régionales étaient beaucoup moins une victoire du PS qu’une défaite cuisante pour le pouvoir sarkozyste. Une partie de ses supporters l’avaient boudé (il y a plus de 53% de gens de droite à Viroflay…) et il avait perdu une grande partie du soutien des électeurs habitués à changer de camps régulièrement (le fameux marais). D’ailleurs, si nous étions heureux ce soir-là, ce n’est pas tant pour la victoire à des élections régionales, que pour le sentiment que la victoire aux élections présidentielles de 2012 pouvait être sereinement envisagée.

Personne à gauche un soir comme celui-là ne s’est demandé si l’ampleur de la défaite du pouvoir en place ne présageait pas une d’une détestation du pouvoir tout court qui nous rattraperait une fois que nous l’occuperions à notre tour. A y voir la défaite des idées que nous combattions, nous nous sommes aveuglés et n’avons pas vu là le signe d’une déliquescence du système démocratique, devenu une machine à créer de l’insatisfaction, quant ce n’est pas du ressentiment chez nos concitoyens. Une détestation du pouvoir en place qui frappe de plus en plus fort et de plus en plus vite depuis trente ans.

Mais nous n’allions pas tarder à être rattrapé par cette réalité. Et elle allait faire très mal…

TOUT CA POUR CA : 10 ANS DE MILITANTISME AU PS : EPISODE 10 : Collage et tractage, les deux mamelles du militant PS

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episode10Lorsque l’on adhère à un parti politique, on s’imagine facilement en train de changer le monde. Voire le sauver pour les plus hardis. On ne sait pas vraiment comment on va s’y prendre mais on est hyper motivé. On découvre vite que le Grand Soir n’est peut-être pas pour demain et qu’il faut revoir ses ambitions à la baisse. En attendant, les militants sont conviés à deux activités centrales dans la vie de l’adhérent PS : le collage et le tractage.

Je dois admettre que j’ai toujours esquivé les séances de collage. Une seule en dix ans, pas de quoi se vanter. Mais il faut dire que nous disposions à la Section de militants chevronnés et motivés par ce genre d’exercice. Tellement motivés d’ailleurs que chaque cession s’étirait en longueur et décourageait toutes les bonnes volontés voulant leur apporter un peu d’aide. En effet, la plupart des militants, moi le premier, ont autre chose à faire entre 23h et 1h du matin, heure traditionnelle des collages, comme par exemple dormir !

Je vais donc vous parler plutôt de l’exercice que j’ai beaucoup pratiqué. Sur les marchés, dans les gares, à des carrefours, dans le froid, le chaud, sous la pluie ou la neige… le tractage donc ! J’ai déjà évoqué ma première fois dont l’approche m’avait beaucoup stressé avant de découvrir que cela se résumait avant tout à surmonter l’indifférence totale des gens qui passent autour de vous pour les convaincre de prendre le bout de papier que vous lui tendez. Certes, je me suis déjà fait traiter de connard à l’occasion d’un tractage, mais on se dit que c’est plus motivant que le vide que vous renvoie l’immense majorité des passants.

Pour tracter, il faut évidemment un tract. En réaliser un est un exercice délicat car il faut savoir allier dans un subtil équilibre la forme et le fond. Donner envie de lire, tout en faisant passer un vrai message. Au PS, on adore produire des tracts et on pourrait penser que cela procure à se parti un talent particulier pour les rendre efficaces et percutants. Ceux qui suivent ce récit et ont déjà compris comment la médiocrité a toujours régné en maître dans les hautes sphères de ce Parti et ne seront pas surpris par l’idée que j’ai eu à distribuer un nombre phénoménal de tracts déplorables sur la forme et sur le fond. Mais un bon petit soldat comme moi s’exécute. Et puis comme de toute façon, personne ne les lit…

Distribuer des tracts représente tout un art. Si vous rester droit comme un piquet le bras près du corps avec un tract dans la main, vous n’allez pas en distribuer beaucoup. Mes camarades les plus expérimentés ont développé diverses techniques pour optimiser leur efficacité. Il y a tout d’abord la technique de la poissonnière, qui consiste à crier haut et fort ce que l’on distribue. « C’est la gauche à Viroflay » par exemple. Dans une ville aussi marquée de l’autre bord, cela ne garantissait pas un taux de distribution optimal, mais au moins cela provoquait un élan de sympathie chez les rares personnes partageant nos convictions. Cependant, estimant que prêcher des convaincus fait partie des travers du militantisme au PS, je n’ai jamais adopté cette technique.

