TOUT CA, POUR CA : 10 ANS DE MILITANTISME AU PARTI SOCIALISTE : EPISODE 34 : Régionales 2015 : la machine à perdre

episode34Je vous ai parlé à de nombreuses reprises dans cette chronique de cet objet étrange qu’est une fédération au Parti Socialiste. Un truc qui prend beaucoup d’énergie et de temps aux militants les plus investis, sans servir à grand chose au fond. Constituer la liste des candidats pour les élections régionales constitue un des rares moment où elles jouent un vrai rôle. Et c’est bien pour ça que la majorité fédérale sortante avait tout fait pour renforcer son emprise sur les instances, en se comportant de la pire des façons et profitant d’une certaine naïveté de la part de notre collectif hollandais.

Quand les discussions débutent, nous comprenons vite que nous allons avoir un problème. En effet, parmi les élues sortantes, trois appartiennent à notre motion. Une a vendu son soutien à majorité hamoniste au moment du congrès. Une est candidate largement hors sol, mais qui bénéficie d’importants soutiens au niveau national. L’autre fait pleinement partie de notre collectif, mais certains s’en méfient (l’histoire leur donnera largement raison). A cela, s’ajoute la volonté légitime d’une des militantes les plus méritantes qui soient, qui n’a rien à envier à personne intellectuellement et moralement, de voir son travail dans l’ombre depuis des années enfin récompensé.

Or, le rapport de force issu du Congrès ne nous permet pas d’espérer autant de places éligibles (à l’époque on espère encore légitimement remporter la victoire) pour les femmes. Il faudra donc choisir. Au sein de la motion, mais aussi donc au sein de notre collectif. Les négociations s’annoncent difficile, puisque nous n’avons strictement aucun moyen de pression. La majorité n’a pas besoin de nous pour faire adopter la liste qu’elle aura choisi et à remplir les places réservées à notre motion avec des candidats qui lui plaisent. Quiconque a déjà mené une négociation dans ces conditions sait qu’il ne s’agit pas vraiment d’une négociation.

Le résultat de la discussion est sans surprise. Il n’y avait pas grand chose à espérer et le résultat est à la hauteur de nos espérances. Notre chef de file est le mieux placé de notre motion chez les hommes. Mais au gré des alliances avec nos meilleurs amis des autres partis, il se retrouvera à une modeste 10ème place sur la liste du deuxième tour. Chez les femmes, la majorité hamoniste fera strictement ce qu’elle veut et ne favorisera aucune des deux candidates issues de notre mouvement. Enfin pas tout à fait ce qu’elle veut…

Le soir de la validation de la liste (du moins celle des candidats socialistes), Benoît Hamon, qui y figure en deuxième position derrière la première fédérale, mène clairement les débats. Il annonce une liste où la candidate hors sol se situe plus loin que ce qu’elle espérait. Elle fait mine de protester. J’assiste alors à une scène les plus marquantes de ma carrière de militant. Benoît Hamon et elle se retrouvent dans les derniers rangs de l’assemblée, tout près de là où je suis moi-même assis. J’entends donc clairement ce qu’il lui dit. Ses mots sont durs et humiliants, d’une méchanceté totalement déplacée. Il lui explique que c’est lui qui décide et qu’elle n’a strictement rien à dire. Elle est visiblement choquée, elle l’écoute sans le regarder en fixant le vide devant elle, retenant ses larmes avec la plus grande des difficultés.

Cette anecdote en dit déjà long sur les mœurs du personnage. Mais l’épilogue dresse un portrait encore plus lamentable. Dans les jours qui suivent, la direction nationale du PS (et certainement Martine Aubry en personne) a ordonné que les choses rentrent dans l’ordre. La candidate humiliée retrouvera sa troisième place sur la liste. Témoigner d’un excès d’autoritarisme est souvent la preuve qu’on en manque en réalité d’une réelle autorité. Je n’appréciais aucun des deux protagonistes de cet épisode. Mais elle ne méritait certainement pas une telle humiliation. Et lui perdra toute chance que je lui apporte jamais le moindre soutien… élection présidentielle incluse.

Ce soir-là, je faisais partie des rares militants à voter contre la liste proposée, par amitié pour la militante que nous n’avions pas pu porter à la place qu’elle méritait. Cela ne changeait vraiment rien, mais je ne regrette vraiment pas. Mais ce soir-là signera le vrai début de la fin pour notre mouvement. La constitution de la liste laissera beaucoup de rancœurs, trop pour que le chemin puisse se poursuivre ensemble.

Tout ceci n’est pas grand chose de toute façon comparée à l’immense gâchis qui conduira à la défaite de la gauche à une élection qu’elle n’aurait jamais dû perdre. D’abord, la volonté de Jean-Paul Huchon de se représenter, alors qu’il était usé, avec une image brouillée, l’empêcha de préparer sereinement sa succession. Résultat, il est poussé vers la sortie sans beaucoup d’élégance, mais sur le coup, je trouve qu’il ne peut s’en prendre avant tout qu’à lui-même. Il a livré une caricature du politicien voulant s’accrocher coûte que coûte au pouvoir.

Claude Bartolone prendra donc sa suite, un peu dans l’urgence. La campagne est sans éclat. Je garde le souvenir de la réunion de Section où j’ai présenté le programme. Mes camarades viroflaysiens en soulignèrent la nullité. En bon soldat, j’essayais tant bien que mal de le défendre, mais sans vraiment y croire. Mais bon, si les élections se jouaient sur les programmes, ça se saurait. Le bon résultat du premier tour en ait la preuve. La fusion avec les liste EELV et communiste devait nous assurée la victoire.

Sur la liste communiste figurait d’ailleurs en première place dans les Yvelines une Viroflaysienne. La même qui a toujours tout fait pour ne jamais me parler. Lors de la fusion, elle hérite d’une place éligible dans le Val de Marne. Naïvement, je me dis qu’elle acceptera quand même de venir tracter dans sa propre commune pour sa propre élection, même si elle doit le faire avec des sociotraites socialistes. Nous demandons donc à la cellule locale du PC s’ils acceptent de venir distribuer des tracts avec nous le mercredi matin aux trois gares de la ville, puisque l’élection d’une des leurs est en jeu. Aucun d’eux ne viendra, laissant les socialistes qu’ils méprisent, braver le froid de décembre dès 7h du matin pour leur offrir des élus qu’ils n’auraient jamais eu sans eux. A noter que la seule militante connue d’EELV sur la commune nous a fait également comprendre que se lever tôt pour tracter n’était pas trop son truc… Vous comprendrez mieux pourquoi je ne suis pas le premier défenseur de la fameuse union de la gauche, qui ne fait que donner raison à ce genre de comportement.

Claude Bartolone perdra bêtement l’élection à cause d’une sortie non maîtrisée à propos de son adversaire, Valérie Pécresse, et de son électorat. Cela conduira une partie de l’électorat FN du premier tour à ne pas renouveler leur choix pour le second, mais voter plutôt pour les Républicains. Ces dernier l’emporteront de peu. La défaite fait que la dixième place dans les Yvelines n’est pas éligible. Notre mouvement n’aura donc aucun élu au Conseil Régional.

TOUT CA, POUR CA : 10 ANS DE MILITANTISME AU PARTI SOCIALISTE : EPISODE 33 : Le Congrès de Poitiers, partie 3 : le couteau dans le dos

episode33Après les débats nationaux, le Congrès se traduit dans un deuxième temps au niveau local, avec un renouvellement des instances au niveau local (Section) et départemental (Fédération). Il paraît que beaucoup de militants se sont engagés en politique pour changer le monde. Chaque Congrès prouve, qu’à défaut d’y parvenir, ils sont prêts à tout pour gagner une petite part de pouvoir au sein des instances du PS. On a les combats et l’ambition que l’on peut.

Au niveau de ma Section, je suis sollicité par quelques camarades pour me présenter au poste de Secrétaire. En effet, nos effectifs ont fondu et la Section apparaît de plus en plus moribonde (j’y reviendrai dans un prochain épisode) et certains considèrent qu’il y a des choses à changer dans l’animation. J’aurais très certainement accepté si je n’avais déjà en tête mon futur départ de Viroflay. J’ai donc poliment refusé et nous avons reconduit simplement le Secrétaire de Section sortant.

