Un personnage vit un drame affreux et un scénariste est alors tenté d’en faire un film. En effet, quoi de mieux que le malheur pour écrire une histoire. Notre empathie nous pousse vers un sentiment de sympathie envers celui qui le vit et on est prêt à lui pardonner beaucoup de choses, puisqu’il a une excuse toute faite pour expliquer son comportement. L’auteur s’attend à ce que l’on soit ému et compréhensif, à moins de passer pour un monstre insensible. Je le suis peut-être parfois, car tout cela ne me suffit pas toujours pour me faire aimer un film. Nouvelle preuve avec Madre, qui m’a surtout inspiré indifférence, voire hostilité.
Pour résumer, Madre nous raconte l’histoire d’une jeune mère dont le fils a été enlevé quand il était tout petit et qui, des années plus tard, croise le chemin d’un jeune adolescent qui lui rappelle ce qu’aurait pu être désormais son fils. Et que croyez-vous qu’elle fait ? Et bien, elle débute avec lui une relation quasi amoureuse qui finira par devenir charnelle (même s’il y a une certaine ambiguïté à ce niveau-là). Bref, le film nous présente des élans pédophiles comme une manière de faire son deuil. Je caricature un tantinet, mais le propos est définitivement glauque et sans grand intérêt. Dans ces conditions, comment s’attacher à un personnage qui a un tel comportement ?
Le film de Rodrigo Sorogoyen, qu’on avait quand même connu beaucoup plus inspiré, est pourtant formellement plutôt réussi. Il parvient à installer une ambiance qui intrigue le spectateur. La scène d’ouverture est notamment remarquable. Il dirige également à merveille ses comédiens. La performance de Marta Nieto est de tout premier ordre. Mais ces qualités artistiques ne peuvent effacer les problèmes posés par le propos. On ressort de Madre en ressentant une gène immense. C’est parfois le signe d’un film percutant qui ne laisse pas indifférent. Ici, il s’agit d’autre chose, qui doit plutôt inciter le spectateur à aller voir autre chose.
LA NOTE : 06/20
Fiche technique : Réalisation : Rodrigo Sorogoyen Scénario : Isabel Peña et Rodrigo Sorogoyen Costumes : Ana López Cobos Photographie : Alejandro de Pablo Montage : Alberto del Campo Musique : Olivier Arson Durée : 128 minutes
Casting : Marta Nieto : Elena Jules Porier : Jean Alex Brendemühl : Joseba, Anne Consigny : Lea Frédéric Pierrot : Gregory Guillaume Arnault : Benoit Álvaro Balas : Iván Blanca Apilánez : la mère d’Elena Alexandre Pagani : Benjamin
Judd Appatow est pour moi une des réalisateurs contemporains les plus déconsidérés par rapport à son immense talent. La faute à des films qui ne rentrent pas des une case prédéfinie. Ni réellement comédie, ni vraiment film social, son style se situe entre Woody Allen et les frères Farrelly. Les inconditionnels de ces deux styles n’y trouvent pas leur compte, surtout s’ils s’attendaient à autre chose. The King of Staten Island a cette fois-ci rencontré un beau succès critique. Malheureusement, il sort dans une période vraiment particulière et terriblement défavorable. Du coup, un grand nombre de spectateurs passeront à côté de ce qui restera peut-être comme le meilleur film de cet été (bon ok, en attendant Nolan…).
The King of Staten Island est un film portrait. Celui d’un jeune homme un peu paumé, qui ne sait pas trop quoi faire de sa vie. Le reste sera un parcours d’apprentissage finalement assez classique, mais mené ici avec une grande intelligence. La narration est tout d’abord remarquable, en dévoilant progressivement toutes les facettes du personnage et donc de l’histoire. Elle promet dans les premiers instants d’être assez simplistes et convenues, mais on en découvre vite toute la subtilité et la réelle profondeur. Les évolutions s’avèrent crédibles dans leur mesure. Elles ne sont jamais gratuites et on adhère totalement un message humaniste et positif qui se dégage de cet excellent long métrage.
The King of Staten Island nous offre une vraie et belle révélation. Celle de Pete Davidson, venue de la télévision américaine et qui tient là son premier grand rôle au cinéma. Il incarne son personnage avec un naturel déconcertant et talent qui ne l’est pas moins. Si j’ai une admiration sans borne pour Judd Appatow, je dois reconnaître que son film n’aurait pas été aussi réussi sans son acteur principal. Mais le reste du casting n’est pas à oublier, y compris quelques apparitions sympathiques, comme celle notamment de Steve Buscemi, dont la présence à l’écran est toujours un régal sans borne. Il prend donc facilement sa place dans ce film qui est déjà un régal à lui tout seul.