Il y a ensuite la technique du barrage qui consiste à tendre le bras, tract à la main, pour carrément barrer le passage à celui qui vient vers vous. Ce dernier comprend qu’il n’aura la voie libre que s’il saisit le papier. Il s’exécute souvent pour gagner en tranquillité, mais pas sûr qu’il garde un très bon souvenir de cette rencontre. La technique n’est donc pas optimale en termes d’image. Enfin, on peut aussi essayer d’entamer la conversation avec ceux qui passent autour. Une remarque sur le cabas un peu lourd, sur l’indiscipline des enfants ou le temps qu’il fait et une fois le contact établi, zou, on glisse discrètement le tract que la personne n’ose alors plus refuser. Cette technique est tout à fait valable mais demande une énergie folle par tract distribué. Au final, on en distribue moins et pas sûr que ceux qui ont trouvé preneur soit plus lu au final.

Personnellement, j’ai donc développé un technique faisant un peu la synthèse de toutes celles-ci. Le bras décollé du corps mais sans être agressif, une tentative de capter le regard de ceux qui passent pour leur dire simplement « bonjour ». Souvent par politesse, les personnes se sentent alors obligées de prendre votre tract. Pas toujours évidemment. Tracter en apprend d’ailleurs beaucoup sur le comportement moutonnier des gens. Lorsqu’un groupe arrive si le premier prend le tract, vous pouvez être sûr qu’une bonne partie du groupe fera de même, n’osant pas paraître plus impolie que la première personne à être passée. Evidemment, l’inverse est vrai et un refus initial risque fort de provoquer des refus en cascade.

Reste enfin la question fondamentale : est-ce que ça sert à quelque chose ? En termes de lecture, vous l’aurez compris, l’impact est faible. Enfin, il y a une seule exception. Les distributions aux gares aux gens qui vont prendre leur train. Il suffit alors d’observer le nombre de personnes en train de parcourir le tract sur le quai de la gare en attendant leur transport pour voir que dans ces circonstances, oui, vos tracts sont lus. En dehors de ça, le résultat est beaucoup plus aléatoire.

En fait, tracter revient surtout à faire acte de présence auprès de la population. Ne plus le faire n’aura pas de conséquences immédiates, mais d’autres prendront votre place et gagneront en influence auprès de la population. C’est évidemment surtout vrai pour les enjeux locaux, on l’a vu dans mon billet précédent sur les élections européennes, mais ça l’est toujours plus ou moins.

Au cours de mes dix ans de militantisme, j’ai vu apparaître des militants FN venir tracter de manière de plus en plus fréquente et assumée. J’ai vécu des marchés où nous étions seuls face à eux. Ce jour-là, je n’ai surtout pas lâché une seule seconde le meilleur emplacement sur le marché que nous tenions pour être arrivé avant eux et j’ai prolongé l’exercice pour ne pas partir et les laisser seuls. Ce jour-là, j’en ai voulu à toutes ces formations politiques de gauche, enclines à nous faire la leçon, mais qui était comme d’habitude totalement absente. Ce-jour là, j’étais fier d’appartenir au PS et fier d’être là, dans un exercice peut-être futile, mais qui reste encore un outil démocratique de contact avec le terrain que les réseaux sociaux ne pourront jamais totalement remplacer.

Je finirai ce billet par une pensée pas vraiment amicale à cet homme, sympathisant d’extrême-droite connu, qui est venu me parler plus d’une dizaine de fois lors de distributions au marché, me demandant toujours qui nous étions. Un brin facho, mais pas physionomiste. Après ma réponse, il me rétorquait invariablement « ah mais vous savez, je suis profondément anti-socialiste ». Je lui faisais remarquer qu’à force j’étais bien au courant. Nous parlions alors un peu politique et je réalisais combien peut parfois se mêler chez certain une réelle forme d’intelligence et de culture et la plus grande bêtise et la plus profonde ignorance.

Les personnes de ce genre n’hésiteront évidemment pas à saisir le pouvoir si on leur laisse. On ne leur fera évidemment pas barrage en distribuant des tracts. Si cela y contribue, cela vaut bien quelques heures passées à distribuer ces papiers un peu vains en eux-mêmes. Mais c’est souvent le geste et ce qu’il symbolise qui compte.

