MEMENTO : Et le génie se révéla

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mementoafficheChristopher Nolan est dors et déjà un très grand du cinéma, dont les films sont destinés à accéder au rang de classiques. Il a désormais à sa disposition des budgets conséquents et une grande liberté artistique, puisque jamais ces œuvres ne sont « faciles » d’accès. Une chance rare qu’il exploite pleinement. Pourtant, tout cela avait commencé en 2000 avec une production sans grands moyens, Memento, mais au scénario tellement révolutionnaire que le succès fut au rendez-vous. Sa carrière était lancée et bien lancée.

Lenny abat un homme d’une balle dans la tête dans une maison isolée. Pourquoi ? Parce que l’homme a violé et tué sa femme. Comment le sait-il ? Là est la question car Lenny souffre d’un handicap rare. Blessé à la tête, il est incapable de former de nouveaux souvenirs. Comment alors croire ce qu’on lui dit quand on est incapable de reconnaître un interlocuteur avec qui on a discuté la veille ?

Memento est un film unique en son genre. Je ne sais pas si c’est lui qui a inspiré cette mode insupportable du scénario raconté en flashback, mais ce ne sont de toute façon que de pâles copies puisque Christopher Nolan pousse ici le concept beaucoup plus loin. En effet, l’histoire est tout simplement racontée à l’envers. Plus clairement, les scènes s’enchaînent dans l’ordre chronologique inverse, comme si le film était monté en sens inverse.

La première réaction est évidemment : mais on ne doit rien comprendre ! Et c’est là, que le génie de Christopher Nolan, et de son frère co-auteur du scénario, intervient. Car Memento n’est pas plus compliqué à suivre qu’une polar-thriller classique, avec rebondissements et fausses pistes. Ceci est évidemment rendu possible par la particularité du personnage qui n’agit jamais en fonction de ce qui s’est passé précédemment puisqu’il ne s’en souvient pas. Une fois que l’on a compris le principe, et cela vient rapidement, on se laisse porter par cette histoire tellement originale sur la forme qu’on en oublie qu’elle ne l’est pas tant que ça dans le fond.

mementoMais Christopher Nolan ne se distingue pas que par son incroyable faculté à mettre en image des scénarios incroyablement originaux ou complexes. Il possède également une vraie sensibilité esthétique qui fait de ses films des œuvres visuellement très abouties. Il a cette faculté rare de mettre en lumière des éléments de décors pour servir son histoire et sa compréhension. Quant à son sens de la photographie et son utilisation de la musique, ils sont aussi d’un niveau qui le situe parmi les grands, les très grands. Evidemment, Memento n’échappe pas à la règle, même si on sent tout de même que ce film n’a pas bénéficié des mêmes besoins que ses œuvres suivantes.

Memento constitue le plus beau rôle de Guy Pearce, très bon second rôle habituel d’Hollywood, mais qui ici tient une large part du film sur ses épaules. C’est sans doute dans ce domaine que réside la seule vraie limite de ce film, à une époque où Christopher Nolan ne pouvait pas encore se payer un Al Pacino, un Christian Bale, un Hugh Jackman ou un Leonardo Di Caprio. Le reste du casting est efficace, à défaut d’être génial, avec une mention spéciale tout de même pour Carrie-Anne Moss, toujours aussi séduisante.

Memento, comme son nom l’indique, est un film que l’on oublie pas. Un vrai film culte, mais pour les bonnes raisons. Un film signé par un très grand réalisateur.

Fiche technique :
Production : I Remember productions, Newmarket, Team Todd
Distribution : UFD
Réalisation : Christopher Nolan
Scénario : Christopher Nolan
Montage : Dody Dom
Photo : Wally Pfister
Son : William Fiege
Musique : David Julyan
Durée : 113 mn

Casting :
Guy Pearce : Leonard Shelby
Carrie-Anne Moss : Natalie
Joe Pantoliano : John Edward Gammell
Mark Boone Jr. : Burt Hadley
Russ Fega : le serveur
Jorja Fox : Catherine Shelby

BEIGNETS DE TOMATES VERTES : Succulents beignets

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beignetsdetomatesvertesafficheParler de tolérance, d’amitié, d’amour et de partage est évidemment tout à fait respectable, pour ne pas dire salutaire. Mais centrer un film sur ces sujets oblige souvent à marcher sur un fil. En effet, la frontière entre le beau et le cucul est souvent étroite et les meilleures intentions se terminent souvent en résultat tout ce qu’il y’a de plus indigeste. Beignets de Tomates Vertes n’échappe pas à numéro d’équilibriste, mais bascule heureusement du bon côté.

Evelyn est une femme entre deux âges, comme on dit. Avec ses kilos en trop, son mari plus souvent intéressé par ses matchs de base-ball à la télé que par son corps, elle ne sait pas trop quelle direction donner à sa vie. Par hasard, elle fait la connaissance de Ninny Threadgoode, une fringante octogénaire. Une grande amitié va se nouer entre les deux femmes, alimentée par les récits de Ninny sur sa jeunesse. Et surtout, celle de sa sœur, Idgie, et sa meilleure amie Ruth Jamison.

