TOUT CA POUR CA : 10 ANS DE MILITANTISME AU PS : EPISODE 4 : Prélude au Congrès de Reims, prélude à la haine

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episode4En cet été 2008, bien calé dans ma chaise-longue, j’attaque la lecture du recueil des contributions, dont l’écriture constitue la première étape qui doit mener au Congrès du Parti Socialiste qui aura lieu à Reims. J’ignore alors totalement dans quoi je m’embarque. J’ignore aussi alors totalement que je suis en train de commettre un acte totalement incongru pour un militant socialiste. Certes, le document fait 200 pages, mais pour moi en prendre connaissance m’apparaît parfaitement naturel. La suite me prouvera qu’il n’en est rien.

Lorsque j’ouvre le document, je pense être relativement sûr de mon futur choix. Je soutiendrai Bertrand Delanoë ! François Hollande ayant annoncé qu’il ne briguerait pas un nouveau mandat de premier secrétaire, le Maire de Paris semble le mieux placé pour assurer un nouveau leadership. Il est alors le grand favori et beaucoup imagine que tout cela l’emmènera vers une candidature à l’Elysée. Mais je garde l’esprit ouvert et me plonge dans les textes en me disant que je soutiendrai le plus convaincant.

Tous les grands leaders signent un texte : François Hollande, malgré son retrait, Bertrand Delanoë donc, Ségolène Royal, Martine Aubry, Laurent Fabius, Henri Emmanuelli, mais aussi Pierre Laroutourou et Jean-Luc Mélenchon, puisqu’ils font encore partie du PS. Les 21 textes sont globalement d’un très bon niveau intellectuel. Sans doute, est-ce le moment où le parti aura atteint son apogée en termes de débat d’idées. Dommage que tout ce qui suivra détruira tout… En tout cas à ce moment-là, je suis particulièrement fier d’être adhérent socialiste.

Si la plupart des textes sont très bons, certains sont cruellement décevants. En premier lieu, ceux de Martine Aubry (avec le recul, je peux désormais dire « comme d’habitude »)… et celui de Bertand Delanoë. On y sent une volonté de consensus mais qui limite terriblement la porté des propos. En gros, ça se limite à « il y a trop d’injustice, donc il faut moins d’injustice ». Mais rien, quasiment rien sur les moyens d’y arriver. Celui de Ségolène Royal est par contre très riche, alliant un propos politique d’une grande hauteur et des propositions concrètes. Sa contribution est pour moi (avec celui de Hollande, mais puisqu’il ne se représentait pas, j’ai écarté ce choix) de loin la meilleure. Je décide donc de la soutenir.

Visiblement, ce schéma assez simple apparaît vite comme assez exceptionnel parmi mes chers camarades. Les discussions en section montre que la plupart d’entre eux n’ont pas ou peu ouvert le document. Beaucoup mettent en avant que finalement il y n’y a quasiment aucune différence entre les textes. Pourtant, de Gérard Collomb à Jean-Luc Mélenchon, le PS abritait encore une large partie du spectre électoral.

A la rentrée, une réunion est organisée au niveau du département pour présenter les différents textes. Une quinzaine d’orateurs sont à la tribune, dont Pierre Moscovici, qui a lui aussi signé un texte. C’est une occasion de voir pourquoi certains bénéficient d’un statut de leader. La télévision écrase considérablement le charisme. Il n’y a aucune comparaison avec les simples militants dont le discours est ponctué de « euh », le plus souvent le nez dans leurs notes. Les discours de Moscovici est à l’inverse clair et fluide, les arguments s’enchaînent avec conviction, sans aucune fiche d’aucune sorte. Je mesure toute la différence, et surtout l’écart, avec mes propres capacités, après ma tentative avortée d’interventions en Conseil Municipal sans note.

A la tribune, il y a aussi un intervenant pour défendre la contribution de Jean-Marc Ayrault. Je trouve ce choix étonnant. En effet, quand l’immense majorité des textes font une vingtaine de pages, celui de l’ancien Maire de Nantes ne fait que trois ou quatre pages sans grand intérêt. Quelques jours plus tard, je l’interroge sur ce choix. Il se justifie par des arguments liés à un positionnement purement politique, du genre une volonté de soutenir Royal mais sans lui donner un blanc-seing, une volonté de ne pas soutenir dès les contributions un ou une candidate au poste de premier secrétaire. Je lui réponds « oui mais le texte est sans intérêt ». Il me répond alors… « Je ne sais pas, je ne l’ai pas lu… »… Il l’a pourtant défendu à la tribune devant une salle entière.

Ce même soir à la tribune, le même intervenant sort qu’il pense que tout le monde peut être utile au sein du Parti « y compris l’aile gauche ». Une maladresse qui lui ressemble et qui lui vaut les sifflets d’une partie de la salle, surtout les plus jeunes. Sur le moment, je trouve ça amusant et surtout assez mérité. Siffler un camarade à la tribune, voilà qui me semble encore quelque chose d’exceptionnel et que je ne pense pas revoir de si tôt. La fin des illusions est plus proche que jamais.

TOUT CA POUR CA : 10 ANS DE MILITANTISME AU PS : EPISODE 3 : Premiers pas d’élu

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episode3Le 9 mars 2008 au soir, je suis donc devenu officiellement un élu de la République. Titre plus pompeux et prestigieux que Conseiller Municipal d’opposition. Mais quelques soient les mots choisis, si je dois retirer quelque chose de ces dix ans de militantisme, c’est bien d’avoir eu l’honneur d’exercer cette fonction. Parce qu’on pourra regarder les choses dans tous les sens, l’exercice d’un mandat est bien le moment où le militantisme politique arrive à sa fin. C’est un peu plus vrai quand on est élu majoritaire bien sûr, mais j’aurais l’occasion de revenir sur le fait que je ne me suis jamais senti inutile dans l’exercice de mon mandat.

Dès le 15 mars a lieu le premier Conseil Municipal. Moment surtout formel, mais évidemment quelque peu émouvant pour un jeune élu, devenu militant que 9 mois auparavant. Les 33 élus prennent place autour d’une grande table en U, où l’opposition occupe le bout de chaque branche. C’est pratique, cela permet de les faire disparaître en recadrant un peu les photos. Cela permet surtout de vite comprendre que le mode de scrutin des municipales réduit les oppositions à portion congrue. Avec 25,04% des voix, nous n’avons que 4 élus sur 33.

