INVISIBLE MAN : Retour réussi

invisiblemanafficheCette critique constitue évidemment un moment particulier puisque c’est la première que j’écris depuis près de trois mois. Vous imaginez bien que je n’ai pas pu attendre à l’annonce de la réouverture des cinémas et dès lundi 17h30, je prenais place dans une salle obscure, un peu ému je dois l’admettre. Quel bonheur de se retrouver devant ce grand écran ! Le bonheur n’aurait évidemment pas été complet si le film que j’avais choisi s’était avéré mauvais. Heureusement, il n’en fut rien et Invisible Man m’a fait passer un très bon moment. Un thriller somme toute classique, un tout petit peu long, mais quand même globalement très bien foutu.

Invisible Man nous propose un scénario en plusieurs séquences. La première, celle où l’héroïne sent autour d’elle la présence d’un homme invisible (je ne crois pas trop spoiler, vu le titre et la bande-annonce) reste la plus réussie. C’est tout simplement flippant, même si les ressorts sont archi connus. La réalisation joue parfaitement son rôle, car faire naître la peur à partir de quelque chose que l’on ne voit pas n’est pas si évident. On pourra simplement regretter qu’à partir du moment où l’histoire commence à passer à autre chose, le rythme ne s’accélère pas plus franchement. On ne s’ennuie jamais mais le récit aurait gagné à être plus tranchant dans des parties plus tournées vers l’action pure.

invisiblemanInvisible Man ne pouvait de toute façon être totalement dénué d’intérêt, puisqu’un film avec Elisabeth Moss n’est jamais un film totalement perdu. Certes, ce rôle ne restera pas le plus inoubliable de sa carrière, mais sa simple présence à l’écran suffit à ravir le spectateur. Elle surnage dans un casting relativement quelconque par ailleurs. Comme je l’ai souligné, la réalisation de Leigh Whannell se révèle réellement aboutie et totalement maîtrisée. Il parvient à donner un supplément d’âme visuel à son histoire, même si c’est à travers une mise en scène plus efficace qu’artistique. Cela aurait été relativement déplacé de ma part de la critiquer, sachant que j’ai parfois caché l’écran avec mes mains pour ne pas voir ce qui s’y passait. Le confinement ne m’a pas totalement endurci. C’est rassurant !

LA NOTE : 13/20

Fiche technique :
Réalisation : Leigh Whannell
Histoire et Scénario : Leigh Whannell
Montage : Andy Canny
Musique : Benjamin Wallfisch
Photographie : Stefan Duscio
Production : Jason Blum et Kylie du Fresne
Durée : 124 minutes

Casting :
Elisabeth Moss : Cecilia Kass
Aldis Hodge : James Lanier
Storm Reid : Sydney Lanier
Harriet Dyer : Emily Kass
Michael Dorman : Tom Griffin
Oliver Jackson-Cohen : Adrian Griffin
Benedict Hardie : Marc
Amali Golden : Annie
Sam Smith : détective Reckley

LA COMMUNION : The new priest

lacommunionafficheLe cinéma polonais est un fournisseur régulier de nos écrans et le plus souvent les films distribués dans l’Hexagone sont de très bonne qualité. Mais avouons-le, ces longs métrages sont rarement des comédies légères et enjouées. Peut-être parce que c’est représentatif du 7ème art polonais ou tout simplement parce que les distributeurs français cherchent à entretenir les clichés sur ce pays, qu’on associe facilement à la grisaille et à la tristesse. La Communion nous raconte l’histoire d’un détenu, maltraité par ses congénères en prison, qui se fait passer pour un prêtre au lieu de rejoindre l’usine où il devait travailler. Pas vraiment le scénario d’une farce, mais celui d’un film très réussi.

