THE FATHER : Monsieur Hopkins

Un grand acteur ne suffit pas pour faire un grand film. Mais ça peut quand même aider. Surtout quand l’acteur en question est Anthony Hopkins. The Father restera de ces films intimement associés à la performance de leur tête d’affiche, qui est présent à quasiment chaque plan et qui capte toute l’attention du spectateur. Mais un numéro d’acteurs, aussi grand, aussi immense soit-il ne peut prendre tout sa dimension que s’il est au service d’une histoire, méritant qu’on lui consacre tant de talent. Celle de ce film le valait bien.

The Father est un modèle de narration. En effet, Florian Zeller parvient à rendre mystérieux le plus longtemps possible la nature même de son film. Drame, polar, film fantastique… l’histoire intrigue profondément car on ne parvient pas à donner un sens plein et entier aux événements auxquels on assiste. Ainsi, on partage la confusion du personnage principal, ce qui renforce notre attachement envers lui. Tout comme lui, on a envie de comprendre. Tout comme lui, on se demande si c’est nous qui perdons la raison ou bien si c’est la réalité qui est étrange. Cela permet au film d’échapper à un caractère contemplatif et statique, ce qui est souvent le lot des films adaptés d’une pièce de théâtre.

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LE SOUPIR DES VAGUES : Vague à l’âme

Un moyen de susciter l’intérêt du spectateur est de mettre un peu de temps avant de révéler la vraie nature d’un film et le sens réel de l’histoire qu’il nous raconte. Le risque de l’en faire sortir, sans parvenir ensuite à le raccrocher. C’est le risque qu’a pris Kōji Fukada, le réalisateur du Soupir des Vagues. Un long métrage qui nous emmène en Indonésie, dans une région qui tente de se reconstruire, dix ans après le tsunami dévastateur qui continue de laisser des traces. Là où un événement étrange va survenir.

Le Soupir des Vagues est donc un mélange de film documentaire, de comédie des mœurs et de film fantastique. L’équilibre entre ces trois aspects va varier au cours du scénario. Ce changement de pied (enfin pour le coup, il y en a trois) constant intrigue beaucoup le spectateur et le rend curieux. Cela compense un léger manque de rythme et de souffle dans la manière dont les événements nous sont racontés. C’est assez surprenant pour garder de l’intérêt jusqu’au bout. Cependant, on peut regretter que tout cela aboutisse à un dénouement dont on ne saisit pas bien le sens. Du coup, on peut trouver l’aspect ésotérique de cette histoire un peu vain.

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FALLING : Une corde de plus à son arc

En tant que consommateur relativement compulsif de produits culturels, j’ai bien des idoles, des artistes à qui je voue une admiration sans borne. Viggo Mortensen en fait clairement partie. Il lui aura fallu bien peu de films pour cela, mais chacune de ses apparitions éclaboussent l’écran d’une classe dont j’aimerais posséder n’en serait-ce qu’une fraction. Le voir passer de l’autre côté de la caméra ne pouvait donc que provoquer chez moi une certaine excitation. Ferait-il partie de ses génies qui transforment en or tout ce qu’ils touchent ? Falling conduit au final à une réponse quelque peu mitigée.

Falling repose sur un scénario où s’entrecroisent deux problématiques. Tout d’abord, la confrontation permanente entre un père homophobe et conservateur et son fils, homosexuel et marié. L’amour qui perdure malgré tout chez un enfant qui ne reçoit en retour qu’une expression méprisante, si ce n’est haineuse. Ensuite, le film traite aussi largement du déclin dû à l’âge, à la perte d’autonomie intellectuelle et physique. Le grand mérite de cette histoire est de parvenir à entremêler profondément les deux aspects pour qu’ils entrent en synergie et ne forment qu’un tout. Malheureusement, au-delà de ça, l’intrigue tourne largement en rond pendant les presque deux heures que dure le film. Cela donne un aspect voyeuriste au propos, presque sadique quand on voit pour la énième fois le père maltraiter un fils qui ne cherche pourtant qu’à l’aider.

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SLALOM : Hors-jeux

La maltraitance de jeunes athlètes adolescentes par leur entraîneur a malheureusement été au cœur de l’actualité ces derniers mois, en France et ailleurs. Peu de sports semblent épargnés. Partout la parole se libère, faisant espérer que de tels agissements ne puissent plus à nouveau passer aussi longtemps inaperçus… ou du moins, que plus personne ne pourra détourner les yeux pour faire comme s’il ne voyait pas. Je critique souvent le cinéma français dans ces pages pour souligner son incapacité chronique à traiter des sujets contemporains brûlants. C’est pourtant lui qui a donné naissance à Slalom, qui nous plonge au cœur de la relation de plus en plus ambiguë entre une jeune skieuse et son entraîneur.