LA NOTE : 14/20
Fiche technique : Réalisation : Judd Apatow Scénario : Judd Apatow, Pete Davidson et Dave Sirus Décors : David Schlesinger Costumes : Sarah Mae Burton Photographie : Robert Elswit Montage : Jay Cassidy, William Kerr et Brian Scott Olds Musique : Michael Andrews Producteur : Judd Apatow et Barry Mendel Durée : 136 minutes
Casting : Pete Davidson : Scott Carlin Bel Powley : Kelsey Ricky Velez : Oscar Lou Wilson : Richie Moises Arias : Igor Marisa Tomei : Margie Maude Apatow : Claire Carlin Pauline Chalamet : Joanne Kevin Corrigan : Joe Bill Burr : Ray Steve Buscemi : Papa
Si l’amour reste le principal sujet abordé par toutes les histoires racontées en ce bas monde, l’amitié n’est pas en reste. Surtout quand l’amour (et oui, on y revient toujours) vient perturber celle-ci. C’est en tout cas le point de départ de The Climb, l’histoire de deux amis qui vont voir leur relation perturbée par les projets de mariage de l’un des deux. Une idée de base assez simple, voire simpliste, mais qui va donner lieu à un grand nombre de rebondissements savoureux et parfois inattendus. Un film plein d’humanité et de tendresse, saupoudré de beaucoup d’humour. Et avant tout un très bon film !
The Climb allie de manière remarquable l’originalité des situations et l’originalité de la réalisation. La scène d’ouverture en reste la meilleure illustration. Un long plan séquence pendant une ascension en vélo (d’où le titre!), où le plus à l’aise des deux amis profite de la situation pour annoncer à son compagnon, incapable de le rattraper, quelque chose de très désagréable à attendre. La même scène filmé classiquement dans un café n’aurait pas du tout la même saveur et ne présenterait pas du tout le même intérêt. Cela lance parfaitement le film car le reste sera exactement dans la même veine. Le propos n’est pas bouleversant de profondeur, mais il est livré avec assez d’intelligence pour faire de ce long métrage un vrai régal.
Michael Angelo Covino a mis beaucoup de lui-même dans ce film, puisqu’il est au scénario, à la réalisation et interprète une des deux rôles principaux. On ne s’en plaindra pas car il a mis du talent à tous les étages de The Climb. Dans l’écriture, dans la mise en scène et aussi dans l’interprétation. Il forme avec Kyle Marvin (qui a participé aussi à l’écriture du scénario) un duo détonnant qui fonctionne à merveille. Ils sont accompagnés de beaucoup de seconds rôles eux aussi savoureux. On peut citer par chauvinisme Judith Godrèche, mais on retiendra avant la performance de Gayle Rankin. Tout ce petit monde contribue à faire de ce film un des excellents films de cet été. Un film qui donne envie de retourner au cinéma sans attendre !
LA NOTE : 13,5/20
Fiche technique : Production : Topic Studios, Réalisation : Michael Angelo Covino Scénario : Michael Angelo Covino, Kyle Marvin Montage : Sara Shaw Photo : Zach Kuperstein Directeur artistique : Kaili Corcoran, Leo Swartz Durée : 104 min
Casting : Michael Angelo Covino : Mike Kyle Marvin : Kyle Gayle Rankin : Marissa Talia Balsam : Suzi Judith Godrèche : Ava Zina Wilde : Sarah George Wendt : Jim
Trouver le dénouement qui marquera définitivement votre histoire du sceau de la réussite représente un exercice difficile pour tous les créateurs d’histoire. Beaucoup de récits, pourtant passionnants pendant toute leur durée, déçoivent au final, faute d’une conclusion à la hauteur du reste. La Nuit Venue appartient malheureusement à cette dernière catégorie. Pourtant le reste du scénario, l’ambiance générale du film avaient de quoi séduire les spectateurs les plus exigeants. Mais un final aussi peu convaincant nous laisse sur une impression beaucoup plus mitigée que ce qu’elle aurait du être.
