Christophe Honoré est un des réalisateurs les plus imaginatifs du cinéma français. Du coup, ses films laissent rarement indifférents. Personnellement, j’ai pu m’enthousiasmer pour certaines de ses oeuvres, mais certaines m’ont laisser passablement indifférent, pour ne pas dire plus. Le prix à payer pour la prise de risque. Chambre 212 propose un propos plutôt original sur un sujet, le couple après de longues années de mariage, pourtant extrêmement classique. Malheureusement une incapacité à conclure de manière convaincante vient doucher la curiosité initiale.
Ceux qui ont vu la bande-annonce de Chambre 212 connaisse déjà le principe narratif sur lequel il repose. Je laisserai aux autres la joie de la surprise et de la découverte car c’est finalement là le principal intérêt du film. Il permet une découverte progressive des personnages, de leurs contradictions et de leur complexité, à partir d’un point de départ somme toute assez banal. S’en suivra une réflexion plutôt légère mais souvent pertinente sur la vie de couple et les regrets que l’on peut avoir par rapport à son passé. Cependant au moment d’apporter une conclusion, le propos ne semble plus savoir où aller et surtout s’étire désespérément en longueur, nous laissant sortir sur une mauvaise impression.
C’est toujours un plaisir de retrouver Chiara Mastroianni à l’écran. Chambre 212 nous rappelle pourquoi car elle irradie à l’écran d’une manière remarquable. Le film confirme aussi la réelle polyvalence, et surtout le très grand talent, de Camille Cottin. Leurs partenaires masculins, Vincent Lacoste et Benjamin Biolay, se contentent de ce qu’ils savent faire le mieux, mais avec un soupçon de paresse, ne parvenant ainsi pas à tirer le film vers le haut. Ce film restera un film entre deux dans la filmographie de Christophe Honoré, laissant une impression mitigée.
LA NOTE : 11/20
Fiche technique : Production : Les films Pelléas, Scope Pictures, Bidibul Productions, France 2 cinéma Réalisation : Christophe Honoré Scénario : Christophe Honoré Montage : Chantal Hymans Photo : Rémy Chevrin Décors : Stéphaie Taillasson Distribution : Memento films Durée : 90 min
Casting : Chiara Mastroianni : Catherine Vincent Lacoste : Richard jeune Benjamin Biolay : Richard aujourd’hui Camille Cottin : Irène jeune Carole Bouquet : Irène aujourd’hui Harrison Arevalo : Astrudal Electorat Stéphane Roger : la volonté Marie-Christine Adam : la mère de Catherine
Quand on a beaucoup aimé un film, on est à la fois heureux et inquiet quand on apprend qu’il y aura finalement une suite. On a évidemment envie de retrouver l’univers qui nous avait séduit, mais on a aussi peur qu’elle ne soit pas à la hauteur de l’œuvre initiale, ce qui est d’ailleurs assez souvent le cas. Cependant, une fois le film sorti, on surmonte finalement son appréhension, quand bien même les critiques se montrent majoritairement négatives. C’est exactement ce que j’ai fait avec Maléfique 2 : le Pouvoir du Mal après une certaine hésitation. Et force est de constater qu’une nouvelle fois, ce n’est pas forcément une bonne idée.
Maléfique 2 : le Pouvoir du Mal est un film paresseux. En effet, il propose quelques bonnes idées et des directions nouvelles potentiellement intéressantes. Mais aucune n’est vraiment exploitée avec l’application nécessaire. Tout est cousu de fil blanc et parsemé d’éléments qui fonctionnent très mal. Rien n’est vraiment abouti, jamais embarrassé de la moindre dose de subtilité. Ce serait mentir de dire que l’on s’ennuie, mais on n’est pas vraiment pris par l’histoire qui nous divertit finalement assez mollement. La grande bataille finale ne restera pas vraiment dans les mémoires alors qu’elle aurait pu potentiellement se voir portée par un souffle épique tout autre, si les scénaristes avaient bien voulu s’en donner la peine.