Malgré cela, j’aurais évidemment attaqué mon mandat en mode bisounours enthousiaste. Rassurez-vous c’est bien le dernier épisode où je me compare avec un bisounours. Nous nous sommes répartis les sujets entre nous. Je m’occuperais avant tous des questions d’urbanisme et d’environnement, domaines où mon expérience professionnelle m’apporte quelques connaissance. Lors des premières séances, j’ai évidemment envie d’intervenir à toutes les délibérations qui concernent de près ou de loin mon champ de compétences. Je finirai assez vite par me calmer, surtout que finalement on est d’accord avec un certain nombre de mesures prises. La majorité est assez hégémonique comme ça, ils n’ont pas besoin de nous pour souligner quand ils font des choses bien.

Lors du premier Conseil Municipal, le leader historique de l’autre opposition préside la séance avant l’élection du Maire. Il en profite donc pour faire un discours. Un discours qu’il aura écrit de manière littérale et qu’il se contente de lire. Je trouve que cela lui supprime tout impact et éloquence. Alors je commence ma carrière d’élu avec une ferme résolution : je ferai mes intervention sans note. Cela exige de moi une préparation bien en amont et un long travail de répétition. J’ai notamment fait une longue intervention à l’occasion du lancement de la révision du Plan Local d’Urbanisme. Un propos de dix bonnes minutes de mémoire. Je me rappelle avoir oublié un point, mais rien d’important. Je suis content de moi, surtout que j’ai passé beaucoup de temps à la préparer.

Malheureusement, n’est pas Christiane Taubira qui veut. Quelques temps plus tard, je me retrouve lors d’une intervention face à un blanc… Me voilà totalement bloqué pendant de longues secondes qui m’ont paru interminables. La salle du Conseil est plongée dans un silence assourdissant. Je suis seul face à mon micro allumé. Le Maire qui s’applique toujours à bien montrer qu’il ne vous écoute pas, finit même par lever le nez et à me regarder en se demandant qu’est ce qui se passe. Heureusement, je finis par retrouver le fil de mon discours. Mais ce moment un peu pénible me fait abandonner mes ambitions de tribun. Je finira ma carrière d’élu en préparant parfois mes interventions le jour même un peu à l’arrache et je ne pense pas que ça ait changé grand chose. Parce qu’entre temps, j’aurais réalisé que le Conseil Municipal se déroule devant à peu près personne, à part quelques rares habitués, et y faire preuve d’éloquence ne sert pas à grand chose. Mais je reviendrai sur le sujet.

Je ne sais pas si je redeviendrai élu un jour. En tout cas, je ne serai jamais plus cet élu enthousiaste et naïf que j’étais le 15 mars 2008. Est-ce un mal ou un bien ? La question reste encore posée. Peut-être qu’écrire tout ça m’aidera à y répondre.

TOUT CA POUR CA : 10 ANS DE MILITANTISME AU PS : EPISODE 2 : Première campagne

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episode2Si vous vous êtes déjà demandé qu’est ce qui poussent certains responsables politiques à y retourner encore et encore, c’est que vous n’avez jamais participé à une campagne électorale. Parce que si le militantisme politique implique beaucoup de réunions laborieuses et de couleuvres à avaler et si la vie d’élu local est faite de dossiers techniques obscurs et de récriminations constantes d’une population ingrate, la campagne électorale est un moment exaltant, où adrénaline coule à flots, vous rendant vite accro. Bref, une campagne électorale, c’est bandant ! (désolé pour la trivialité du terme mais je n’ai pas trouvé mieux).

Cette première campagne électorale, j’y suis entré sur la pointe des pieds. En effet, adhérent depuis 4 mois au PS, je n’avais aucune idée de comment les choses allaient se passer. De plus, je ne connaissais alors que très peu notre leader, en tant que suppléant au législatives avant l’été, il avait été finalement assez peu présent sur Viroflay, faisant campagne sur toute la circonscription. Sur la pointe des pieds, mais avec l’attention de participer activement et, j’avoue avec l’idée d’être en bonne place sur la liste.

En effet, je dis souvent que je n’ai strictement aucune ambition en politique. C’est en fait relativement faux. Je n’aurais aucun complexe à accepter un poste de Ministre. Par contre, je ne suis pas prêt à faire le nécessaire pour concrétiser cette ambition. Et un des buts de ce récit est bien de montrer ce que tout cela revêt. Donc en septembre 2007 quand mon Secrétaire de Section nous envoie l’appel à candidature pour être tête de liste, j’hésite à postuler. Personne ne me connaît, mais ça pourrait être l’occasion justement. Mais finalement, ma timidité et ma prudence me font dire que ça serait peut-être malvenu.

Cependant, j’obtiendrai au final la troisième place sur la liste, éligible donc, sans même à avoir à demander. 28 ans, ingénieur, j’ai quand même un bon profil. De plus, cette campagne me fait vite réaliser que dans le militantisme politique est un puits sans fond et qu’on vous trouvera toujours des choses à faire. A peine ai-je levé le doigt pour dire que je savais me servir d’un ordinateur que me voilà désigné responsable de la création du site Internet. Bref, je suis présent, volontaire et un minimum efficace, ce qui me vaudra vite une place prépondérante sur la liste. On est à Viroflay, ville très à droite, nous n’avons aucune chance de gagner, ce qui limite le nombre de volontaires.

Rappelons-nous, que je suis dans ma période Bisounours. Je trouve ça absolument formidable. Pourtant notre campagne ne casse pas des briques, mais nous la menons avec enthousiasme. Pour la lancer, nous menons une grande enquête auprès des Viroflaysiens pour connaître leurs attentes. Résultat… un peu moins de 25 réponses… donc un bon nombre de militants PS et même de membres de la liste. Cela ne m’empêche pas d’en faire une restitution qui laisserait penser que nous avons eu des centaine de réponses. Quant à nos supports de campagne, ils arborent notre nouveau logo que j’ai crée… en Wordart ! Même en 2007, ça sentait quand même fort le manque de moyen et la ringardise.