Au niveau fédéral, les choses sont nettement moins tranquilles. La motion soutenant l’action gouvernementale a fait un bon score, meilleure que ce que j’avais imaginé (je n’ai plus le chiffre précis), montrant que l’emprise des forces hamonistes et frondeuses n’est peut-être pas si importante que ça. Nous gardons donc l’espoir qu’au moment d’élire le Secrétaire Fédéral, les militants choisirons la cohérence avec leur vote de motion.

Malheureusement, la motion n’est pas soutenue par un bloc collectif soudé. Il y a bien sûr notre noyau dur « hollandais ». Mais même lui commence à faire apparaître des fissures, qui finiront bientôt par éclater. Au moment de la campagne pour les motions, le national a imposé qu’elle soit conduite au niveau local par plusieurs personnes à la légitimité douteuse. Ainsi nous avons « hérité » d’un représentant quasi inconnu au niveau départemental, mais qui se trouve être proche de Christophe Borgel, Secrétaire National aux élections (et apparatchik notoire). On ajoute à ça une proche de Ségolène Royal et une de Martine Aubry, ne représentant qu’elles-mêmes, et on se retrouve avec un quatuor pour porter la motion. Tout le travail accompli par notre collectif semble compter bien moins que les bonnes relations avec les cadres de la rue de Solférino.

Le leader de notre collectif est cependant à nouveau candidat au poste de Secrétaire Fédéral face à la sortante. Mais il ne bénéficie pas du soutien unanime et fort de tous les représentants de la motion qu’il est censé représenter. Cela tient aussi à sa personnalité. En effet, sa plus grande qualité est aussi son plus grand défaut. Il a une vision détachée de l’importance des institutions du PS. Epanoui professionnellement et humainement, il n’a pas besoin de ça pour vivre et se sentir exister, contrairement à beaucoup. C’est pour ça que l’on a autant de plaisir à travailler ensemble, car on se concentre sur l’essentiel, dans une ambiance saine et sereine. Mais du coup, il se refuse à appeler et « draguer » tous ceux qui ont envie qu’on leur fasse la cour pour accorder leur soutien à un camp ou un autre. Et ils sont nombreux. Il les laisse à leur médiocrité. Il a raison humainement. Mais électoralement, cette attitude constitue un sérieux handicap.

Nous nous retrouvons également face au dilemme auquel fait face toutes les oppositions du monde. Devons-nous chercher à nous allier et agglomérer toutes les forces qui ne soutiennent pas la majorité sortante, y compris ceux qui représenteraient un mal bien pire que celui en place ? La tentation de le faire est immense. Déjà que le combat est déséquilibré, alors renoncer à des forces supplémentaires est difficile à accepter. Personnellement, je sais que nous allons perdre, alors je me dis autant le faire avec toute notre intégrité. Nous la garderons globalement, même si on afficherons au final certains soutiens dont on aurait pu franchement se passer.

Tout cela rend difficile dans un premier temps le choix des représentants de la motion au Conseil Fédéral. J’ai déjà décrit cet exercice toujours assez ubuesque. Au PS, le vote des militants détermine simplement le quota attribué à chaque motion. A chaque de ces dernières de détermines, comme elles peuvent, qui occupera les sièges obtenus, sans aucune transparence. Le manque d’union au sein de notre motion se ressent, mais on parvient tout de même à établir une liste acceptée par toutes les forces en présence. Pour ce faire, nous devons convaincre certains d’entre nous de ne pas figurer sur cette liste, contre la promesse qu’ils siégeront au Conseil Fédéral dans le collège des Secrétaires de Section, dont la composition est déterminée dans un second temps. Un de mes camarades proches, jeune, compétent et actif, ne l’accepte que difficilement mais fait tout de même le choix du collectif en acceptant de patienter. Il ne prend pas grand risque alors pense-t-on.

Le débat entre notre candidat et la Secrétaire Fédérale sortante se passe dans une ambiance relativement sereine. Peut-être pas cordiale mais presque. Il faut dire qu’elle ne craint pas grand chose puisqu’elle a réussi à obtenir le soutien de quelques membres de notre motion. De vieux secrétaires de Section (dont celui qui ne voulait rien changer pendant les élections départementales) et une des mandataires de la motion, dont le seul mérite politique, à part réussir à être détestée par tout le monde, est d’avoir un jour réussi à devenir proche de Ségolène Royal, ce qui est suffisant pour imposer sa présence que personne ne souhaite.

Notre sérénité s’explique aussi des assurances que nous avons reçus. Après l’élection, la majorité hamoniste nous promet de travailler avec nous en bonne intelligence et dans le respect. Nous maintenons donc notre ligne, à savoir de défendre nos idées, sans jamais attaquer le camp d’en face. Il y a pourtant à dire. J’avoue qu’à Viroflay, je la joue un peu plus fine. La veille de l’élection, j’envoie à tous mes camarades, en dehors de trois irréductibles soutiens de la majorité sortante, un mail en glissant en pièce-jointe le rapport d’activité de la précédente mandature et celui rédigé pour le Congrès de Reims, en 2008, le dernier témoignant du travail que ma mouvance avait réalisé à la tête de la fédération quand elle l’occupait.

Entre les deux, c’est le jour et la nuit. La majorité sortante ne s’est en effet jamais réellement intéressée à la vie fédérale. Exit toutes les commissions, groupes de travail, journaux d’information, soirées débats organisées précédemment… En envoyant ces mails, je suis saisi d’un peu de nostalgie, mais aussi de fierté en me rappelant pourquoi je défends notre collectif. Au final le stratagème fonctionne, puisque notre candidat fera le plein de voix à Viroflay ! Mon Secrétaire de Section, qui fait partie des irréductibles, m’en tiendra rigueur. Mais j’ai juste profité de l’absence de débat ou échange à l’échelle de la Section, qu’il aurait très bien peu organisé, et du fait n’a pas osé envoyer un message à ses ouailles pour les informer de son choix, comme c’est de tradition pour un Secrétaire de Section. Mais, il est vrai qu’en attendant le dernier moment, pour ne pas lui laisser le temps de réagir, je n’ai pas été totalement fair-play.

La Secrétaire Fédérale est réélue sans surprise. Elle fait plus de 60% des voix, donc pas de repas au Ministère de l’Agriculture pour nous. Mais nous restons fiers de notre campagne et nous apprêtons à continuer à participer sereinement à la vie fédérale. Une très mauvaise surprise nous attend. Les Secrétaires de Section du département sont appelés à se réunir pour valider la liste de leurs représentants au Conseil Fédéral. Naturellement, nous informons la Secrétaire Fédérale du nom des Secrétaires que nous voudrions voir représenter notre motion. Au final, elle n’en tiendra pas compte et soumet aux votes une liste avant les quelques Secrétaires de Section issus de notre motion qu’ils l’ont finalement soutenue. Exit donc notre jeune camarade dynamique pour laisser place à quelques vieux barbons sans intérêt. Au moment de constituer le Secrétariat Fédéral, c’est à dire ceux qui seront chargés d’animer les commissions thématiques de la Fédération, rien ne nous ai proposé, contrairement à ce qui avait été convenu. Bref, les hamonistes nous l’ont fait à l’envers, tout ça pour renforcer leur position de force en vue de la négociation pour la liste des régionales qui allaient commencer quelques semaines plus tard.

Un jour, Benoît Hamon payera cher ses pratiques qui auront profondément abîmé l’appareil militant socialiste, dans l’espoir vain d’en prendre le contrôle. Bizarrement il jouera les meurtris, le jour où, comptant sur nous pour faire campagne pour lui, nous lui avons tourné le dos. On récolte pourtant souvent simplement ce que l’on sème.

TOUT CA, POUR CA : 10 ANS DE MILITANTISME AU PARTI SOCIALISTE : EPISODE 32 : Le Congrès de Poitiers, partie 2 : le PS épuisé

episode32Un jour de congés de posé et me voilà dans la voiture avec deux camarades yvelinois en route pour Poitiers. Si politiquement, ce Congrès n’aura pas légué un héritage intellectuel remarquable, il restera à jamais pour moi un très beau souvenir. Le point d’orgue d’une belle histoire d’amitié, forgée autour de combats communs. Si je ne regrette jamais tout le temps que m’aura pris mon militantisme politique, même dans les réunions le plus inutiles, c’est pour les rencontres qu’il m’aura permis de faire.