On retrouve dans Maléfique 2 : le Pouvoir du Mal le même casting que le premier épisode. Chacun et chacune s’acquitte de sa tâche avec beaucoup de professionnalisme, mais personne ne parvient à donner de supplément d’âme à son personnage. Pas suffisamment en tout cas pour tirer de manière significative le film vers le haut. Même l’apport de Chiwetel Ejiofor, la seule vraie nouveauté de la distribution, n’a rien d’évident. C’est donc au final un vrai sentiment de déception qui prédomine, avec la légère impression pour le fan de s’être fait légèrement avoir. Et sans aucune envie de voir naître une troisième épisode.
LA NOTE : 09/20
Fiche technique : Production : Walt Disney Pictures, Roth Films Distribution : The Walt Disney Company France Réalisation : Joachim Ronning Scénario : Linda Woolverton, Noah Harpster, Micah Fitzerman-Blue Montage : Craig Wood Photo : Henry Braham Effets spéciaux : Geoff Zanelli Durée : 119 min
Casting : Angelina Jolie : Maléfique Elle Fanning : Princesse Aurore Michelle Pfeiffer : Reine Ingrith Harris Dickinson : Prince Philiip Sam Riley : Diaval Chiwetel Ejiofor : Conall Ed Skrein : Borra
Certaines franchises passent du culte à l’oubli et l’indifférence à force de s’étirer encore et encore. La sortie de Terminator : Dark Fate est très loin d’avoir eu le même retentissement que la sortie de Terminator 2 en 1991. On peut même parler d’une certaine indifférence. Il faut dire que la qualité cinématographique de ces deux films n’a vraiment rien de comparable. Mais faut-il pour autant jeter ce sixième volet d’une saga qui n’est pas (plus) vraiment une ? Pas forcément ! En effet, on assiste tout de même à un agréable divertissement, qui sait jouer avec malice sur la nostalgie et l’humour. On ne retrouve pas les émotions de l’époque, mais au moins passe-t-on un bon moment.
Si les trois premiers volets de la saga Terminator formait un tout cohérent, les trois autres qui ont suivi ne cherchent plus forcément à éviter les contradictions avec les autres épisodes. Par exemple, ce Terminator : Dark Fate n’est guère compatible avec les événements décrits dans le troisième volet. Mais qu’importe au fond. On est plutôt devant une variation sur le même thème et c’est un exercice tout à fait respectable. Une fois qu’on l’a admit, on peut simplement apprécier ce film d’aventures rythmé, qui va droit au but et qui nous offre quelques jolies scènes d’action. Rien de révolutionnaire, mais une efficacité qui permet d’y trouver ce que l’on pouvait raisonnablement espérer du sixième volet d’une telle saga.
Terminator : Dark Fate laisse une large place aux femmes, qui prennent les choses en main. C’est avec un vrai plaisir que de retrouver Linda Hamilton dans le rôle de Sarah Connor. Le poids des années n’ont fait que rendre son personnage encore plus « badass ». A ses côtés, le duo Mackenzie Davis et Natalia Reyes montrent que les personnages féminins conviennent tout aussi bien pour ce genre de film. Evidemment, on est aussi heureux de retrouver notre bon vieux Arnold Schwarzenegger, qui sait toujours faire preuve de beaucoup d’ironie et de second degré par rapport aux rôles qui ont fait sa légende. Tout ce petit monde contribue à la relative réussite de ce film qui se laisse regarder avec un plaisir non feint.