Mais qu’importe au fond, car au final on fera exactement le même score que d’habitude. Un peu moins de 25% qui nous vaut de conserver nos 4 élus. La majorité sortant est réelue au premier tour, mais de peu, ce qui nous fait dire que l’on n’est pas passé si loin de notre objectif principal. Bref, on n’est ni vraiment satisfait, ni vraiment déçu. En fait, cette campagne reste pour moi un excellent souvenir, celle de mon intégration dans ce qui sera mon équipe pendant près de 10 ans. Mais il faut bien admettre qu’elle fut plus enrichissante humainement que politiquement.

En fait, les leçons à tirer proviennent de la troisième liste. Une liste entre centre droit et écologie de bas étage et qui fait de son opposition au projet de tramway qui doit venir desservir Viroflay en souterrain le fer de lance de sa campagne. Lors d’une réunion au cours de la campagne (genre conjuration secrète des oppositions), leur leader historique lâchera « Vous verrez, Lebrun (le Maire sortant) va perdre les élections à cause du tramway ». C’est vrai qu’une association très active s’est montée contre ce projet. Cela leur vaut beaucoup plus de monde à leur réunion publique de campagne. Si on ajoute à ça quelques innovations en termes de support de campagne (distribution d’un CD-Rom dans toutes les boîtes aux lettres), j’avoue que nous avons nous-même un peu paniqué à l’idée qu’ils pourraient nous passer devant.

Résultat, ils auront certes gagné deux points par rapport à d’habitude, que l’on retrouve uniquement sur les trois bureaux de vote situés au-dessus du futur tunnel, mais restent très loin de leur espérance profonde et sincère de victoire. Ils auront été victime d’un phénomène particulièrement important en politique : l’effet loupe, qui vaudra bien un chapitre à lui tout seul. Un effet loupe, qui se heurte toujours au phénomène le plus important, celui qui m’aura le plus marqué pendant ce dix ans de militantisme : le « au fond, tout le monde s’en fout »…

TOUT CA POUR CA : 10 ANS DE MILITANTISME AU PS : EPISODE 1 : Je suis un Bisounours

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episode1Lundi 7 mai 2007. La veille au soir, Nicolas Sarkozy est élu Président de la République, ce que je vis comme une sorte de catastrophe. Du coup, je prends ma carte au Parti Socialiste, concrétisant une intention déjà ancienne. En quelques clics, j’adhère et je me prépare au combat. Je suis motivé, remonté, enclin à en découdre avec la droite. Et là… et là… il ne se passe rien…

Une semaine, deux semaines passent et je n’ai des nouvelles de personne. Je m’impatiente, alors que la campagne des législatives débute. Du coup, j’écris directement à la candidate socialiste de ma circonscription pour lui signifier que je suis prêt à aider. Sur le moment, j’ai un peu l’impression d’écrire au Pape. Une candidate aux législatives est forcément quelqu’un d’important. Mais là surprise, elle me répond… et m’invite à venir à la réunion publique qui aura lieu quelques jours plus tard à Viroflay.

Entre temps, un samedi matin en traversant le marché, je croise mon premier « camarade ». Il s’appelle François Lemaire. 80 ans. Une tête de plus que moi, mais un sourire et une énergie incroyablement communicatifs. Tout en tractant, il fait la bise à la moitié des femmes qui passent sur le marché. Plus tard, il me racontera devant mes yeux fascinés son adhésion à 15 ans, entraîné par ses collègues ouvriers en 1936. Je ne l’aurais croisé que peu de temps car il quittera Viroflay peu de temps après mon adhésion. Il restera le premier visage que j’aurais croisé lors de ma vie politique, mais il restera à jamais une des figures les plus marquantes et les plus inoubliables.

Le soir de la réunion arrive. Avant qu’elle ne débute, je me signale aux responsables de la Section PS de la ville. Premier contact avec des personnes qui deviendront des amis et des compagnons de lutte pour les dix prochaines années. A la fin, je surmonte ma timidité pour aller parler à la candidate. Le contact est loin de ce que je pouvais fantasmer… Je parle juste à un être humain, qui me renvoie une certaine indifférence. A la fois, je n’ai aucune idée de ce que je pourrais vraiment lui proposer. Donc je range mon enthousiasme et mon énergie et réalise que je suis face à un univers dont je dois encore apprendre le fonctionnement.

Quelques jours plus tard je me rends à ma première réunion de Section. Je trouve ça formidable. Nous sommes nombreux, dans une salle trop petite. Les discussions sont vives sur la défaite de Ségolène Royal. Certaines choses m’étonnent, mais je mesurerai leur importance que bien plus tard (j’y reviendrai donc). Ce qui domine, c’est la curiosité, la sensation rare d’avoir mis les pieds dans un nouveau monde. Je regarde chacun des participants avec une certaine admiration. Ce sont des militants politiques, moi je suis un bleu. J’ose cependant donner mon avis. Tout le monde s’écoute, se respecte et il règne une ambiance amicale. Ce n’est que bien plus tard que je découvrirai que la Section de Viroflay n’est absolument pas représentative de ce que sont les Sections du Parti Socialiste.

A l’issu de cette réunion, je me suis proposé pour un tractage au marché le samedi suivant. Mon premier acte de militantisme. Je passe la semaine avec une petite appréhension. Saurais-je faire ? Vais-je y arriver ? Le moment fatidique arrive… et me rassure très vite. Tracter est avant tout se heurter à une grande indifférence. Les passants vous ignorent ou font preuve d’une politesse qui n’est absolument pas significatif d’un intérêt éventuel qu’il vous porterait. Bref, une heure et demi qui abat de nouveaux fantasmes. Tracter est avant tout l’occasion de passer un moment entre militants, de maintenir l’enthousiasme collectif. L’impact sur la population reste par contre à discuter. Mais j’y reviendrai aussi.

Le résultat sera plutôt satisfaisant. Notre candidate est au deuxième tour et obtient un score autour de 40%, ce qui est plutôt bon dans cette terre très à droite. Mon enthousiasme sera entretenu à la rentrée par la campagne des municipales qui commence et qui sera l’objet du deuxième épisode. Bref, mes débuts de militants me permettent de garder toute ma motivation.

