UN MONDE : Impitoyable

L’enfance, le temps de l’innocence ? Vraiment ? L’enfance c’est avant tout l’absence de filtres et de retenue. Dans la gentillesse souvent certes. Mais aussi parfois aussi dans la cruauté. La cour de récréation est loin d’être un éden où règne l’amour et la concorde. Gare à ce lui qui est pris en grippe par ses petits camarades. L’enfer l’attend. Si vous doutez encore, c’est que vous n’avez pas un souvenir clair de votre enfance. Mais c’est aussi que vous n’avez pas encore vu Un Monde, qui vous rappelle avec une force incroyable à quel point les enfants peuvent être des victimes ou des bourreaux de la pire espèce. Ou les deux à la fois…

Un Monde est porté par une tension narrative constante et particulièrement intense. Bien sûr, pas de sang, pas de meurtre, même pas de coups portés. Mais une violence et une cruauté qui serrent le cœur. La douleur morale n’a rien à envier avec la pire des douleurs physiques. On réalise à quel point l’expression « il n’y a pas mort d’homme » représente souvent la pire des excuses pour s’autoriser à fermer les yeux. Surtout que le film aborde tout autant la cruauté des enfants que la lâcheté, ou du moins la grande maladresse, des adultes qui se montrent souvent incapables de prendre la mesure de ce qui se passe dans la tête des bambins. Le film est court, mais assez long pour asséner un grand coup qui ne peut laisser indifférent.

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NIGHTMARE ALLEY : La belle illusion

Guillermo Del Toro est un réalisateur rare. Rare déjà parce qu’il possède un talent inaccessible à la majorité des cinéastes. Mais rare aussi parce qu’il n’est guère prolifique. En effet, il aura fallu attendre près de cinq ans pour qu’il revienne sur les écrans après l’immense succès connu par la Forme de l’Eau. Il aurait pu facilement surfer dessus pour faire marcher à plein la caisse enregistreuse du box-office. Le délai a fait que la sortie de Nightmare Alley est presque passée inaperçue. C’est réellement regrettable car on retrouve bien dans ce film toutes les qualités qui font de Guillermo Del Toro un réalisateur unique dans l’histoire du fantastique.

Nightmare Alley explore une nouvelle facette de l’imaginaire. Cette fois, il ne s’agit pas tout à fait de fantastique… mais d’illusion. En effet, on suit cette fois les pas d’un personnage qui parvient à en convaincre d’autres qu’il possède des pouvoirs de médium. Mais si finalement cette histoire pourrait être vraie, l’ambiance de mystère et parfois même de merveilleux est la même que dans le reste de sa filmographie. L’histoire est vraiment passionnante, nous emmenant d’un point A à un point B que l’on ne peut pas soupçonner au départ, tant on parcourt un long chemin. Elle réserve ainsi son lot de surprises, de rebondissements et de personnages particulièrement marquants. Et le tout est porté par une narration en tout point maîtrisée.

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LA PLACE D’UNE AUTRE : Une place plus haut

Qui n’a jamais rêvé de pouvoir changer de vie d’un seul coup d’un seul, presque que comme par magie ? Bon certes, la réponse est plus fortement positive chez ceux dont l’existence ne ressemble pas à un long fleuve tranquille et heureux. Comme pour le personnage principal de la Place d’une Autre, qui va profiter des aléas de la guerre pour quitter la misère pour une condition plus enviable que la sienne. L’usurpation d’identité est un point de départ de beaucoup d’histoires. Il faut bien avouer que cela peut constituer un ressort narratif assez puissant, ce film en est une nouvelle preuve.

La Place d’une Autre repose sur deux piliers. Le premier est bien sûr la question de savoir si elle va finir par se faire démasquer et si oui, ce qui va lui arriver ? Je ne vais évidemment rien divulgâcher parce que cela reste quand même l’élément qui maintient le spectateur au cœur de l’histoire. Il fonctionne assez bien car l’histoire parvient à nous faire très vite aimer la principale protagoniste, compensant ainsi le classicisme du déroulé. Le second est une réflexion sur l’écart entre la valeur accordée à la position sociale d’un individu et sa valeur réelle. Cette dernière manque de profondeur et le contexte de la guerre 14-18 ne pousse pas non plus à en tirer des conclusions d’une grande portée universelle.

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MEMORY BOX : Blessures de guerre

Le peuple libanais est un de ceux qui se trouve le plus marqué par de profondes cicatrices. Celles-ci ont inspiré beaucoup d’œuvres et de récits, partageant avec nous l’incroyable faculté de ce pays et de ses habitants à ne jamais sombrer définitivement dans le désespoir malgré tous les malheurs subis. Memory Box se situe dans cette tradition, en mettant l’accent sur la place du souvenir dans la reconstruction de ceux qui ont fini par fuir pour un ailleurs plus paisible. Un film qui charme et convainc par une grande simplicité qui témoigne d’une immense sincérité.

