ET APRES ?

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Facebook-20150117-091125Il ne faut pas que le souffle retombe. Il y aura un avant et un après. Espérons que les choses ne seront plus jamais les mêmes après ça… Voilà le genre de commentaires que l’on aura pu entendre après les manifestations du week-end dernier et cet incroyable moment de communion nationale. Le genre de commentaires qui vont bien, mais auxquels on a bien de la peine à donner un sens précis et une traduction pragmatique. Qu’est ce qui doit changer ? Qui doit changer ? Dans quelle mesure ? Comment cela doit-il se concrétiser ?

Il n’y aura pas vraiment d’après. Rien ne sera profondément bouleversé, rien ne sera fondamentalement différent, les changements seront ténus. Je ne doute pas, par exemple, que l’abstention sera moins abyssale que prévu aux élections départementales du mois de mars, mais cela ne changera pas grand chose au résultat et si l’élection de conseillers départementaux modifiaient vraiment le cours du monde, cela se saurait. Les gens seront déçus, forcément. Une déception qui finira bientôt par transparaître dans les discours, que ce soit dans les médias ou au café du commerce. Les hommes politiques n’ont pas été à la hauteur, la société française n’a pas été à la hauteur, les autres n’ont pas été à la hauteur, mais personne pour dire qu’il n’a pas été lui-même à la hauteur évidemment.

Il n’est pas question pour moi de me lancer dans la rédaction d’un texte cynique. J’espère que ceux qui me lisent de temps à autre savent bien que ce n’est certainement pas mon genre. Simplement, les déséquilibres géopolitiques et les fractures spécifiques à la société française ne vont pas se résorber du jour au lendemain, surtout que si quelqu’un avait la moindre idée de comment y arriver en ne serait-ce qu’une décennie, j’ose espérer qu’il l’aurait clamé haut et fort.

Pas de cynisme, mais peut-être quand même un peu de découragement face à ce monde qui m’inquiète de plus en plus. Comment on est-on arrivé là ? Et pas simplement à cet attentat ignoble, mais à l’état plus général de notre planète. Le premier événement marquant auquel ma génération a assisté est la chute du Mur de Berlin. La fin de l’histoire pour certains… A l’époque au moins, la fin d’un monde coupé en deux. Ensuite, je me rappelle avoir pleuré devant ma télévision, en assistant en direct à la poignée de main entre Yasser Arafat et Yitzakh Rabin. Cette décennie a vu le monde prendre, à Rio, les mesures efficaces pour sauver la couche d’ozone, grâce à une coordination à l’échelle mondiale. A cette époque, toute la France regardait en prime time les Inconnus parodier la vie de Jésus et toute la France se marrait dans une bonne humeur partagée et bon enfant.

Puis Yitzhak Rabin est mort assassiné. Le 11 septembre a poussé certains à parler de choc des civilisations. Le protocole de Kyoto s’est enlisé. Jusqu’à Charlie…. Peu à peu, une espérance collective en des lendemains meilleurs a laissé place à une immense angoisse. Le monde paraît aujourd’hui terriblement anxiogène, même pour ceux qui semblent à l’abri du besoin. La tension semble au plus haut un peu partout. L’obscurantisme fleurit et couvre de son ombre une partie de plus importante de la société. Les liens entre les humains se délitent de manière inexorable. Et lorsqu’ils se resserrent, c’est généralement face à un ennemi à abattre.

Mais le tout n’est pas de constater tout cela, mais de se demander pourquoi. Et là, j’avoue faire face à une abîme de perplexité. Je ne sais pas, je ne comprends pas. Evidemment, chaque événement pris isolément a son explication, son contexte, son histoire. Mais le tout semble porté par une vague sous-jacente prête à tout emporter, y compris ceux qui essayent tant bien que mal de ramer à contre sens. Mon impuissance à saisir les raisons profondes de tout ça et de là mon incapacité à agir me met en colère.

Peut-être qu’au fond que cette colère nouvelle est la meilleure nouvelle qui soit. Peut-être que nous avions peu à peu perdu notre capacité à nous indigner. A nous indigner vraiment. Les forces qui me font peur aujourd’hui ont sans doute toujours été présentes. C’est sans doute notre capacité à les repousser qui s’est étiolée. Pas forcément de beaucoup, mais suffisamment pour briser un équilibre fragile. Peut-être qu’au fond à force de lutter contre l’intolérance, nous sommes devenus tolérants à des choses qui hier nous révoltait.

Pourquoi ne sommes-nous pas descendus dans la rue après la tuerie perpétrée par Mohammed Merah ? Je ne crois pas qu’il y ait là la moindre forme d’antisémitisme. Tout simplement, la mort, aussi tragique soit-elle, d’inconnus n’arrivera pas à nous toucher autant que la mort de gens qui font partie de notre vie, de notre quotidien. Beaucoup de gens de mon âge ont souligné qu’ils ont connu Cabu en regardant le Récré A2. Avec lui est mort une partie de nous-mêmes, de nos souvenirs. Face à l’horreur anonyme, nous avons su au contraire développer un mécanisme de détachement pour ne pas être emporté par le flot d’horreurs qui se déversent sur nous dès que l’on regarde les infos. On ne peut pas vivre en étant bouleversé tous les jours par tous les drames du monde. Mais n’est-on pas collectivement devenus trop passifs et résignés ?

Au cours de ces derniers jours, j’ai été marqué par quelques détails qui m’inquiètent. Voir autant de monde rassemblé m’a forcément fait penser au 1er mai 2002, quelques jours du deuxième tour de l’élection présidentielle entre Jean-Marie Le Pen et Jacques Chirac. Les mêmes rues avaient été envahies par une foule peut-être pas aussi considérable, mais presque. Aujourd’hui, la présence ou non du Front National parmi les invités au rassemblement de dimanche fait débat, y compris au sein de ceux qui s’étaient alors levés contre lui, il y a moins de 13 ans. On peut refaire l’histoire, critiquer les uns ou les autres pour les mots exacts employés, mais rien que le fait qu’on en fasse un objet de discussion et de polémique, montre le chemin parcouru depuis. Et certainement pas dans le bon sens.

Comment a-t-on pu oublier Brahim Bouarram, mort noyé le 1er 1995 après avoir eu le malheur de croiser le cortège du Front National ? Si l’union nationale se fait contre quelque chose, alors elle ne vaut pas mieux que ce qu’elle combat. L’union nationale doit se faire atour de quelque chose, de valeurs à défendre au-delà de toutes nos autres différences. Comment en est-on arrivé à ce degré d’indifférence vis-à-vis du FN pour concevoir ne serait-ce qu’une seconde que l’on puisse se rassembler autour de quoique ce soit avec lui ? N’est-on pas en train d’adopter ce replis, cette solidarité d’assiégé qui guident justement ceux que l’on dit vouloir combattre ? Et surtout, pourquoi faut-il attendre désormais l’horreur absolue pour envahir la rue, quand avant un simple discours haineux parvenait à mobiliser à ce point ceux qui le refusait il y a encore peu de temps ?