Pour la première fois donc, j’assistais à un Congrès du Parti Socialiste. J’avais largement suivi celui de Reims à la télévision, mais bien d’eau avait coulé sous les ponts, et la dramaturgie n’avait plus grand chose à voir. Nous arrivâmes sur place le vendredi après-midi. A l’extérieur, de nombreux stands qui font ressembler le Congrès plus à une foire qu’à un moment de réflexion politique. Mais c’est surtout un endroit de convivialité qui a finalement plus de valeur que les débats formels qui ont lieu sur la scène à l’intérieur. Surtout qu’en ce premier jour, il y avait encore très peu de monde et les personnes invitées à la tribune parlaient principalement devant des sièges vide.

L’ambiance fut différente le samedi où le public était nettement plus nombreux. De nombreuses têtes d’affiche se succédèrent à la tribune. Des invités extérieurs venaient aussi élargir l’horizon de nos débats. Je me rappelle notamment l’intervention d’une combattante kurde irakienne, venue nous parler de son combat contre l’Etat Islamique. Une intervention rendant bien pathétiques nos combats de motion pour lequel certains sont prêts à tous les déchirement les comportements le plus bas.

Une photo peut témoigner également de mon regard énamouré quand Najat Vallaud-Belkacem prend la parole. Mon admiration pour elle en ressortira encore grandi après avoir entendu son discours incisif et pertinent. Mon grand regret est ne pas avoir pu la croiser à un moment à l’autre dans les allées à l’extérieur. Elle y passa beaucoup de temps, ne faisant preuve d’aucune avarice pour discuter avec les simples militants et leur laisser prendre des selfies. Bref, j’aurais aimé m’adonner à quelque chose que je dénonce parfois dans le comportement des militants politique : la fan attitude ! Faites ce que je dis, pas ce que je fais !

Le grand moment de la journée resta cependant sans conteste le discours du Premier Ministre, Manuel Valls. A son arrivée, on sentit l’assemblée partagée, vu le caractère particulièrement clivant du personnage. Moi-même, je me trouvais dans un état d’esprit bizarre face à cette homme que je n’ai jamais aimé, certainement jamais admiré et auquel j’en voulais un peu d’occuper la position qu’il occupait alors. Mais il allait me retourner comme une crêpe. En effet, son discours restera le moment le plus fort émotionnellement de mes années de militantisme. Si Manuel Valls est un homme sans idées, la suite le prouvera, il reste un tribun extraordinaire. Il est l’incarnation du leader charismatique. Voilà un général capable de vous convaincre de donner votre vie à ses côtés dans la bataille. Cela ne suffit évidemment pas en faire un grand Premier Ministre, voire même il n’est pas évident que ces qualités soient vraiment utiles pour un tel poste. Mais malgré tous les reproches que je peux formuler à son encontre par ailleurs, je ne pourrais pas lui enlever ça.

Le point d’orgue de son discours restera le moment où il demande à l’assemblée d’accorder une longue ovation à François Hollande. Une large part de celle-ci applaudira avec force et enthousiasme. Cette période était particulièrement difficile pour tout militant socialiste et il était parvenu à nous rappeler avec une puissance rare pourquoi nous nous étions battus pour le voir élire et pourquoi il fallait continuer à défendre l’action d’un gouvernement auquel on ne pardonne rien. Certains resteront muet et ne daigneront pas se lever, dont les principaux responsables de la Fédération des Yvelines. Les frondeurs avaient alors bien largué depuis longtemps les amarres de la courtoisie républicaine. De la courtoisie tout court en fait. Ne parlons même pas de la camaraderie.

La journée se poursuivit par deux moments de convivialité. Tout d’abord, un apéritif entre membres de Répondre à Gauche, soit le mouvement des « hollandais », sous l’égide de Stéphane Le Foll. Le moment fut sympathique, me permit d’échanger quelques mots avec Michel Sapin. Il se termina surtout par un échange entre nous, militants des Yvelines, et Stéphane le Foll lui même. Nous lui parlâmes de la campagne fédérale à venir. Nous lui signifions que nous avons besoin de tout le soutien possible pour espérer battre la candidate hamoniste. Il nous répondit qu’il ne fallait pas trop rêver à la victoire, mais nous promit de nous inviter à déjeuner au Ministère de l’Agriculture si nous dépassions les 40%. Malheureusement, nous ferons un peu moins et nous passerons à côté d’un bon repas.

Ensuite, les militants yvelinois de toute tendance avaient rendez-vous pour un repas en commun. La tablée fut à l’image de la fédération, coupée en deux. Benoît Hamon était là et j’eus même « le privilège » d’être assis à côté de lui. Le hasard fit que ce même soir a lieu la finale de la Ligue des Champions. Cela me permit de découvrir que j’aurais au moins un point en commun avec lui, l’amour profond du football. Il insista auprès des restaurateurs pour que le match soit diffusé sur l’écran au dessus de notre table, mais ils avaient un problème avec leur box. Il demanda alors à la 1ère fédérale sa tablette. Celle-ci lui fit remarquer que nous étions à un repas convivial et que ce n’était pas très poli de préférer regarder un match de foot. Benoît Hamon lui répondit sèchement, comme un maître parle à sa domestique. Je me rappelle bien avoir été choqué. Cela ne sera pas la seule fois que je le vis comporter ainsi en petit chef misogyne et irrespectueux. Si je n’ai jamais aimé ses idées, ce que j’ai vu de l’homme ne m’a jamais donné envie de le lui pardonner.

Les deux côtés de la table se trouvaient plongés dans deux ambiances radicalement différentes. De mon côté, les militants riaient, buvaient, parlaient parfois un peu fort. De l’autre côté, les jeunes hamonistes, privés de leur chef parti au bout d’une demi-heure, mangeaient dans un silence d’une tristesse absolue. Certes, cela n’a que peu de rapport avec les convictions politiques, mais ces derniers traduisent souvent un certain état d’esprit. Et ce soir-là, j’étais vraiment heureux de me trouver dans le camp de la bonne humeur, ne voyant pas la politique que comme un sinistre combat du bien contre le mal.

Le Congrès se termina le dimanche matin par un triste discours de Jean-Christophe Cambadélis. L’homme est visiblement épuisé. Mais cela n’explique pas entièrement la médiocrité du discours sur la forme et le fond. Sans doute, le PS a-t-il alors un Premier Secrétaire à son image. Car il n’y a pas que lui qui semble épuisé…

TOUT CA, POUR CA : 10 ANS DE MILITANTISME AU PARTI SOCIALISTE : EPISODE 31 : Le Congrès de Poitiers, partie 1 : le PS toujours social démocrate

episode31L’impopularité croissante de François Hollande et du gouvernement et les très mauvais résultats des élections municipales et départementales ont évidemment laissé des traces au sein du Parti Socialiste. Après les premières, le remaniement et l’arrivée de Manuel Valls furent l’occasion d’exfiltrer un Harlem Désir dépassé par les événements en le nommant Secrétaire d’Etat aux Affaires Européennes. Acte absolument lamentable, une nomination à ce genre de poste n’étant évidemment pas faite pour régler des affaires internes à un parti. Certes, son long passé de député européen ne le rendait pas totalement illégitime pour une telle fonction, mais la manœuvre était trop grosse pour croire vraiment que c’est sa compétence qui avait prévalu.

Pour le remplacer, Jean-Christophe Cambadélis est nommé Premier Secrétaire par intérim et va le rester un long moment, en dehors de toute procédure prévue par les statuts du PS. Personnellement, j’étais assez effaré par cette arrivée aux manettes d’un homme qui représente pour moi tout ce qui pose problème au PS. Un parfait apparatchik, ayant prouvé à de maintes reprises sa parfaite incompétence (cf. la campagne des européennes 2009), qui ne reste député que parce qu’il bénéficie d’une circonscription acquise au PS (enfin jusqu’en 2017…)… Je me rappelle très bien avoir dit un jour que jamais je ne voterai pour lui si jamais il devait être candidat au premier secrétariat. La suite me prouvera qu’il ne faut vraiment jamais dire jamais.

La situation au Parti allait être remise à plat par un Congrès devant avoir lieu cette fois-ci à Poitiers. Il apparut vite qu’il allait se transformer en un duel entre les supporters du gouvernement et les frondeurs. Ou plus classiquement dans l’histoire du PS, entre les sociaux-démocrates et les marxistes. Certes, deux autres forces se proposaient bien au suffrage des militants. Des forces se voulant être celles choisissant l’apaisement et tourné vers le fonctionnement du Parti. Mais comme souvent dans les situations tendues, où les clivages sont importants, la place laissé à une troisième voie est resté minime.