Un an plus tard, je me rends à l’Université de rentrée organisée par la Fédération PS des Yvelines. Une journée de conférences et de débats, particulièrement intéressants, entre camarades. Elle me permet notamment d’interpeller une ancienne ministre qui parle de l’espace agricole comme de l’espace disponible ! L’ingénieur agronome que je suis ne pouvait évidemment que réagir. Je prends des notes, j’apprends plein de choses, je trouve ça particulièrement stimulant intellectuellement. Tout semble à première vue bon enfant. Je ne connais pas encore trop mes camarades yvelinois, alors je ne vois que des camarades sans autre distinguo.

A un moment de la journée, je m’incruste dans une conversation. Je ne connais personne, personne me connaît. Au milieu, une femme parle de la Fédération. Cette Fédération qui pour moi a organisé parfaitement cette journée que je trouve formidable. Son propos est étonnamment agressif, presque haineux. Elle parle des dysfonctionnements de la Fédération, comme s’ils étaient évidents, comme si tout le monde partageait forcément son point de vue. J’écoute, je ne dis rien et je découvre de manière assez brutale un aspect moins enthousiasmant de la vie militante.

Quelques mois plus tard aura lieu le Congrès de Reims. Le Bisounours est sur le point de mourir.

RETOUR A L’ORDINAIRE

emmanuelmacron

emmanuelmacronJe suis un militant politique qui sait ce que signifie faire de la politique. Faire de politique, c’est avant tout faire le nécessaire pour remporter des élections pour exercer le pouvoir et agir. Rester droit dans ses bottes, ses idées et ses principes pour rester à jamais minoritaire n’a strictement rien de noble. Je suis donc capable de comprendre certaines prises de position dont le but est de récupérer une frange de l’électorat, qui ne demande qu’à être brossé dans le sens du poil. Je peux donc comprendre les arbitrages réalisés par Emmanuel Macron au sein de son programme économique. Mais comprendre ne signifie pas forcément cautionner.

Il y a quelque chose qui me plaît chez Emmanuel Macron. Une pensée politique qui tourne le dos aux clichés idéologiques qui minent la gauche qui l’amènent à imaginer que taxer les robots puisse être une bonne idée.Une manière de regarder le monde tel qu’il est et non pas tel qu’on aimerait qu’il soit. Une capacité à ne pas nier des faits parce qu’ils vont à l’encontre de ce que l’on souhaiterait. Il en ressort une vision positive du progrès, non cette espèce de nostalgie, voire de culpabilité de la gauche face aux changements.

Emmanuel Macron a souvent été caricaturé dans ses propos. Le pire est survenu quand il a déclaré trouver l’augmentation des droits de successions beaucoup efficaces en termes de lutte contre les inégalités que l’ISF. Cela s’est transformé dans beaucoup de commentaires comme un simple appel à la suppression de ce dernier. Or, prise dans sa totalité, cela rejoint bien un des axes fort de son discours sur la lutte contre les rentes de situation. Un combat qui devrait être celui de la gauche mais qui se heurte au conservatisme de ce dernier. En effet, beaucoup de ces rentes sont établies au nom de la régulation (l’exemple des notaires est éclairant à ce propos) et elles ne manquent pas défenseurs de ce côté du monde politique.

Tout ceci ne signifie pas que j’étais systématiquement d’accord avec ses prises de position. Mais je lui reconnaissais une réelle intelligence et surtout une capacité, malheureusement rare dans le monde politique, à produire une politique adaptée à ce monde en constante mutation qu’est le nôtre. Pas la meilleure à mes yeux, mais la seule peut-être à être les deux pieds ancrés en 2017. Au défaut d’être parfait, il avait au moins l’immense mérite d’être intéressant. A mon sens, cela lui ouvrait un boulevard idéologique, un capacité à créer une vision politique novatrice, attrayante, libérée de préjugés d’un autre temps.

En révélant son programme économique, Emmanuel Macron a tourné le dos à ce qui fait sa force. Le problème n’est pas tant qu’il est énoncé des idées penchant plutôt à droite, c’est qu’il a énoncé les idées les plus ineptes penchant à droite. Des idées toutes faites, des clichés qui ne présentent aucun intérêt intellectuel, aucune efficacité objective. Elles séduiront peut-être certains électeurs de François Fillon et le conduiront peut-être à l’Elysée, mais elle n’apporteront rien à notre pays.

60 000 fonctionnaires en moins, 3% du PIB de dépenses publiques en moins. Et pourquoi pas 50 000 et 2% ? ou 80 000 et 4% ? ou encore 57 841 et 2,86% ? Les chiffres ça fait sérieux, les chiffres ronds ça fait joli, mais ça n’a aucun sens. C’est juste arbitraire. Ca ne dit rien du sens, du pourquoi, du pourquoi faire. Ca ne ressemble en rien à un objectif politique sur ce que doit être l’action publique, sur son périmètre, sur les buts qu’elle poursuit. C’est vide, creux, idiot et au fond, c’est de la politique telle qu’elle a toujours été dans ce qu’il y a de pire. Bref loin de la différence dans la pratique, au-delà du positionnement exact, que souhaiterait incarner Emmanuel Macron. Et tel que j’aurais aimé qu’il l’incarne.

Il est donc certain désormais que je ne ferai pas campagne pour lui. Que je ne chercherai à convaincre personne. Que je ne relayerai pas ses idées. Ce n’est donc pas lui qui me fera me lever de mon canapé, comme évoqué dans un billet précédent. Cela ne signifie par contre pas que je ne voterai pas pour lui et que je soutiendrai Benoît Hamon, qui ne m’inspire pas plus d’enthousiasme pour l’instant. Chaque jour qui passe me rapproche d’un vote utile contraint et un peu triste. Mais je le ferai sans état d’âme car ce désaccord profond, cette déception vis-à-vis d’Emmanuel Macron ne lui retire pas non plus tout crédit à mes yeux. Je ne sombrerai pas dans la caricature. Il n’est pas François Fillon sur beaucoup de points et entre les deux mon choix est clair et net. Mais il restera un choix par défaut.

