QUAND CA CHANGE, RIEN NE CHANGE

mamhortefeux

mamhortefeuxNicolas Sarkozy n’avait plus le choix, au risque de traîner n boulet jusqu’en 2012. Et vu le retard qu’il a concédé pour l’instant dans la course électorale, il sait bien, en habile coureur de fond, qu’il ne peut s’embarrasser de ce genre de poids avant de porter son accélération. Il a donc évincé Michèle Alliot-Marie dans une mise en scène médiatique tout à fait déplorable.

Il n’est pas choquant de voir une Ministre des Affaires Etrangères en déplacement officiel et donc en fonction, nier avec force sa démission pourtant déjà acquise. Quelle crédibilité aurait eu sa parole à l’étranger si elle l’avait clamer haut et fort ? N’empêche tout cela renforce cette impression que tout ce cirque n’est qu’affaire d’image et d’apparence. Pour preuve, le départ de MAM, d’après la droite, ne serait pas moral, mais politique. J’adore ce genre de subtilité de langage ridicule qui ne grandit pas son auteur et n’est pas prête de réconcilier le Français moyen avec ses dirigeants.

Beaucoup plus discret médiatiquement a été l’éviction de Brice Hortefeux. Une éviction qui ne dit pas son nom puisqu’il devrait être très prochainement appelé à de hautes fonctions nous dit-on. L’ancien Ministre de l’Intérieur est entré dans la postérité en se faisant condamner deux fois pour des propos tenus alors qu’il était en fonction. Ca s’appelle un délinquant récidiviste et pour un Ministre de l’Intérieur, ça la fout quand même mal. Après, on peut tout de même se poser une légitime question : comment a-t-il pu rester aussi longtemps en poste malgré tout cela ?

A sa place Claude Géant. Un homme qui n’a jamais affronté le suffrage universel, un courtisan de l’ombre. D’autres avant lui ont occupé des postes encore plus prestigieux (Dominique de Villepin pour ne pas le citer). Vous me direz, vu le pouvoir exorbitant que possède cet homme depuis l’arrivée de Sarkozy à la Présidence, au moins, il pourra désormais l’exercer au grand jour. Si la transparence de l’action gouvernementale y gagnera, sa nomination permet surtout de se rendre compte que Sarkozy n’a en rien renoncé à être un omniprésident.

Enfin, le plus beau pour la fin. La nomination de Gérard Longuet à la Défense. A 65 ans, voilà un come-back assez inattendu pour un homme qui avait du démissionner du gouvernement Balladur suite à sa mise en examen pour le financement de son parti et accessoirement celui de sa villa. Alors certes, il a bénéficié d’un nom-lieu, mais par le double effet de la prescription d’une partie des des faits qui lui étaient reprochés et d’une loi d’amnistie. Bref, un jeune sans casserole, dont la nomination n’a aucune chance d’entretenir le sentiment du « tous pourris »…

Reste tout de même une question qui me turlupine… Qui sur Terre va se dire « Oh, mais si y a Gérard Longuet au gouvernement, je vais finalement revoter pour Sarkozy en 2012 » ? Pas grand monde à mon avis. Cela fait au moins une raison de se réjouir… mais c’est bien la seule.

CE SANG QUI ECLABOUSSE

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khadafisarkozyCe que Moubarak et Ben Ali ont eu la lucidité de faire, Muammar Kadhafi s’y refuse. Il est décidé à s’accrocher au pouvoir aussi longtemps que possible, n’hésitant pas à noyer son propre peuple dans le sang. On parle déjà de crime contre l’humanité dans une communauté internationale choquée et révoltée. Pourtant, il n’y a pas si longtemps ce brave homme plantait sa tente dans le jardin de l’Elysée.