Pourtant, il ne faut surtout pas croire que la Communion ne dégage pas aussi une bonne dose de positivité. Certes, ne vous attendez pas à ce que tout se termine en happy-end. Les sujets principaux restent cependant la capacité à dépasser les apparence, la capacité à changer, le pardon… Tout cela est traité sans aucun angélisme, mais avec parfois tout de même une petite touche d’optimisme sur la nature humaine. Un film en couleur donc, certainement pas en noir et blanc. Le propos est traité d’une manière extrêmement vivante, jamais de manière contemplative. Il se passe beaucoup de choses dans ce film, avec de vrais rebondissements. Un travail remarquable d’écrire pour allier la forme et le fond.

lacommunionLa Communion est profondément marqué par la performance de Bartosz Bielenia, qui semble littéralement habité par son personnage. Sa présence à l’écran est impressionnante. Le charisme est quelque chose qui n’est pas facile à jouer avec crédibilité et le moins que l’on puisse dire est que le jeune homme n’en manque pas. Le reste du casting est tout aussi remarquable, ce qui contribue fortement à la réussite de ce film qui repose largement sur la galerie de ses personnages. On ressort de ce film avec beaucoup d’émotions contrastées, mais toutes profondes et sincères. Je ne sais pas si on finira par rigoler un jour devant un film polonais. Mais attendant ne boudons pas l’intérêt de la vision du monde qu’ils nous proposent.

LA NOTE : 13/20

Fiche technique :
Production : Aurum films, Canal + Polska, Les contes modernes
Distribution : Bodega films
Réalisation : Jan Komasa
Scénario : Mateusz Pacewicz
Montage : Przemyslaw Chruscielewski
Photo : Piotr Sobocinski Jr
Décors : Marek Zawierucha
Musique : Evgueni Galperine, Sacha Galperine
Durée : 118 min

Casting :
Bartosz Bielenia : Daniel
Eliza Rycembel : Eliza
Aleksandra Konieczna : Lidia
Tomasz Zietek : Pinscher
Leszek Lichota : le maire
Lukasz Simlat : Le prêtre

DARK WATERS : Eau trouble brillante

darkwatersafficheHollywood est depuis longtemps la capitale mondiale des films d’enquête, qu’elles soient menées par des policiers, des avocats ou des journalistes. Evidemment, dans l’immense majorité des cas, c’est un meurtre qui est investigué. Mais depuis Erin Brockovich, on sait aussi que l’environnement malmené par de vilaines multinationales constitue également un bon sujet. Un nouvelle preuve avec Dark Waters. Comme pour le film de Soderbergh, il s’agit d’une histoire vraie. Derrière la caméra, Todd Haynes qui nous avait plutôt habitué aux drames intimistes. Mais ici aussi, ses qualités artistiques nous offrent un film aussi beau qu’intéressant.

Dark Waters a de quoi devenir un classique du genre. Parce qu’on y retrouve tout ce que l’on aime dans ce genre de film. Peut-être un tout petit peu trop d’ailleurs. Tout est peut-être trop parfait pour que croire que tout s’est exactement passé de cette façon. Mais qu’importe, la machine narrative est parfaitement huilée et on se laisse porter non sans un certain enthousiasme. On prend évidemment fait et cause pour le « héros » de cette histoire, éternelle répétition de David contre Goliath. Dans les moments de doute, où on se dit que tout est perdu, on sait bien au fond qu’il n’en est rien, mais malgré tout on partage les états d’âmes de cet avocat qui aura mené son combat seul contre tous. C’est la magie du cinéma et on ne va pas s’en plaindre.

darkwatersSurtout que Todd Haynes nous offre un nouveau modèle de photographie. Encore une fois, je lui reprocherais peut-être un léger manque de rythme qui rendent ses films un tout petit peu plus contemplatif que nécessaire. Mais c’est son style et au moins on a le temps d’apprécier la qualité des images et de profiter de l’ambiance ainsi crée. Dark Waters offre à Mark Ruffalo un de ses plus beaux rôles. Moins de spectateurs l’y auront vu qu’en géant vert sauvant l’univers, mais tous ceux qui auront eu cette chance auront admiré la performance tout en justesse qu’il nous livre. Cela fait de ce film une œuvre très classique, sans réelle surprise, mais totalement maîtrisée et dont la conclusion donne quand même du baume au cœur de tous ceux qui ont envie de se battre pour la justice.