L’APPEL DU CANAPE

hamonmacron

hamonmacronN’ayant toujours pas l’intention de m’engager dans cette campagne présidentielle, je me vois relégué au rang de simple commentateur. Une position confortable qui devrait m’inciter à fermer ma gueule. J’ai assez souvent reproché aux autres cette attitude de petit juge moraliste au chaud, le cul dans son canapé, pour ne pas commencer à l’adopter moi-même. Mais voilà, je n’ai pas envie de me taire ! Déjà parce que ce n’est pas mon genre. Mais aussi parce que je ne suis pas militant politique pour avoir envie de rester assis sur mes deux fesses.

Il reste deux mois dans cette campagne électorale. Et j’aimerais avoir envie d’avoir envie à nouveau. Je suis clairement une voix à prendre, qui n’a pas envie de s’adonner au cruel vote utile, même si je n’hésiterai pas une seule seconde s’il s’avère nécessaire. Mais au-delà même de ce scrutin, c’est un engagement politique qui reste à prendre chez moi. Je n’imagine pas rester dans un parti dont je n’aurais pas soutenu le candidat, ce qui ne signifie d’ailleurs pas forcément que je rejoindrai le mouvement de celui pour qui j’aurai voté. Mais je n’ai aucune envie de quitter le champ du militantisme politique. Quand quelque chose ne nous plaît pas, il faut s’efforcer de les changer de l’intérieur, cela a toujours été ma philosophie et je m’y tiendrai.

Je cherche donc désespérément la lueur d’une dynamique intellectuelle dans cette campagne. Il est clair que mon choix se fera forcément entre Emmanuel Macron et Benoît Hamon. Aucun ne me donne envie pour l’instant de m’engager à ses côtés. Ils ont pourtant devant eux des boulevards idéologiques grands ouverts, un terrain d’idées à occuper et à façonner de leur talent. Mais ils semblent tétanisés, l’un se refusant à livrer une pensée claire et forte, l’autre englué dans une négociation politique sans fin et surtout sans intérêt politique et encore moins intellectuel.

Je pourrais compter les points. Dire ce qui me plaît et me déplaît chez chacun d’eux. Chaque colonne est fournie et j’ai toujours mis en avant le fait qu’on ne peut jamais être d’accord avec tout et surtout, et cela n’empêche en rien un engagement total et sans faille. Je ne cherche donc pas un programme qui serait en adéquation totale avec mes propres convictions. Je suis du genre à lire les programme jusqu’au plus petites lignes et à les juger d’une manière froide et rationnelle. Peut-être que finalement l’un d’entre eux m’emballera, mais j’en doute fort.

Alors je cherche une vision qui ne soit pas forcément totalement la mienne, mais qui ait du corps. Un chemin tracé, qui ne me mène pas mon idéal, mais qui nous mène quelque part avec conviction. Je n’en vois pas aujourd’hui le début. Mais je ne désespère pas et je n’hésiterai pas demain, à me lever de mon canapé pour l’emprunter si il se décide à se dessiner.

APPRENDRE DE SES VICTOIRES

benoithamon

benoithamonApprendre de ses défaites constitue une des plus grandes preuves d’intelligence. Mais savoir apprendre de ses victoires est aussi un exercice difficile que peu de gens savent mener à bien. Visiblement, Benoît Hamon n’a pas su le réussir. Tout ce qu’il lui avait permis de l’emporter sans contestation face à Manuel Valls lors des primaires semble s’être évaporé, jusqu’à le faire ressembler par certains côtés à son ancien adversaire. Temporairement ?

Benoît Hamon a réussi un exploit depuis son intronisation. Celle de démultiplier l’intérêt médiatique porté à Yannick Jadot, qui n’en demandait pas tant. Il se situe ainsi dans la grand tradition socialiste de permettre à tout un tas de partis politiques sans base réelle de survivre. Tout militant PS sait que ces derniers savent très bien qu’ils doivent être prêts à s’effacer lors d’élections locales pour laisser place à des parfaits inconnus issues, au choix, des Verts, du PRG, du MRC, du MUP, des groupuscules écolos divers et variés. Je mettrai à part le Parti Communiste, avec qui la situation est parfois inverse dans certains de ses fiefs. Tous ces partis n’ont d’élus que par la bonne grâce du Parti Socialiste, sur qui il crache pourtant allégrement tout le reste du temps.

Puisque la compétition s’annonce serrée, il est facile de se dire que Benoît Hamon aura besoin des 2% que pèserait le candidat d’EELV. Mais la manière dont il s’est englué depuis 15 jours dans des discussions avec un groupuscule sans militant, ni même ligne politique claire, l’a renvoyé à son image d’homme d’appareil dont il était parvenu à se défaire brillamment pendant les primaires. Au final, l’élan issu de la primaire semble s’être tassé et il a sûrement perdu ainsi bien plus des 2% qu’il espère conquérir.

L’union de la gauche… Voilà un mythe qui a la vie dure. On répète à l’envi que la gauche ne l’a emporté que quand elle était unie au niveau national. Déjà c’est faux (1988 ou 2012) et surtout il y a derrière cette une idée une dramatique erreur de diagnostic. Si l’union de la gauche a une vertu, ce n’est pas dans par elle-même, que parce qu’elle permet au PS de faire ce qu’il devrait toujours faire et qu’il ne fait que trop rarement : parler à l’immense majorité des électeurs qui se tamponnent totalement le coquillard de ces histoires d’alliance de parti (et au fond, ils ont bien raison).

Le PS a toujours cette affreuse habitude de penser que le monde n’est composé que des personnes hautement politisées. Or c’est faux ! Aux élections locales, vu le taux d’abstention et puisque ces dernières votent bel et bien, cela peut porter ses fruits. Mais à l’élection présidentielle qui rassemble la quasi totalité du corps électoral, cela constitue une erreur funeste qui lui a valu bien des déconvenues. Benoît Hamon est devenu totalement inaudible pour cette majorité silencieuse, celle qui lui fera éventuellement gagner cette élection. Il aurait mille fois mieux valu qu’il laisse EELV dans le grand néant où il se situait.

Quant à l’alliance éventuelle avec Jean-Luc Mélenchon, c’est juste une farce à laquelle personne n’a jamais cru, d’un côté ou de l’autre.