Tout serait moins dramatique, on serait tenté d’en rire. L’épisode de la tente de bédouin sous les fenêtres de Nicolas Sarkozy avait déjà couvert de ridicule notre pays. Enfin, ce n’est pas ce que pensait Patrick Ollier, président du groupe France-Libye à l’Assemblée, qui chantait alors les louanges d’un Kadhafi ayant tourné le dos au terrorisme et devant reprendre pleinement sa place dans la communauté internationale. Patrick Ollier qui est, rappelons-le, le compagnon de Michèle Alliot-Marie. Vous savez notre ministre des Affaires Etrangères qui fréquentent de près les proches de Ben Ali. Quand on ajoute à ça, qu’une partie des armes, notamment des avions, ayant servi à la répression du peuple libyen sont françaises, on voit bien que notre pays n’a vraiment pas de quoi être fier.

Mais dans tout ça, il y en a qui doivent avoir le cœur bien gros. Les familles des victimes de l’attentat de Lockerby avaient sûrement déjà du apprécier de voir certains grands de ce monde faire des courbettes devant Kadhafi. Je ne peux même pas imaginer leur amertume et leur dégoût. Mais voilà, ils n’ont pas de pétrole et ils n’achèteront jamais d’avions de chasse. Aujourd’hui, le sang de leurs proches se mêle à ceux des Libyens tombés sous des balles made in France.

Non, vraiment pas de quoi être fier.

MAM TOUCHE LE FOND, MAIS CREUSE ENCORE

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mamLe ciel s’obscurcit au dessus de la tête de notre Ministre des Affaires Etrangères, Michèle Alliot-Marie. Il est désormais beaucoup plus sombre que celui des plages de Tunisie, auxquelles elle et sa famille sont visiblement très attachées. Si la faute était regrettable, c’est sa ligne de défense qui rend son attitude inexcusable, tant est elle est pathétique.

Quand on se fait prendre la main dans le pot de miel, nier la gravité de la faute est déjà limite. Surtout quand cela prend la forme d’un « quand je suis en vacances, je ne suis pas ministre ». Cette phrase malheureuse dans l’absolue l’est encore plus quand on passe ses congés dans une dictature en passe de connaître un soulèvement populaire de grande ampleur. Mais on peut être éventuellement être indulgent avec la maladresse, aussi grossière soit-elle.

Par contre, le mensonge, c’est nettement plus impardonnable. De mentir déjà et surtout de ne pas imaginer que tout ce qu’on a tenté de cacher n’allait pas finir par sortir. Qu’imaginait-elle ? Que les journalistes portent tous des moufles ? Qu’on allait la croire sur paroles et ne pas chercher plus loin ? C’est une attitude puérile et indigne d’une ministre d’Etat. Sans parler même des faits qui lui sont reprochés.

Mais pour moi, le pire de tout fut les déclarations d’une député, dont j’ai oublié le nom et c’est tant mieux, qui pour défendre MAM a expliqué, le plus naturellement du monde, que tout cela était exactement comme quand vous organisez un covoiturage avec des amis quand vous partez en vacances. Donc, je résume voyager dans le jet privé d’un homme d’affaires véreux d’une dictature alors qu’on est Ministre des Affaires Etrangères, c’est exactement comme quand vous embarquez des potes dans votre vieille 206 pour aller faire du camping… Les bras m’en tombent.

Si après ça, certains hommes politiques s’étonnent encore de donner l’impression d’être coupé du reste de la société… c’est qu’ils le sont bel et bien. Pour le citoyen, quelque chose qui ne l’étonne plus, c’est que ce genre de personnes soient incapables d’apporter de vraies réponses aux problèmes qui se posent au Français moyen.

L’UMP ATTAQUE, DSK TREMBLE…OU PAS

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dskDepuis qu’Anne Sinclair a évoqué à demi-mot l’avenir de son président du FMI de mari, c’est le branle-bas de combat à l’UMP. Le parti présidentiel a envoyé au front plusieurs seconds couteaux pour lancer quelques piques. L’argumentation était pathétique et la réaction révélatrice d’un état de panique.