TOUT CA POUR CA : 10 ANS DE MILITANTISME AU PS : EPISODE 9 : Les Européennes 2009 ou médiocrité quand tu nous tiens

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episode9Les élections intermédiaires pendant le mandat de Nicolas Sarkozy sont restées dans les mémoires comme étant toutes des triomphes du Parti Socialiste, avec en point d’orgue les élections régionales de 2010 qui feront l’objet d’un autre billet. On oublie qu’un an avant celle-ci, les élections européennes ont été marqué par un résultat plus que médiocre pour le PS. Un résultat particulièrement révélateur de tous ses travers. Et le fait que personne, ou presque, ne s’en souvienne aujourd’hui, démontre bien à quel point aucun enseignement n’est jamais tiré de quoi que ce soit.

Tout s’annonçait pourtant sous les meilleurs auspices. Le pouvoir sarkozyste commençait déjà à faire le plein de mécontents. Face à cela, le PS avait en sa possession un outil de campagne particulièrement intéressant : le manifeste du Parti Socialiste Européen. Imaginez une trentaine de partis socialistes ou sociaux-démocrates européens qui s’étaient entendus sur un programme commun. Quand on connaît les différences culturelles et politiques entre tous ces pays, cela tenait de l’exploit.

Pour avoir présenter ce texte en Section, je peux assurer qu’il s’agissait d’un vrai programme, non d’une litanie de lieux communs ne pouvant faire que l’unanimité. On y trouvait notamment l’idée d’un SMIC européen. Pour la première fois, un Parti pouvait donc mettre en avant un projet transcendent les frontières et porteur des propositions fortes. Avouez que cela aurait eu de la gueule ! Et cela aurait pu contrer le show d’un Cohn-Bendit, qui a passé la campagne à écumé les plateaux télé et les matinales des radios pour parler d’Europe avec passion.

Que croyez-vous que l’équipe de campagne du PS ait fait de ce précieux document ? Rien, absolument rien ! A la place, en Ile de France, une grande photo d’Harlem Désir avec comme slogan « Changer l’Europe Maintenant ! » La changer pour faire quoi ? Aucune idée… Pour quelle idée forte ? Aucune idée non plus… Bref, on imagine bien que les électeurs n’y ont pas vu de quoi rêver et de quoi avoir envie pour voter pour le PS.

A Viroflay, nous avons fait campagne avec l’énergie et la détermination qui caractérisaient ma Section. Marché, gares, boîtes aux lettres, les tracts furent distribués, des conversations entamées à ces occasions, des affiches collées. Du côté d’Europe Ecologie, rien… Mais alors rien du tout, puisque aucun militant de ce parti ne semblait habiter Viroflay. Résultat final… 24% pour Europe Ecologie, 12% pour le PS sur ma commune. Ce sont ces moments là qui interrogent le militant (enfin celui qui se pose des questions) sur son utilité profonde. Tout se joue au niveau national et dans les médias, du moins pour ce genre d’élection.

Tout ceci ne serait anecdotique si on oubliait de souligner l’identité des deux acteurs principaux de cette campagne lamentable de médiocrité sur la forme et sur le fond. J’ai déjà cité Harlem Désir un peu plus haut. Mais à celui-ci s’ajoute le nom de Jean-Christophe Cambadelis, directeur de la campagne du Parti Socialiste pour cette élection au niveau national. Soit, les deux personnes qui allaient être les deux prochains Premiers Secrétaires du PS… Je crois que ça se passe de commentaires, si ce n’est de souligner à quel point le statut de « cadre » vous protège de tout dans cette oligarchie, y compris de l’échec et de l’incompétence.

Un dernier point qui aurait pu être encore plus anecdotique, mais qui ne le fut pas du tout au final. A 19h, tous les adhérents franciliens du PS reçurent un texto les exhortant d’aller voter si ce n’était pas fait. En effet, la place de député européen d’un certain Benoît Hamon était en train de se jouer. Troisième sur la liste, personne n’avait imaginé qu’il ne puisse pas se retrouver à nouveau au chaud avec son salaire de député européen. Au final, il ne sera pas élu. Les PS des Yvelines et ses militants ne se doutaient pas encore des conséquences que cela aurait pour eux.

TOUT CA POUR CA : 10 ANS DE MILITANTISME AU PS : EPISODE 8 : Les jours heureux

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episode8Au cours de ce récit, je vais essayer de m’efforcer de ne pas donner une image injustement négative de mes dix années de militantisme. Il est vrai que le tout va bien donne moins à raconter que les travers drôles, pathétiques ou dramatiques. Je ne me serais pas autant investi s’il n’y avait pas eu aussi de bons moments, où je pouvais parler avec fierté des actions entreprises. Je vais donc vous parler cette fois-ci d’une de ces périodes… et de sa fin lamentable.