LA NOTE : 12,5/20
Fiche technique : Réalisation : Tim Miller Scénario : David S. Goyer, Justin Rhode et Billy Ray, d’après une histoire de James Cameron, Charles Eglee, Josh Friedman, David S. Goyer et Justin Rhodes, d’après les personnages créés par James Cameron et Gale Anne Hurd Direction artistique : Sonja Klaus Décors : Monica Alberte, David Bryan, Luke Edwards, Alejandro Fernández, Claire Fleming, Florian Müller, Tom Still et Lucienne Suren Costumes : Ngila Dickson Photographie : Ken Seng Montage : Julian Clarke Musique : Junkie XL Production : James Cameron, David Ellison, Dana Goldberg et Don Granger Producteur délégué : Bonnie Curtis, John J. Kelly et Julie Lynn Durée : 128 minutes
Casting : Linda Hamilton : Sarah Connor Arnold Schwarzenegger : le Terminator T-800 (modèle 101) surnommé « Carl » Mackenzie Davis : Grace Natalia Reyes : Daniela « Dani » Ramos5 Gabriel Luna : le Terminator Rev-9 Diego Boneta : Diego Ramos Stephanie Gil : Grace, jeune Enrique Arce : M. Ramos
Quand on va voir un film d’un réalisateur qui nous avait habitué à des œuvres quelque peu décalées, on se montre forcément quelque peu décontenancé quand il revient à une certaine normalité. C’est ce que l’on peut ressentir devant Au Bout du Monde, œuvre de Kiyoshi Kurosawa. Mais ce qu’il y a d’encore plus troublant est la parenté évidente avec Lost in Translation, même si c’est cette fois une Japonaise qui se retrouve loin de chez elle, incapable de communiquer avec la population locale. Difficile dans ces conditions d’entrer complètement dans un film très beau par ailleurs.
Je ne sais pas si tous les spectateurs auront envie de passer leurs prochaines vacances en Ouzbékistan, mais au moins Au Bout du Monde titille-t-il la curiosité de ceux-ci à propos de ce pays. Les amateurs de dépaysement seront servis. On a cependant parfois du mal à comprendre toutes les réactions de « l’héroïne », combien même son état d’esprit est particulier et sa culture éloignée de la nôtre. On a donc un peu de mal à sympathiser et à compatir. On suit les événements avec un intérêt poli, mais guère plus. En tout cas, pas d’enthousiasme à l’horizon.
Au Bout du Monde est de loin le film de le plus abouti visuellement. Les images sont très belles et Kiyoshi Kurosawa parvient remarquablement bien à capter l’ambiance « exotique » de l’Ouzbékistan. Au milieu de cette photographie particulièrement soignée, Atsuko Maeda évolue avec grâce et délicatesse. Même si on a parfois du mal à croire à son personnage, on ne lui en tiendra pas rigueur car c’est bien son charme singulier qui parvient malgré tout à nous relier au film. Ce dernier ne restera cependant pas inoubliable. Certainement moins qu’un voyage en Ouzbékistan en tout cas.
LA NOTE : 10/20
Fiche technique : Production : King Records, Tokyo Theatres K.K., Django Film, Loaded Films, Uzbekkino Distribution : Eurozoom Réalisation : Kiyoshi Kurosawa Scénario : Kiyoshi Kurosawa Montage : Koichi Takahashi Photo : Akiko Ashizawa Musique : Yusuke Hayashi Durée : 120 min
Xavier Dolan est un génie, ceci est relativement incontestable. Mais être un génie ne signifie pas toujours ne produire que des œuvres géniales. Il faut savoir utiliser l’immensité de son talent à bon escient et ne pas se reposer uniquement sur lui avec complaisance. Juste la Fin du Monde, Ma Vie avec F.Donovan étaient des films formellement brillants, mais où il manquait cette étincelle pour enthousiasmer pleinement. Matthias et Maxime, à travers sa bande-annonce, semblait prometteur, dans une ambiance plus intime, plus québecoise, bref plus proche de son auteur. Mais un scénario guère convaincant ne parvient pas à nous faire apprécier pleinement la maestria de la forme.
Matthias et Maxime fait à mon sens typiquement partie des films où on est censé s’émouvoir face à un personnage qui se comporte comme un crétin, combien même il a quelques raisons compréhensibles pour agir ainsi. Je n’ai ressenti aucune compassion, aucune émotion face à un comportement juste exécrable. Incapable de rentrer dans l’histoire, je me suis ennuyé ferme. Et je n’ai pas non plus été convaincu face à une conclusion d’une banalité confondante, qui inspire un simple « tout ça, pour ça ». La valeur du sujet valait un tout autre scénario, car ce dernier ici ne vaut vraiment pas un film. Bref, on est face à un cas clair de maltraitance de sujet.