Pourquoi un tel empressement à critique DSK ? La réponse est simple. Les derniers sondages donnent vainqueur ce dernier avec près de 70% des voix lors d’un deuxième tour de l’élection présidentielle face à Nicolas Sarkozy. Même si évidemment un tel score ne sera jamais atteint, l’écart semble pour beaucoup déjà irrémédiable. Alors, si la droite veut rester au pouvoir, elle n’a plus qu’un seul espoir. Que Dominique Strauss-Kahn ne soit pas chois comme candidat lors des primaires socialistes.

Ceci explique les propos quelque peu surprenants de la part Christian Jacob et Pierre Lellouche. D’après eux, le plus grand défaut de DSK serait de ne pas être assez à gauche et de ne pas assez connaître la France profonde. Evidemment, on peut leur accorder qu’il n’a rien d’un paysan ou d’un prolétaire, mais transformer cet état de fait en argument politique est tout simplement pitoyable. Surtout venant de personnes dont le leader est Nicolas Sarkozy. Comme prolétaire et paysan, on fait également mieux. Rappelons simplement que quand notre Président était Maire de Neuilly, Dominique Strauss-Kahn était maire de Sarcelles. On ne peut même pas parler d’hôpital se moquant de la charité car un tel degré de mauvaise foi est indigne de membres du gouvernement.

Christian Jacob et Pierre Lellouche ont sûrement voulu souligner les handicaps avec lequel DSK part dans la course à l’investiture socialiste, espérant ainsi qu’elle sera accordée à un autre candidat. Ils feraient mieux de s’occuper de leur ministère au lieu de se couvrir de ridicule et ont surtout, à mon avis, eu une démarche complètement contreproductive.

Ce n’est sûrement pas en critiquant DSK qu’ils l’éloigneront des cœurs des Français de gauche. Aujourd’hui, c’est être l’ami de Sarkozy plutôt que son ennemi qui représente un handicap. Alors, Dominique Strauss-Kahn pourra vraiment s’inquiéter quand ces guignols commenceront à en dire du bien.

L’ART DE LA LANGUE DE BOIS (VERT)

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primairesvertesLes Verts, …enfin pardon Europe Ecologie, ne participera pas aux primaires organisées par le Parti Socialiste… mais en organisera une en interne. Bonnet blanc et blanc bonnet ? Non, Daniel Cohn-Bendit nous explique qu’elle sera qualitative, et non quantitative, comme au PS… Cet argument massue laisse songeur… Si j’essaye de traduire, une primaire, c’est bien, s’il n’y a pas trop de candidats.

Les Ecologistes pratiquent ici un remarquable moment de langue de bois, comme seule la politique nous en offre. Leur problème n’est effectivement pas d’avoir trop de candidats, mais de ne pas en avoir du tout. Ils pensaient tenir la perle rare en la personne d’Eva Joly, mais ils se rendent compte que médiatiquement, ça ne prend pas du tout et qu’ils partiraient sûrement au casse-pipe avec elle. Du coup, par un tour de passe-passe magnifique, ils essayent de sortir Nicolas Hulot de leur manche. Sauf qu’on a plus l’impression que l’idée vient d’eux que de l’éventuel futur candidat lui-même. Et puis, présenter comme candidat un homme qui n’a jamais fait de politique et qui n’a jamais joué aucun rôle au sein de ce parti, et donc jamais participé au choix des orientations qu’il défend, sonne quelque peu comme une manœuvre de dépit.

En fait, si les Verts ne participeront pas aux primaires organisés par le PS, c’est tout simplement qu’ils se sont donnés comme tactique politique de présenter coûte que coûte un candidat aux prochaines présidentielles. C’est un choix qui peut se comprendre et se respecter de la part d’un parti qui a connu d’aussi bons résultats lors des dernières élections. Mais ce qui est insupportable, c’est que cela ne soit pas assumé comme tel, mais enrobé de justifications philosophiques, qui n’ont d’autres buts que de critiquer le PS pour tenter de lui piquer des électeurs. Le débat démocratique n’en sort pas gagnant.