Je ne veux pas déjà jouer à 35 ans, mais j’ai de plus en plus l’impression qu’une partie de la génération qui s’est construite dans ce monde de plus en plus inquiétant l’accepte comme il est. Qu’elle confond respect des différences avec la construction d’une société de plus en plus atomisée. Qu’elle ne hiérarchise plus les idées. Qu’elle fait la confusion entre l’esprit critique et la construction de raisonnements volontairement biaisés au service d’une idéologie. Peut-être est-ce là uniquement de la nostalgie mal placée et qu’à l’adolescence, une bonne partie de ma génération aurait ri devant Dieudonné. Nous avons eu la chance de rire à ce moment de notre vie devant Elie et Dieudonné, à une époque où être noir et juif pouvait être encore avant tout un prétexte pour en rire.

Le « vivre ensemble » a été au centre de beaucoup de discours. C’est vrai que peut-être tout part de ça au final. Que sans aller jusqu’à résoudre les grands problèmes géopolitiques ou sociaux, nous pouvons tous individuellement nous demander comment contribuer à une société où on aurait pas besoin d’institutionnaliser la fête des voisins pour à nouveau se parler. Mon père me racontait que quand il était petit, le soir dans le village près de Toulouse dont est originaire ma famille, on s’asseyait sur des bancs et on parlait. Et puis, un jour la télévision est arrivée et le soir chacun a fini par s’enfermer chez soi. J’ai parfois l’impression que nous revivons une pareille évolution à une autre échelle sans doute.

Je sais bien qu’il ne suffit pas de « se parler » pour résoudre tous les problèmes. Mais bordel de merde pourquoi y a-t-il aujourd’hui tant de problèmes qui, il y a encore si peu de temps, n’en était pas ? Vous l’aurez compris, je n’ai pas aujourd’hui de réponses à ces questions et je ne trouve personne qui m’en donne. Je me dis parfois que cela serait peut-être mieux d’oublier tout ça et de construire mon bonheur au sein de mon cercle de proches. Mais en tant que militant politique, j’ai évidemment envie d’autre chose, de contribuer à répondre à toutes ces questions, à toutes ces angoisses. Je ne sais pas si j’y consacrerai toute ma vie, mais au moins est-ce une quête qui vaut bien d’y consacrer son existence.

TANGO DE DROITE A GAUCHE

droitegauche

droitegaucheBon comme je l’avais annoncé, je vais revenir sur certains points que je n’avais fait qu’effleurer. Et je vais commencer par le plus vaste d’entre eux. Comme je l’avais dit la dernière fois, on pourrait consacrer une livre sur le sujet. Je vais ici me contenter de quelques réflexions qui n’ont absolument pas la prétention d’épuiser le sujet. La question dont il sera question ici est la pertinence aujourd’hui du clivage droite-gauche.

Déjà, il faut déjà s’interroger sur ce que l’on clive. Les personnes ou les idées ? Et pour ces dernières, qu’est ce que cela recouvre exactement ? Gauche et droite se définissent-elles uniquement par les finalités d’une politique ou bien aussi par les moyens employés ? Ce clivage recouvre-t-il entièrement le champs des idées politique ou bien y a-t-il des idées qui peuvent trouver leur place dans les deux camps sans distinction ?

De mon point de vue, gauche et droite se différencient par l’échelle de leurs valeurs. Non par les valeurs elles-mêmes, mais par la manière dont elles les relient entre elles et dont elles les hiérarchisent. Personne n’est pour l’injustice et les inégalités, personne n’est contre la liberté et la solidarité. Quand on est un décideur public, on est souvent amené à devoir choisir entre deux possibilités (et même souvent plus) qui ne sont ni meilleures, ni pires l’une que l’autre, mais impliquent simplement des avantages et des inconvénients différents. On sait bien, par exemple, que liberté et égalité peuvent rentrer parfois en contradiction. Très schématiquement, la droite privilégiera la liberté, la gauche l’égalité.

Dans bien des situations, aucune contradiction n’apparaît et des élus des deux camps peuvent amener à prendre des décisions similaires face à un même problème. Mais pour y arriver, ils empruntent des chemins intellectuels très différents. Simplement, le sens pratique, le « bon sens » comme l’on dit (expression que je déteste et qui représente pour moi la négation de la réflexion politique), impose un même résultat. La pratique active de la politique au sein du Conseil Municipal et donc les discussions fréquentes avec des gens de droite (ce que je fais quand même plus rarement dans ma vie amicale où ils sont relativement peu nombreux) m’ont vraiment renforcé dans cette impression, qui n’en est donc pas qu’une de mon point de vue. Je suis donc fermement convaincu que le clivage droite-gauche a donc vraiment un sens… dans ce cadre-là.

Cependant, cette convergence possible montre bien que certaines idées ne sont pas forcément de gauche ou de droite dans l’absolu. Au final, seule la décision en tant que telle a un impact sur la société et les citoyens, pas le chemin intellectuel qui a mené le décideur à la prendre. Et si droite et gauche peuvent converger vers une même idée, cela ne signifie pas non plus que toute la droite et toute la gauche doivent converger vers le même point.

Prenons l’exemple de la construction européenne. Défendre une Europe Fédérale ou une Europe des Nations ne présage pas d’une appartenance à un bord ou l’autre. Il y a des partisans de chacune de ces visions dans tous les partis et les personnes du même camp s’opposent sur la question. Sur ce sujet bien précis, ils seront plus facilement d’accord avec un « adversaire » que d’un « camarade ». Or, il est de tradition nationale que tous les membres d’un même parti parlent d’une seule voix. Sans cela, tous les médias parleront de crise au sein de ce parti.

On voit bien à quel point tout cela nuit à la qualité du débat démocratique. Au sein des partis, cela conduit à des compromis boiteux, qui ne fâchent personne mais qui ne répondent pas clairement aux questions posées. Et c’est une fois arrivé au pouvoir que l’on s’aperçoit que l’accord n’était que de façade. Cela conduit également au spectacle assez affligeant d’élus d’opposition obligés d’expliquer qu’ils sont pour une certaine idée mais quand même contre sa concrétisation proposée par le camps d’en face. Le débat (si on peut appeler ça un débat) sur la réforme territoriale en constitue la meilleure illustration, alors que certaines évolutions envisagées devraient dégager des majorités n’ayant rien à voir avec les frontières des partis. Et au final, on se retrouve avec des lois qui restent au milieu du gué, alors que parfois la demi-mesure est pire que l’inaction.

Se pose ensuite la question des moyens et des outils. Ces derniers sont forcément au service d’une politique qui très souvent peut être qualifiée de droite ou de gauche ? Mais quand n’est-il des moyens et des outils en eux mêmes ? Pour moi, la réponse est claire, un outil est apolitique. Tout est une question de contexte et il n’y a pas de raison de se priver d’une pièce à son arsenal, sous prétexte que celle-si soit tabou, pour employer un mot à la mode, dans son propre camp.