Matthias et Maxime reste un film cependant divinement réalisé. Le sens de l’image de Xavier Dolan est impressionnant, y compris dans des situations intimistes qui n’appellent pas au spectaculaire. Il sait capter sur le vif les émotions pour les sublimer. Peut-être parce qu’il est lui-même un acteur brillant, ce qu’il prouve une nouvelle fois dans ce film. Gabriel D’Almeida Freitas n’est pas en reste, surtout qu’il bénéficie d’une direction toujours aussi brillante. Mais tout cela ne parvient pas à nous empêcher de trouver le temps bien long. Comme le temps d’attendre le prochain film de Xavier Dolan où il donnera cette fois, espérons-le, toute la mesure de son talent.
LA NOTE : 07/20
Fiche technique : Production : Sons of Manual Réalisation : Xavier Dolan Scénario : Xavier Dolan Montage : Xavier Dolan Photo : André Turpin Décors : Colombe Raby Distribution : Diaphana Musique : Jean-Michel Blais Durée : 119 min
Casting : Gabriel D’Almeida Freitas : Matthias Xavier Dolan : Maxime Anne Dorval : la mère de Maxime Pierre-Luc Funk : Rivette Samuel Gauthier : Frank Adib Alkhalidey : Shariff Catherine Brunet : Lisa Antoine Pilon : Brass Harris Dickinson : McAfee
Connaître un jour dans sa carrière d’artiste un immense succès représente évidemment avant tout une chance, que chaque créateur, qu’il l’avoue ou non, rêve d’avoir. Cependant, c’est également potentiellement aussi comme une malédiction, car l’artiste se trouver renvoyer encore et toujours à cette œuvre. Avec l’incroyable succès d’Intouchables, Eric Toledano et Olivier Nakache ont acquis un statut à part dans le cinéma français. Mais on attend désormais d’eux qu’il fasse aussi bien (si cette expression a un sens). Avec le Sens de la Fête, ils sont déjà parvenus à connaître un nouveau grand succès dans un style un peu différent. Avec Hors Normes, ils reviennent à ce qu’ils savent faire le mieux, comme s’ils ne pouvaient s’en éloigner trop longtemps. Mais force est de constater que le succès risque d’être à nouveau au rendez-vous.
La grande force d’Eric Toledano et Olivier Nakache reste leur capacité à ne jamais confondre les bons et les beaux sentiments. Hors Normes n’est certainement pas un film qui se contente d’une émotion facile. C’est un film humaniste, au sens profond du terme, rempli de personnages à qui l’histoire donne une véritable épaisseur, sans les enfermer dans un rôle précis et encore dans leur handicap quand ils en ont un. Le tout est porté par des intrigues multiples qui créent une vraie tension narrative constante. Bref, ce n’est ni larmoyant, ni contemplatif et on passe un vrai bon moment plein de rires, de larmes, de découvertes et de jolies rencontres. Il faut beaucoup de talent pour parvenir à faire ça avec un sujet qui tendait une multitude de pièges à celui comptant s’y attaquer.
L’avantage de bénéficier d’une réputation comme celle d’Eric Toledano et Olivier Nakache est de pouvoir facilement compter sur un casting de très haut niveau. Rassembler à l’écran Vincent Cassel et Reda Kateb représenterait pour beaucoup de réalisateurs un rêve relativement inaccessible. Dans Hors Normes il devient réalité. Les deux hommes font preuve d’une complicité rare à l’écran. Une complicité qui rappelle celle d’un autre duo d’acteurs dirigé par le même duo de réalisateurs. Mais c’est tout le casting qui est à saluer et pas seulement celui des acteurs professionnels. Dans ce film, il n’y a que des acteurs tout court, que des acteurs formidables, merveilleusement bien dirigés, que des grands rôles pour de grands personnages. C’est ce qui fait la grandeur de ce film dont on ressort enthousiaste, croyant un peu plus fort à la capacité de certains individus à s’engager pour faire le bien. On l’est par contre un peu moins sur la capacité de notre société à faire face avec les moyens nécessaires à la différence.