Avoir une fin prévisible n’est pas toujours un problème rédhibitoire. Sinon, pourquoi irions-nous voir des comédies romantiques ? Le vrai souci est quand l’évidence de la conclusion ne saute pas aussi aux yeux du principal intéressé. Dans la Nuit Venue, on a envie d’engueuler le personnage principal pour lui dire « tu es con ou quoi ? Pourquoi tu fais ça ? Il est évident que… ». Cela donne un caractère un peu artificiel et forcé au dénouement. On en oublierait presque la curiosité de la découverte d’un milieu, la belle histoire entre les deux principaux protagonistes et la tension réelle qu’une bonne partie de l’histoire fait naître. Les bases du scénarios possédaient un potentiel à faire beaucoup mieux, si le sommet de la pyramide avait été de la même qualité.
C’est d’autant plus dommage qu’artistiquement La Nuit Venue s’avère réellement abouti. La réalisation de Frédéric Farruci se montre particulièrement élégante. C’est beau, sans être vain, car les qualités esthétiques contribuent à créer l’ambiance particulière dans laquelle évoluent les personnages. Côté interprétation, Camelia Jordana crève vraiment l’écran. Elle éclipse totalement son partenaire, Guang Huo, qui se montre pourtant impeccable. Elle confirme donc son immense talent de comédienne, qui lui avait valu le César du meilleur espoir féminin pour le Brio. On a hâte de la voir dans un grand film. Ce n’est malheureusement pas le cas ici.
LA NOTE : 10/20
Fiche technique : Réalisation et dialogues : Frédéric Farrucci Scénario : Benjamin Charbit, Nicolas Journet et Frédéric Farrucci Musique : Rone Durée : 95 minutes
Deux films pour une seule critique, mais ceci pour une bonne raison. En effet, Beloved et Chained forment deux parties d’un même triptyque dont le dernier volet sortira en septembre. Il ne s’agit pas de deux épisodes d’une même histoire, mais de deux histoires différentes qui se croisent et quo comptent certains personnages en commun. Malheureusement, l’intérêt de cette caractéristique reste relativement anecdotique, faute d’être réellement exploitée. Les propos des deux films s’avèrent de plus pas du même intérêt, rendant le tout est peu frustrant.
Chained raconte l’histoire d’une séparation en épousant le point de vue de la moitié masculine du couple. Il livre un formidable portrait, d’une remarquable subtilité, sans aucun manichéisme. En allant voir Beloved, on s’attend à assister à la même histoire du point de vue féminin. C’est d’ailleurs ce que laisse largement entendre les promoteurs du film. Cependant, il n’en est rien. Ce deuxième volet est en fait un triple portrait de femme. Certes l’une d’elle est bien celle qui finira par quitter son mari dans l’autre film, mais le propos n’est pas du tout ici centré sur son couple. Si certains éléments permettent de mieux comprendre ce qui s’est passé par ailleurs, la synergie est assez ténue et il aurait presque pu s’agir de deux films totalement différents.
Beloved est au final nettement moins intéressant que Chained. En abordant trois personnages d’un coup, le propos ne réussit pas à être aussi fouillé. Cela rend aussi le film plus inégal car on ne ressent pas le même attrait pour les trois histoires. Sans doute, une question de sensibilité personnelle mais pas que. Il manque à ce deuxième film un propos fort. On sait parfaitement ce que Yaron Chani cherche à nous raconter et à nous dire à travers Chained. Pour Beloved, rien d’aussi clair. En tout cas, cela n’enlève rien à la qualité du casting qui prouve encore une fois la vitalité du cinéma israélien, qui peut compter sur un grand nombre de talents.
Ce mois de juillet cinématographique un peu particulier ne brille pas vraiment par l’originalité des thèmes abordés par les long métrages ayant retrouvé le chemin des grands écrans. Non qu’il n’y ait pas de bons films, mais des films au scénario relativement classique. C’est encore le cas avec Lands of Murders, un polar qui a un scénario de polar ressemblant très fortement à un scénario de polar. Bref, rien de très étonnant jusque là. L’histoire est d’autant moins originale qu’il s’agit du remake allemand d’un film espagnol, la Isla Minima. N’ayant pas vu l’œuvre originale, cet état de fait ne m’a guère influencer pour apprécier pleinement ce film réussi, mais sans surprise.