A la fin du congrès fédéral du Congrès de Reims, la responsable du site internet de la fédération PS des Yvelines vient me voir pour me demander si je veux bien reprendre sa mission, puisqu’elle est amenée à d’autres fonctions. Je faisais précédemment partie de son équipe et j’étais très flatté de cette « promotion » pas du tout sollicitée et totalement inattendue, surtout qu’il y avait dans l’équipe également un militant beaucoup plus expérimenté et compétent techniquement. Mais j’accepte volontiers.

Cette fonction me fait intégrer l’équipe communication de la fédération, dirigée par une camarade de la même commune que moi avec qui je m’entends plutôt bien. Globalement, c’est toute l’équipe qui fonctionne à merveille et qui surtout bosse ! Chaque mois, nous nous réunissons pour travailler et nous parvenons à tenir un site internet à jour donc, mais aussi à publier une newsletter hebdomadaire, le BIF ou Bulletin d’Information Fédéral, et même un petit « magazine » d’une dizaine de page, YAG, acronyme de Yvelines à Gauche. Cela nous demande beaucoup de temps, mais à la fois, si nous sommes militants, ce n’est pas pour nous tourner les pouces !

Au niveau national, le Parti a pansé les plaies du Congrès de Reims et s’est mis au travail. Ma Section viroflaysienne coule des jours heureux faites d’action et de débat. Et la fédération des Yvelines est au travail. Pour cette dernière, ce n’est pas que le service communication qui assure. Une conférence est organisée chaque mois (les Mardis du PS), des formations pour les militants, des moments de convivialité comme un barbecue fédéral annuel. J’étais alors loin de me douter que je vivais la seule période où mon Parti allait fonctionner normalement et efficacement à tous les niveaux. Cette période fut malheureusement assez courte, mais en tout cas heureuse.

Comment tout cela s’est-il terminé alors ? Le militant expérimenté que j’évoquais plus haut semblait avoir bien pris dans un premier temps ma nomination et m’avait proposé de continuer d’aider, se chargeant notamment de nourrir le site le plus régulièrement possible. Or, il s’est vite avéré qu’il avait en fait très mal vécu la chose et a décidé alors de me pourrir la vie. Cela passait par des petites remarques acerbes, quand par exemple je publiais directement une info sur le site pour gagner du temps et éviter un échange de mails inutiles. Tout choix d’évolution du site était systématiquement contesté. Le ton est monté progressivement. Sa grande spécialité était notamment de jouer un maximum la provocation, d’attendre une remarque désagréable de ma part avant de faire une réponse le présentant comme une victime, avec en copie des représentants des instances supérieures de la fédération. C’est peut-être la seule fois de ma vie où quelqu’un cherchait directement à me nuire personnellement. Et c’est peut-être aussi la seule fois de ma vie où j’ai eu autant de haine pour quelqu’un.

Ceci a pris une ampleur insupportable le jour où la plate-forme Overblog a connu un bug majeur. Beaucoup de sites, dont le notre, ont vu leur affichage perturbé, y compris après la « réparation » du dysfonctionnement. Ceux pour qui le problème persistait devaient contacter le support de la plate-forme pour qu’ils interviennent. J’ai fait le choix de maintenir plusieurs jours un site visiblement « bugué » pour que un support quelque peu débordé puisse analyser et corriger le problème et qu’on ne perde pas tout le travail accompli sur le nouveau design. Nouveau design qui déplaisait fortement à la personne en question, qui s’est alors déchaîné contre ma décision, arguant qu’elle donnait une mauvaise image du PS 78 vis-à-vis de la presse (comme si elle s’amusait à regarder notre blog tous les jours…). Il finit par revenir lui-même à l’ancien design, particulièrement ringard, mais qui ne buguait effectivement pas et surtout a changé les codes d’accès pour prendre seul le contrôle du site.