TANT D’ESPOIR POUR LE MONDE

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egypte2Ce soir le monde se réjouit de la démission de Hosni Moubarak de la tête de l’état égyptien. Le peuple a gagné, comme en Tunisie. Evidemment, comme je l’ai souligné dans un billet précédent, de grandes incertitudes planent encore sur le futur de ces deux pays. Mais ce soir, c’est l’optimisme qui prédomine et avec raison. L’actualité ne nous laisse pas assez souvent le loisir de célébrer de bonnes nouvelles, alors profitons-en.

Ces deux « révolutions » présentent plusieurs caractéristiques remarquables qui peuvent donner de l’espoir pour l’avenir de l’humanité… Bon je m’emporte peut-être un peu dans mes formules, mais tout de même. Déjà, ces évènements furent d’une rapidité incroyable, étant donné la solidité présumée de ces dictatures établies depuis plusieurs décennies. Et le plus étonnant reste tout de même le peu de sang versé, même si peu, c’est encore trop. 

 
La Tunisie et l’Egypte ne sont ni le Soudan, ni la Corée du Nord. Ils étaient largement intégrés dans la communauté internationale, aussi bien économiquement que politiquement. Du coup, quel futur leur aurait offert un bain de sang ? Celui de paria à la tête d’un état ruiné ? Il était évidemment inenvisageable à qui on peut reprocher sûrement bien des choses, mais sûrement pas l’idiotie ou la folie.

Le « Auschwitz, ça ne pourrait plus arrivé de nos jours, tout le monde aurait su » reste malheureusement une vue de l’esprit. Il existe encore bien assez de tyrans, d’opprimés, de torture, de génocide et de répression sur Terre, parfois largement médiatisés, pour savoir que les choses ne sont certainement pas aussi simples. Mais les évènements de ces derniers jours prouvent tout de même que l’interdépendance entres les états, s’il n’empêche pas les autocraties de prospérer, limite les extrémités que ces régimes peuvent se permettre.

La notion de communauté internationale (sans même parler de réelle gouvernance) demeure trop souvent au stade de belle idée, la mondialisation a bien des aspects pervers. Cependant, doucement, trop doucement, les peuples se rapprochent, pour le meilleur, parfois pour le pire. Mais si à côté de Coca-Cola et Mc Donald, la démocratie peut devenir une valeur réellement universelle, alors le monde y aura beaucoup gagné.

Mais la plus belle leçon que nous aura donné la Tunisie et l’Egypte reste le fait qu’il est encore utile de se battre et que les peuples peuvent encore changer et choisir le monde dans lequel ils vivent. Et ça, c’est une vraie raison d’espérer !

DE LA REVOLUTION A LA DEMOCRATIE, IL N’Y A QU’UN PAS… OU DEUX

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egypteLes évènements de Tunisie et désormais d’Egypte font naître bien des commentaires enthousiastes sur la capacité des peuples à chasser les dictateurs qui les oppriment. On en vient à rêver que le phénomène s’étende et amène d’autres pays vers la démocratie. Mais évidemment le chemin est encore bien long.

On le voit bien en Tunisie, et sûrement demain en Egypte, chasser un dictateur ne signifie pas forcément voir la démocratie fleurir d’un seul coup. Le pouvoir, même le plus démocratique du monde, doit bien être exercé par un chef d’Etat, un gouvernement, des élus… Bref autant de futurs dictateurs en puissance, ou au moins des alliés, qui après s’être unis pour combattre un ennemi commun, auront tout loisir de devenir eux-mêmes des ennemis les uns pour les autres.

J’ai un jour entendu quelqu’un dire que si la Révolution Française avait si bien fonctionné, c’est qu’elle avait provoqué la mort de tous ceux qui l’avaient menée. En effet, combien de révolutionnaires triomphants se sont transformés en despotes une fois arrivés au pouvoir ! La chance de la Tunisie et de l’Egypte est de connaître des mouvements qui ne s’incarnent pas dans une ou plusieurs grandes figures qui pourraient réclamer le pouvoir à ce titre. Certains y voient un risque de division, mais je pense qu’il s’agit là avant tout d’une formidable opportunité. Mais encore une fois le chemin est encore long et il faudrait bien se garder de tout optimise béat.