Prenons l’exemple de la TVA. Elle constitue la première ressource de l’Etat et occupe une place importante dans la vie quotidienne des entreprises. Il s’agit donc d’un sujet majeur dans l’élaboration d’une politique globale puisqu’il est évident qu’on ne peut pas se passer d’un impôt qui représente aujourd’hui environ la moitié des recettes alimentant le budget de l’Etat. Mais parlez une seule fois de la TVA dans une réunion du Parti Socialiste et vous verrez vous lever quelques poings brandis vers le ciel pour dénoncer « le plus injuste des impôts » qui frappe plus lourdement (en % du revenu s’entend) les plus modestes que les plus riches. Pour beaucoup, la TVA est donc foncièrement de droite et aucun homme de gauche ne peut décemment imaginer l’augmenter.

Cependant, la TVA a aussi des vertus. Il a un a très haut rendement, c’est à dire qu’il suffit d’en augmenter un tout petit peu le taux pour voir les recettes qu’il engendre augmenter fortement. Et surtout, il frappe l’ensemble des produits et services vendus en France, même ceux produits à l’étranger ou vendus par des multinationales championnes de l’optimisation fiscale. Acheter un CD sur Amazon, vous ne contribuerez peut-être pas à la hausse des recettes liées à l’impôt sur les sociétés, mais vous contribuerez à la collecte de la TVA, de la même manière que si vous aviez acheté ce livre au disquaire du coin.

Dans le cadre d’une politique globale de gauche, une augmentation modérée de la TVA peut donc avoir tout à fait sa place et être efficace. Notamment dans un contexte quasi déflationniste comme celui que nous le connaissons actuellement. Prenons l’exemple de notre vilain Président qui a eu l’idée maléfique d’augmenter la TVA de 0,4%, ce qui pour certains en fait un suppot du MEDEF et de l’UMP. Mais au final, quel fut l’impact de cette mesure sur l’inflation ? Nul… Vue la conjoncture, aucune entreprise n’est tentée d’augmenter ses prix alors ce sont ces dernières qui ont payé l’intégralité de cette augmentation (et non les plus modestes qui, pour certains, devaient être frappés durement par cette décision inique). Et il s’agit bien ici de toutes les entreprises agissant sur notre sol ! Y compris celles qui ne payent pas de cotisations sociales dans notre pays. Beaucoup de ceux qui crient contre la TVA seront les premiers à défendre une hausse de ces dernières. Sauf que ce genre de décision ne frappe que les entreprises françaises, tandis que leurs concurrents étrangers qui vendent des produits en France profiteront d’une compétitivité (oh le vilain mot!) relative accrue, ce qui est complètement contre-productif.

Bon, pour finir ce billet déjà beaucoup trop long, parlons des personnes. On se contentera d’ailleurs de parler de ceux un minimum actifs en politique pour simplifier un peu les choses. Bref, à part quelques centristes qui le sont rarement vraiment, on est forcément labellisé soit de gauche, soit de droite. Se pose, soit dit en passant, alors la question d’où se situe la frontière entre les deux, mais je consacrerai un billet spécifique à ce sujet. Après, au sein d’un même camp, on peut être plus ou moins d’un côté. Ainsi, Manuel Valls va constituer l’aile droite de la gauche, quand Jean-Luc Mélanchon représente la gauche de la gauche. Mais cela a-t-il vraiment un sens ?

Comme je l’ai dit plus haut, de mon point de vue, ce clivage a toujours un sens profond quand on s’attaque aux valeurs et à un certains nombres d’idées (mais pas toutes). Il est vrai que chez beaucoup de gens les valeurs et les idées d’un même bord ont tendance à s’agglomérer. On est rarement en même temps pour la dépénalisation du cannabis, pour la peine de mort, pour la privatisation des services publics et pour l’augmentation des allocations chômage. Je parle bien encore une fois des personnes qui pratiquent un peu la politique, car au café du commerce on trouve parfois des personnes arrivant à faire preuve de cette incohérence profonde et souvent assumée. Donc globalement, je suis d’accord que l’on peut classer facilement la plupart des hommes et des femmes politiques avec une étiquette « de droite » ou « de gauche » et que cela a un sens. Bref, si ça marche quand même relativement bien, pourquoi je fais chier avec mon billet qui n’en finit pas !

Sauf que deux éléments viennent un perturber cette belle ligne droite où l’on peut aligner tout le monde de façon absolue et rigide. Le premier s’appelle Marine Le Pen. Du temps du père, tout était simple, on avait un libéral opposé à l’immigration et l’avortement. Il était au bout de la droite, c’était incontestable. Mais si être de gauche se caractérise notamment par la défense d’un interventionnisme étatique important et un discours pourfendant les grosses entreprises du CAC 40, alors le placement de la fille est déjà beaucoup plus délicat. Une grande partie de la gauche continue d’ailleurs de refuser de comprendre que le vote Front National n’est plus du tout un vote de droite, mais a complètement fait exploser se clivage. Cela change radicalement le discours que l’on doit adopter face à lui et les stratégies électorales. L’expérience douloureuse de Mantes la Ville aux dernières élections municipales montrent bien que cela n’est pas encore tout à fait assimilé.

L’autre élément est l’écologie. Je côtoie dans mon parti des personnes formidables, qui militent depuis plusieurs décennies de manière admirable. Ils sont souvent « plus à gauche » que moi sur les questions économiques, reprenant dans leurs discours ce que j’ai dénoncé plus haut. Pourtant un certain nombre d’entre eux ne se sentent pas écolo du tout. Leurs combats ont toujours été sociaux et ils n’arrivent pas à considérer l’urgence environnementale comme tout autant prioritaire. Renoncer au nucléaire leur paraît une hérésie. Il y a là une vraie différence entre leur génération et la mienne et s’il y a un reproche que l’on peut faire à François Hollande c’est bien d’appartenir à cette dernière de ce point de vue là. Cependant si on considère qu’être écolo vous tire vers la gauche de l’échiquier politique, je suis sûrement alors plus à gauche qu’eux sur ces questions-là.

J’en arrive donc à ma conclusion (ouf!). Quand il s’agit des personnes, les ranger sur une ligne allant de la droite vers la gauche fausse trop la réalité pour être réellement pertinent. La pensée politique n’est pas en deux dimensions, mais en beaucoup plus. On retrouve parfois un classement des politiques placés sur un plan et non une droite, avec un axe portant sur l’économie (en gros, selon le poids qu’ils veulent voir jouer par la puissance publique), l’autre sur les questions de sociétés (en gros, selon qu’il soit plus ou moins conservateur). Dans une telle représentation le positionnement particulier de Marine Le Pen apparaît clairement, puisqu’elle est beaucoup « à gauche » qu’un Laurent Wauquiez sur les questions économiques, tout en restant la plus « à droite » sur les questions de sociétés. Deux dimensions, c’est déjà mieux qu’une, mais on pourrait en trouver encore bien d’autres (j’ai notamment cité l’Europe et l’écologie). D’ailleurs, les multiplier n’empêcherait pas de les représenter sur un plan en effectuant une Analyse en Composantes Principales (ACP)… Ok, j’en vois qui commencent à se demander de quoi je parle. C’était juste pour me dire que j’aurais cité au moins une fois dans ma vie ce truc que tous les élèves de deuxième année à l’Agro ont l’occasion de pratiquer.