La responsable de la communication et moi nous sommes alors tournés vers notre premier fédéral. Malheureusement, ce dernier figurait sur la liste pour les élections européennes de 2009 et n’avait pas vraiment le temps de se pencher sur la question. De toute façon, tout cela se heurtait à une caractéristique des partis politiques. Malgré leur aspect d’organisation pyramidale, ils sont foncièrement différents d’une entreprise. En effet, il n’existe aucun rapport naturel d’autorité entre ses membres, quels que soient leurs échelons respectifs. Il s’agit d’un monde fait principalement de militants amateurs où chacun peut se comporter aussi mal qu’il le souhaite sans que personne ne puisse rien y faire. Et personne ne doute que cela soit particulièrement vrai au PS…

Je finis donc par claquer la porte de la vie fédérale. La mort tragique de notre premier fédéral l’été suivant (un homme absolument remarquable par ailleurs) me convainc d’en rester éloigner quelques temps. J’y suis revenu un peu plus tard pour un des épisodes les plus ridicules de la vie du PS de ces dernières années : le lancement de la COOPOL. Mais ceci vaudra bien un chapitre à lui tout seul.

TOUT CA POUR CA : 10 ANS DE MILITANTISME AU PS : EPISODE 7 : Les réunions publiques… ou le vrai visage des « gens »

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episode7J’ai déjà évoqué dans cette chronique l’indifférence profonde du commun des mortels vis-à-vis des enjeux politiques locaux. Je dois nuancer légèrement ce propos. En effet, 8 ans de vie d’élus m’ont amené à assister à de nombreuses réunions publiques. Or, ces dernières m’amènent à corriger légèrement ma sentence initiale. Le commun des mortels est profondément indifférent aux enjeux politiques locaux… à moins qu’il ne soit directement concerné.

Une des preuves les plus éclatantes a été apporté par la première réunion publique à laquelle j’ai assisté en tant qu’élu (en fait la première tout court, parce qu’effectivement, je dois admettre qu’avant de faire activement de la politique, je n’étais pas non plus passionné par ce genre d’événement). Il s’agissait d’une réunion de concertation avec les riverains d’un projet de construction de logements sociaux. Un projet assez particulier il est vrai, situé au fond d’une rue privée très étroite.

Une grande majorité des habitants de la rue était présent. Je n’ai pas compté, mais il est même possible que l’assistance soit plus fourni qu’à notre réunion publique de campagne, à laquelle pourtant tout la ville était conviée et non une seule rue. On pouvait s’imaginer qu’ils soient remontés contre l’installation de « pauvres » au fond de leur rue. A ma bonne surprise, le débat n’a jamais pris cette tournure. Toute la discussion a porté sur une seule et même chose : avec une vingtaine de logement au fond de notre rue, on ne va plus pouvoir se garer ! Bref, je découvrais là l’étonnant phénomène qui pousse toute réunion publique locale à finalement tourner autour d’une seule et même chose, quel que soit le sujet de départ, la bagnole !

A la fin de la réunion, un des participants s’est approché de Philippe, qui avait conduit notre liste aux dernières municipales, qui était dans le même temps candidat pour les élections cantonales, le tout un mois à peine avant la réunion, et suppléant aux législatives moins d’un an avant, dont le visage occupait donc une bonne place sur des affiches ayant décoré les murs de la ville et professions de foi envoyées à chaque électeur. S’étonnant de le voir là, il lui a demandé si ça faisait longtemps qu’il habitait le quartier. Bref, il n’avait aucune idée de qui était Philippe malgré tous nos efforts déployés pendant les différentes campagnes précédentes.

Les « gens » demandent souvent aux politiques de s’attaquer aux problèmes de fond, aux vrais problèmes, de voir à long terme, d’être courageux… On peut donc s’imaginer que les réunions publiques constituent un moment où les « gens » viennent le rappeler à leurs élus. Vous aurez compris qu’il n’en est rien. Mais elles permettent d’assister à quelques spectacles étonnants. L’arrivée du tramway en souterrain sur Viroflay notamment, puisque deux réunions à ce sujet m’ont permis de voir une dame, stéréotype de la bourgeoise versaillaise et présidente de l’association opposée au projet, devenir littéralement hystérique, si bien qu’il a fallu au final lui arracher le micro des mains pour qu’elle achève enfin son propos d’une agressivité hallucinante. Dans une autre, une foule de « gens » comme vous et moi, transformés tout à coup en hydrogéologues de haut niveau, capables de prédire l’effondrement de la ville pour des raisons que la science ne pourrait contester… sauf les vrais hydrogéologues corrompus qui prétendaient le contraire. Evidemment, ce sont ces derniers qui ont eu raison et la ville est toujours debout avec un tramway qui circule avec bonheur dans de son tunnel.