Un mot enfin sur l’attitude de la France face à ces évènements. Ceux de Tunisie nous touchent évidemment plus particulièrement, du fait des liens historiques particuliers que nous entretenons avec ce pays. Notre grand ami Ben Ali s’est d’un coup transformé en indésirable, prié d’aller trouver exil ailleurs. Ceux qui hier chantaient le louanges de ce supposé progressiste se font soudainement bien discret. Tout cela montre bien à quel point l’hypocrisie est à la base de toutes relations internationales. Mais fallait-il une révolution de jasmin, ou Wikileaks, pour s’en apercevoir ?

LA REVOLUTION ET NOUS, ET MOI

cantona

cantonaNous sommes le 7 décembre 2010, il est 21h47 et aux dernières nouvelles, le système bancaire français ne s’est pas écroulé. L’appel d’Eric Cantona est un échec…

Au-delà de l’anecdote du buzz autour de la vidéo de l’ancien attaquant de Manchester United, cette affaire est particulièrement révélatrice de la relation ambiguë qu’entretient le peuple français avec l’idée de révolution. Voilà bien une idée qui nous parle et qui pour beaucoup nous séduit. Quoi de plus normal pour une nation qui a fondé une large part de son identité sur ce qu’on appelle la Révolution, avec un R majuscule. Elle est à l’origine de notre imaginaire politique et la décapitation de Louis XVI représenta l’expression la plus ultime du rapport amour-haine que nous entretenons avec nos dirigeants.

Mais si notre imaginaire est encore bercée de révolution, le passage à l’acte semble être devenu beaucoup plus difficile. Mais l’est-il vraiment ? Ou bien la légende n’a t’elle pas déformée l’image que nous avons de ces évènements ? Si on reparle souvent des évènements de mai 68, comme étant le dernier épisode révolutionnaire qu’ait connu notre société, on oublie souvent de mentionner la vague conservatrice qui a déferlé aux élections qui ont suivi.

De même 1789 est loin d’être ce que notre imaginaire national souhaiterait qu’il soit. On a retenu l’image d’une révolte du peuple contre l’oppression. Mais la Révolution Française fut avant tout la prise de pouvoir de la bourgeoisie. Cette dernière avait déjà largement conquis le pouvoir économique, il lui restait encore à conquérir le pouvoir politique. Ce fut chose faite… et rien n’a vraiment changé depuis, le peuple ayant au fond simplement changé de maître.

Avoir substitué un pouvoir acquis par le sang par un pouvoir procuré par l’argent présente un grand avantage pour celui qui le détient. En partageant un peu de son pouvoir, donc de son argent, il peut acheter la paix sociale. Bien sûr, il s’agit d’en donner le minimum, mais juste assez pour tuer dans l’œuf toute tentative de renverser l’ordre établi. De plus, si en 1789 la chute de la noblesse n’a nuit qu’à cette dernière, la chute du pouvoir économique entraînerait toute la société avec lui. La crise financière l’a montré, les premiers à trinquer en cas de secousse, ce sont les plus faibles. Ou du moins, ce sont les seuls qui peuvent tout perdre.

Si l’appel de Cantona avait été entendu à une large échelle, cela aurait surtout nuit à ceux qui l’aurait suivi. Pourtant, on ne peut s’empêcher de penser que ça aurait peut-être été un mal pour un bien. Cela pose une question fondamentale auquel est confronté toute personne ayant l’espoir de changer le monde et a fortiori à un militant de gauche comme moi. Peut-on vraiment changer les choses dans le système actuel ? La démocratie peut-elle encore dominer le pouvoir économique ? Bref, même si elle se mène au prix de bien de larmes et de souffrances, la révolution n’est-elle pas la seule issue ?