Benoît Hamon est également très mal parti dans son attitude vis-à-vis d’Emmanuel Macron. Il serait bon qu’il se rappelle comment il est apparu comme le grand vainqueur du débat face à Manuel Valls. Hamon exposait ces idées, Valls les commentait. La victoire d’Hamon fut nette et par K.O. Aujourd’hui, force est de constater que la place de celui dont tout le monde parle est bien Emmanuel Macron. Si Benoît Hamon pense une seule seconde qu’il va refaire son retard en mettant en lumière toutes les faiblesses, réelles, du leader de En Marche, il commettra la même erreur grossière de jugement que Manuel Valls quand il pensait inverser la tendance en « pilonnant son adversaire ».

Benoît Hamon a remporté les primaires en étant l’homme qui défendait une idée forte et tous ses adversaires se sont évertués à en faire le centre du débat et lui offrir la victoire sur un plateau. Qu’il continue sur cette voie s’il compte l’emporter. La principale question est de savoir s’il possède encore des munitions pour reprendre la main. S’il compte s’asseoir à l’Elysée avec le seul revenu universel comme étendard, il va au devant d’une grande désillusion.

J’ignore s’il a encore des idées fortes sous le coude. Mais sa victoire sera à ce prix. Et uniquement à ce prix !

MILITANT SOCIALISTE ET FIER DE l’ETRE (ET JE VOUS EMMERDE !)

partisocialiste

partisocialisteAujourd’hui un obscur auteur appelait à la dissolution du Parti Socialiste par Benoît Hamon. Ne croyez pas que je lui en veuille d’être obscur. Je ne suis moi-même qu’un obscur militant, ancien obscur Conseiller Municipal et obscur scribouillard du Net. Et je crois au droit des obscurs de s’exprimer.

L’idée que Benoît Hamon puisse dissoudre le PS se révèle déjà assez saugrenue. Le PS n’appartient pas à Benoît Hamon, comme il n’a pas appartenu précédemment à Ségolène Royal ou à François Hollande. C’est ce qui fait sa force. L’appartenance à un seul homme a au contraire toujours fait la faiblesse criante du Modem et demain celle de En Marche.

Cette tribune était révélatrice de la faiblesse des intellectuels de gauche qui ne se gênent pourtant pas pour rejeter la faute sur le monde politique. C’est oublier que ce sont les idées issues du monde intellectuel qui ont toujours irrigué le monde politique et non l’inverse. Les philosophes des Lumières, Marx, Keynes n’ont jamais exercé le pouvoir, mais continuent d’influencer ceux qui l’exercent ou cherchent à l’exercer.

Cette production d’idées est aujourd’hui au point mort. Le livre de Thomas Piketty, le Capital au XXème Siècle, est absolument passionnant. Le militant politique que je suis l’a dévoré. Mais quelle déception de voir qu’il s’achève que sur quelques misérables pages consacrées aux solutions concrètes à tirer de ces constats. Surtout quand son auteur conclut qu’il n’a rien à proposer, à part un impôt mondial sur le patrimoine qu’il juge lui-même totalement irréaliste. Cela devrait le pousser à un peu de modestie, non à donner des leçons faciles à tour de pages du Monde.

Tout ceci n’enlève rien aux travers du PS. Mais il n’enlève rien, bien au contraire, au respect qu’il mérite. Car même le pire de ses apparatchiks a souvent été, même pour un temps seulement, un militant qui a fait le choix de l’action face à la passivité et s’est un jour gelé les doigts à distribuer des tracts de bon matin en plein hiver. Qui a été là, pour la gauche, sur un marché, pour ne pas laisser la place à la seule droite et surtout à l’extrême-droite qui ne se cache plus. Qui a été là, quand bien des donneurs de leçon étaient au chaud derrière leur ordinateur et où leur smartphone à vomir sur des combats qu’ils ont depuis longtemps désertés.

Je suis social-démocrate et fier de l’être. Je suis fier de l’action de François Hollande pendant 5 ans, même sans être d’accord sur tout. Je suis fier du Mariage pour tous, de la généralisation du tiers-payant et de la garantie jeune. Je suis fier en tant qu’élu de m’être battu au sein du Conseil Municipal de mon ancienne commune pour que les problématiques de d’accessibilité soient enfin prises en compte. Je suis fier d’être militant au Parti Socialiste !

Parce qu’en tant que militant, je suis dans le faire. Et faire est un infiniment plus difficile que commenter. Infiniment respectable surtout. J’assume d’avoir infiniment plus de respect pour un militant ou un élu de la droite Républicaine que pour ceux, inconnus ou amis, qui se contentent de donner des leçons de gauche depuis leur canapé.

Peut-être que tout cela fait que je ne suis pas vraiment de gauche. Peut-être que tout cela fait de moi un suppôt de l’ordre néolibéral. Pourtant mes idéaux sont bien la justice, l’égalité, la liberté, la fraternité.

Alors peut-être que je suis dans le faire, mais que je le fais mal. Peut-être que tous ceux, militants, ministres ou Président de la République, encartés au PS le font mal. Mais une question me taraude alors : qu’attendent tous ceux qui voudraient voir votre notre parti disparaître pour faire à notre place ? En quoi notre existence les empêche de passer à l’action et de mettre en œuvre les idées qui prétendent avoir ?

Je les y invite ! Mais je les préviens également. Pour cela, il leur faudra quitter leur écran pour aller à la rencontre des autres, y compris ceux qui les accueilleront avec des insultes plus que des bravos. Il faudra faire des choix, trancher entre des aspirations contradictoires mais légitimes. Il faudra parfois se lever tôt quand il fait froid, se coucher tard après des réunions studieuses. Accepter de ne pas forcément changer le monde tout de suite, mais s’intéresser à des dossiers désespérément concrets de la vie communale.

Bref il faudra qu’ils soient prêts à faire tout ce que font les militants du Parti Socialiste. S’ils sont persuadés qu’ils peuvent faire mieux, qu’il faut faire autrement, qu’ils ne s’en privent pas ! Mais qu’ils ne nous demandent pas de disparaître, de renoncer à notre histoire, celle que nous écrivons nous-mêmes, pas celle qu’ils aimeraient nous voir écrire sans avoir le courage eux-mêmes de prendre la plume.