Pourtant, ce Congrès avait commencé par une phase de contributions où les textes proposés étaient extrêmement nombreux (27). Comme toujours, je le ai tous lus et décidé de donner ma signature à un texte porté par un collectif de jeunes militants, nommés Bougez les Lignes. Le texte était excellent, mais comme peu de gens l’avaient lu et qu’il n’était soutenu par aucun poids lourd national, il passa totalement inaperçu. Etant le seul signataire des Yvelines, j’ai même eu l’honneur de présenter le texte lors du débat départemental.

Mais au moment des motions, les textes sur lesquels les adhérents sont amenés à voter et qui structurent les instances du parti, tout ce petit monde se rassembla autour de quatre textes seulement, dont aucun n’était vraiment emballant. Me voyant mal abandonner mes camarades sociaux-démocrates yvelinois avec qui j’avais tant travaillé ces dernières années et ne voulant certainement pas laisser le moindre champ libre aux frondeurs, je me ralliais donc à la motion dont le premier secrétaire était Jean-Christophe Cambadélis.

J’avais un peu l’impression de donner ma voix au triomphe de la médiocrité. Cela traduisait à quel point l’appareil du Parti était laissé aux seconds couteaux, quand les figures les plus influentes voguaient plutôt dans les sphères gouvernementales. D’un côté, il y avait quelque chose de sain dans cette situation. Le pays avant le Parti comme on dit. Mais avec le recul, cette perte de substance de l’appareil a marqué le début d’un déclin qui ne semble pas depuis vouloir s’arrêter.

Pendant plusieurs semaines, les militants PS vécurent donc au rythme des débats entre les différents textes. Personnellement, j’assistais à celui organisé en commun avec la Section voisine de Vélizy, où je prenais longuement la parole pour défendre le texte, que je présentais un peu plus tard dans une petite Section toute proche. Mais je retiendrais surtout de cette période le débat départemental, où les deux principaux textes furent présentées par deux figures nationales : Laurence Rossignol pour les soutiens du gouvernement et Gaétan Gorce, le Maire de la Charité/Loire, chère à mon cœur, pour les frondeurs.

L’ambiance s’avéra relativement électrique et tendue. Mais je mesurais surtout à quel point il ne ressortait plus grand chose de ces débats qui aurait dû être d’idée ou de fond. La fédération étant devenue depuis un moment le fief de Benoît Hamon, les interventions du public se montrèrent majoritairement hostiles au gouvernement. La plupart des arguments avancés ne traduisait pas vraiment une hauteur de vue. Je me rappelle particulièrement de l’intervention tout sauf spontanée d’une des principales lieutenantes de la majorité fédérale, connue pour sa hargne et son agressivité. Elle expliqua que, proche du peuple, elle avait souvent l’occasion de discuter avec de simples citoyens qui lui auraient dit que parmi toutes les décisions prises par le gouvernement, la hausse de la TVA de 19,6 à 20% serait celle qu’ils ne sauraient pardonner.

Cette attaque, sortie tout droit d’un argumentaire prêt à l’emploi, n’avait strictement aucun sens. Pour la simple raison que cette hausse de la TVA n’avait eu strictement aucun impact sur les prix. Tout simplement parce qu’augmenter la TVA de 0,4% ne change pas l’immense majorité des prix qui sont soit ronds, soit du type 9,90 euros. Les entreprises ne sont pas soudainement mises à vendre leurs produits 9,92 euros. Bref, cette hausse avait été entièrement absorbée par les entreprises et donc augmenté discrètement les prélèvements qui pesaient sur elles. Une mesure qui aurait du donc satisfaire l’aile gauche. Mais voilà, dans leur vision totalement manichéenne des choses, TVA = impôt injuste = instrument du démon. Seul le diable pouvait donc oser augmenter la TVA. Cela aurait pu passer pour une erreur de bonne foi, si cela n’avait été dit avec un ton de donneur de leçons plein de morgue et de certitudes, venant d’une jeune fille qui n’avait pas la moindre idée de ce qu’est une entreprise et de la manière dont elle fixe ses prix.

Dans cette ambiance délétère et comptant surfer sur l’impopularité du gouvernement, l’aile frondeuse pensait pouvoir enfin mettre main basse sur le parti après toute une vie dans l’opposition. Mais le PS est un parti avant tout social-démocrate et la motion soutenant le gouvernement obtint une large majorité dès le premier tour (60%), l’aile gauche se trouvant cantonnée une nouvelle fois sous les 30%, soit son étiage habituel. L’élection ensuite de Jean-Christophe Cambadélis ne fut plus qu’une formalité, ce dernier remportant 70% des voix.

Tout ce petit monde se donnait alors rendez-vous à Poitiers. Et pour la première fois, je me rendais moi aussi à un congrès du Parti Socialiste.

TOUT CA, POUR CA : 10 ANS DE MILITANTISME AU PARTI SOCIALISTE : EPISODE 30 : On va faire comme d’habitude…

episode30Le calendrier électoral laisse rarement aux militants politiques l’occasion de s’accorder une véritable pause. Un an après les municipales eurent lieu, en 2015 les élections départementales. Elles portaient pour la première ce nom, ce qui les rendait tout de même nettement plus compréhensibles. Il faut se rappeler que précédemment, elles s’appelaient les élections cantonales, qui permettaient d’élire des conseillers généraux qui géraient le département… L’éloignement des citoyens de la démocratie vient aussi de ce genre de détail qui peut paraître insignifiant à tous ceux dont la culture politique est solide.

Autre grande nouveauté, la division du nombre de circonscription par deux pour en former des plus grandes, au sein desquels les électeurs étaient amenés à voter non pas pour un, mais pour un ticket paritaire. Avant cette belle innovation que l’on doit à l’action de François Hollande, les conseils généraux (départementaux) ressemblaient à des clubs réservés aux hommes. Avec ce système, ils se trouvaient condamnés à devenir paritaires. Quelques notables y perdirent une source de revenus non négligeables, mais la démocratie y gagnait par contre largement.

Dans l’ancien système, Viroflay était une « ville-canton », ce qui assurait généralement au Maire la possibilité de cumuler avec la fonction de conseiller général. La tradition aurait pu s’arrêter là puisque le nouveau découpage faisait cohabiter notre ville avec de nombreuses autres au sein de notre circonscription, mais le duo choisit par la droite comprenait bien mon adversaire préféré. Dans l’ancienne configuration, je ne me serais pas vraiment posé la question et j’aurais naturellement été candidat, sauf à voir un camarade se porter volontaire. Dans la nouvelle, avant de pouvoir l’être, il m’aurait fallu être investi par le PS. Or je n’étais pas le seul candidat potentiel dans la circonscription.

A la Section, certains m’ont incité à candidater. Cela semblait naturel dans la continuité des élections municipales. Je me rappelle avoir réfléchi, mais ma réponse fut rapide. Je laissais volontiers la place à mon homologue et ami de Vélizy. Il y avait plusieurs raisons à ce retrait. Déjà, le poids relatif des différentes sections ne me garantissait pas du tout l’investiture, au contraire même, et je n’avais pas du tout envie de batailler pour l’obtenir. Et surtout, je savais déjà que je serais amené à quitter prochainement Viroflay et je n’avais donc rien à gagner à être candidat. En effet, pour un candidat de gauche, le combat était perdu d’avance. Mais dans une stratégie à plus long terme, ce genre d’élection peut permettre d’asseoir une certaine notoriété locale. Je n’en voyais pas l’intérêt dans mon cas personnel.

J’ai cependant joué un rôle actif dans cette élection puisque j’héritais du titre de directeur de campagne. Je me suis donc retrouvé à coordonner la campagne menée par notre quatuor de candidats. En effet, aux côté des deux titulaires, il fallait compter sur un duo de suppléants. Pour la suppléante, nous avions réussi à convaincre celle qui aurait du être élue avec moi au Conseil Municipal si nous avions gardé quatre élus. Un moyen d’entretenir toute l’énergie et la motivation dont elle avait su faire preuve pendant la campagne des municipales. Elle démontra les mêmes qualités pendant celle qui nous intéresse ici. C’était donc un très bon choix.

Pour compléter le quatuor, on choisit deux figures « historiques » du PS sur la circonscription. Des militants de longue date, ayant déjà été de nombreuses fois candidats à diverses élections locales. Cela pouvait paraître un bon choix, un bon équilibre entre renouvellement et expérience. Malheureusement, malgré tout le respect que j’ai pour l’expérience, devant moi aussi de plus en plus vieux, celle-ci peut être aussi un boulet d’une lourdeur rédhibitoire.