Comme par hasard, l’enquête de Lands of Murders est menée par deux flics que tout oppose. Ca vous rappelle quelque chose ? Oui, effectivement, environ un polar sur deux. Rien de très original ici en effet… mais ailleurs également. En fait, toute la personnalité du film vient du contexte historique du scénario qui se déroule quelques temps après la réunification allemande. Ce petit à côté enrichit le mécanisme pur de l’enquête et donne à ce film le petit supplément d’intérêt qui peut justifier un déplacement dans une salle obscure. Cela nous évite en tout cas le travers d’une impression pure et simple de déjà-vue.
Le film fonctionne aussi grâce à son casting. Les deux personnages principaux sont particulièrement contrastés et les acteurs qui les incarnent le sont tout autant. Mais un vrai talent et une réelle présence à l’écran les unit, ce qui permet au film de fonctionner pleinement. C’est d’ailleurs plus l’évolution de leur relation que la résolution du mystère autour des meurtres qui anime jusqu’au bout l’intérêt du spectateur. Là encore, aucune réelle surprise n’est à attendre. On se contentera donc d’un spectacle ne cochant en rien la case « inattendu », mais qui parvient tout de même à cocher la case « réussi ».
LA NOTE : 12,5/20
Fiche technique : Réalisation : Christian Alvart Scénario : Christian Alvart et Siegfried Kamml Costumes : Ingken Benesch Photographie : Christian Alvart Montage : Marc Hofmeister Musique : Christoph Schauer Pays d’origine : Allemagne Format : Couleurs – 35 mm – 2,35:1 Genre : drame, thriller Durée : 128 minutes
Casting : Trystan Pütter : Patrick Stein Felix Kramer : Markus Bach Uwe Dag Berlin : Horst Ben Hartmann : Richard Horn Hanna Hilsdorf : Zoe Nurit Hirschfeld : Melanie Pons Leonard Kunz : Kevin Marc Limpach : Kalle Möller Marius Marx : Henner Kraft Asia Luna Mohmand : Miriam
François Ozon est un réalisateur avec qui j’ai une relation particulière. Non pas que je le connaisse personnellement, mais son œuvre me plonge souvent dans une abîme de perplexité. En effet, il possède un talent de cinéaste comme le 7ème art hexagonal en a rarement connu. Mais dans beaucoup de ses films, cette perfection formelle conduit à une certaine froideur. Même quand il aborde des sujets sulfureux le résultat a quelque chose de lisse, qui nuit à la force des émotions. Cependant, j’ai déjà noté, qu’avec l’âge, ce défaut s’efface et ses films se dotent peu des aspérités qui retiennent profondément l’attention du spectateur. Eté 85 en est une nouvelle preuve !
Eté 85 raconte une histoire que l’on peut avoir l’impression de connaître par cœur. Les premiers amours adolescentes, l’homosexualité, le personnage séducteur et irrésistible, mais terriblement instable… Autant d’éléments qui ont nourri bien des scénarios. Cependant, la narration est ici d’une grande intelligente pour maintenir une tension constante. Certes, le procédé pour y parvenir, l’histoire racontée en flash-back, n’est pas non plus hyper original, mais la maîtrise de François Ozon lui permet de fonctionner à merveille et d’entraîner le spectateur. On est vite intrigué par le récit et on se demande jusqu’au bout où il va nous mener.
Mais où Eté 85 prend tout son intérêt, c’est dans la sensualité qui s’en dégage. Or celle-ci ne peut naître si l’image est trop lisse. Ici elle respire souvent le désir, entre les deux personnages principaux, mais pas que. Cela tient au talent de réalisateur de François Ozon, mais aussi à la qualité du casting. Les jeunes Felix Lefebvre et Benjamin Voisin incarnent réellement leurs personnages, alors que les rôles n’ont rien de facile. Sur eux, veille un casting beaucoup plus expérimenté avec une Valeria Bruni Tedeschi impeccable et un Melvil Poupaud pas toujours crédible. Tout cela fait de ce film une œuvre aboutie. Peut-être pas la plus marquante de la filmographie de François Ozon, mais une des plus sensibles.