GROSSE FATIGUE

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primairesgaucheLe revenu universel aura donc été la grande idée de cette primaire. Une idée à étudier… mais à étudier vraiment.

Si je ne suis pas franchement convaincu, c’est que je ne crois vraiment pas qu’elle atteindra son but. L’argument notamment comme quoi elle permettra de rééquilibrer le rapport employé/employeur au moment de négocier un salaire me laisse circonspect. J’y vois même une grave erreur. En effet, ce rapport de force est avant tout déterminé par le taux de chômage et la difficulté à trouver un emploi satisfaisant. Dans un contexte de chômage de masse, le revenu universel risque fort d’être utilisé comme argument du type « on vous donne déjà X euros par mois, je n’ai pas besoin de vous payer plus ».

Et si jamais les salaires ne baissaient pas, l’effet sur l’immobilier sera catastrophique pour les classes populaires. En effet, on va solvabiliser de manière totalement artificielle les emprunteurs à hauteur de X euros par mois. Ceci va entraîner une hausse forte et rapide de prix de l’immobilier qui se répercuteront fatalement sur les loyers, encadrement ou pas. Après on peut toujours dire que le revenu universel permettra de faire face à ces hausses de loyer, mais si c’est pour que tous les effets inflationnistes qu’il va engendrer éteigne totalement le bénéfice, cela ne va rien changer.

Evidemment, on peut très certainement imaginer des moyens de contourner ces difficultés. En le limitant d’abord aux plus modestes et aux jeunes comme Benoît Hamon le préconise dans un premier temps. Dans ce cas là, ça s’appelle le RSA et la garantie jeune, que le gouvernement actuel a revalorisé pour le premier et créer pour la deuxième. Il n’y a donc pas de révolution, mais juste quelques mots pour vendre un peu de rêve avec des idées anciennes… et pas spécialement de gauche puisque le revenu universel a été défendu par de nombreux économistes ultra-libéraux.

Mais le pire du pire reste quand même l’idée de le financer entre autres une taxe sur les robots ? Sérieusement ? Que ça donne un début d’érection à tous ceux à gauche qui ont la bave aux lèvres dès qu’on parle des entreprises (travers fréquent chez beaucoup de militants et sympathisants socialistes, surtout quand ils n’ont jamais mis les pieds dans une entreprise, ce qui n’est pas une tare en soi, mais devrait inciter à un peu de retenu) est effectivement très efficace pour gagner une primaire qui rassemble si peu de monde. Mais c’est un fait largement établi qu’il y a une corrélation positive entre le nombre de robots du tissu productif d’un pays et sa capacité à créer des emplois. Parce que la robotisation signifie compétitivité et tout simplement modernité… Bref, Hamon propose une taxe sur la modernité !!! Tellement révélateur !

Mais tellement révélateur aussi l’argument utilisé par ses adversaires (y compris ceux qui du jour au lendemain sont devenus ses meilleurs potes) qu’ils utilisent en boucle. Ce n’est pas finançable ! Cet argument est d’une faiblesse crasse. On ne parle pas d’une telle mesure en ne considérant que son coût brut, mais il faut évidemment analyser les choses globalement. C’est d’ailleurs le même reproche que l’on peut faire aux « frondeurs » quand ils parlent du CICE.

Manuel Valls a fait preuve d’une rare vacuité programmatique dans cette campagne. Se situer dans une continuité n’est pas incompatible avec la recherche de nouvelles idées. Surtout que si on ne le fait pas au moment d’une campagne électorale, on le fait quand ?

Benoît Hamon peut chaudement remercier ses adversaires pour leur beau moment de « tous contre lui » du troisième débat ! Ce genre de situation profite toujours à celui qui est cerné, François Hollande peut en témoigner aux primaires 2011. Il n’y a pas de mauvaise publicité en politique, même une modeste expérience de conseiller municipal d’opposition et un seul média-training permet d’en être convaincu. Alors quand j’entends que la stratégie de Valls sera de taper fort sur Hamon demain soir, je me dis qu’il aura bien mérité sa défaite.

Le militant socialiste que je suis est donc arrivé au bout d’une certaine forme de fatigue. Jamais je ne voterai blanc à une élection, même si, là, la tentation est grande. Je dois choisir entre deux personnages pour lesquels je n’ai aucune appétence. Deux personnes qui symbolisent tout ce qui me désole au sein de mon parti et plus largement de l’ensemble du monde politique. Je ferai donc un choix. Je n’ai guère de doute sur ce qu’il sera, mais je me réserve encore un peu de temps et le débat de demain pour l’affermir définitivement. Mais tout ceci me plonge dans un flou total pour la suite. La suite de la campagne, mais surtout pour la suite de mon engagement politique. Non, je n’ai pas l’intention de me mettre en marche. Je me pose simplement une infinité de questions. Le temps apportera peut-être les réponses. Mais j’ignore ce qu’elles seront.

Et pour ceux qui verraient dans ce texte une nouvelle couche du « tous pourris » ou du « tous nuls », je terminerai par cette pensée inspirée par mon expérience d’élu local, de militant de terrain et de lecteur des commentaires sur les réseaux sociaux : le « peuple » a la médiocrité politique qu’il mérite !

DE LA DEMOCRATIE… PARTIE 2

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democratie2Il est temps de reprendre la rédaction de ce billet entamé il y a plusieurs mois déjà, avant l’été, et que j’ai laissé en plan comme beaucoup de choses suite à mon déménagement et les mois d’adaptation qui ont suivi. Ma vie reprenant doucement un cours normal, je vais poursuivre ma réflexion sur la démocratie, toujours d’actualité en cette période de primaires.

Dans la première partie, j’avais abordé différents modes de scrutin qui pourrait permettre de choisir démocratiquement un chiffre entre 1 et 5. En effet, la démocratie est aujourd’hui relativement incapable de répondre à ce type de question en dehors du choix d’un candidat. La démocratie sait sans problème de choisir la personne qui sera chargée de répondre à une question, mais pas de déterminer la réponse.