Bien sûr, aux deux premières questions, je répondrais oui et non à la dernière. Si ce n’était pas le cas, mon engagement ne serait pas le même. Mais le doute est évidemment là. Lâcher l’espoir en la démocratie pour un rêve révolutionnaire peut être signe de désespoir. Ceux qui n’ont rien à perdre dans la société actuelle n’ont aucune raison de ne pas la souhaiter. Mais ceux pour qui ne sont pas ce cas-là, il s’agit souvent d’une paresse intellectuelle, un refus d’assumer sa propre part de responsabilité, un moyen de se donner bonne conscience et d’oublier qu’on est, comme la plupart d’entre nous, dépendant, et donc quelque part acheté par le système économique.

Faire la révolution depuis son salon quand on a les revenus d’Eric Cantona (et une épouse qui a fait de la pub pour une banque…) est chose facile. Se présenter face aux électeurs, les convaincre, accepter leur verdict l’est beaucoup moins. Pourtant c’est ce qu’on appelle simplement la démocratie et on sait bien ce qu’ont donné les révolutions qui ont entraîné sa disparition.

RETOUR SUR UN MOIS CONSTERNANT

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sarkofillonAyant une vie mouvementée et dissolue, comme chacun le sait, j’ai quelque peu négligé ma rubrique actualités. Pourtant, il s’en est passé des choses depuis le 24 octobre. Et bien sûr, un homme continue d’occuper la une et de briller de mille feux. Je veux évidemment parler de notre cher et tendre Président, Nicolas Sarkozy.

Avec le feuilleton du remaniement, je crois qu’on a vraiment touché le fond en termes de dramatisation et de scénarisation de la vie politique, histoire d’occuper au maximum les médias et d’empêcher tout débat de fond ou d’idées. Mais en nous faisant lambiner six mois pour finalement reconduire François Fillon, Nicolas Sarkozy nous a surtout prouvé qu’il n’avait plus d’autre choix que de tout miser sur la mobilisation maximale de son électorat traditionnel. Une tactique qui peut paraître suicidaire, quand on sait que les élections se gagnent, au contraire, en mobilisant l’électorat « flottant ». Cependant, en se concentrant sur l’idéologie qu’il maîtrise le mieux, il pourrait se reprendre du poil de la bête d’ici 2012…

… si l’affaire de Karachi ne lui a pas explosé à la figure d’ici là. L’agressivité du Chef de l’Etat vis à vis des journalistes qui ont l’audace d’écrire sur le sujet montre bien que c’est la panique à bord. On trouve aujourd’hui sur Mediapart une excellente synthèse sur l’affaire, qui renvoie vers tous les documents, parfois publics, qui vont totalement à l’encore de la défense de Sarkozy : http://www.mediapart.fr/club/blog/francois-bonnet/241110/nos-lecteurs-mediapart-karachi-et-le-president Et il ne faut surtout pas oublier que l’affaire a repris de l’ampleur depuis un rapport d’enquête de la police luxembourgeoise. Il est tout de même difficile de penser que la justice du Grand Duché cherche à répandre de pures calomnies sur notre Président.

Enfin, la nouvelle qui ferait rire si elle était vraiment drôle est le revirement de l’ancien jeune militant UMP d’origine maghrébine qui s’était fait joyeusement insulté par Brice Hortefeux. Des propos pour lesquels l’ancien Ministre de l’Intérieur a été condamné pour injure raciale, il faut quand même le rappeler. Dans beaucoup de pays, cela aurait évidemment conduit à une démission immédiate, pas chez nous, où les dérapages racistes du gouvernement sont devenus trop fréquents pour provoquer une indignation d’ampleur. Une nouvelle preuve que la politique du pire finit par habituer le citoyen à tout et n’importe quoi.

Espérons que ce mois politiquement consternant finisse par pousser les Français à mener une cure de désintoxication contre le sarkozysme.

 

POURQUOI IL FAUT SE BATTRE… ET POURQUOI IL LE FAUDRA ENCORE DEMAIN : 2ème partie

plusdureseralachute

plusdureseralachuteAprès les considérations physico-matématico-philosophiques, passons à des considérations un peu plus concrètes. Mais avant, un peu d’histoire.