LA NOTE : 13,5/20

Fiche technique :
Production : Participant, Willi Hill, Killer Content
Distribution : Le Pacte
Réalisation : Todd Haynes
Scénario : Mario Correa,Matthew Michael Carnahan, reportage de Nathaniel Rich
Montage : Affonso Gonçalves
Photo : Edward Lachman
Décors : Hannah Beachler
Musique : Marcelo Zarvos
Durée : 126 min

Casting :
Mark Ruffalo : Rob Bilott
Anne Hathway : Sarah Barlage Bilott
Tim Robbins : Tom Terp
Bill Pullman : Harry Dietzler
Bill Camp : Wilbur Tennant
Victor Garber : Phil Donnelly
Mare Winningham : Darlene Kiger

JUDY : Déclin et renaissance

judyafficheOn fait bien des mauvais choix dans la vie, mais certains en font plus que d’autres, avec des conséquences plus ou moins fâcheuses. Le jour où Renée Zellweger s’est dit « oh, ça serait une bonne idée si je faisais de la chirurgie esthétique », elle a tout simplement eu la pire idée de sa vie. A tel point qu’à un moment, on a pu la croire totalement perdue pour le grand écran et bonne pour jouer les monstres dans les foires. Mon propos est un peu cruel et sans doute un peu injuste. Car le talent ne disparaît jamais vraiment et elle vient d’en apporter une preuve plus qu’éclatante en remportant un Oscar pour sa performance dans Judy. Une autre femme qui n’a pas toujours brillé par la pertinence de ses choix.

Je ne sais pas si un jour, on produira un film intitulé Renée. En effet, les erreurs de l’actrice sont d’une toute autre nature que celles de son personnage. Ce dernier est en effet avant tout la victime d’une maltraitance profonde liée à son statut d’enfant star. Si le scénario se concentre essentiellement sur un épisode de sa vie située quelques mois avant sa mort, il nous fait découvrir, à travers de nombreux flash-backs, la tragédie de son destin. Une plongée dans l’envers du décor d’une carrière qui lui aura volé son enfance, son bonheur, sa santé, poussée volontairement à l’anorexie. Judy nous révèle des faits extrêmement graves, même si le but est surtout de dresser le portrait d’une femme qui aura cherché toute sa vie un bonheur qu’elle aura toujours été incapable de saisir.

judyJudy est évidemment marquée par la performance de Renée Zellweger. Tous ceux, comme moi, qui ont profondément aimé cette actrice, ne pourront qu’être tout aussi profondément heureux de la revoir briller ainsi à l’écran. Bon bien sûr, son visage est une pub pour l’interdiction du botox et la pendaison pour tous les chirurgiens esthétiques, mais la magie parvient tout de même à opérer. Sinon, le film est terriblement hollywoodien. Mais comment le reprocher à un film qui fait le portrait d’un des symboles de l’Age d’Or d’Hollywood ? Il en résulte une efficacité totale, mais un très léger manque d’âme. Un drame un peu trop propre sur lui pour émouvoir avec toute la force nécessaire. Mais il reste un bel homme néanmoins à une grande dame par une grande dame.

LA NOTE : 13/20

Fiche technique :
Production : BBC Films, Calamity films, Confit productions, Pathe UK, 20th Century Fox
Distribution : Pathé
Réalisation : Ruper Goold
Scénario : Tom Edge, pièce de théâtre de Peter Quilter
Montage : Melanie Ann Oliver
Photo : Ole Bratt Birkeland
Décors : Kave Quinn
Musique : Gabriel Yared
Durée : 118 min

Casting :
Renee Zellweger : Judy Garland
Jessie Buckley : Rosalyn Wilder
Finn Wittrock : Mickey Deans
Rufus Sewell : Sid Luft
Michael Gambon : Bernard Delfont
Richard Cordery : Louis B. Mayer
Royce Pierreson : Burt Rhodes

CYRILLE, AGRICULTEUR, 30 ANS, 20 VACHES, DU LAIT, DU BEURRE, DES DETTES : L’amour n’est pas dans le pré

cyrille30ansagriculteurafficheLa ruralité est à l’honneur depuis quelques temps sur nos écrans. Après la pure fiction (Petit Paysan), l’histoire vraie (Au Nom de la Terre), voici le documentaire intitulé Cyrille, Agriculteur, 30 Ans, 20 Vaches, du Lait, du Beurre, des Dettes. Un titre qui en dit long sur le contenu, même si l’histoire est assez étonnante pour ne pas s’arrêter à ça. Le film nous offre une rencontre humaine réellement poignante. Beaucoup plus qu’une vraie réflexion sur l’agriculture. On peut juste craindre que certains le prennent comme cela.