Au fond, est-ce si grave de déformer la réalité pour placer tout ce beau monde sur cette fameuse ligne ? De mon point de vue, oui, cela constitue un problème d’autant plus important que le monde se complexifie. Cela enferme la vie politique en une guerre de tranchées entre deux camps. Chaque camp est obligé de faire bloc pour accéder au pouvoir, mariant la carpe et le lapin, ce qui aboutit soit à l’absence de débat interne au camp vainqueur soumis à un chef, soit à l’explosion en vol de la majorité une fois arrivée au pouvoir. Notre pays est particulièrement caricatural en la matière et il est impossible d’imaginer chez nous des coalitions comme peuvent en naître en Allemagne. Notre système politique devrait prendre exemple sur le Parlement Européen où des majorités sont construites sur chaque sujet. Vous pouvez y voter différemment de votre camarade de parti sans passer pour autant pour un traître et sans que cela n’empêche les textes d’être adoptés après discussions et compromis. En France, on assiste à l’inverse au spectacle étonnant de Cécile Duflot saluant Arnaud Montebourg, alors que ce dernier a toujours défendu l’exploitation du gaz de schiste et du nucléaire, tout ça parce qu’ils sont placés plus « à gauche » que le gouvernement actuel sur cette fameuse ligne, alors que leurs pensées globales, qui sont bien deux pensées de gauche, sont en fait très éloignées l’un de l’autre sur bien des questions (européennes également par exemple).

Je ne suis pas convaincu que le système politique ne pourra pas survivre longtemps à cette dichotomie qui enferme le débat politique dans la caricature. Les problèmes auxquels font face notre société et notre planète valent mieux que ces guerres entre personnes au nom d’un positionnement qui est au fond très artificiel. Quand les difficultés de nos concitoyens sont-elles bien réelles.

LA GAUCHE EN MANQUE D’UTOPIE

utopie

utopieIl est de bon ton d’affirmer que la politique actuellement menée par le gouvernement n’est pas assez de gauche, voire pas de gauche du tout d’ailleurs. Il s’agit là d’un jugement, comme tout jugement d’ailleurs, relativement subjectif, même s’il est objectivement incontestable que François Hollande et Manuel Valls sont plus proche du centre de l’échiquier politique que du bord le plus à gauche. Cette affirmation, pas si gratuite que cela donc, conduit à divers constats qui mériteraient chacun un billet en lui-même. Je vais donc passer rapidement sur chacun d’eux avant de m’attarder sur le premier. Je verrai si je développe les autres plus tard

Avant tout, la première question qui mériterait d’être posée est de savoir si les notions de droite et de gauche ont vraiment un sens, comme si toutes les idées pouvaient se placer le long d’une ligne. Une représentation sous forme d’un plan serait déjà beaucoup plus pertinente de mon point de vue, même si encore relativement inexacte. Mais on touche là à un débat auquel on pourrait carrément consacrer une thèse ou un livre alors je continuerai à utiliser ce raccourci dans la suite des débats.

Ce genre d’affirmation montre également à quel point pour beaucoup de gens de gauche, ce qui se situe moins à gauche qu’eux est à droite… Ok à première vue, cela ressemble à une affirmation de pure logique. Mais cela veut surtout dire qu’aussi large soit l’espace situé à la droite d’eux, il représente un espace homogène, simplement désigné par « la droite », peuplé de suppôts de Satan qui enterreraient volontiers les immigrés vivants et enchaîneraient les ouvriers avec un plaisir sadique. Peut-être que c’est la même chose (enfin de manière inversée) chez les gens de droite mais j’en fréquente peu… En tout cas, cela souligne le caractère profondément manichéen de la pensée politique en France, qui diffère profondément dans ce domaine de l’Allemagne, pays du compromis et des coalitions.

Le constat suivant vient lorsque l’on demande à la personne qui vient de clamer le caractère profondément droitier du gouvernement avec énergie d’étayer son jugement. On se heurte souvent à une incapacité de citer les raisons profondes qui le poussent à penser ainsi. Il y a bien les indémodables propos de Manuel Valls sur les Roms, combien même le sujet ait totalement disparu depuis plus d’un an. Elle peut également évoquer le fait que l’on fait des cadeaux aux patrons, en étant rarement capable d’expliquer en quoi ils consistent exactement. Elle peut également citer les déclarations d’Emmanuel Macron (à propos duquel Cécile Duflot vient de déclarer qu’il est plus à gauche qu’il en a l’air) sur les 35h, combien même elles ne constituent qu’une toute petite citation d’une longue interview donnée avant qu’il soit ministre et qui n’engage en rien le gouvernement. Elle ne sait donc pas vraiment pourquoi le gouvernement est à droite, mais elle le sait, puisque tout le monde le dit, tout le monde le sent. C’est l’éclatante démonstration de l’incapacité profonde de François Hollande et de son équipe d’expliquer ce qu’ils font, pourquoi ils le font et pourquoi c’est bien. Le refus de mettre en scène, de faire du storytelling autour d’une ou deux mesures phare qui n’aurait peut-être qu’une portée limitée dans l’absolu, mais permettrait de contrôler le jeu médiatique, qui aujourd’hui lui échappe totalement. Mais quand on vient d’un parti dont la principale activité consiste à pondre à la chaîne des textes de 20 pages aussi vite oubliés qu’ils sont écrits, cela n’a rien d’étonnant.

Puis viens enfin l’ultime : qu’est ce qu’il faudrait faire alors ? Tout le monde s’accorde qu’il faut à la fois réduire les déficits et relancer l’économie, combien même cela s’apparente à une quadrature de cercle. Il faut que tout cela se fasse avec plus de justice, pour plus d’égalité, valeurs qui sont certainement celles qui sont les plus profondément ancrés à gauche. Oui mais concrètement, on fait quoi ? Et là, la question reste le plus souvent en suspens.

Face à ça, on peut adopter deux attitudes. Dire simplement que c’est le boulot des politiques de trouver les solutions, attitude qui montre bien dans quel état est l’esprit démocratique dans notre pays. Sinon, on peut aussi essayer de réfléchir deux secondes et se demander pourquoi cela semble désormais si difficile de définir précisément en quoi consisterait une politique économique de gauche. Parce que quand vous discutez avec des gens de droite (ça m’arrive quand même notamment mes collègues conseillers municipaux viroflaysiens), ils ont rarement d’hésitation au sujet de ce qu’ils voudraient voir appliquer.