Au début du 20ème siècle, deux visions du capitalisme s’affrontaient. La première a eu pour chef de file un certain Henry Ford, constructeur automobile de son état. Un grand entrepreneur, symbole du rêve américain, pas vraiment un bolchevique. Or, il avait pour principe de très bien payer ses salariés. Pourquoi ? Pour l’amour qu’il leur portait ? Parce qu’il n’aimait pas l’argent et qu’il préférait le distribuer aux plus modestes ? Non, pas du tout, tout simplement pour que ses employés puissent eux-mêmes s’acheter une Ford et ainsi augmenter le chiffre d’affaire de son entreprise.

On le sait, le progrès technique aidant, la productivité augmente un peu chaque année. Ainsi, au fil du temps, chaque travailleur est capable de produire un peu plus de richesses. Mais la question se pose alors de la répartition de cette richesse supplémentaire. On le verra cette question est absolument centrale. Henry Ford privilégiait l’augmentation des salaires, conscient qu’une partie de cette richesse allait lui revenir, mais en permettant entre temps à un de ses employés d’acheter une belle voiture.

Cependant, ses contemporains capitalistes ont trouvé les idées d’Henry Ford fort saugrenues. Pourquoi donc prendre le risque que l’employé en question décide, au-lieu d’acheter une Ford, d’épargner ou d’investir dans un appartement ? Il est beaucoup plus simple, et intelligent de leur point de vue, d’utiliser la progression de la productivité pour mieux rémunérer directement le capital qu’il possède et diminuer le nombre de salariés.

Malheureusement, la seconde vision l’a totalement emporté et la vision fordiste du capitalisme est vite devenue totalement désuette. Pourtant, me direz-vous, cela n’a pas empêché le niveau de vie des salariés de progresser de manière spectaculaire au cours du 20ème siècle. En effet, les salariés ont su défendre leurs intérêts et su conserver leur part du gâteau à grands coups de luttes sociales. Cela a permis pendant des décennies un partage relativement équitable des gains de productivité, entre salariés, actionnaires et l’entreprise elle-même, sous forme d’investissement. Mais évidemment, cela en chagrinait certains. Ils se sont alors creusés la tête et se sont appuyé sur trois phénomènes pour mettre fin à tout ça…

Bon, soyons honnêtes, le premier n’est pas vraiment une invention, mais une tendance très ancienne qui s’est accélérée d’un coup. Je veux parler de la mondialisation, en particulier de la possibilité qu’ont eu les entreprises industrielles à se délocaliser. Quelle aubaine ! Pourquoi continuer à partager la valeur ajoutée avec des salariés occidentaux, quand une armée de petits Chinois est prête à travailler pour moins d’un dollar par jour ?! Evidemment, je caricature au maximum, mais il est incontestable que la peur du chômage et des délocalisations ont considérablement changé le rapport de force entre salariés et actionnaires, au profit de ces derniers bien sûr.

Le deuxième phénomène est lui totalement calculé et entretenu par les détenteurs du capital. C’est l’externalisation et la sous-traitance. Je ne sais pas qui a eu l’idée en premier, mais ce fut une idée de génie. En effet, il permet de transformer un salarié, qui peut revendiquer, se mettre en grève, qui a des droits et qu’il faut surtout payer tous les mois quoiqu’il arrive, en fournisseur. On est passé d’un rapport salarié-actionnaire à un rapport fournisseur-client. Et on le sait bien, le client est roi !

Le développement de la sous-traitance présente évidemment d’énormes avantages en termes de gestion du personnel… vu que le personnel n’appartient plus à l’entreprise et qu’on peut d’un simple coup de fil lui dire « désolé, je ne travaillerai plus avec vous »… On n’a souvent même pas besoin de téléphoner, il suffit juste d’arrêter de passer commande. Cette évolution a surtout permis d’éradiquer le syndicalisme des entreprises françaises. Qui se syndique dans une petite PME ? Personne, alors que cette coutume survit encore dans les grands groupes. Mais ils trouveront sûrement une solution pour y remédier… Bref, quand on pense qu’il y’a encore trente ans, Renault avait un service qui fabriquait… les meubles des bureaux. Aujourd’hui, cela paraîtrait totalement saugrenu.