Cyrille, Agriculteur, 30 Ans, 20 Vaches, du Lait, du Beurre, des Dettes décrit une réalité du monde rural, qui s’efface peu à peu mais qui n’a pas encore totalement disparu. L’histoire racontée ici n’a rien de représentative, même si on retrouve bien des éléments qui restent totalement d’actualité. Notamment la difficulté pour beaucoup d’éleveurs de développer une vie sociale. Le cas de ce jeune homme est particulièrement extrême, mais pas totalement déconnecté de ce que vivent encore d’agriculteurs. On n’a pas non plus crée l’Amour est dans le Pré pour rien. Globalement, le film est de tout façon avant tout le portrait d’un homme dont personne ne pourra évidemment nié l’existence. Son histoire est profondément émouvante car d’une sincérité absolue. On peut penser ce qu’on veut du contexte, mais l’être humain touchera les plus endurcis.

cyrille30ansagriculteurCyrille, Agriculteur, 30 Ans, 20 Vaches, du Lait, du Beurre, des Dettes ne répond pas à beaucoup de question qu’un ingénieur agronome comme moi. Quelle est la cause de la mort des vaches achetées peu après son installation ? Evidemment, ce n’est pas directement le sujet du film, mais cela nous pousse tout de même à voir en ce jeune homme une pure victime. D’un système, de la malchance, de créanciers… La réalité n’est forcément pas aussi simple et il porte forcément une part de responsabilité. Cela crée un biais dans le portrait que l’on peut regretter. Il y a dans cet avis de critique amateur, sûrement un peu de déformation professionnelle. Cependant, cela n’enlève rien à la beauté de ce portrait et l’émotion pure et sincère qu’il fait naître.

LA NOTE : 13/20

Fiche technique :

Réalisation : Rodolphe Marconi
Musique : Stefano Landi, Edvard Grieg
Production : Éric Hannezo, Frédéric Bénudis
Photographie : Rodolphe Marconi
Montage : Mathilde Pelletier, Cyril Bommelaer
Son : Rodolphe Marconi
Mixage : Matthieu Gasnier
Monteur son :Matthieu Gasnier

LE CAS RICHARD JEWELL : Clint en forme olympique

lecasrichardjewellafficheClint Eastwood a visiblement décidé de se spécialiser dans les portraits des personnes « ordinaires » qui un jour deviennent plus ou moins volontairement des héros. Pour le meilleur, avec Sully, ou le pire, avec le 15h17 pour Paris (même si je ne l’ai personnellement pas vu). Il récidive avec Le Cas Richard Jewell. On pouvait donc se demander de quel côté la balance allait pencher cette fois-ci. Mais quand on connaît l’extrême qualité de la filmographie de ce géant du 7ème art, on se doutait bien de la réponse. Une nouvelle fois, il s’est montré à la hauteur de la situation.

La première grande qualité de Le Cas Richard Jewell tient à celle de sa narration. En effet, il parvient dans un équilibre subtil à mener de front un récit d’enquête (plus proche du film de procès que du polar) et le portrait fouillé de son personnage central. Les deux aspects ne font pas que se compléter, ils entrent en synergie. Tout cela est porté par le talent artistique de Clint Eastwood qui, le moins que l’on puisse dire, sait manier une caméra comme peu de cinéaste. Par le truchement (oui j’ose le truchement!) de ces qualités, le spectateur entre immédiatement dans l’histoire et y restera profondément plongé jusqu’à la dernière seconde.

lecasrichardjewellLe Cas Richard Jewell offre un grand rôle à Paul Walter Hauser dont le physique ne correspond pas vraiment à ce que Hollywood à l’habitude de mettre tout en haut de l’affiche. Il occupe l’écran pas uniquement par la largeur de… ses épaules, mais aussi par la justesse et la force de son interprétation. Sam Rockwell, Kathy Bates ou Jon Hamm sont vraiment relégués au rang de second rôle. Ils contribuent en tout cas tout avec beaucoup de conviction à nous faire découvrir cette histoire édifiante qui n’aurait peut-être pas mériter un film, si elle n’avait pas pris vie sous la sublime caméra de Clint Eastwood. Puisse-t-il encore s’en servir longtemps pour nous offrir de longs métrage de cette qualité.