Je suis loin de n’avoir que de l’amitié et sûrement pas d’admiration pour le Maire de mon ancienne commune. Mais je dois avouer que bien des réunions publiques ont provoqué chez moi un élan de sympathie envers lui. Car s’il y avait bien une personne qui essayait tant bien que mal de défendre l’intérêt général dans la salle, même s’il le faisait avec des convictions opposées aux miennes, c’était bien lui, élu et notable. Et sûrement pas les « gens », incapables de défendre autre chose que leur petit intérêt particulier court-termiste.

TOUT CA POUR CA : 10 ANS DE MILITANTISME AU PS : EPISODE 6 : La petit bataille des Yvelines

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episode6Un congrès du Parti Socialiste ne se limite pas aux joutes nationales qui font la une des médias. Ce sont tous les étages du PS qui sont amenés à renouveler leurs instances à travers le vote du militant. Et chacune d’elles doit refléter l’équilibre du vote des motions à son niveau. Ceci paraît normal et particulièrement démocratique. Mais ce principe se révèle surtout mortifère et rend la machine militante particulièrement inefficace.

Ma Section viroflaysienne a toujours échappé à ce fonctionnement. C’est peut-être pour ça qu’il y a fait bon militer pendant ces longues années. Je n’ai jamais connu de rivalité pour le poste de secrétaire de Section et le bureau (ou plutôt la commission administrative, dans le langage technocratique du Parti) était composé simplement des militants les plus motivés, sans se soucier de leur sous-sous-sous-sous sensibilité au sein du Parti. Et force est de constater que nous avons toujours été une Section particulièrement efficace, organisée et dynamique.

Par contre, au niveau fédéral (c’est à dire départemental), cela ne fonctionne pas du tout comme ça. Avant le Congrès de Reims, les Yvelines, terre de droite, ne comptaient que deux élus de poids au niveau du PS : Jean-Paul Huchon, Président du Conseil Régional, et la Sénatrice Catherine Tasca. Mais à leur grande déconvenue, ils ne tenaient pas la fédération sous leur coupe. C’est un collectif avant tout militant, dirigé par le regretté Patrick Malivet, qui était majoritaire dans les instances fédérales et assurait son bon fonctionnement. Mais évidemment, ces grands élus comptaient bien profiter du congrès de Reims pour revenir sur cette anomalie et reprendre les rennes de la Fédération.

Il faut savoir qu’une fédération au PS a avant tout un rôle organisationnel. Elle est rarement amenée à définir une ligne politique, mais sert avant tout à animer la vie militante et servir d’appui aux Sections qui restent les rouages essentiels du Parti. Même pour la nomination des candidats pour les scrutins de liste, elle est censée simplement respecter le vote militant et l’équilibre entre les Motions, ces dernières choisissant elles-même les candidats qui les représentent (enfin ça, c’est en théorie…). Bref, mettre en lien les deux élections et les deux niveaux est totalement absurde. Mais c’est comme ça que fonctionne le Parti.

Le week-end avant l’élection du 1er secrétaire fédéral par les militants se réunit le Congrès Fédéral (le Congrès de Reims version local donc). Chaque Motion se réunit d’abord séparément pour préparer une candidature éventuelle d’un des siens et fixer une ligne commune à tous ses membres. Une des Motions principales (celle de Delanoë ou celle d’Aubry, je ne suis plus très sûr) a fait valider immédiatement le principe qu’il fallait faire perdre l’équipe sortante puisque Patrick Malivet soutenait Ségolène Royal. Son bilan, la qualité de son action ne semblaient alors ne même pas constituer un paramètre à prendre en compte. Tout ce qui comptait, c’était de savoir dans quelle écurie nationale il se situait. Qu’il ait signé la Motion porté par Ségolène Royal en faisait ainsi non un camarade, mais un adversaire à abattre. Si le PS est malade de quelque chose, c’est bien de ça. De ce fonctionnement et surtout d’un système où ceux qui le trouvent absurdes sont amenés à ne pas y participer (heureux le militant socialiste qui ne met jamais les pieds dans sa fédération) et à le laisser donc perdurer et tourner en cercles de plus en plus fermés. Et tout ça dans une médiocrité intellectuelle crasse !