Slalom traite d’un sujet difficile, où un réalisateur va se trouver en permanence sur un fil pour éviter de tomber dans un voyeurisme déplacé. Charlène Favier parvient de la première à la dernière seconde à trouver le ton juste et la bonne distance. Elle force le spectateur à regarder les événements tels qu’ils sont, dans toute leur horreur parfois. Mais jamais elle ne fait de ceux-ci un spectacle. Les images bousculent, interpellent et c’est en cela que le film atteint son but avec beaucoup de force et d’intensité. Les personnages, leurs relations et l’évolution de ces dernières sont décrits avec une grande pertinence et une profonde subtilité. On ne ressort clairement pas de ce film totalement indemne.

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ADN : Famille, je te hais

Quand un film a la famille pour sujet principal, il vous fait généralement aimer la vôtre en vous faisant réaliser à quel point elle est équilibrée et vous offre des rapports sains. Celle qui se trouve au cœur d’ADN, le nouveau film de Maïwenn, ne répond à aucune de ces deux caractéristiques. Sans cela, il n’y aurait évidemment pas de film, mais on est heureux en tout cas de ne pas en faire partie. Mais plus que la simple famille, ce film nous parle de la notion de racines et d’identité d’une manière intime et chargée de beaucoup d’émotions. Rien à voir avec les discours nauséabonds de certains sur le sujet.

Même si elle explique qu’il ne s’agit pas une autobiographie, il est évident que Maïwenn a mis beaucoup d’elle-même dans ADN (ce qu’elle reconnaît). Sans cela, le propos n’aurait pas pu être aussi sincère et touchant. On peut formuler bien des critiques à son propos si on intellectualise de trop. Mais en se laissant juste porter par l’émotion, en reconnaissant que la réalisatrice à donner naissance à cette œuvre avec ses tripes, alors on reconnaît ses immenses qualités. Le film déborde d’humanité, dans toute sa complexité, pour le meilleur et parfois pour le pire. Certains personnages font même un peu peur, notamment le personnage interprété par Fanny Ardant, que l’on est heureux de ne pas compter parmi ses parents.

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OSS 117, ALERTE ROUGE EN AFRIQUE NOIRE : Pas de quoi s’alerter

La constance est une qualité importante paraît-il. Evidemment, on peut nuancer cette assertion quand cela concerne une constance dans la médiocrité. Œuvre culte pour beaucoup, OSS 117, le Caire Nid d’Espions est pour moi une film extrêmement médiocre, sans rythme, avec un Jean Dujardin en roue libre complète. La suite, Rio Ne Répond plus, a trouvé un peu plus grâce à mes yeux, mais sans jamais crier au génie. Je n’ai donc pas été vraiment étonné en voyant les premiers retours très décevants sur OSS 117, Alerte Rouge en Afrique Noire et je m’y suis rendu sans me faire d’illusion. Le résultat s’est montré à la hauteur de mon absence d’attentes.

Le plus gros reproche que l’on peut formuler à l’encontre d’OSS 117, Alerte Rouge en Afrique Noire, est ne de pas être franchement mauvais. En effet, Nicolas Bedos a pris tellement peu de risques qu’il ne pouvait se planter totalement. Mais il condamne son film à un manque d’intérêt criant. Le seul élément un tout petit peu nouveau repose sur le personnage de OSS 1001, mais sans aller très loin. Les bonnes idées manquent cruellement et elles sont le plus souvent largement sous-exploitées. Le reste est rempli de vannes attendues et prévisibles, qui s’enchaînent mollement. On assiste à un exercice de fan service de la pire espèce, sans aucune volonté d’explorer quoique ce soit d’innovant.

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ON-GAKU : NOTRE ROCK ! : Rock sans le roll

Le hasard des horaires et l’envie de ne pas me contenter d’un seul film pour cette reprise après une si longue attente m’ont conduit à aller voir On-Gaku : Notre Rock !, un film d’animation japonais d’un genre un peu particulier. Ou du moins très différent de ce que ce pays à l’habitude de nous offrir en la matière. En fait, il est assez original dans l’absolu pour que le constat soit resté le même, même s’il venait d’un autre pays. Une production onirique et parfois étrange, qui peut laisser circonspect et interdit. Voire même nous ennuyer un brin.

La musique joue un rôle central dans On-Gaku : Notre Rock !, avec, surtout dans les ultimes minutes, quelques longs passages musicaux. Ces derniers restent ceux qui éveillent le plus d’intérêt chez le spectateur. Il est difficile d’en dire autant de l’histoire dans laquelle ils prennent place. Les personnages et les situations sont pour la plupart totalement décalés. A tel point que l’on a du mal à trouver un sens à tout cela. L’absence de réel enjeu narratif rend ce film avant tout contemplatif avec des dialogues particulièrement minimalistes. Le film est assez court, une heure dix, mais propose malgré tout de nombreuses longueurs.