LA NOTE : 14,5/20

Fiche technique :
Production : Appian Way, Misher Films, 75 year Plan Productions, The Malpaso Company
Distribution : Warner Bros
Réalisation : Clint Eastwood
Scénario : Billy Ray, article de Marie Brenner, livre de Kent Alexander et Kevin Salwen
Montage : Joel Cox
Photo : Yves Bélanger
Décors : Kevin Ishioka
Musique : Arturo Sandoval
Durée : 131 min

Casting :
Paul Walter Hauser : Richard Jewell
Sam Rockwell : Watson Bryant
Olivia Wilde : Kathy Scruggs
Jon Hamm : Tom Shaw
Kathy Bates : Bobi Jewell
Ian Gomez : Dan Bennet

QUEEN & SLIM : A fond la forme

queenandslimafficheLe mouvement de lutte pour l’égalité « raciale » aux Etats-Unis inspire depuis longtemps les cinéastes, mais le plus souvent dans une perspective historique, avec des portraits des grandes figures. Avec Queen & Slim, il trouve une traduction plus contemporaine. Melina Matsoukas fait des choix artistiques forts pour porter son propos. Mais en faisant cela, elle sacrifie quelque peu le fond au profit de la forme. Et quand on traite un sujet aussi fort, c’est sans doute une erreur regrettable.

La scène qui va lancer toute l’histoire de Queen & Slim n’est pas totalement crédible. Or elle représente la fondation sur laquelle est bâti tout le film. Avec une base aussi fragile, le reste de l’intrigue paraît quelque peu chancelant. On comprend vite que le scénario est en fait celui d’une fable. Il ne vise pas vraiment le réalisme et mise surtout sur les symboles. Mais cela donne un mélange un peu étrange, un peu flou, qui a du coup bien du mal à être totalement convaincant. L’intention de Melina Matsoukas est de donner à son point de départ, un fait divers finalement banal, une dimension toute autre. Il est sans doute possible de rentrer assez dans cette histoire pour vraiment se laisser porter. Mais si on garde une vision un peu distancée, l’enthousiasme n’est définitivement pas au rendez-vous.

queendandslimLa photographie particulièrement soignée de Queen & Slim contribue à cette impression d’une forme qui nuit au fond. C’est beau, mais donne à ce film comme une superficialité, alors qu’elle traite un sujet qui demanderait plutôt gravité et profondeur. On peut y voir une forme d’audace, mais il n’en demeure pas moins que le résultat n’est pas à la hauteur de l’ambition. Cela ne doit pas nous faire oublier la prestation magistrale du duo formé par Jodie Turner-Smith et Daniel Kaluuya. Ils incarnent leurs personnages en parvenant à leur donner cette dimension supplémentaire que cherchait la réalisatrice. C’est finalement eux qui constituent le plus grand atout de ce film, certainement pas raté, mais pas réellement réussi.

LA NOTE : 10/20

Fiche technique :
Réalisation : Melina Matsoukas
Scénario : Lena Waithe, d’après une histoire de Lena Waithe et James Frey
Décors : Karen Murphy
Costumes : Shiona Turini
Photographie : Tat Radcliffe
Montage : Pete Beaudreau
Musique : Devonté Hynes
Producteur : James Frey, Lena Waithe, Melina Matsoukas, Michelle Knudsen, Andrew Coles, Brad Weston et Pamela Abdy
Coproducteur : Todd Cohen
Producteur délégué : Pamela Hirsch, Daniel Kaluuya, Aaron L. Gilbert, Jason Cloth et Guymon Casady
Durée : 133 minutes

Casting :
Daniel Kaluuya : Slim
Jodie Turner-Smith : Queen
Bokeem Woodbine : Oncle Earl
Chloë Sevigny : Mme Shepherd
Flea : M. Shepherd
Gralen Bryant Banks
Lucky Johnson
Karen Kaia Livers
Indya Moore : Goddess
Benito Martinez : le shérif Edgar
Jahi Di’Allo Winston : Junior
Melanie Halfkenny : Naomi

LA FILLE AU BRACELET : Non-réponse pertinente

lafilleaubraceletafficheLorsque l’on raconte une histoire, qu’on le veuille ou non, on laisse toujours à son lecteur ou au spectateur une certaine liberté d’interprétation. De nombreux films sont à l’origine de débats sans fin pour déterminer le sens de tel ou tel événement du récit. C’est parfois involontaire de la part de l’auteur, mais parfois il laisse cette marge d’incertitude volontairement. Stéphane Demoustier a clairement fait ce choix avec la Fille au Bracelet. Il prouve que ne pas apporter une réponse définitive et toute faite à une question peut avant tout souligner sa pertinence. Surtout quand l’exercice est aussi parfaitement maîtrisé.