LA NOTE : 13/20
Fiche technique : Réalisation et scénario : François Ozon, d’après le roman La Danse du coucou (Dance on My Grave) d’Aidan Chambers Décors : Benoît Barouh Costumes : Pascaline Chavanne Musique : Jean-Benoît Dunckel Photographie : Hichame Alaouié Son : Brigitte Taillandier Montage : Laure Gardette Production : Éric Altmayer et Nicolas Altmayer Durée : 100 minutes
Casting : Félix Lefebvre : Alexis Robin Benjamin Voisin : David Gorman Philippine Velge : Kate Valeria Bruni Tedeschi : Madame Gorman Melvil Poupaud : Monsieur Lefèvre Isabelle Nanty : Madame Robin Laurent Fernandez : Monsieur Robin Aurore Broutin : l’éducatrice Bruno Lochet : Bernard Antoine Simony : Chris Yoann Zimmer : Luc
Parfois un film sort dans des circonstances particulières qui lui donnent une résonance particulière. On pourrait parler de circonstances heureuses pour le film et son réalisateur, mais quand elles sont tragiques, il serait déplacé de le faire. Je ne sais pas à quel point Jean-Pascal Zadi et John Wax se « réjouissent » de voir leur film sortir au milieu d’un telle actualité, mais personne ne pourra nier que cela rend son propos d’autant plus pertinent. Car au-delà de la comédie, Tout Simplement Noir nous offre du grain à moudre pour réfléchir sur tout un tas de sujets polémiques, pour ne pas dire brûlants. A n’en pas douter, certains rejetteront le propos. Personnellement, j’y souscris totalement.
Tout Simplement Noir renvoie, pas un formidable sens de la dérision, dos à dos le racisme et une certaine forme de lutte contre le racisme. S’il y a une conclusion à en tirer, c’est que la noblesse d’une cause ne peut pas justifier de dire et faire n’importe quoi. Ce qui fait que le film fonctionne est aussi bien est le choix de faire du personnage incarné Jean-Pascal Zadi le porteur de cette vision erronée. Il ne s’agit donc pas que de dérision, mais d’auto-dérision. On peut donc réfléchir sans se sentir visé (même si chacun pourra à un moment donné se sentir renvoyé à ses propres contradictions), surtout que la maladresse du « héros » le rend en fait terriblement sympathique et attachant. On rit de lui certes, mais souvent aussi avec lui, car on sent bien qu’il cherche à nous dire quelque chose à travers cette caricature.
Tout Simplement Noir regorge d’apparitions et de caméos tous aussi sympathiques les uns que les autres. Cela renforce l’attachement que l’on peut ressentir pour ce film, tout en restant finalement assez anecdotique. En effet, tout repose largement sur Jean-Pascal Zadi qui parvient à livrer un merveilleux numéro d’acteur, tout en restant, on le sent bien, largement lui-même. On retiendra cependant quelques jolis morceaux de bravoures, notamment la scène avec Fabrice Eboué et Lucien Jean-Baptiste. Mais le film en compte quelques autres. Bref, on rigole beaucoup, on réfléchit beaucoup et on en ressort rassuré sur la capacité de certains à porter encore de vrais messages positifs et unificateurs. Et cela fait vraiment du bien par les temps qui courent !
LA NOTE : 13/20
Fiche technique : Réalisation : Jean-Pascal Zadi et John Wax Scénario : Jean-Pascal Zadi et Kamel Guemra Musique : Christophe Chassol Montage : Samuel Danési Photographie : Thomas Brémond Son : Mathieu Leroy Costumes : Emmanuelle Youchnovski Production : Sidonie Dumas Durée : 90 minutes
Le cinéma coréen est un grand fournisseur de bonheur cinématographique. Et le plus souvent à travers les films noirs, voire très noirs. Son succès international est désormais bien établi, couronné par le triomphe de Parasite à Cannes et surtout aux Oscars. Le risque est qu’en voulant toucher un public de plus en plus large, il perde un peu de son âme et nous offre finalement des films qui ressemblent comme deux gouttes d’eau à des films occidentaux tout ce qu’il y a de plus classiques. C’est malheureusement ce que l’on peut craindre en voyant Lucky Strike. Mais ces craintes n’enlèvent rien aux qualités réelles de ce film.
Lucky Strike est une énième film où de nombreux personnages vont courir après le même magot, chacun étant prêt à tout pour l’obtenir. Chacun y ira de sa ruse, de son plan machiavélique pour arriver à ses fins, pour le plus grand bonheur du spectateur. Rien de vraiment original ici, mais quand ce genre d’histoire est racontée avec intelligence et malice, on continue à se régaler. C’est le cas ici. Mais il manque clairement à ce film quelque chose d’inattendu, de surprenant ou d’exotique pour réellement nous enthousiasmer. Le spectacle est plaisant, certainement pas inoubliable. Et jamais il ne nous propose cette noirceur toute coréenne qu’on apprécie d’habitude dans les productions de ce pays.