Memory Box aborde beaucoup deux sujets principaux autour de la mémoire. Celui de la place des souvenirs dans l’identité d’un individu et celui de la transmission d’une histoire douloureuse aux générations qui suivent. Tout cela peut se résumer en une seule et même question : faut il oublier ou se souvenir de ce qui fait mal ? Le film apporte une réponse assez claire car son propos est limpide. Pas d’esbroufe ici, pas de rebondissements surfaits, mais juste un récit qui se déroule peu à peu pour laisser le temps au spectateur, en même qu’un des personnages du film, de découvrir l’ensemble des éléments qui le composent. Cela laisse pleinement le temps de se laisser imprégner par les émotions qui sont partagées de manière directe et particulièrement touchante.

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SCREAM : Frisson nostalgique

Le fait qu’Hollywood manque passablement désormais de créativité est un cliché vieux comme Hollywood. Les franchises ont toujours existé, depuis Tarzan dans les années 30 et ce n’est nouveau qu’on les étire à l’infini. Ainsi Johnny Weissmuller aura poussé son célèbre cri à douze occasions. Bref, voir arriver un cinquième épisode de la saga Scream sur nos écrans n’a donc rien de très nouveau. Doit-on pour autant s’en réjouir ? La réponse dépend évidemment de la qualité du film. Et si celui-ci a été plutôt reçu fraîchement par la critique et une partie du public, il possède tout de même assez de qualités pour nous faire passer un bon moment.

Ce nouveau Scream mise clairement sur le retour aux sources. Et il nous offre la même mise en abîme qui a fait le succès de la saga puisque le nouveau tueur suit le même chemin, faisant de lui un personnage d’un film qui suit volontairement les règles imposées par le film dont il est le personnage… Bref, si ce n’est pas clair, c’est que vous n’avez jamais vu un épisode de la série. Si c’est le cas, je ne vous conseillerais pas forcément de commencer par celui-là car s’il joue habilement sur la nostalgie, il faut évidemment la ressentir pour l’apprécier pleinement. On peut regretter encore et encore l’absence de prise de risque et le fan service sans grande imagination, mais il saura satisfaire suffisamment les fans pour qu’ils y trouvent leur compte.

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ADIEU MONSIEUR HAFFMANN : Les inconnus dans la maison

Sans vouloir citer Jean-Jacques Goldman, il est vrai qu’on ne saura jamais trop si nous aurions été dans le camp des bons ou des méchants dans certaines circonstances. En particulier évidemment lors de la Seconde Guerre Mondiale. Aurions-nous été collabo ou résistant ? Mais au fond, nous n’avons vraiment pas à nous plaindre de ne pas savoir. Surtout que la réponse a toutes les chances de ne pas être aussi manichéenne qu’on ne l’imagine. Adieu Monsieur Haffmann explore cette zone grise où évolue certains individus. Si le film ne se montre pas tout à fait à la hauteur de son sujet, il nous livre une réflexion non dénuée d’intérêt.

Adieu Monsieur Haffmann est un film particulièrement classique dans sa forme. Une histoire suffisamment solide pour justifier d’en tirer un long métrage, des péripéties et des rebondissements, mais sans en faire trop. Je tiens à souligner d’ailleurs le bon goût de la bande-annonce de ne pas nous avoir révélé tous les éléments clés du scénario, comme on aurait pu le craindre. Les relations entre les personnages sont plus complexes que ce qu’on aurait pu imaginer dans un premier temps. Le fond historique, les aspects douloureux qu’ils soulèvent, tout cela forme avant tout un décor pour « l’affrontement » psychologique entre les personnages, qui forme le cœur du film. On peut le regretter, mais il faut avant tout simplement ne pas le prendre pour ce qu’il n’est pas.

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PLACES : La bonne place

Misérabilisme toujours… Ou plutôt son exact opposé, l’optimisme et le positivisme béat. Je me serais fait une soirée films français sociaux puisque j’aurais enchaîné Ouistreham et Placés. Deux films qui nous plongent au cœur des pires difficultés sociales, même s’ils décrivent deux réalités très différentes. Cependant, ils se démarquent encore plus par le ton adopté. Ici, le but est de faire naître l’espoir et de montrer que rien n’est jamais perdu, ni prédéterminé. Quitte à perdre en capacité à se montrer réellement convaincant. Mais rêver un peu, en s’éloignant quelque peu de la dureté de la réalité, fait aussi parfois du bien.