Dans un scénario, comme dans la vie, il s’avère particulièrement difficile de cacher quelque chose sans se trahir. Le scénario et l’interprétation peuvent en effet facilement trahir des intentions que l’on chercher pourtant à cacher. Dans la Fille au Bracelet, la question est de savoir si une jeune fille de 18 ans a bien, deux ans plus tôt, commis ou non un odieux meurtre de sang froid. On peut bien sûr ressortir de ce film avec une opinion personnelle. Mais cela tiendra de l’intuition car rien ne vient donner de preuve tangible pouvant donner une réponse ferme et définitive à la question. Du coup, on est forcé de s’interroger sur ce fonde une culpabilité, sur le rapport à l’innocence supposée de la jeunesse et sur le regard que l’on peut poser sur un proche qui subit une telle accusation.

lafilleaubraceletLe casting de la Fille au Bracelet se montre particulièrement brillant. Ce n’est pas en premier lieu grâce à Roschdy Zem et Chiara Mastroianni, certes irréprochables, mais dont le talent est totalement éclipsé par la performance d’une éclatante perfection de Melissa Guers. Quelle maîtrise et quel sang froid pour incarner de manière aussi convaincante un personnage aussi complexe ! On ne peut qu’être admiratif, alors que la moindre faille dans son interprétation aurait compromis. Le seul point faible du casting est Anaïs Demoustier, pas très à l’aise dans son rôle d’avocate générale. Rien qui ne puisse cependant compromettre la réussite de ce film étonnant et qui plonge le spectateur dans un certain trouble. On en ressort sans vérité, mais avec de quoi poursuivre sa propre réflexion une fois sorti de la salle.

LA NOTE : 13/20

Fiche technique :
Production : Petit film, France 3 cinéma, Frakas productions
Distribution : Le Pacte
Réalisation : Stéphane Demoustier
Scénario : Stéphane Demoustier, livre de Ulises Porra, Gonzalo Tobal
Montage : Damien Maestraggi
Photo : Sylvain Verdet
Décors : Catherine Cosme
Musique : Carla Pallone
Durée : 96 min

Casting :
Melissa Guers : Lise
Roschdy Zem : Bruno
Chiara Mastroianni : Céline
Annie Mercier : l’avocate de Lise
Anaïs Demoustier : l’avocate générale
Carlo Ferrante : l’avocat des parties civiles
Pascal-Pierre Garbarini : le président du tribunal

UN DIVAN A TUNIS : Portrait tunisien

undivanatunisafficheDepuis quelque temps, on voit fleurir sur nos écrans des films sur le désir d’émancipation de la jeunesse du Maghreb, et plus largement même du monde arabe. Cela tourne le plus souvent autour de l’envie de vivre librement ses amours et ses désirs. L’envie de créer librement a également été mise en avant. Un Divan à Tunis aborde la question par un angle réellement original et au final assez efficace. A travers son film, Manele Labidi nous raconte le parcours d’une jeune femme qui a quitté Paris pour revenir sur sa terre natale pour ouvrir un cabinet de psychothérapie.

Un Divan à Tunis reste avant tout un film léger, pour ne pas dire une comédie. Mais il n’en est pas moins pertinent. En effet, il livre un portrait plein de tendresse de la société tunisienne, que l’on soupçonne être relativement fidèle. Evidemment, je ne la connais pas assez pour réellement en juger, mais en tout cas le propos est convaincant, même quand le ton est clairement à la caricature. Le film séduit aussi par la galerie de personnages qu’il nous propose. En premier lieu, les clients qui défilent dans le cabinet, mais aussi bien d’autres protagonistes de cette histoire (j’ai une affection particulière pour la fonctionnaire du Ministère de la Santé). Beaucoup sont des vecteurs d’effets comiques, mais chacun d’eux à quelque chose à dire et à nous apprendre sur la société tunisienne.