J’avais envie pour cette campagne de poursuivre la recherche d’actions nouvelles et innovantes entreprises, sans doute trop timidement, lors de la campagne des municipales. Je pense que le candidat et la suppléante en auraient été ravis. Cependant, à la première réunion de campagne, le suppléant sortit cette phrase magnifique « j’ai déjà été candidat sept fois (je crois que c’était sept… c’était beaucoup en tout cas), je sais comment faire campagne, on va donc faire comme on a toujours fait»… La réponse que j’aurais du apporter était « Oui, mais ça fait sept fois que tu perds les élections, donc on va faire autrement ». J’avoue que je n’avais ni l’envie, ni la motivation de mener cette campagne en créant d’emblée une tension au sein de l’équipe. Alors du coup, on a fait comme d’habitude…

Je n’ai pas donc grand chose à dire sur nos actions de campagne. Tracts et distributions en gare ou au marché, réunions publiques devant pas grand monde, si ce n’est les copains déjà acquis à la cause. Bref, les grands classiques. Je me rappelle juste d’un porte-à-porte avec Benoît Hamon que j’avais gentiment esquivé, sans autre raison que l’absence envie d’aller jouer les hypocrites en compagnie d’une « star » que je combattais par ailleurs. Cependant, malgré le manque d’originalité, nous faisions campagne avec la plus grande application car l’enjeu n’était pas nul.

En effet, si nous n’imaginions pas gagner, nous voulions éviter à tout prix de nous faire évincer dès le premier tour au profit du FN. Ceci sera le cas dans plusieurs circonscriptions des Yvelines et malgré un score assez faible (moins de 20%) nous sommes parvenus à finir deuxième au premier tour, devant le parti frontiste. Mais l’honnêteté intellectuelle doit me faire reconnaître que nous n’avons obtenu ce résultat que grâce à la présence de candidats issus de la Manif pour Tous, ayant fait un score conséquent dans notre secteur. J’échappais cependant à l’humiliation d’être le directeur d’une campagne qui aurait emmené le PS à finir derrière le FN et je continue à être heureux de ne pas avoir vécu cela.

Au soir du premier tour, au bureau central de la circonscription, à la Mairie de Versailles, nous nous sentons donc soulagés, heureux d’avoir rempli notre modeste objectif. Nous cherchons cependant à entamer la discussion avec les candidats écologistes et communistes pour qu’ils nous apportent leur soutien pour le deuxième tour. Mais ces derniers ont quitté les lieux, certainement volontairement, dans la seconde de la proclamation des résultats. Ce genre d’attitude qui explique pourquoi je ne suis certainement pas le plus grand partisan de l’union avec ces partis au comportement souvent indigne. Mais j’y reviendrai dans mon futur billet sur les dernières régionales.

Je suis sévère avec eux ? Peut-être. Il n’empêche que pendant cette campagne c’est bien encore les militants socialistes qui se trouvaient sur le terrain à tracter en même temps que le Front National et la Manif pour Tous qui avaient depuis longtemps arrêté de se cacher. Et je suis particulièrement bien placé pour le dire. Un dimanche sur la fin d’un tractage au marché, le candidat de la Manif pour Tous, qui était de Viroflay, vient me parler. L’échange est poli et nous débattons de manière tout ce qu’il y a de républicaine de questions économiques. Pendant ce temps, mes camarades terminent leur ouvrage et me laissent seul. C’est alors qu’une autre militante de la Manif pour Tous vient se mêler à la conversation. Elle essaye bien d’avancer des arguments, mais elle n’a visiblement pas la culture économique pour réellement participer à l’échange. Cela l’agace que je lui oppose systématiquement un chiffre ou un fait, sans qu’elle puisse rebondir. C’est alors qu’elle me sort, sur un ton particulièrement agressif, l’argument absolu : « Et X milliers d’avortements par an, c’est un pays qui va bien ? ». Aucun rapport avec le sujet de la conversation, mais elle n’avait pas pu s’empêcher de finir par déverser sa haine sectaire. Je mis alors fin à la conversation en lui répondant d’un ton ferme qu’elle faisait partie des personnes que j’étais fier de combattre.

Pour l’anecdote, au deuxième tour, la droite fit plus du double de notre score. Mais l’essentiel était ailleurs pour nous. Par contre, au niveau du département, la gauche ne remporta aucune circonscription. Le Conseil Général des Yvelines se trouvait composé uniquement d’élus LR et assimilés, devenant le seul département à l’assemblée sans opposition. Comme je ne regrette pas de l’avoir quitté…

TOUT CA, POUR CA : 10 ANS DE MILITANTISME AU PARTI SOCIALISTE : EPISODE 29 : Gem, Gem, Gem

episode29Le Parti Socialiste est connu pour avoir toujours été structuré autour de différentes sous-composantes qui auront pris différents noms au cours de son histoire : courant, motion, texte d’orientation… Ceci est d’autant plus fort que cette structuration est bien volontaire, se situant au cœur des processus démocratiques au sein du parti. Ces composantes s’affrontent au moment des Congrès et les militants sont appelés à trancher grâce à leur vote. Tout ceci serait très sain et fertile, favorisant l’émergence de nouvelles idées à travers le débat, si cela se limitait aux périodes de Congrès et ne provoquait pas des fractures beaucoup plus profondes et constantes.

Ces sous-composantes ont été toujours plus ou moins structurées, selon leur permanence et la culture de ceux qui les faisaient vivre. L’aile-gauche du parti socialiste a toujours été la mieux organisée, bien qu’elle compte parfois un grand nombre de chefs autoproclamés. Mais elle a toujours pu compter sur le soutien du Mouvement des Jeunes Socialistes (MJS) qui lui offrait de facto une certaine organisation. Elle pouvait aussi s’appuyer sur une culture profonde des pratiques militantes et de la prise de contrôle du parti. Ce n’est évidemment pas le seul mouvement au sein du PS à avoir pratiqué l’entrisme, l’intimidation ou les fausses cartes d’adhérents (les régions PACA et Nord, contrôlées par d’autres chapelles, savaient très bien y faire), mais c’est sûrement la force interne qui l’aura exercé avant le plus de constance, sans jamais parvenir à ses fins cependant (ce qui conduira à la création de Génération.s, mais ceci est une autre histoire).

François Hollande, paradoxalement, ne pouvait pas compter sur un tel mouvement organisé. En effet, il a passé trop d’années à diriger le PS et à préserver tant qu’il pouvait l’unité entre les différents courants pour avoir le temps d’en créer et structurer un. Il commença cependant à le faire, après avoir passé la main à Martine Aubry, en créant Répondre à Gauche, dirigé par son plus fidèle lieutenant, Stéphane Le Foll. Mais voilà, après avoir été longtemps le chef de tous les Socialistes, il est devenu assez rapidement le chef de tous les Français. Et en homme de synthèse qu’il était, François Hollande décida alors de mettre en sommeil le mouvement prêt à aller au combat pour défendre son action, sous prétexte de ne pas créer la division. C’est pour ce genre de décision que j’ai une certaine affection pour l’homme. Mais aussi un peu de regret par rapport à la manière dont tout cela finira.

En 2014, la Fédération des Yvelines était tombé sous la coupe de Benoît Hamon et de ses… allez disons partisans, même si j’ai bien envie d’employer le mot « sbires ». Ces derniers mettaient tout en œuvre pour faire du PS local une machine à dénigrer consciencieusement l’action du gouvernement. Le départ de Benoît Hamon de ce dernier donna évidemment une impulsion supplémentaire à ce travail de sape, qui avait déjà chassé pas mal de camarades du Parti, lassés d’être l’objet d’attaques lors des réunions de Section de la part des petits roquets à sa solde. J’avais la chance d’échapper à cette ambiance délétère à Viroflay, mais je recevais les échos de ce qui pouvait se passer ailleurs dans le département.

Face à cette machinerie trop bien huilée, les quelques camarades motivés pour résister et défendre l’action gouvernementale voulurent s’organiser à leur tour pour être en mesure de contre-attaquer. Répondre à Gauche semblait être le meilleur cadre pour cela. Mais nous nous sommes vus opposés un refus venu d’en haut. On devait continuer à faire profil bas pour ne pas apparaître comme diviseur. La situation était trop intenable dans les Yvelines pour que nous en restions là. Nous avons donc pris notre destin en main et crée GEM, Gauche en Mouvement, qui devait se charger de faire un travail pédagogique principalement auprès des militants et sympathisants pour leur rappeler tout ce qui était fait par un gouvernement qui restera, quoi qu’on en dise, avant tout de gauche et dont l’action ne se résume pas à la caricature qui en était faite.