Je pense que la grande différence entre la gauche et la droite est l’existence ou non d’un idéal. A droite, il existe encore une « utopie » libérale où impôts et puissance publique seraient réduits à zéro. A gauche, il existait le communisme, mais l’histoire l’a tué. Ainsi, il est beaucoup plus facile intellectuellement de se dire qu’on peut aller beaucoup plus loin à droite (combien même l’expérience montre que cela est aussi désastreux que dans l’autre sens, mais il n’y a jamais eu d’URSS ultra-libérale). A gauche, on sait qu’il existe une limite à partir de laquelle on court à la catastrophe. Mais le plus dur reste évidemment de déterminer exactement où elle se situe.

Les utopies sont toujours belles sur le papier et monstrueuses dans leur traduction dans la réalité. En effet, elles se basent sur des absolus quand la vie en société est forcément faite de diversité et de variété. Avoir pu constater l’horreur de l’utopie de gauche pourrait donc constituer une bonne nouvelle car elle nous protège de son retour. Mais les utopies ont l’immense avantage de structurer la pensée, de tracer une route vers un absolu qu’il ne faut certes pas atteindre mais qui au moins montre la voie. Elle apporte à la pensée politique cette part de rêve qui manque cruellement aujourd’hui à gauche, même si les rêves tournent souvent à la déception puisqu’ils ne peuvent le plus souvent jamais se réaliser. Peut-on vraiment imaginer un grand élan collectif émerger sans tout cela ? Rien n’est moins sûr.

Reste donc à rebâtir une utopie de gauche qui ne consiste pas en la collectivisation des moyens de production. L’économie de marché (qui n’est pas synonyme de capitalisme ou de libéralisme, rappelons-le) a gagné définitivement et même les Partis Communistes qui survivent encore l’ont largement accepté. Il faut donc une autre voie vers laquelle les espoirs à gauche pourraient se tourner. Je vois deux pistes possible.

La première serait une utopie écologiste. Je vois bien le fossé générationnel qui existe, au moins au sein du PS, mais je pense largement ailleurs, sur les questions environnementales. Elles constituent à mon sens certainement le vecteur le plus fort de mobilisation d’une jeunesse (et la jeunesse en politique se termine vers 60 ans…) qui a dramatiquement déserté le champs politique. Or, c’est forcément avec elle que l’avenir se construira, à mesure que le règne des baby-boomers s’achèvera. Mais le problème est qu’il n’y pas qu’une utopie écologiste, mais des dizaines. Entre les supporters de la décroissance et les défenseurs de la croissance verte, l’unité ne se fait que sur le concept de la défense de l’environnement, certainement pas sur son contenu et sa traduction concrète. Or, c’est bien ce qu’il faut définir pour tracer la voie qui mènerait à cette utopie. Et il n’est pas sûr que ces contradictions ne soient jamais réellement surmontables.

La seconde est l’utopie libertaire, une sorte de modernisation des idéaux de Mai 68. Le soucis est que cette utopie s’est bon gré mal gré largement concrétisée. Il reste peu de droits fondamentaux qui concerneraient l’ensemble de la population qui resteraient à conquérir. Les grands terrains de lutte ne se rapportent plus qu’à une frange de celle-ci, qui peut être certes très large, comme pour l’égalité hommes-femmes, ou plus restreinte (droits des homosexuels, fin des discriminations diverses et variées,…). La seule idée qui pourrait servir d’étendard à une telle utopie serait la diminution du temps de travail. Or aujourd’hui, elle est présentée par son principal défenseur, Pierre Larrouturou, comme une réponse aux problèmes économiques, quand elle devrait, à mon sens, n’être qu’un morceau d’une réflexion plus large et beaucoup plus sociétale sur la place du travail dans notre existence.

Retrouver une utopie de gauche à court terme est donc loin d’être gagné. Un long travail intellectuel est à mener. Reste à savoir qui doit le mener. Evidemment les partis politiques, leur personnel et leurs militants auront un rôle important à jouer. Mais les grandes idées qui ont profondément marqué les mouvements politiques sont rarement nés en leur sein. Karl Marx était un économiste et un intellectuel, pas un élu. C’est à l’ensemble du peuple de gauche de se mobiliser au travers des organisations politiques, mais aussi au travers des clubs de réflexion, qui restent des lieux fertiles, mais qui concernent désormais le plus souvent que des poignées de spécialistes, ou d’un monde associatif dont le but est de plus en plus la défense d’intérêts ultra locaux, pour ne pas dire totalement égoïstes.

Si les grandes idées sont des grands arbres, elles ne peuvent naître que sur un terreau fertile le plus large possible. Or, on ne peut pas demander à des élus chargés de traiter à plein temps des dossiers de plus en plus complexes et techniques de faire seuls ce travail. Participer à ces réflexions, que ce soit sur un sujet en particulier, à une échelle spécifique, où au contraire en visant l’émergence d’un modèle universel et fédérateur fait aussi partie du devoir d’un citoyen. On ne peut pas demander à d’autres, au travers de la démocratie représentative, de défendre des idées qui nous ressemblent quand on ne prend jamais le temps de participer à leur construction.

LA LIGNE DE FRONT

europeennes2014

europeennes2014Si les résultats des dernières élections municipales avaient engendré moult commentaires, ceux des européennes font pleuvoir les analyses, depuis le journal le plus sérieux, jusqu’au café du commerce. Un intérêt pour les résultats qui semblent inversement proportionnel à celui que nos concitoyens ont porté à la campagne. Il faut dire qu’on a assisté concours de formules apocalyptiques, (tempête, séisme…) pour décrire ce qui s’est passé le 25 mai.

Pourtant, ce résultat n’avait rien d’une surprise. A quelques arrondis près, il est conforme à ce que tous les sondages annonçaient, avec une dynamique très favorable au FN sur les derniers jours. Cela n’a pas empêché tout le monde d’avoir totalement l’air étonné et abasourdi. Fermer les yeux alors qu’on va droit dans le mur constitue une généralement très mauvaise façon d’éviter le choc. C’est même le meilleur moyen pour le rendre inéluctable. Et c’est bien ce que s’évertue à faire la classe politique depuis longtemps !

S’il y a une grande leçon à tirer définitivement de ce scrutin, c’est que le vote FN est désormais un vote qui dépasse de très loin le clivage gauche/droite. On le sait depuis longtemps, mais c’est très dur à accepter à gauche. Il faut voir comment le PS et le Front de Gauche construisent leur discours pour s’opposer à Marine Le Pen pour comprendre à quel point ils refusent cette réalité. Comment expliquer autrement que la liste PS ait fait plus à Viroflay, ville pourtant très à droite mais où le FN fait toujours des scores faibles, un résultat meilleur qu’au niveau national ? Quelque chose a vraiment changé à ce niveau-là et il est temps d’en tirer les conséquences.