undivanatunisJe suis un peu gêné d’aborder le sujet du casting puisque Golshifteh Farahani et moi-même vivons une histoire d’amour passionnée. Bon ok, uniquement dans mes rêves les plus fous, mais tout de même. Ce n’est sûrement pas sa très belle performance qui va la faire quitter mes songes. C’est cependant tout le casting qui est à saluer sans aucune modération. Il est parfaitement mis en valeur par la réalisation de Manele Labidi qui donne un vrai rythme à son récit et met parfaitement en lumière les paysages urbains de Tunis. Au final, le film séduit par ses nombreuses qualités lui permettent d’allier intelligence et divertissement.

LA NOTE : 13/20

Fiche technique :
Production : Kazak productions, Arte france cinéma
Distribution : Diaphana distribution
Réalisation : Manele Labidi
Scénario : Manele Labidi
Montage : Yorgos Lamprinos
Photo : Laurent Brunet
Décors : Mila Preli
Musique : Flemming Nordkrog
Durée : 98 min

Casting :
Golshifteh Farahani : Selma Derwish
Majd Mastoura : Naïm
Aïcha Ben Miled : Olfa
Feriel Chammari : Baya
Hichem Yacoubi : Raouf
Najoua Zouhair : Nour, la secrétaire
Jamel Sassi : Fares, imam
Moncef Ajengui : Ramla
Ramla Ayari : Amel

DEUX : L’hymne à l’amour

deuxafficheL’amour n’a pas de frontière, n’a pas d’âge, tout ça, tout ça… Dans la vie ce n’est malheureusement pas si simple. Au cinéma parfois non plus, quand les films « romantiques » délaissent les fleurs bleues pour un peu de réalisme. Deux est un très beau film d’amour, mais avant tout un film sur la difficulté à vivre un amour « hors normes ». Un sujet délicat qui demande un minimum de subtilité pour être un minimum intéressant. Si celui-ci est imparfait, il traite avec beaucoup de pertinence et surtout d’émotion des rapports humains et des sentiments plus forts que les conventions sociales.

Le sujet de Deux se déploie à deux niveaux. Le cœur se situe dans l’histoire d’amour entre les deux principales protagonistes. Je ne dévoilerai rien des péripéties qu’elles vont affronter, mais cet aspect du récit n’est en rien contemplatif. Mais tout se déroule au profit d’une émotion profonde et sincère transmise avec beaucoup de force aux spectateurs. L’autre aspect est dans la relation avec les enfants, qui ne vont pas accepter facilement la situation. Cette dimension est traitée de manière un peu plus caricaturale, trop en tout cas pour vraiment donner une couche supplémentaire d’intérêt à l’histoire. Il n’en avait pas forcément besoin pour mériter d’être vu, mais il se prive d’une force supplémentaire.

deuxLe duo formé par Barbara Sukowa et Martine Chevallier illumine le film et le porte avec un talent et une conviction assez incroyable. Elles donnent réellement vie à leurs personnages et surtout aux sentiments qui les lient. Martine Chevallier en particulier donne une totale crédibilité à des événements qui demandaient un immense talent d’interprétation. Léa Drucker est plus en retrait, mais c’est avant tout lié à son personnage qui manque un rien d’épaisseur. Mais au final, c’est peut-être un mal pour un bien car cela met encore plus en lumière toute la beauté de cette histoire d’amour entre deux femmes, qui nous portera vers un dénouement très réussi, ce qui n’est jamais gagné d’avance dans ce genre d’histoire. Vive l’amour !

LA NOTE : 13/20

Fiche technique :
Réalisation : Filippo Meneghetti
Scénario : Malysone Bovorasmy et Filippo Meneghetti
Photographie : Aurélien Marra
Montage : Ronan Tronchot
Décors : Laurie Colson
Costumes Magdalena Labuz

Casting :
Nina : Barbara Sukowa
Madeleine : Martine Chevallier
Anne : Léa Drucker
Muriel : Muriel Bénazéraf
Frédéric : Jerome Varanfrain
André : Daniel Trubert
M. Bremond : Hervé Sogne
Christiane : Eugénie Anselin