Pour donner une idée de l’intérêt des débats et de la profondeur des interventions à ce Congrès de Reims à la sauce yvelinoise, je me rappelle fort bien d’une prise de parole (je crois bien que c’était un des rares maires socialistes du département, mais je ne le jurerai pas) dénonçant avec une vraie violence les faux militants à 20 euros… Il désignait par là tous ceux qui avaient rejoint le PS pour participer au primaires pour l’élection présidentielle de 2007, en ayant droit à une adhésion réduite la première année. Ils avaient surtout eu le mauvais goût de voter en majorité pour Ségolène Royal. A la tribune, ils ont été dénoncés comme de faux militants, parce qu’être militant socialiste ça se mérite, faut que ça coûte et on ne gagne ses galons qu’après avoir perdu un doigt ou deux en tractant dans le froid. Et la preuve qu’ils étaient des faux militants, ils étaient tous déjà partis…

C’était assez étonnant comme spectacle, parce que si ces militants étaient tous partis comme le prétendait l’orateur, ils ne votaient pas pour ce Congrès et on ne comprenait pas bien l’intérêt de cette intervention, à part insinuer que Ségolène Royal avait volé son investiture. Heureusement, un des militants à 20 euros présents (dont je faisais quelque part parti, même si j’avais adhéré après les Primaires) est monté ensuite à la tribune pour rappeler avec humour et finesse qu’ils étaient encore nombreux à être là (à Viroflay, une bonne moitié de la Section était alors composé de ces néo-militants dont certains y sont encore) et qu’ils se donnaient autant de mal que n’importe qui pour faire vivre ce Parti. Cela donne une bonne idée de la manière dont sont parfois accueillis les nouveaux militants qui tombent dans un panier de crabes où il faut haïr avant tout l’autre en interne, quand ils pensaient bêtement adhérer à un Parti et mener un combat politique dans une ambiance de camaraderie.

Enfin la morale de l’histoire, c’est que Patrick Malivet a été réélu malgré tout ça ! Grâce aussi au soutien discret des hamonistes… Soutien discret puisque interdit officiellement. Vous comprenez au PS, ce sont les petits accords de Solférino qui sont censés dicter qui on a envie de voir diriger les rouages locaux, indépendamment de toute notion de compétence, d’efficacité et de mérite… Plus je relis cette phrase, plus je comprends où on en est.

 

TOUT CA POUR CA : 10 ANS DE MILITANTISME AU PS : EPISODE 5 : La bataille de Reims

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episode5Dans un congrès du Parti Socialiste, après le temps des contributions, voici venu celui des motions. C’est à dire les textes sur lesquels les militants sont invités à voter pour déterminer la « ligne » politique majoritaire. De 21 textes, on passe à 6. Les grandes manœuvres ont eu lieu, les groupes ont fusionné. En dehors de deux motions plus anecdotiques, quatre grandes forces se retrouvent au travers des quatre premiers signataires : Bertrand Delanoë, Ségolène Royal, Martine Aubry et un petit jeune… Benoît Hamon, marquant ainsi le passage de témoin avec Henri Emmanuelli.

Pendant l’automne, Betrand Delanoë mène une campagne de futur vainqueur. Son équipe évoque même une majorité absolue dès le premier tour. Elle ne se rend pas compte qu’il n’est pas si populaire que ça en dehors de Paris et que surtout l’entendre discourir ne le sert pas forcément. Son style oratoire et sa gestuelle sont particulièrement agressifs. Personnellement, même si mon choix avait été fait avant cela, l’écouter ne m’a certainement pas incité à changer d’avis.

Le jour du vote arrive… et là surprise, Ségolène Royal est en tête. De peu, mais sa motion est bien arrivée devant celle du Maire de Paris. C’est la panique dans l’establishment socialiste. Ce dernier pensait s’être débarrassé d’elle après sa défaite aux Présidentielles, mais la revoilà grâce à son lien direct avec le militant de base. Il est donc urgent de mobiliser contre elle, malgré sa légitimité démocratique. L’attaquer sur ces idées est compliqué… puisqu’elles sont toujours partagées par au moins une partie de ses adversaires. Et puis ce ne sont pas ses idées qu’il faut abattre, c’est bien elle en tant que personne. Elle qui a eu l’audace d’être là sans passer par des années de cirages de bottes au sein du sérail. Et ça, ils ne lui pardonneront jamais. Alors ils trouvent enfin la petite lorgnette par laquelle ils vont pouvoir se différencier tous d’elle : sa volonté d’une alliance avec le Modem au niveau national.