Le référendum apparaît comme le seul outil électoral de la démocratie représentative. Or, il souffre de terrible défaut. En réduisant, toute question à un oui-non, il réduit de manière parfois affligeante la pertinence des débats. Il pousse surtout des personnes aux intentions contraires à apporter la même réponse à la question. Qu’il y avait-il de commun, lors du référendum sur la Constitution Européenne, entre le non europhobe d’extrême-droite et un non souvent de gauche qui reprochait au texte de trop limiter le projet européen à sa dimension économique ?

La démocratie représentative a donc été imaginée pour permettre d’éviter de trancher par un vote solennel toutes les questions. Certes, on vote bien à l’Assemblée Nationale, mais cela se juxtapose avec des procédures plus complexes de droit d’amendement et de vote par article. Ce système a fait ses preuves, mais n’est pas exempt de défaut… En effet, le clivage binaire entre gauche et droite appelle encore et toujours à tout ramener à une conception manichéenne des choix finalement faits. Cela aboutit au spectacle étonnant de lois dont les articles ont été votés à la majorité, parce qu’une large part des parlementaires approuvent globalement le contenu, se voir risquer un refus global pour des raisons uniquement politiciennes.

Il y aujourd’hui une large aspiration à une démocratie plus directe. Les citoyens souhaitent être associés plus directement à des décisions dont ils se sentent aujourd’hui totalement exclus. Je n’ai pas vocation ici à expliquer le pourquoi, ni même juger d’un sentiment que je ne partage pas vraiment à titre personnel. Il est fort et a des conséquences de plus en plus lourdes, il s’agit donc bien d’y apporter une réponse.

La Suisse et son système de votations particulièrement fréquentes constituent peut-être un exemple à suivre. Le référendum souffre peut-être de beaucoup de défauts aussi parce qu’il n’est pas assez souvent utilisé et il perdrait son côté défouloir s’il devenait plus fréquent. Peut-être. Mais je maintiens que ramener des problèmes complexes à des questions binaires pose un grave problème en soi de simplification outrancière du débat. Il ne permet surtout pas de connaître ce que veulent vraiment les partisans du non. Veulent-il plus, moins ou autre chose ?

Alors prenons le pari d’organiser un vote qui ne soit pas binaire ! Utilisons un des modes de scrutin que j’ai évoqué dans la première partie et voyons ce que ça pourrait donner à grand échelle.

Le plus simple revient à simplement imaginer une élection où on remplacerait les personnes par des propositions. Si on revient à l’exemple du vote sur la Constitution Européenne, on aurait pu imaginer un grand vote à l’échelle européenne où plusieurs textes auraient été proposés. Il y a bien sûr des contextes plus nationaux ou plus locaux où ce genre de processus serait plus facile à organiser. Comme pour l’élection présidentielle en France, on pourrait imaginer un système de tri au préalable des propositions. Pour être proposées aux électeurs, elles devraient recevoir un certain nombre de soutiens d’élus ou même de simples citoyens, même si ce dernier cas, idéal, pose des problèmes d’organisation. Suffit alors de proposer ensuite un mode de scrutin pour départager les propositions comme pour n’importe quel vote pour désigner un élu.

Cela paraît tellement simple, que l’on s’étonne que cela n’ait jamais été vraiment proposé à grande échelle. Simplement, il ne faut pas non plus être naïf, le principe n’est pas sans défaut. Il peut vite se ramener à un affrontement entre deux blocs et pas sûr que cela permette une démocratie apaisée dans laquelle tout le monde se retrouve. La tyrannie des 51% de votants qui feront adoptés un texte ou une loi restera totale et pourra être mal vécue par la majorité (les 49% qui ont fait un choix différent, plus les votes blancs et les abstentionnistes).

On pourrait imaginer minorer quelque peu cet inconvénient en utilisant comme mode de scrutin un vote où on élimine à chaque tour la proposition ayant reçu le moins de voix. Certes, cela pourrait rallonger considérablement les procédures de vote mais pour un texte important, comme une nouvelle Constitution, cela pourrait valoir le coup. Par contre, il faudrait prévoir la possibilité de fusion des propositions à travers des compromis entre deux tours. Cela pourrait permettre aux différentes propositions de s’enrichir mutuellement. Cependant, on peut imaginer qu’une partie des supporters de la proposition de départ soit mécontents de ces arrangements qui reviendrait à un jeu politicien classique que les citoyens ne supportent plus.

Reste alors les modes de scrutin type « médiane » ou « moyenne ». Cela pose évidemment plusieurs contraintes puisqu’ils ne fonctionnent qu’avec des propositions quantifiables et tout ne peut pas s’y réduire. Mais on pourrait imaginer tout de même trancher des propositions aussi complexes que le poids relatifs de chaque secteur dans un budget par ce biais là. En théorie, cela aurait l’avantage de permettre de vraiment dégager une « synthèse » de l’ensemble des opinions où chaque vote pèserait autant qu’un autre dans l’élaboration du résultat.

Cependant, là encore, cela n’a rien d’une solution idéale et sans défaut. En effet, cela interdirait toute politique un peu audacieuse. La tyrannie des 51% deviendrait la théorie du « milieu », qui est peut-être préférable, mais certainement pas dans tous les cas. De plus, cela pousserait facilement le citoyen à des raisonnements qui le pousseraient à fausser son propre vote. Si j’en reviens à mon exemple du chiffre entre 1 et 5, si les sondages annoncent que le résultat sera proche de 2 et que je souhaite 3, je vais voter 5 pour décaler au maximum le 2 vers le 3. La tyrannie du « vote utile » en viendrait donc à fausser le résultat.

De tout cela, on ne peut conclure qu’une chose. Il n’existe sûrement pas de solution miracle et sans défaut. Mais une chose est au contraire certaine, notre démocratie manque parfois d’imagination quant aux procédures qu’elle utilise. Les exemples que j’ai balayés ne sont qu’une infime partie de ce qu’imaginent beaucoup d’esprits fertiles qui proposent régulièrement bien d’autres innovations démocratiques en termes de mode de scrutin. Il serait bon d’en essayer certains à grande échelle. Quelques initiatives pointent doucement leur nez comme le budget participatif d’Anne Hidalgo. Espérons que l’exemple soit assez concluant pour en inspirer d’autres !