LA NOTE : 14/20
Production : Quad Films, Ten Cinema Réalisation : Eric Toledano, Olivier Nakache Scénario : Eric Toledano, Olivier Nakache Montage : Dorian Rigal-Ansous Photo : Antoine Sanier Distribution : Gaumont Musique : Grandbrothers Directeur artistique : Patrick Schmitt Durée : 115 min
Casting : Vincent Cassel : Bruno Reda Kateb : Malik Hélène Vincent : Hélène Bryan Mialoundama : Dylan Benjalin Lesieur : Joseph
Certains films vous permettent de prendre conscience du côté dérisoire de certains débats qui enflamment l’actualité. Quand on parle sans fin d’un bout de tissu jusqu’à la nausée, Papicha nous rappelle ce qu’est vraiment l’islamisme et que ses premières victimes, dans une absolue majorité, sont des musulmans, y compris des femmes portant pourtant le voile. Il permet de mieux comprendre le basculement dans l’horreur de la société algérienne au début des années 90. Mais ce film reste avant tout un très beau portrait d’une jeune femme éprise de liberté et pleine d’ambition.
Papicha est un film humaniste, avant même d’être un film politique. C’est par un destin individuel que l’on suit le destin de tout un pays. On ne peut que s’attacher profondément au personnage principal, pourtant pas dénué de défaut. Cette jeune fille force notre admiration en même temps que notre affection. On partage sa colère face à un monde qui s’écroule et les murs qui se dressent. On partage ses espoirs de prouver sa valeur au monde et de trouver le bonheur malgré tout. Et bien sûr, on partage également les moments dramatiques. Ce mélange d’émotions, fortes et sincères, donne toute la dimension de ce film salutaire et bouleversant.
La jeune Lyna Khoudri vie à son personnage avec une énergie et une conviction d’une grande force. Elle porte réellement le film sur ses épaules et contribue à faire de Papicha une grande réussite. Elle est entourée de nombreux seconds rôles tout aussi formidables. La réalisation de Mounia Meddour est parfaitement maîtrisée, faisant naître une vrai souffle narratif qui porte son récit. Elle évite tout les travers larmoyants dans lequel aurait pu facilement tomber une telle histoire. Elle ne cantonne pas ses personnages dans leur état de victimes, mais rend au contraire un vibrant hommage à celles qui ont résisté. Un hommage qui saura en inspirer d’autres, n’en doutons pas.
LA NOTE : 13,5/20
Fiche technique : Production : High Sea Productions, The Ink Connection, Scope pictures, Tayda Film, Tribus P Film, Same Player Réalisation : Mounia Meddour Scénario : Mounia Meddour, Fadette Drouard Montage : Damien Keyeux Décors : Chloé Cambournac Distribution : Jour2fête Musique : Rob Durée : 105 min
Ce qui rend le héros d’une histoire vraiment mythique, c’est souvent avant tout la qualité du méchant auquel il fait face. On apprécie Luke Skywalker, mais c’est avant tout Darth Vador que l’on aime. Pour Batman, c’est quand le Joker apparaît que l’œuvre prend toute sa dimension, en particulier au cinéma. L’annonce d’un film lui étant entièrement consacré a donc fait naître beaucoup d’attentes, surtout quand on a appris qu’il serait interprété par Joaquin Phoenix. Par contre, le nom de Todd Philipps à la réalisation pouvait faire naître quelques doutes, du fait d’un passé cinématographique essentiellement tourné vers la comédie. Mais il signe finalement une œuvre magistrale, portée par une vraie synergie entre le cinéaste et son interprète.