Les résultats de Viroflay montrent aussi à quel point le vote FN se nourrit des problèmes rencontrés par la population. Démontrer que les solutions qu’ils proposent sont inefficaces est un coup d’épée dans l’eau. Car aux yeux de ceux qui leur apportent leurs suffrages,elles n’ont d’autre mérite que d’être différentes que celles proposées par des partis dit de gouvernement, qui se sont montrés incapables de réduire durablement le chômage, la précarité, le mal-logement et les inégalités dans notre pays.

Il n’y a donc qu’un seul moyen pour faire refluer le Front National : faire entrer dans notre pays dans une dynamique positive où les problèmes semblent se résoudre plutôt que s’accroître. Je sais que lorsque l’on a dit ça, on n’a rien dit puisque si la tâche était facile et les solutions connues, ça se saurait. Mais une chose est sûr, le discours de culpabilisation, le rappel à l’histoire deviennent chaque jour plus inefficaces, voir même contreproductifs. IL y a urgence de s’en rendre compte avant de vivre en 2017 des soirées électorales beaucoup plus sombres que celle du 25 mai dernier.

AU DELA DE LA PAIX

martinschulz

martinschulzDimanche prochain auront lieu les élections européennes. Personnellement, mon bulletin viendra soutenir la liste conduite par Pervenche Bérès qui méritait bien de bénéficier enfin de la lumière de quelques timides projecteurs. Timides par rapport au travail fourni depuis des années au Parlement Européen dont elle est un des piliers (et accessoirement une vice-présidente). Mais je voterai aussi, pour ne pas dire surtout, pour que Martin Schulz préside la Commission Européenne. Je vais donc voter pour soutenir un Allemand, un siècle tout juste après le début de la 1ère Guerre Mondiale.

C’est un symbole… Mais c’est aussi un cliché. Lors de la dernière visite de nos camarades du SPD de Hassloch, avec lesquels nous sommes jumelés, nous avons eu des échanges particulièrement intéressants et une réflexion m’a profondément marqué. Et si finalement, le désintérêt pour l’Europe en tant qu’institution, particulièrement fort chez les jeunes, ne venaient pas du fait que les générations plus anciennes mettent particulièrement en avant quelque chose qui pour leurs enfants et leurs petits enfants coule de source. Il est dur de se passionner, d’avoir envie de se battre pour quelque chose qui semble acquis et naturel.

La paix, la collaboration plutôt que la haine, les échanges plutôt que la méfiance, autant de valeurs qui fleurissent dans certains discours culpabilisants visant à ramener les plus jeunes aux urnes. Mais quel jeune aujourd’hui rêve de revanche et d’aller en découdre avec les Allemands ? La construction européenne s’est faite pour surmonter le traumatisme d’une première moitié du XXème siècle particulièrement meurtrier. Cela se situe au cœur du projet européen et les évènements en Ukraine nous montre bien qu’il est impératif de ne pas totalement l’oublier. Mais il est temps de dépasser cette simple dimension et de proposer plus, ou du moins autre chose si on veut que le projet retrouve réelle adhésion.

Que l’idée d’une culture commune, de l’appartenance à un même espace pacifié soit devenu indépendante des institutions européennes constitue peut-être la plus grande victoire de ces institutions, mais paradoxalement désormais leur plus grande faiblesse. Ca ne suffit plus à convaincre, à donner envie. Il faut donc redonner aux citoyens le sentiment que l’Union Européenne est une structure utile, pour ne pas dire indispensable, à notre prospérité économique, à la progression de nos droits et à la réussite des mutations écologiques et numériques de nos sociétés. La gestion de la crise de ces dernières années a montré que dans ce domaine, l’UE est encore bien déficiente.

Mais renoncer aujourd’hui à faire progresser l’Europe serait une terrible erreur pour demain.

LE JOUR D’APRES

manuelvalls

manuelvallsAprès un long silence pendant cette campagne électorale dans laquelle j’ai mis tant de temps et d’énergie, il est temps de reprendre la plume. Je reviendrai sûrement bientôt sur la manière dont j’ai vécu cette expérience d’un point de vue personnel. Mais commençons par une analyse purement politique, puisque les 24 dernières heures ont vu le paysage politique français évoluer de manière brutale.

La défaite du PS a surpris par son ampleur, qui l’a transformée en déroute historique. Mais devait-on être vraiment si surpris que ça ? Je ne veux pas jouer les donneurs de leçon a posteriori parce que j’ai été le premier à ne pas voir le mur arriver, ou du moins pas avec cette violence. Rien sur le terrain pendant cette campagne ne nous a préparés à ça et la sanction a frappé durement des élus remarquables dont la sympathie de la population semblait acquise.

Avec le recul, je pense que le PS n’a pas assez appris de ses… victoires passées. En 2010, les élections régionales s’étaient soldées par une victoire écrasante de la gauche, avec des scores historiques y compris dans ma bonne ville de Viroflay. Ce fut un soir heureux pour notre camp et nous avons interprété ça comme une reconnaissance du travail des élus socialistes à la tête des régions. Certes nous n’étions pas assez naïfs pour ne pas y voir aussi un rejet de Nicolas Sarkozy, mais nous refusions de ne pas y voir aussi un soutien à notre action. Mais quel électeur est capable de mesurer la qualité du bilan d’un Conseil Régional ?

Tout le monde pensait que les élections municipales étaient beaucoup plus ancrées dans un contexte local connu des électeurs. Mais depuis que je suis élu, j’ai pu mesurer à quel point l’immense majorité de nos concitoyens ignorent tout (et se moquent souvent aussi d’ailleurs) des enjeux de proximité et de ceux qui les portent. Et si la gauche a réussi à bâtir une telle emprise sur l’ensemble des collectivités locales au cours de ces 25 dernières années, c’est peut-être tout simplement parce que nous avons passé beaucoup plus de temps dans l’opposition au niveau national qu’au pouvoir.

C’est un constat douloureux parce que toutes ces victoires dans les villes, les départements et les régions ont été acquises par des gens et des équipes formidables, à l’engagement et aux compétences remarquables. Ces victoires ont toutes été méritées. Mais il faut ouvrir les yeux sur le fait que quelque soit le niveau, toutes les élections se jouent à la lumière du bilan de l’équipe gouvernementale. Pour un militant de base, un élu de terrain comme moi, c’est horrible difficile à admettre, tant cela vide de sens une grande partie de son action. Mais la fraction qui reste vaut sûrement encore le coup de se battre.