Notre action se concrétisa principalement à travers une newsletter que nous diffusions comme nous pouvions, n’ayant pas accès aux voies de diffusion officielles. Les retours se montrèrent extrêmement positifs et surtout étonnés… Pourquoi n’existait-il personne d’autres que nous pour faire ce travail au sein du PS ? Pourquoi personne au niveau national ne se donnait la peine de faire un point clair, condensé et pédagogique sur l’action d’un gouvernement qui en était issu ? Cela tient à des faiblesses structurelles du PS, mais aussi à l’absence de volonté de François Hollande que ce travail soit fait. Je ne suis pas convaincu que cela aurait inversé le déclin de la base militante encline à le soutenir, mais au moins cela ne ne l’aurait pas plongé dans un sentiment d’abandon, dont elle ne s’est jamais vraiment remise.

Avons-nous au moins tirer, au niveau local, des bénéfices politiques de ce travail qui aura pris un peu de temps libre à plusieurs d’entre nous pendant une année et demi ? Les prochains épisodes répondront malheureusement par la négative. Mais bon, si vous avez suivi mon récit depuis le début, vous n’en serez guère surpris…

TOUT CA, POUR CA : 10 ANS DE MILITANTISME AU PARTI SOCIALISTE : EPISODE 28 : Les grands guignols

episode28Il est temps de quitter Viroflay pour reprendre le fil de mon récit à l’échelle nationale. La déroute socialiste aux municipales aura eu en effet une conséquence quasi immédiate : le départ de Jean-Marc Ayrault de Matignon et l’arrivée de Manuel Valls. Certains qualifieront cet événement de tournant du quinquennat, mais je ne partage pas vraiment cette vision des choses. Parce que je reste convaincu que ce choix fut avant tout un choix par défaut et même aujourd’hui, je ne vois pas qui aurait pu être nommé à sa place. Il est une conséquence. Pas une cause.

En politique, quand vous devez faire face à un tel choix, vous avez deux options. Soit vous nommez quelqu’un au centre de votre électorat, soit quelqu’un au centre de l’opinion. Les deux options présentent leurs avantages et leurs inconvénients et je ne crois pas que l’une soit meilleure que l’autre dans l’absolu. A mon sens, François Hollande n’a pas vraiment eu le choix car son électorat s’était déjà largement délité. La catastrophe des municipales s’expliquait largement par la bouderie d’une partie de l’électorat de gauche. Il aurait pu en effet tenter de le reconquérir, mais cela semblait difficile sans appuis politiques. Or, une partie du PS était déjà embarquée dans un esprit de Fronde et les représentants d’EELV n’attendaient qu’un prétexte pour quitter le gouvernement. C’est la malédiction de la présidentialisation à outrance du système politique français. Quand vous êtes un Président fragilisé, vous perdrez définitivement des alliés, chacun se positionnant déjà pour l’échéance suivante en misant sur votre défaite.

François Hollande ne pouvait donc que choisir un Premier Ministre correspondant à un point d’équilibre de l’opinion. Or, à l’époque personne d’autre ne l’incarnait mieux que Manuel Valls, si ce n’est peut-être François Bayrou, mais le Président aurait alors totalement perdu le PS. Je doute que François Hollande ait été assez naïf pour ignorer son caractère clivant et ses ambitions personnelles qui ne manqueraient pas de naître. Le principe même d’un choix par défaut est bien d’avoir des défauts. Evidemment, vu comment tout cela s’est fini, il serait tentant de se lancer dans les « et si… ». Et si Bernard Cazeneuve… Et si un choix audacieux… mais c’est évidemment un exercice vain et facile.

Il ne faut pas oublier non plus, même si les intéressés ne s’en vantent sûrement pas, que Manuel Valls a bénéficié du soutien appuyé d’Arnaud Montebourg et de Benoît Hamon. Ces deux derniers cherchaient avant tout à se débarrasser de Jean-Marc Ayrault et à marquer l’arrivée de leur génération au sommet (à une marche près). Ils ont cependant fait définitivement pencher la balance du côté de l’ancien Maire d’Evry. Quand on connaît la suite (voir la fin du billet), on peut là aussi se dire que c’était une erreur de faire confiance à cet attelage et qu’il était évident qu’il ne tiendrait pas la route. Mais c’est toujours plus facile de voir les évidences du passé. Beaucoup plus difficile de connaître celle du futur.

Cela faisait déjà de longues années qu’en tant que militant socialiste, je ne portais pas Manuel Valls dans mon cœur. Non pas pour forcément pour ses idées, mais plutôt au contraire pour son absence d’idées. Pour moi, il était celui qui prenait systématiquement la parole pour contester le bien-fondé des positions prises par le PS, quelles qu’elles soient. Une façon assez efficace pour exister médiatiquement car il était devenu le bon client qui va gentiment cracher sur ses camarades dès qu’une caméra se présentait. Par contre, jamais il n’avait proposer un texte au moment des congrès du Parti et je reste convaincu que ce n’est pas quelqu’un qui n’a jamais eu de convictions profondes. Il s’est construit politiquement en suivant le vent, plus qu’en soufflant lui-même.

Lors de son passage au Ministère de l’Intérieur, il avait continué son numéro de mec de gauche qui dit des trucs de droite pour se démarquer des copains. Si c’était horripilant quand le PS était dans l’opposition, une fois au pouvoir, ça commençait à devenir nettement plus problématique. Après, je fais partie des rares personnes de gauche à ne pas considérer qu’en dehors de mon propre spectre idéologique étroit, il n’y a que le mal et la vilenie. J’espérais sans doute naïvement qu’arrivée si près du sommet, il changerait quelque peu de manière de fonctionner. Je lui reconnaissais également sa grande loyauté depuis le soir des premiers tours des primaires où il s’était rangé derrière Hollande. Enfin, j’espérais surtout que la politique entreprise finirait pas porter ses fruits, au grand bénéfice des Français, et que c’est son gouvernement qui les récolterait.

Un gouvernement sans représentant d’EELV donc. Vu le peu d’amitié que j’ai pour ce parti et pour beaucoup de ses idées, j’aurais pu m’en réjouir. Surtout que, comme je l’ai déjà souligné plus haut, cela devait forcément arriver, car un tel allié en politique va toujours finir par s’éloigner de vous pour vous concurrencer à une échéance électorale prochaine. Au moins, c’était fait ! Mais évidemment, cela rétrécissait encore le spectre politique sur lequel François Hollande pouvait s’appuyer.

Quelques mois plus tard, le 23 août, Arnaud Montebourg organise la Fête de la Rose dans ses terres de Saône et Loire. Il sait parfaitement ce qu’il compte faire ce jour-là. Pour donner plus d’ampleur à son futur coup d’éclat, il invite Benoît Hamon, sans lui dire ce qu’il prépare. Il le fait boire un peu, pour qu’il baisse sa garde. Puis Arnaud Montebourg se lance dans un grand discours contre la politique du gouvernement dont il fait parti. Benoît Hamon le suivra dans ses élans, mais lui de manière totalement improvisée. Arnaud Montebourg obtiendra ce qu’il cherchait. Il est viré du gouvernement et se voit déjà comme sauveur de la gauche en 2017. Benoît Hamon le suit dans la charrette, mais sans l’avoir du tout cherché, lui qui venait d’obtenir le prestigieux Ministère de l’Education. Il doit abandonner ses ambitions et des projets de réformes. Beaucoup de ses proches, dont une partie venait de la Fédération des Yvelines où il s’était implanté, se retrouve au chômage du jour au lendemain, sans l’avoir vu venir.