Tout le Parti Socialiste se retrouve donc à Reims. Bon pas moi, ne faisant pas encore parti des cadres pouvant bénéficier d’un sésame. Alors je suis ça à la télé. LCP retransmet les débats en direct dans une atmosphère que l’on sent électrique. C’est plus fort que Dallas, le suspense est à son comble, la haine partout. Je me souviens très bien de l’intervention de Laurent Fabius. Lui qui quelques semaines auparavant signait une contribution brillante dont le contenu a déjà été oublié de tous (et sûrement de lui-même) livre un propos introductif consensuel avant d’annoncer qu’il va traiter le sujet qui lui semble essentiel : les alliances donc… Un enjeu essentiel pour l’avenir du monde, vous l’admettrez. Ce petit moment de politique politicienne est tellement révélateur. Non que les acteurs ne soient pas capables de livrer une pensée cohérente, pertinente et intéressante, mais tout ceci s’efface dès que la conquête du pouvoir, quel que soit le niveau, est en jeu.

Puis Ségolène Royal monte à la tribune. La salle fait immédiatement entendre une litanie de sifflets. Chacune de se phrase est ponctuée de réactions agressives de la part du public… mais évidemment aussi d’applaudissements de ses supporters, mais qui sont loin d’être majoritaires dans la salle. Le spectacle est incroyable de violence, une violence orchestrée par tous ceux qui ont peur à ce moment de perdre leur place si jamais elle venait à prendre le contrôle du PS. Une violence haineuse largement reprise par des militants de base qui se prêtent avec enthousiaste à ce jeu morbide. J’avoue qu’à ce moment là, j’étais englouti, fasciné par ce jeu de pouvoir qui est bien réel, pas une fiction comme au cinéma. C’est une mécanique terrible qui peut vous emporter et vous faire perdre tout sens de la mesure et du simple respect de la personne. Et progresser au sein d’une structure comme le PS revient à savoir manier cette mécanique à son propre profit.

Le Congrès s’achève par l’annonce des candidats pour le poste de 1er Secrétaire. Bertrand Delanoë s’il se présente sera à coup sûr élu. Il est le plus légitime pour être l’ « anti-Ségolène Royal » mais vexé de la deuxième place et du score de sa motion, il renonce. Personne ne mesure alors qu’il vient de briser sa propre ascension et modifier profondément l’histoire politique des années qui vont suivre. Du coup, Martine Aubry se dévoue. Elle qui a été élu Maire de Lille en faisant une alliance avec le MODEM, alors qu’elle n’en avait pas besoin. Comprenne qui pourra… Benoît Hamon se présente également, même si on sait bien qu’il finira 3ème et appellera à voter Aubry au 2ème tour.

Le scénario se déroule d’ailleurs sans surprise au soir du premier tour, la fin de la semaine qui suit le Congrès. Mais le lendemain, les médias annoncent en début de soirée la victoire probable de Ségolène Royal. Je suis alors aux Mureaux, au siège de la Fédération du PS des Yvelines. Nous nous prenons alors le chemin de Paris et du QG de campagne de Ségolène Royal pour fêter la victoire. En chemin, l’une d’entre nous reçoit un SMS… Les résultats de la Fédération du Nord tardent à tomber, comme si on les corrigeait pour coiffer Ségolène Royal sur le poteau… Et c’est exactement ce qui arrive. Tricherie ou pas tricherie ? Nul ne le saura jamais, surtout que certains scores des DOM-TOM laisse penser que la pratique était largement partagée.

Le QG de Ségolène Royal est en effervescence. La colère gronde, tout le monde est persuadé que la victoire a été volée. Je suis même interviewé par une chaîne de télé, qui ne retiendra sûrement pas mon témoignage car j’ai bien du mal à donner d’arguments pour étayer mes propos. Manuel Valls, alors fidèle lieutenant de Royal, prend la parole devant les médias pour dénoncer la situation. On imagine mieux avec le recul que ce dernier et Martine Aubry ne sont pas près de s’apprécier.

S’en suivra des semaines de contestations, de menaces de recours. Mais le résultat est là, Martine Aubry est bien 1ère secrétaire du Parti Socialiste. L’image donnée par le PS a été lamentable. Mais ce dernier est alors dans l’opposition d’un pouvoir sarkozyste de plus en plus impopulaire. Alors les divisions vont vite disparaître. Les élections locales vont s’enchaîner et le pouvoir (et les places) va être à prendre. Et rien de mieux pour souder un Parti ! Au moins en façade…