La réalisation de Yong-hoon Kim est avant tout efficace, tout comme l’est la narration. L’interprétation est parfaite, avec une belle galerie de personnages, interprétés par des actrices et des acteurs excellents. C’est au final, ce qui fait de Lucky Strike un vrai film coréen. Au moins, certaines qualités ne se perdent pas et on ne peut que s’en réjouir. Comme souvent pour ce genre de films les protagonistes s’avèrent particulièrement attachants malgré des travers qui auraient du nous les rendre particulièrement antipathiques. Tout cela contribue au réel plaisir que l’on a à suivre cette histoire. Elle ne dépassera pas le stade du divertissement réussi. Je n’irai pas jusqu’à rajouter « sans âme », mais force est de constater qui lui en manque un peu.
LA NOTE : 12/20
Fiche technique : Production : Megabox Distribution : Wild Bunch distribution Réalisation : Yong-hoon Kim Scénario : Yong-hoon Kim, roman de Keisuke Sone Montage : Mee-yeon Han Photo : Kim Tae-sung Musique : Nene Kang Durée : 108 min
Il est toujours intéressant de s’intéresser au décalage entre la vision contemporaine d’un événement et sa vision historique a posteriori. On a du mal à appréhender en 2020 ce que pouvait être la connaissance de la réalité de l’Holocauste de la population française pendant la Guerre, quand elle est devenue pour nous un événement historique majeur. Cela nous interroge sur notre propre perception d’événements actuels, dont nous avons l’impression de saisir la réalité. L’avenir nous prouvera peut-être que non. L’Ombre de Staline constitue un autre exemple pouvant alimenter notre réflexion sur le sujet.
Je me rappelle avoir entendu parlé lors de mes cours d’histoire au lycée de la famine survenue dans les années 30 en URSS et en particulier en Ukraine. On imagine mal qu’un tel événement puisse être caché aux yeux du reste du monde. Cela serait beaucoup plus difficile aujourd’hui, mais il faut rester vigilant. L’Ombre de Staline nous raconte l’histoire de Gareth Jones, un journaliste gallois qui aura été le premier à révéler l’ampleur du drame, dont il a été directement témoin, au péril de sa vie. Je ne mesure pas à quel point le scénario de ce film dramatise son histoire. En tout cas, elle valait le coup d’être racontée. Pas seulement pour son profond intérêt historique, mais aussi parce que le travail qui le mènera sur le chemin de la vérité est digne des meilleurs romans d’aventures et d’espionnage. Le film est aussi chargé d’une réelle puissance émotionnelle, en nous montrant de manière très crue la réalité des conditions des vies des victimes de cette grande famine.
L’Ombre de Staline est un film qui va crescendo. C’est notamment lié à un des grands mérites de la narration. Elle place vraiment le spectateur dans les pas du personnage principal. Le scénario gagne en intensité à mesure que le journaliste va de plus en plus loin dans la découverte de la réalité. On quitte donc rapidement la circonspection ayant pu naître pendant les premières minutes pour être vite passionné, un peu choqué aussi, par le propos. Le tout est porté par une réalisation d’une belle finesse et une interprétation impeccable. On ressort donc de ce film avec la double satisfaction d’avoir assisté à une œuvre aboutie et d’être un peu moins ignorant.
LA NOTE : 13/20
Fiche technique : Réalisation : Agnieszka Holland Scénario : Andrea Chalupa Décors : Grzegorz Piatkowski Direction artistique : Fiona Gavin Costumes : Galina Otenko et Ola Staszko Montage : Michal Czarnecki Musique : Antoni Lazarkiewicz Ingénieur du son : Marcin Matiak Mixage : Filip Krzemien Producteurs : Andrea Chalupa, Angus Lamont, Klaudia Smieja, Egor Olesov et Stanislaw Dziedzic Durée : 119 minutes
Casting : James Norton : Gareth Jones Vanessa Kirby : Ada Brooks Peter Sarsgaard : Walter Duranty Joseph Mawle : George Orwell Richard Elfyn : l’agent de police Beata Pozniak : Rhea Clyman Celyn Jones : Matthew Julian Lewis Jones : le Major Jones Patricia Volny : Bonnie Krzysztof Pieczyński : Maxime Litvinov Fenella Woolgar : Miss Stevenson
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