Le destin rend parfois la monnaie de leur pièce aux grands guignols et les deux compères n’ont toujours pas connu le destin dont il rêvait ce jour là. Ils auront par leurs manœuvres mesquines craché sur l’idée même de l’unité qui sous-tend un parti politique. Ils auront à jamais perdu mon respect car au-delà du PS, ils ont ainsi avant tout renoncé à leur capacité à défendre l’intérêt général à travers leur fonction de Ministre, pour assouvir leurs ambitions mal placées. En politique, évidemment, une rédemption est toujours possible. Rien n’indique qu’ils ne la connaîtront pas. Tout comme Manuel Valls d’ailleurs. Mais franchement, je pense vraiment que notre pays peut se passer de ces trois-là…

TOUT CA, POUR CA : 10 ANS DE MILITANTISME AU PARTI SOCIALISTE : EPISODE 27 : Deuxième petit tour

episode27aJe ne garde pas un souvenir vraiment marquant du premier Conseil Municipal de mon deuxième mandat. Déjà parce que ce n’était pas mon premier Conseil Municipal tout court. Mais aussi parce que je m’y suis rendu en faisant grise mine. Nous étions un élu de moins et nous nous retrouvions donc plus que jamais relégué en bout de table dans la salle du Conseil. Je me souviens simplement d’avoir fait le choix de présenter ma candidature pour le poste de Maire. J’indiquais en préambule que je le faisais évidemment de manière symbolique, pour que vive jusqu’au bout le processus démocratique. Je n’ai naturellement récolté que les trois voix de mon groupe, l’autre opposition décidant de s’abstenir.

Etre à égalité numérique avec l’autre opposition avait une conséquence fâcheuse. En effet, le Conseil Municipal désigne en son sein les membres d’un certain nombre de commissions diverses et variées. Les règles de désignation en vigueur nous permettait, quand nous étions quatre contre trois, d’occuper systématiquement la place restant pour un représentant de l’opposition. Ces commissions revêtent une grande importance car elles représentent une des rares occasions pour un élu d’opposition d’avoir accès à une information détaillée sur les dossiers en cours. Le Maire m’avait indiqué qu’il ne comptait pas nous départager et m’avait donc demandé de voir avec la troisième tête de liste comment on se répartissait les postes.

Nous avions un énorme avantage sur les représentants de l’autre opposition : nous connaissions très bien ces différentes instances et savions parfaitement dans lesquelles il était le plus importants de siéger. Je préparais donc une proposition de répartition à première vue équitable, mais qui nous permettait d’être présent dans toutes les commissions les plus stratégiques. L’autre opposition acceptât sans broncher… en me disant juste « on pourra tourner en milieu de mandat ». J’ai du me débrouiller pour esquiver une réponse, puisqu’il n’était évidemment pas question de le faire. De toute façon, le moment venu, ils oublièrent totalement cette condition.

J’avoue que je ne garde ni grands ni de très bons souvenirs de ce deuxième mandat. Déjà parce que je savais que j’allais finir par démissionner. Ensuite, parce que j’ai eu l’impression de continuer à consacrer beaucoup trop d’énergie à convaincre une partie de mes collègues de tenir notre ligne et à notre conception du travail de l’opposition. Comme je l’ai déjà expliqué ici, il n’existait pas vraiment de sujet sur lequel surfer et grâce auquel nous pouvions attiser le mécontentement de la population. Face à cette situation, soit on fait feu de tout bois et on part du principe que l’on peut trouver à redire à toutes décisions, soit on se concentre sur quelques sujets où on sait être particulièrement pertinents. Ma conception de la politique me conduisait invariablement vers cette seconde attitude, qui m’avait vu m’opposer si souvent à notre précédente tête de liste. Je pensais en avoir fini, mais un de nos trois élus et un camarade assidu à nos réunions de préparation des Conseils restaient clairement sur la première attitude. Si la tension n’était pas aussi forte qu’à une certaine époque, j’avoue garder un souvenir parfois désagréable de ces réunions. Cependant, je tenais bon. Notamment je refusais que l’on émette le moindre soupçon de malhonnêteté à l’encontre du Maire et de son équipe. Si leur médiocrité était sans borne, je n’ai jamais rien constaté qui puisse pousser mes reproches sur un autre terrain. Et je m’en réjouis.

episode27b

Nos deux angles d’attaque principaux reposaient sur les finances de la ville et le retard pris par la commune en termes d’accessibilité. Sur le premier sujet, nous avons tout essayer pour faire de la pédagogie auprès de la population, mais avec le recul, en termes de communication, c’était perdu d’avance. Le sujet était trop complexe et ne pouvait être expliqué en quelques slogans. Après, j’estime aussi que c’était notre rôle de faire ce travail, indépendamment de l’incapacité de la plupart des citoyens d’aller vraiment au fond des choses.

Pour l’accessibilité, les choses étaient un peu différentes. Les meilleurs documents produits par notre groupe pendant toutes ces années furent de loin ceux tournant autour de ce sujet. Nous avions fait le nécessaire pour illustrer graphiquement les problématiques et les quelques retours s’avérèrent positifs. Il faut dire que sur ce sujet, la majorité avait pendant de nombreuses années totalement oublié de traiter le sujet. Mais le Maire n’était pas vraiment du genre à faire des mea culpa. Ceci provoquera ma seule véritable colère en séance du Conseil Municipal, quand moi, élu socialiste, je me suis retrouvé à défendre la loi de 2005 sur la mise en accessibilité. Une loi votée par le gouvernement Balladur. Je me rappelle de regards un peu étonnés des élus de la majorité en m’entendant ainsi hausser le ton, tranchant avec mon attitude habituelle, plutôt faite de longues argumentations un peu fades. Avec le recul, je me dis que j’aurais dû adopter ce style plus souvent, car seul un grand silence me répondit. Un grand silence comme un aveu de culpabilité car ils savaient que je ne m’étais pas énervé pour rien et que j’avais raison.

Vous me direz, on ne s’engage pas ainsi en politique si on n’est pas persuadé d’avoir souvent raison. Mais parfois, cette conviction est assez forte pour l’emporter sur la mauvaise foi du camp d’en face. J’ai eu rarement cette joie. Mais rien qu’une fois, je vous promets que cela valait le coup !

TOUT CA, POUR CA : 10 ANS DE MILITANTISME AU PARTI SOCIALISTE : EPISODE 26 : Illusions brisées

episode26Union pour Viroflay

Union pour Viroflay

Union pour Viroflay

Union pour Viroflay

Union pour Viroflay

Union pour Viroflay

Union pour Viroflay

Union pour Viroflay

Union pour Viroflay

Solidaires à Viroflay…

9 bulletins pour le Maire sortant avant de voir sortir un bulletin pour notre liste. Je connais la notion d’échantillon représentatif, 10 bulletins ne suffisent pas pour cela. Mais je comprends immédiatement ce que ce début de dépouillement signifie. Le résultat sera mauvais.

Il ne s’agissait évidemment pas de gagner et d’empêcher le maire sortant d’être réélu. Le Graal absolu aurait été d’obtenir un second tour et de pouvoir répéter pendant toute une mandature qu’il représentait moins de 50% de la population. Cependant, je n’y ai jamais cru car nous aurions eu besoin pour cela d’un bon score de la seconde opposition. Pour bien des raisons, il me semblait probable qu’elle fasse moins bien que six ans plus tôt. Ce qui fut bien le cas.

Le vrai objectif était ailleurs. Je ne l’ai pas évoqué jusqu’à présent, mais cette élection était double. Pour la première fois apparaissait sur le bulletin à la fois les candidats pour le Conseil Municipal et ceux pour le Conseil Communautaire de la Communauté d’Agglomération. Malgré des règles d’attribution des sièges très défavorables, nous avions tout de même une chance d’accrocher une des six places. Pour cela, il était nécessaire que la liste de la majorité sortante ne fasse pas plus du double de notre propre score. En 2008, le rapport de force était en gros de 55% contre 25%. Il suffisait de faire seulement un tout petit peu mieux pour que je devienne conseiller communautaire. Cela pouvait donc paraître un objectif atteignable, surtout quand on est convaincu d’avoir fait une bien meilleure campagne que six ans auparavant.

Il faut croire que malgré ma volonté de toujours avoir du recul sur mon engagement politique, moi aussi j’ai fini par me bercer de quelques illusions. Quand j’arrive à la Mairie, avec le seul résultat de mon bureau de vote, je sais déjà que nous en sommes loin. Je croise immédiatement le Maire que je félicite. Il me répond simplement « merci », sans chaleur, avec son sourire en coin qui le rend tellement insupportable parfois. Alors que je sais déjà que l’objectif n’est pas atteint, au fur et à mesure que les résultats des différents bureaux de vote remontent, nous voyons nous dessiner une catastrophe que je n’avais personnellement jamais, mais alors, jamais envisagée. Nous allons perdre un élu et passer de 4 à 3 représentants au Conseil Municipal. Nous allons surtout nous retrouver à égalité numérique avec l’autre opposition, ce qui aura des conséquences fâcheuses (j’y reviendrai).