La principale qualité de Placés est avant tout la galerie de personnages qu’il nous offre. Les adolescents parviennent tous à combiner à merveille un côté profondément attachant avec des aspects qui donnent envie de les défenestrer. Les bons côtés finissent tous par dominer chez chacun d’entre eux. Ce n’est peut-être pas hyper réaliste, mais au moins cela conduit le spectateur à les aimer et être heureux de passer près de deux heures avec eux. On apprécie ces jolies rencontres. On peut aussi regretter qu’elles soient au final au service d’un propos qui manque de force à force d’enjoliver une réalité forcément plus sombre et contrasté. L’aspect feel good movie est très appréciable, mais manque ici un peu de subtilité.

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OUISTREHAM : A bon port

Le travers du misérabilisme qui frappe beaucoup de films français est un thème récurrent dans mes critiques. Que voulez-vous, à mon âge, on commence à radoter. Mais comment ne pas l’aborder quand il constitue le thème central de Ouistreham ? Un film sur les conditions de travail des femmes de ménage qui travaille sur les ferries. Mais aussi sur la démarche entreprise par Florence Aubenas, qui a partagé leur vie, sans révéler sa vraie identité, pour pouvoir écrire un livre sur le sujet. Un procédé qui pose de vraies questions morales que ce long métrage aborde avec beaucoup de pertinence.

Ouistreham a deux principaux mérites. Déjà celui de conduire le spectateur à mener sa propre réflexion, sans lui livrer une réponse définitive ou manichéenne. Chacun pourra se faire sa propre opinion sur les événements relatés, mais en fait sur le film lui-même. On juge la démarche et la démarche de relater la démarche. Ensuite, le scénario amène au propos principal en suivant un chemin qui nous pousse vraiment à nous poser progressivement des questions. Le spectateur est bousculé par les interrogations qui viennent à lui, mais reste happé par l’histoire grâce à des personnages terriblement attachants. Le propos peut donc être lu (enfin plutôt vu dans ce cas) à plusieurs niveaux, mais chaque dimension présente bien un réel intérêt.

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LE TEST : A PROPOS

Une pure comédie est le genre cinématographique qui a le plus de chance de cartonner au box-office en France. Il suffit de voir la place qu’occupent la Grande Vadrouille, les Visiteurs et Bienvenue chez les Ch’tis dans l’histoire du cinéma hexagonal. Du coup, il est parfois tentant pour un distributeur d’insister sur cet aspect d’un film, même s’il en possède bien d’autres. Cependant, ce stratagème conduit le plus souvent à de la déception chez ceux qui y vont finalement et qui s’attendaient à autre chose et vont détourner des écrans ceux qui aspirent à un peu plus de profondeur. C’est exactement ce qui arrive avec le Test, un film beaucoup plus riche que ce que laissait présager la bande-annonce.

Le premier tiers du Test laisse effectivement penser que le seul propos de ce film est de faire rire le spectateur, sans forcément se révéler d’une grande finesse. On peut alors commencer à se dire qu’on n’en aura pas pour notre argent. Les situations sont certes amusantes, mais on ne rit pas non plus aux éclats toutes les trente secondes. Mais peu à peu, on comprend aussi que le scénario nous parle aussi de bien d’autres choses. La crise de la quarantaine, l’adolescence, le désir et l’amour face au temps qui passe… Des propos qui sont amenés avec plus de subtilité et de profondeur qu’attendues et qui, si on est près à accepter ce changement de pied, fait naître un intérêt nouveau chez le spectateur.

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BELLE : Jamais sans la bête

Cette année, j’ai pris un terrible risque. Oui, je suis un peu fou parfois… Bon OK, il n’était pas si terrible que cela. J’ai juste établi mon classement de l’année avant de voir tous les films de 2021 que je souhaitais rajouter à ma culture. Ainsi, j’ai vu Belle assez tardivement et je ne l’ai pas regretté. La question qui reste en suspens est de savoir s’il s’est montré suffisamment bon pour intégrer ce club très privé. Réponse dans quelques lignes. J’espère que vous survivrez à ce suspense insoutenable. En tout cas, mon absence de regret démontre d’ors et déjà de nombreuses qualités.

Belle est un mélange assez détonnant du mythe de la Belle et la Bête et d’une vision du futur qui rappelle celle de Ready Player One. Entre Jean Cocteau et Steven Spielberg, il semblait y avoir un fossé impossible à combler. Mais ce n’est pas le genre de chose qui puisse faire peur aux Japonais. C’est aussi pour ça que l’on aime autant l’animation nippone. Surtout que le cocktail fonctionne très bien et cela donne une histoire dont aucun élément n’est réellement original, mais dont l’assemblage nous réserve son lot de surprises. L’histoire offre son lot de péripéties et d’émotions diverses et variées pour contenter les spectateurs les plus exigeants.

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