Le dernier phénomène s’est largement nourri des deux premiers. Il s’agit du développement spectaculaire de l’économie financière, dont la part dans le PIB s’accroît d’année en année. Pourtant, les outils financiers sont très anciens. Mais les créateurs de la Bourse, au 19ème siècle, qui ont cherché un moyen de favoriser la levée de capitaux pour stimuler l’investissement des entreprises, n’ont rien de commun avec les traders utilisant des algorithmes permettant de passer des ordres spéculatifs en moins d’une milliseconde. A l’origine, ces outils étaient au service de l’économie réelle, désormais c’est l’inverse. Ce sont les objectifs de rentabilité du capital qui gouvernent la gestion des grandes entreprises et non la rentabilité de l’activité qui détermine la rémunération de l’actionnaire.

De plus, grâce aux hedge-funds, aux fonds de pension, aux SICAV, on a le plus possible éloigné le propriétaire du capital de l’unité de production de biens ou de services. Qui fait le lien entre des licenciements et la valorisation de ses SICAV, dont on ignore généralement de quelles actions elles sont composés ? Cela permet surtout à tout un tas d’intermédiaires de se servir, grassement, au passage.

Quel est le rapport avec ce que j’avais exposé dans la 1ère partie de cet article ? Si l’on revient au dilemme du prisonnier, tous ces phénomènes sont autant de trahisons qui nous éloignent de la situation optimale. Ceux qui profitent de cette situation, c’est à dire les détenteurs du capital et les intermédiaires qui vivent directement à leurs crochets, en tirent un profit immédiat et important. Ils sortent libres de prison, tandis que l’économie réelle, dont dépend le reste de la société, est invitée à passer un long séjour à l’ombre. Mais on l’a vu, cette situation incite tout le monde à agir égoïstement et, même si chacun pense défendre ses intérêts individuels, cela conduit l’ensemble des acteurs à la catastrophe.

L’économie financière, qui aujourd’hui impose sa loi, vampirise, étouffe et détruit l’économie réelle, en apportant son lot de souffrances et de misère. Ils sont nombreux à se gaver comme des oies, dans une indécence la plus totale. Mais l’économie financière ne crée pas valeur ajoutée, elle ne fait qu’aspirer celle crée par l’économie réelle. Si cette dernière est détruite, la première s’écroule. C’est exactement ce qui s’est passé lors de la crise que l’on vient de connaître, où un phénomène liée à l’économie réelle (le non-remboursement par des personnes physiques de traites des fameuses « subprime ») a provoqué un séisme dans tout le système financier mondial, qui a, à son tour, contaminé l’ensemble de l’économie réelle, en diminuant les crédits accordés aux entreprises notamment.

Il y’a aujourd’hui une minorité, celle qui possède le pouvoir économique, financier, et, malheureusement, souvent politique, qui scie la branche sur laquelle elle est assise, en tirant un avantage à court terme. Le problème c’est que nous sommes tous assis dessus et au final, nous serons tous entraînés dans la chute.

Cela vous semble improbable ? Sachez que depuis 2005 (c’est à dire avant et après la crise), le montant des dividendes distribuées aux actionnaires par les entreprises françaises a dépassé leur résultat comptable (sauf en 2007). C’est à dire que les entreprises s’endettent pour continuer à rémunérer leurs actionnaires. Cette situation est évidemment intenable à moyen terme. Mais le plus grave est que cela se traduit mécaniquement par un sous-investissement. Or, l’investissement, c’est le progrès, l’emploi, l’avenir…

En 30 ans, le résultat total des entreprises françaises a été multiplié par trois, le montant des dividendes par dix. Notre économie et notre société sont comme la bille qui dévale la pente, s’éloignant de l’optimum vers un nouvel équilibre où tout le monde est perdant. Pour la remonter, il n’y a qu’un moyen : la volonté collective de renverser la tendance. Mais pour cela, il faut parfois oublier ses intérêts immédiats à court terme et penser réellement à l’intérêt général. Sans cela, plus dure sera la chute…