Joker n’a vraiment rien d’un film de super-héros. On retrouve pourtant bien des éléments de l’univers de Batman avec la vision d’un Gotham City décadent, où la violence semble prête à exploser à tout moment . Quelques clins d’œil aux origines de l’homme chauve-souris aussi. Mais ça s’arrête là. Je ne sais pas quel serait le regard d’un spectateur ne connaissant rien du personnage et du monde dans lequel il évolue, mais il y a des chances qu’il prenne lui aussi beaucoup de plaisir à suivre cette histoire. L’histoire d’un homme qui sombre dans une folie violente en même tant que toute une société. Ce parallèle entre les destins individuels et collectifs forme la colonne vertébrale du film et toute la force du message. Oubliez les parallèles hasardeux avec la situation actuelle en France formulés par certains. Cette histoire est profondément intemporelle et universelle.
Un narrateur talentueux le reste généralement quel que soit le type d’histoire qu’il raconte. Tous ceux qui ont aimé Very Bad Trip ne doutait pas de la qualité de narrateur de Todd Philipps. Par contre, on ne devinait pas qu’il puisse livre une œuvre avec telle puissance esthétique. Joker est porté par une photographie sublime. Si je devais apporter un seul bémol, cela serait un recours un peu trop fréquent au ralenti. Et que dire de la performance hallucinante de Joaquin Phoenix, qui tient là un rôle des plus marquants de sa carrière qui pourrait lui valoir une jolie statuette dorée en début d’année prochaine. Mais on peut facilement imaginer que c’est le film dans son entier qui se verra récompensé. Ce ne serait que justice pour cette fresque fantastiquo-sociale absolument prodigieuse.
LA NOTE : 16/20
Fiche technique : Production : Bron Creative, DC Comics, DC Entertainment, Joint Effort, Village Roadshow Pictures, warner Bros Distribution : Warner Bros Réalisation : Todd Philipps Scénario : Todd Phillips, Scott Silver, personnages de DC Comics Montage : Jeff Groth Photo : Lawrence Sher Décors : Mark Friedberg Musique : Hildur Gudnadottir Durée : 122 min
Casting : Joaquin Phoenix : Arthur Fleck Robert De Niro : Murray Franklin Zazie Beetz : Sophie Dumond Frances Conroy : Penny Fleck Breet Cullen : Thomas Wayne Shea Whigham : Det. Burk Bill Vamp : Det. Garrity Glenn Fleshler : Randall
J’ai déjà proposé pour ma précédente critique, celle d’Alice et le Maire, une introduction tournant autour du fait de bien connaître le sujet dont traite un film. J’ai donc quelques scrupules à utiliser le même procédé pour introduire celle sur Au Nom de la Terre. J’ai en effet la chance, parce que c’est une chance, de travailler en prise directe avec le milieu agricole et de bien connaître, par la même occasion, ses acteurs principaux, à savoir les agriculteurs. La sortie du film a provoqué beaucoup d’émotion au sein de ce monde qui vit des heures passablement difficiles. Restait à savoir si l’émotion n’allait pas troubler le jugement sur ce film.
Au Nom de la Terre évite le plus grand piège dans lequel il aurait pu tomber. En effet, il ne nous livre pas un propos manichéen. Ce n’est pas l’histoire d’une victime d’un système. Le propos n’élude la responsabilité de personne et sûrement pas celle du personnage principal. La figure du grand-père est particulièrement révélatrice. Il apparaît à la fois comme un sage qui sent venir la catastrophe, mais aussi comme un homme froid et insensible à la détresse de son fils. Le film dit beaucoup sur l’ambiguïté des valeurs paysannes et notamment ce rapport si particulier au foncier. On voit que rien n’a vraiment changé depuis la Terre d’Emile Zola.
Édouard Bergeron a fait preuve d’un courage particulier et remarquable. Raconter sa propre histoire avec autant de recul n’est pas donné à tout le monde. On peut difficilement imaginer combien il a été dur de tourner la scène de l’agonie de son père, mort quasiment dans ses bras. Sans doute y a-t-il là une forme de démarche thérapeutique dans ce projet. Il en ressort une émotion brute et violente, qui vient se superposer à la qualité de la réflexion. Au Nom de la Terre démontre, après Petit Paysan, que le monde agricole constitue un sujet capable de nous offrir des films brillants. On les aimerait plus joyeux, mais malheureusement tout n’est pas toujours bucolique dans nos campagnes.