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MILLA : La fureur de vivre

Milla nous raconte l’histoire d’une jeune adolescente atteinte d’un cancer, tombant amoureux d’un junkie. Autant être clair, ce film n’a rien d’une joyeuse comédie. Mais la magie du cinéma fait que ce n’est pas non plus un drame ou un mélo larmoyant. Les sujets aussi lourds sont rarement traités de manière réellement intéressante si le résultat est avant tout plombant. Il y a dans tout malheur quelque chose qui peut nous rattacher à la notion d’espoir. Dans la noirceur peut toujours émerger un peu de poésie. Cela demande beaucoup de subtilité pour y parvenir. Mais le film de Shannon Murphy n’en manque pas.

Milla ne choisit pas la facilité, mais c’est là tout le mérite de ce film. En effet, il repose sur une galerie de personnages qui peut, dans un premier temps, laisser quelque peu circonspect. En effet, aucun d’eux ne déclenche un élan immédiat de sympathie. Ils sont présentés dans toute leur complexité, en ne s’interdisant pas de faire une première impression qui n’a rien d’idéale. Mais en apprenant à les connaître, on finira par apprécier pleinement cette famille largement dysfonctionnelle. L’histoire capitalise sur cette épaisseur des personnages, sans forcer le trait sur le malheur qui les frappe. Bien sûr celui-ci est sous-jacent à toutes les attitudes, tous les mots. La sensation du temps qui risque de manquer est omniprésente, mais ce que l’on retient avant tout c’est la volonté de vivre pleinement malgré cela.

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MANDIBULES : Reprise en douceur

Après autant de mois de frustration, quel plaisir de retrouver le chemin de salles de cinéma ! Quel plaisir aussi de pouvoir à nouveau écrire des critiques de film, même si j’ai continué à écrire sur les livres et la musique ! Je me souviendrai donc longtemps de Mandibules, le film qui m’aura permis de renouer avec un des plus grands plaisirs de mon humble existence. Un long métrage de Quentin Dupieux (alias Mr. Oizo), qui nous emmène toujours dans des univers profondément absurdes, décalés et inattendus. C’est une nouvelle fois le cas ici puisque le film nous raconte le parcours de deux losers sympathiques qui tombent nez à nez… avec une mouche géante.

Les premiers films de Quentin Dupieux sont restés relativement anonymes, avant de connaître de vrais succès commerciaux avec Au Poste ! puis surtout le Daim. Ses nouvelles œuvres sont désormais attendues et susceptibles des créer une certaine déception. Mandibules peut effectivement provoquer un tel sentiment. Il est clairement en retrait par rapport à ces deux précédents longs métrages. C’est drôle et distrayant, mais aussi assez inégal. Il est cependant important de noter que tout le monde n’est pas d’accord sur les éléments qui nuisent à la qualité globale du film. Comme d’habitude, le côté franchement décalé de beaucoup d’éléments ne laisse jamais indifférent et chacun va accrocher ou non à chacun d’eux.

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ONODA, 10 000 NUITS DANS LA JUNGLE : La guerre sans fin

Parfois la réalité dépasse la fiction. Du coup, il est tentant de faire de cette réalité une fiction. Hiro Onoda est un soldat japonais qui se rendit et accepta la fin de la guerre en… 1974, après trente ans passés dans les montagnes des Philippines à poursuivre une guérilla contre un ennemi imaginaire. Cela semble trop incroyable pour être vrai, mais ça l’est pourtant. Onoda, 10 000 Nuits dans la Jungle, coproduction internationale, réalisée par le français Arthur Harari, nous permet de découvrir cette histoire relativement incroyable, mais vraie. Un film de près de trois heures, mais dont la longueur témoigne avant tout de sa grande richesse.

L’abnégation des soldats japonais pendant la deuxième guerre mondiale a déjà fait l’objet de nombreux films, réalisé aussi bien du côté japonais que de celui de leurs adversaires américains. Cependant, rarement le propos n’aura pris un caractère aussi intime. Onoda, 10 000 Nuits dans la Jungle n’est pas un film de guerre, puisque la grande majorité du film se déroule alors que la guerre est terminée. Il s’agit bien d’un film portrait, non pas tant sur les événements de la grande Histoire, mais sur ses conséquences sur la vie d’un homme. Des conséquences hors du commun certes, mais qui découle de mécanismes intimes qui auront frappés des milliers de soldats. L’intime et l’exceptionnel se mêlent à la perfection dans ce film qui offre à la fois une grande profondeur et des péripéties qui nous préservent totalement de l’ennui.

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