Une fois les résultats proclamés, tous ceux qui ont œuvré dans cette campagne sont invités à partager un verre autour d’un buffet chez notre ancien secrétaire de section. Je m’efforce de faire bonne figure et prononcer le discours qui va bien. Je parle notamment d’avenir et des combats futurs. Mais au fond de moi, je sais déjà que ce résultat aura une conséquence. En effet, peu de temps avant de rentrer en campagne, j’ai commencé mes premières démarches pour changer de travail. Le mien ne m’intéresse plus depuis un moment et je compte également gagner nettement mieux ma vie. Peut-être assez bien pour habiter dans Paris intramuros, ce qui était mon projet de vie avant d’arriver presque par hasard à Viroflay. Si j’étais devenu Conseiller Communautaire, mandat rémunéré, j’aurais sûrement renoncé à déménager. Ne l’étant pas, je sais que je partirai si j’en ai l’occasion. Je vais donc finir par trahir la confiance et le mandat qui m’ont été donnés. C’est encore loin, flou, juste un projet, mais je me sens un peu hypocrite en tenant mon discours.

Je rentre donc chez moi le cœur lourd et amèrement déçu. Ce qui me donnera finalement un peu de réconfort avant d’aller me coucher, c’est le malheur des autres. Je regarde les résultats de mes camarades un peu partout dans les Yvelines et je constate l’ampleur de la Bérézina pour les candidats issus du PS. Finalement, comparés aux autres, nous ne nous en sortons pas si mal et nous avons limité la casse, comme on dit. Quelle est la part de la qualité de notre campagne dans ce constat ? Avons-nous vraiment sauvé des voix, à défaut d’en gagner ? Impossible de le savoir, mais cela fait du bien de le croire. Avec le recul, je n’en suis pas profondément convaincu.

TOUT CA, POUR CA : 10 ANS DE MILITANTISME AU PARTI SOCIALISTE : EPISODE 25 : Campagne adminstrative

episode25Dernier aspect d’une campagne électorale, l’aspect administratif. Cela peut presque paraître négligeable quand on se lance, mais on s’aperçoit vite que c’est une part importante du travail à accomplir. Cependant, je pouvais me lancer dans cette aventure sans trop d’appréhension à ce niveau-là. L’avantage de faire parti d’un « vieux » parti politique est de pouvoir être épaulé par des militants chevronnés qui se sont déjà pliés à l’exercice à plusieurs reprises. Et j’avoue que pour cette campagne des municipales, j’ai été parfaitement accompagné.

Premier nerf de la guerre et premier problème à résoudre… l’argent. Certes, la puissance publique finit par rembourser les frais de campagne (cf. la fin de ce billet), mais il faut bien avancer l’argent. Ici on parle d’environ (de mémoire) 15 000 euros. La loi nous autorisait à dépenser le double, mais cette la deuxième moitié n’aurait pas été remboursée. Nous décidons très vite de nous contenter de ce budget et de ne pas faire appel aux dons. C’était en effet largement suffisant et je n’ai pas le souvenir de m’être jamais senti contraint par le moindre manque de moyens financiers.

Je ne remercierai jamais assez mes colistiers qui ont avancé 1000 à 2000 euros pour financer cette campagne. Cela nous évitait de faire un emprunt, qui nous aurait forcé à supporter le coût des intérêts générés entre le jour de l’élection et le remboursement, qui ne sont pas considérés comme des frais de campagne. Cela me permit surtout de ne pas avancer un centime de ma poche, alors que ma situation financière ne m’autorisait de toute façon pas à mettre de l’argent dans cette campagne, ce qui est rarement le cas de la tête de liste. Cela ne paraît rien, mais ces aspects financiers constituent tout de même un léger frein à la démocratie et favorise les partis bien installés comme le PS.

Dans une campagne électorale, un candidat a besoin d’un allier précieux et légalement indispensable, un mandataire financier. Il sera chargé de comptabiliser toutes les dépenses réalisées dans le cadre de la campagne, y compris en théorie l’encre des stylos utilisés. Il est surtout le seul autorisé à payer les factures. J’avais la chance de pouvoir compter sur notre ancien secrétaire de Section qui s’est acquitté de la tâche assez remarquablement pour que je n’ai jamais à me préoccuper de ces aspects-là

Les élections municipales ont beau être une élection de liste, celui qui se trouve à sa tête supporte la quasi entière responsabilité de la campagne vis-à-vis de l’administration. Il est notamment chargé de déposer le dossier complet en préfecture. En une fois… ou deux. En effet, les contrôles sont réels et un seul papier de travers et vous êtes bon pour un deuxième passage, je peux en témoigner.

Les campagnes électorales sont soumises à un certains nombres de règles qui régissent les documents dits de la campagne officielle, à savoir l’affiche collé sur les panneaux disposés devant les bureaux de vote, les professions de foi envoyées par la Poste aux électeurs et évidemment les bulletins de vote. Tous ces documents sont soumis à la validation d’une commission quelques jours avant le vote. Etre recalé par la commission est évidemment équivalent à une catastrophe car mine de rien, la profession de foi reste de très loin le tract le plus lu. Et ne parlons même pas d’une absence éventuelle de bulletin de vote…

En amont de la commission, il est conseillé d’envoyé un exemplaire des documents à la préfecture pour d’éventuelles remarques. J’ai reçu cette réponse, formidable moment de logique administrative pure : Aux termes du premier alinéa de l’article R. 27 du code électoral :  » Les … circulaires ayant un but ou un caractère électoral qui comprennent une combinaison des trois couleurs : bleu, blanc et rouge à l’exception de la reproduction de l’emblème d’un parti ou groupement politique sont interdites ».
Il résulte de l’examen d’un exemplaire en couleurs de la profession de foi considérée que ce document semble utiliser les couleurs bleue, blanche et rouge pour certains vêtements de la photo.
S’il est vrai que le document emploie également d’autre couleur, le rapprochement des trois couleurs nationales pourrait être regardé comme prohibée par l’article R. 27 du code électoral par la commission de propagande ou le juge électoral.
La notion de combinaison des couleurs « bleu, blanc et rouge » étant subjective et soumise à l’appréciation souveraine du juge, nous ne pouvons que vous conseiller de faire retoucher les couleurs des vêtements de vos colistiers. Il s’agit là peut-être d’un excès de précaution, mais cela permet d’écarter tout motif de discussion lors de la commission de propagande.
En dehors de ce point, cette circulaire n’appelle aucune remarque de notre part, sous respect des grammages et dimensions réglementaires.
Grâce à mes talents limités mais suffisants en retouche d’images, je repeins le manteau d’une de mes colistière en une autre couleur pour ne prendre aucun risque.

Les bulletins de vote quant à eux répondent à une règle assez simple. Ils doivent être totalement unicolore. Et donc, tout candidat à une élection fait face à une question cruciale : quelle couleur pour le bulletin de vote ? Le plus souvent, on choisit une couleur associée à son parti politique. Ainsi beaucoup de bulletins PS sont rose. Mais on peut aussi essayer de tromper l’ennemi ou d’élargir le spectre politique auquel on peut prétendre. C’est pourquoi, puisque nous n’avions pas réussi à obtenir le logo EELV pour notre liste, nous avons d’abord pensé à la couleur verte pour notre bulletin. Mais le résultat n’était pas très satisfaisant. Nous avons donc finalement opté pour un bulletin… bleu… Bon bleu foncé, pas bleu UMP, mais quand même. Le créer ne fut d’ailleurs pas une mince affaire. Je pense que le jour où nous l’avons finalisé restera le jour où j’aurais échangé le plus de mail en une seule journée de toute ma vie (tout ça, sur mes heures de travail…).

La vie administrative de la campagne ne s’arrête pas avec l’élection. En effet, avant de vous rembourser vos frais de campagne, l’administration épluche vos comptes de très près. Si certains se disent que c’est « magouille et compagnie », je peux vous assurer que sur ce point, les politiques ont l’obligation d’être irréprochable. Même les petits comme moi. On me demanda par exemple d’envoyer un fichier contenant toutes les photos correspondant à la facture de mon ami photographe (au cas où j’aurais mené campagne sans photo et produit une fausse facture…). Bref, après près de 9 mois de délais, je reçois un beau jour enfin environ 15 000 euros sur mon compte en banque, ce qui me permet de rembourser au plus vite (parce que je suis honnête quand même) les camarades qui avaient avancé les fonds. 1000 ou 2000 euros qu’ils auront avancé pendant un an et demi pour certains. La démocratie a définitivement un coût !