Cela renvoie surtout à un problème beaucoup plus profond qui se manifeste par l’incapacité totale des majorités gouvernementales de droite comme de gauche à emporter un minimum d’adhésion. Le désenchantement semble de plus en plus rapide, alors que tout le monde, la classe politique avant tout mais pas que…, continue de faire comme si de rien n’était et à ne même pas poser la question de dysfonctionnements qui ne trouveraient pas leur réponse à travers un clivage droite/gauche. Lors de la soirée électorale de dimanche soir, Henri Guaino (oui ça fait chier de citer Henri Guaino, mais bon…) a vaguement tenté de soulever ce débat, sans trouver aucun écho, si ce n’est une réponse de Cécile Duflot qui a replacé les échanges au niveau du tout petit bout de la lorgnette. C’est quand même dommage qu’une femme politique si jeune, qui incarne encore beaucoup plus le futur que le passé, ne soit pas capable de saisir cette balle au bond. Au-lieu de ça, a eu lieu cet éternel ping-pong entre deux camps sur l’air de « c’est pas notre faute, c’est la votre… ».

Mais ce jeu est indécent. Parce qu’au milieu de ses revois de balle totalement stériles, il y a des gens au chômage, en situation précaire, n’arrivant pas à se loger, vivant chaque jour un sentiment plus fort de déclassement. Comment s’étonner qu’ils finissent par s’abstenir ou voter Front National ? Faire de la politique c’est avant tout chercher à régler les problèmes, apporter des solutions face aux difficultés rencontrés par ses concitoyens. Et c’est bien ce que cherchent à faire tous ses responsables politiques. On travaille beaucoup dans les ministères, à l’Assemblée, dans les partis et les collectivités locales. Beaucoup plus que le pensent beaucoup de mes compatriotes. Mais comment peuvent-ils se rendre compte de ce travail quand les discours sont parasités par des considérations sans intérêt ? Mon expérience de militant de base m’a montré que c’est un travers qui touche le monde politique de la base au sommet. C’est inhérent à cette activité et aussi à la nature humaine, mais il faut savoir parfois s’arrêter, prendre de la hauteur et dire « et si on arrêtait de déconner ? ».

La déroute électorale aura donc conduit le Président de la République à nommer Manuel Valls au poste de Premier Ministre. Je ne m’étendrai pas sur la manière dont je vis ça en tant que militant politique, en tant qu’homme de gauche aux convictions fortes. Parce que je dois m’efforcer de ne pas tout ramener à ma « sensibilité » de personne qui s’intéresse de près à la politique. La seule question est de savoir si le prochain gouvernement réussira, dans la mesure du possible, à faire baisser le chômage, construire des logements et rendre plus efficace tout un tas de choses qui déconnent. La plupart de nos concitoyens se moquent bien, et ils ont raison, de savoir si ça vient d’un mec plus à gauche ou plus à droite que machin bidule, chaque camp ayant démontré depuis longtemps son incapacité à régler vraiment un certain nombre de problèmes de fonds et se repassant constamment la patate chaude.

Le gouvernement de Manuel Valls n’adoptera sûrement pas toujours une ligne qui serait la mienne. Cependant, si, suite à ce changement, des choses avancent dans le bon sens grâce à lui, il faudra s’en réjouir. Seuls comptent les résultats. Le nouveau gouvernement n’en a pour l’instant aucun (surtout qu’il n’est pas encore constitué à cette heure), seul l’avenir nous permettra de les connaître. Un avenir que les gens de gauche ont vu s’assombrir ce week-end. Mais si le pire arrive parfois, comme cette déroute électorale, il n’est jamais sûr non plus…

LE MEDEF, UNE ENERGIE POUR HIER

medef

medefSi la mode est à accabler la classe politique de tous les maux, d’autres acteurs de la société devraient peut-être s’interroger sur leurs propres responsabilités avant d’émettre la moindre critique. On peut bien sûr déjà parler des électeurs eux-mêmes, qu’il est très politiquement incorrect de critiquer, mais qui nous ont livré une nouvelle preuve il y a deux semaines dans les Yvelines de leur capacité à voter en masse pour un édile corrompu, tout en criant « tous pourris ». Mais le MEDEF nous a livré un exemple encore plus édifiant, en refusant dans un premier temps de signer le document de conclusion du débat sur la transition énergétique. Certes, face à la consternation générale et après quelques amendements, la principale organisation patronale a finalement donné son accord, mais cela reflète bien le manque de vision qui préside à la gestion de nos grandes entreprises.

Peut-être que je garde une certaine aigreur de ma longue période de chômage à la fin de mes études, mais je ne crois pas me tromper en comparant nos grandes entreprises à une gérontocratie, hyper hiérarchisée où réseau et pédigrée sont plus importants que le talent ou l’imagination. La France est connue pour être le pays où le diplôme joue le plus grand rôle et ce tout au long de la carrière. Mais même avec le bon sésame, vous devrez patienter longtemps avant d’accéder à de vraies responsabilités. Si beaucoup de jeunes diplômés de haut niveau s’expatrient à la fin de leurs études, ce n’est pas pour payer moins d’impôts ailleurs, comme le voudraient certains, mais parce qu’il n’y a qu’à l’étranger qu’ils trouveront un job à la hauteur de leurs qualités et de leurs ambitions.

Il y a là quelques points de croissance qui s’évanouissent dans la nature, bien plus en tout cas que notre fiscalité soit-disant confiscatoire. Le MEDEF reproche à l’Etat les maux qui rongent nos grandes entreprises qui peuvent souvent se muer en monstres technocratiques. Tout en appelant ce même Etat au secours à la première occasion. Mais son attitude face à la transition énergétique montre bien qu’elle est incapable de vraiment inventer le monde de demain. Après avoir totalement raté la révolution numérique, nos grandes entreprises vont-elles raté la transition énergétique ? Vont- elles encore une fois imaginer que le monde sera comme elles le souhaitent, même si toutes les tendances semblent indiquer le contraire ?

Tout cela me rappelle les débats que j’ai pu avoir avec mon Maire concernant la construction de logements. Il ne s’agit pas de savoir les efforts qu’on est prêt à faire, il s’agit de répondre à un besoin quantifié qui engendre une urgence. Même si cela engendre des évolutions qu’on voudrait éviter dans l’absolu, on n’a pas le choix, il faut les accepter. C’est la même chose avec la lutte contre le changement climatique. Il est temps de comprendre que nous ne sommes pas devant un choix, mais devant une obligation. Mais visiblement, encore une fois, le MEDEF a préféré le déni.

LA CARTE ET LE TERRITOIRE

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carteterritoireUn rapport de la Cour des Comptes rendu public cette semaine appelle l’Etat à rationaliser son organisation dans les territoires. Multiplication des structures s’occupant des mêmes problématiques, découpages territoriaux différents selon les administrations, les points noirs et les incohérences sont nombreux. Bien sûr, on peut trouver que la Cour des Comptes en fait toujours un peu trop et prêche toujours pour le « toujours moins » et une austérité qui a déjà largement prouvé à quel point elle pouvait se révéler contre-productive. Mais personne ne peut nier que la gouvernance territoriale de notre pays est largement insatisfaisante.