LA NOTE : 13/20
Fiche technique : Production : Nord-Ouest films, France 2 cinéma, Artémis productions, Caneo films, Voo, RTBF, Be TV, Shelter prod Distribution : Diaphana Réalisation : Edouard Bergeon Scénario : Edouard Bergeon, Emmanuel Courcol, Bruno Ulmer Montage : Luc Goffin Photo : Eric Dumont Décors : Pascal Le Guellec Musique : Thomas Dappelo Durée : 103 min
Casting : Guillaume Canet : Pierre Jarjeau Veerle Baetens : Claire Jarjeau Anthony Bajon : Thomas Jarjeau Rufus : Jacques Jarjeau Samir Guesmi : Mehdi Yona Kervern : Emma Jarjeau
Quand un film aborde un sujet que l’on connaît particulièrement bien, on le regarde forcément un œil quelque peu différent. Pas forcément plus critique ou au contraire plus indulgent que pour un béotien, mais qui donne un jugement basé sur des critères quelque peu différents. On jugera évidemment avant tout de la crédibilité du propos, mais aussi la capacité de ce dernier à aller au-delà des évidences et des clichés. En tant que militant et ancien élu socialiste, c’est avec ce regard particulier que j’ai pu voir Alice et le Maire. Le film nous plonge dans les coulisses de la construction des idées et des programmes politiques. Un film qui a surtout le bon goût de ne pas nous livrer un discours manichéen et facile sur ce monde objet de bien des fantasmes. Car celui-ci, comme d’autres, s’avère bien plus complexe que ce que l’on imagine.
Alice et le Maire n’est pas le récit de la conquête du pouvoir. C’est en ça qu’il se démarque de beaucoup de films consacrés à la politique. C’est un film sur la manière dont les programmes s’élaborent. Le principal objet du scénario, ce sont les idées. Pourtant, le film n’a rien de contemplatif. Nicolas Pariser nous livre un vrai récit, sous-tendu par une tension narrative réelle. Les relations entre les personnages sont subtiles. Quand elles semblent cousues de fil blanc, elles finissent par prendre une direction différente de ce que l’on aurait pu imaginer à première vue. Les fils des intrigues se confondent donc avec eux qui relient les protagonistes et on se laisse prendre avec plaisir dans ce filet. Ce filet compte évidemment un fil plus important que les autres, celui qui relie les deux personnages ayant donné son titre au film.
Alice et le Maire bénéficie d’un privilège rare. En effet, on y trouve un Fabrice Luchini ayant le bon goût de ne pas en faire trop. Il parvient parfaitement à rentrer dans son costume de vieux sage de la politique. C’est bien l’apanage des grands acteurs d’incarner des personnages très éloignés de ce qu’ils sont. Anaïs Demoustier ne tient pas là le rôle le plus marquant de sa carrière, mais elle nous livre néanmoins une prestation d’une qualité inaccessible pour le commun des talents. Ils contribuent pleinement à la réussite de ce film qui nous propose une des réflexions les plus pertinentes sur la politique que j’ai pu voir au cinéma. Une réflexion qui mériterait d’être partagée ailleurs quand dans les salles obscures.
LA NOTE : 14/20
Fiche technique : Production : Bizibi, Arte France Cinéma, Bac Films Réalisation : Nicolas Pariser Scénario : Nicolas Pariser Montage : Christel Dewynter Photo : Sébastien Buchmann Décors : Wouter Zoon Distribution : BAC Films Son : Daniel Sobrino Durée : 103 min
Casting : Fabrice Luchini : Paul Théraneau Anaïs Demoustier : Alice Heimann Pascal Reneric : Xavier Léonie Simaga : Isabelle Leinsdorf Mayd Wyler : Delphine Antoine Reinartz : Daniel Nora Hamzawi : Mélinda Alexandre Steiger : Gauthier
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