J’ai notamment pu participer activement à ce débat lors du dernier Conseil Municipal de Viroflay, où nous avons discuté du projet de loi créant une instance de gouvernance à l’échelle de l’aire urbaine de Paris. Si bien des critiques peuvent être formulées contre ce projet, j’ai été choqué par l’étroitesse des arguments avancés par mon Maire pour s’y opposer. Seul lui importe la conservation de ses prérogatives attachée à son mandat. Aucun recul, aucune volonté de trouver enfin des solutions aux grands déséquilibres que connait notre Région et à l’insuffisance chronique de construction de logements. Les élus municipaux sont ceux qui détiennent le pouvoir dans le domaine de l’urbanisme, ces échecs sont donc les leurs. Mais ils étaient difficiles pour eux de réussir puisqu’on leur demande de traiter un problème qui se pose à une échelle supérieure à la leur.

Ceci montre à quel point une réforme territoriale profonde doit se faire contre ceux qui possèdent le pouvoir au niveau local. On parle ici des élus, mais aussi des administrations, des organismes, des services, bref tout ceux qui verraient leur quotidien bouleverser par de profonds changements. Or le changement, voilà quelque chose qui se heurte toujours à de fortes résistances. Et il est d’autant plus difficile de les surmonter que ceux qui en expriment possèdent du pouvoir et de l’influence. Le salut pourrait venir des citoyens, mais le référendum en Alsace sur la fusion possible des deux départements a également montré que le changement est avant tout souhaité, surtout s’il a lieu chez le voisin. On peut cracher tant qu’on veut sur les élus, force est de constater que les électeurs adoptent des comportements tout à fait similaires.

Une réforme en profondeur de la gouvernance territoriale est donc un long et difficile combat. La loi portée par Marilyse Lebranchu constitue une avancée très en deçà de ce qui serait nécessaire. En ces temps politiques difficiles, la majorité actuelle ne peut pas se mettre à dos la foule des élus locaux. Il y a là pourtant de grandes sources d’économie, de gain d’efficacité et de compétitivité pour notre pays. Des évolutions que tous les responsables appellent de leurs vœux… du moment que ce n’est pas au prix de la moindre diminution de leur petit pouvoir personnel.

UNE TRAGEDIE, BEAUCOUP DE QUESTIONS

clementmeric

clementmericLa mort de Clément Méric a profondément touché tous ceux qui militent et se battent. Elle nous rappelle que ces engagements ne sont jamais anodins. Dans les Yvelines, en particulier, on nous rappelle souvent qu’il ne faut jamais coller des affiches en étant tout seul car nous gardons encore en mémoire la mort d’un de nos camarades en 1986, assassiné par un membre du Front National alors qu’il effectuait ce geste qui appartient à notre quotidien militant.

Ce genre de drame donne toujours lieu à de multiples tentatives de récupération, à des amalgames ou des caricatures. Face à ce genre d’horreur, il est tentant de repeindre la réalité en noir et blanc, de faire des victimes des héros et de mettre sur le dos des coupables des maux qui les dépasse. Cela n’a pas manqué et a alterné entre le pathétique et le franchement insupportable. J’ignore comment la famille et les proches de Clément Méric ont pu vivre ce déferlement médiatique. Sûrement partagés entre un élan de solidarité réconfortant et un sentiment de désappropriation d’un deuil intime.

Evidemment, les nombreuses questions que cette tragédie ont soulevé restent malgré tout légitimes, même si elles se posaient avant et se poseront avant ce qui reste tout de même avant tout un fait divers. L’existence de groupes d’extrême droite violents est un fléau dont la Manif pour Tous a rappelé la réalité (ce qui a conduit aux pires amalgames, dans les deux sens d’ailleurs). Les dissoudre n’apparaît que comme une façon de pousser la poussière sous le tapis. Mais cette décision constitue aussi l’affirmation d’une sanction contre ces agissements, de l’affirmation qu’il existe bien une ligne blanche que la société refuse de voir franchir, même s’il y aura toujours des gens pour le faire. On est peut-être dans le symbole ou l’angélisme, mais la normalisation du Front National a sûrement fait contribuer à effacer cette frontière. Il est donc bon de la rendre à nouveau clairement visible.

Je ne connaissais pas Clément Méric. Je ne sais pas s’il était un ange. J’en doute. Je ne sais pas exactement ce qui s’est passé ce soir là. Mais ce que je sais, c’est que lutte contre le fascisme reste une cause qui ne doit jamais s’éteindre car le bête est là, toujours présente et bien vivante.

A CHACUN SES MOTS

famille

familleUn jour, en Conseil Municipal, j’avais été assez surpris par une réflexion de mon Maire qui avait fait une remarque ironique avant d’employer lui-même l’expression de justice sociale. Cela m’avait fait réaliser à quel point certains éléments de langages, certaines notions, concepts ou même thématiques sont tellement associés à un camps politique qu’il devient quasiment un gros mot pour celui d’en face. Pourtant, une pensée politique qui ne jure que par le mérite devrait défendre bec et ongles la justice sociale, même si elle consiste à sucrer des allocs à des chômeurs impénitents.

Cela marche aussi évidemment dans l’autre sens. Essayer de changer une Marseillaise dans une manifestation de gauche, on vous regardera tout de suite d’un œil suspect, alors qu’aux dernières nouvelles, il s’agit de l’hymne du pays tout entier. J’avais d’ailleurs beaucoup apprécié en 2002 l’initiative au Trocadéro, à l’entre deux-tours, d’un rassemblement pour chanter la Marseillaise et montrer qu’elle n’était en rien la propriété du Front National.

Le thème de la famille fait partie de ces mots qui semblent incompatibles avec une politique de gauche. Un peu comme pour la sécurité, un gouvernement socialiste est forcément soupçonné d’être anti-famille et de vouloir sournoisement casser des dispositifs qui fonctionnent. Que cela soit totalement absurde et que certains pans de notre politique familiale soient carrément injustes socialement (désolé, c’est mon ADN de gauche qui revient au galop) semblent hors sujet et la droite n’a même pas besoin de faire de propositions pour apparaître comme les premiers défendeurs de la famille.

Ce genre d’appropriation est le signe d’une défaite idéologique du camp d’en face, qui abandonne le champ de bataille à son adversaire. Devoir vaincre un soupçon avant de convaincre demande le double d’énergie et il vaut mieux surfer sur une vague de popularité pour y arriver. Mais c’est avant tout une grave défaite pour le débat public. On ne peut pas dans notre pays mettre vraiment à plat les politiques familiales, sécuritaires ou migratoires. A l’inverse, les débats sur le partage des richesses crées (ne parlons même pas de redistribution), l’égalité hommes/femmes ou les alternatives à la prison n’auront jamais vraiment lieu. En effet, y participer quand on n’est pas du bon camps paraîtra toujours suspect aux camarades de son propre bord. Du coup, les échanges se résument à des argumentations contrées par des cris d’orfraies et des postures purement idéologiques.

La famille n’est ni de gauche, ni de droite. A la vue des derniers évènements, il est par contre évident que tout le monde n’en a pas la même définition.