Beignets de Tomates Vertes est un film que j’avais envie de voir depuis sa sortie en 1991. J’avais alors douze ans, mais j’imagine que le titre m’avait alors intrigué. C’est donc près de vingt ans d’attente qui viennent de prendre fin. Et en deux décennies, j’ai eu le temps d’imaginer tout plein de choses sur ce film, dont, en fait, je ne savais absolument rien. Du coup, il avait pris une dimension mythique et si finalement, mon enthousiasme n’est pas total, c’est peut-être que j’en attendais trop.

Je vais donc m’efforcer de rester totalement objectif sur ce film qui reste tout de même un grand classique du mélo. Beignets de Tomates Vertes nous raconte donc deux histoires en parallèle. Si c’est le passé qui occupe la majeure partie des deux heures dix, l’amitié entre Evelyn et Ninny constitue tout de même un élément important. L’un ne pourrait aller sans l’autre et ce sont les ponts jetés entre les deux époques qui en font toute son originalité et tout son intérêt.

L’histoire d’Idgie et Ruth est un vrai beau récit, qui nous plonge dans l’Amérique profonde des années 30, époque où il était dur d’être une femme et encore plus d’être noir. Le film prend ici le forme d’une saga familiale qui s’étale sur plus d’une décennie. Une forme très classique donc, mais qui évite tous les clichés du genre. Encore une fois, cette partie est vraiment réussie et jamais une seule seconde ne semble proche de basculer du côté obscur du cucul la praline.

beignetsdetomatesvertesLe récit contemporain et la quête d’identité, elle, fonctionne peut-être un tantinet moins bien. Certes, il faut la prendre au second degré pour apprécier pleinement l’humour qui la parcourt. Mais il faut avouer que, comme Evelyn attendant avec impatience la suite des récits de Ninny, le spectateur attend lui aussi que l’intrigue nous rapatrie vers le passé. Mais bon heureusement, Evelyn est interprété par l’immense et talentueuse Kathy Bates, alors on ne passe pas non plus un mauvais moment.

Ce qui fait la force de Beignets de Tomates Vertes, c’est le très fort attachement que l’on ressent pour l’ensemble des personnages. Des personnalités fortes, faisant preuve d’un réel courage dans leur quête de l’affirmation de soi, qui n’est jamais une aventure de tout repos. Le tout est porté par une quatuor d’actrices réellement remarquable. Je ne reviendrais pas sur le cas Kathy (même si bon, depuis Misery, on a du mal à ne pas redouter qu’elle casse les jambes de son interlocuteur…), mais saluerai très bas mesdames Mary Stuart Matherson, Mary-Louise Parker et Jessica Tandy pour leurs magnifiques performances.

Beignets de Tomates Vertes est un vrai beau film, traitant remarquablement de sujets graves, tout en gardant un vrai souffre d’optimisme et d’espoir. Un film pour toutes les féministes, mais pas que…

Fiche technqiue :
Réalisation : Jon Avnet
Scénario : Fannie Flagg et Carol Sobieski
Musique : Thomas Newman
Décoratrice : Barbara Ling
Directeur artistique : Larry Fulton
Directeur de la photographie : Geoffrey Simpson
Costumes : Elizabeth McBride
Chef monteuse : Debra C. Neil
Producteur : Jordan Kerner
Assistants réalisation : Deborah Love et Jeff Rafner
Date de sortie française : 23 septembre 1992
Film américain
Format : Super 35, 35 mm, 1.85:1 (couleurs, son Dolby Surround)
Genre : comédie dramatique
Durée : 131 minutes

Casting :
Kathy Bates : Evelyn Couch
Mary Stuart Masterson : Idgie (Imogen) Threadgoode
Mary-Louise Parker : Ruth Jamison
Jessica Tandy : Ninny Threadgoode
Cicely Tyson : Sipsey
Chris O’Donnell : Buddy Threadgoode
Stan Shaw : Big George
Gailard Sartain : Ed Couch

UN SINGE EN HIVER : Verneuil, Blondin, Audiard, Gabin, Belmondo

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unsigneenhiverafficheChef d’œuvre intemporel, Un Singe en Hiver a rassemblé le meilleur du cinéma français du début des années 60. Tiré d’un grand roman, adapté par un immense dialoguiste, réalisé par un grand cinéaste (avec des assistants promis à un grand avenir) et mettant en scène deux monstres sacrés à l’opposé de leur carrière, ce film ne pouvait être qu’un grand film. Et il l’est !

Alors que la guerre touche à sa fin, Albert Quentin ne rêve que d’Indochine, où il a été fusiller-marin, une fois saoul. Et il l’est plus qu’à son tour. Un jour, pris sous les bombardements, il jure à sa femme de ne plus boire une goutte s’ils s’en sortent. Il tiendra parole… 15 ans plus tard, débarque à son hôtel un jeune homme qui lui ne rêve que d’Espagne et de la femme qui l’y a laissé. Il ressemble trop à l’Albert d’il y’a 15 ans pour que la femme de ce dernier ne s’inquiète pas de voir son mari revenir à ses anciens travers.

N’ayez pas peur à la lecture de ce synopsis, Un Singe en Hiver n’a rien d’un drame social sur l’alcoolisme. Ce n’est pas vraiment le genre d’Antoine Blondin, l’auteur du roman original. C’est une comédie des mœurs, un film humaniste, un portrait touchant et drôle de deux hommes que l’âge pourrait séparer mais que de nombreuses ressemblances finissent par rassembler. Certes, on y parle beaucoup d’alcool, on y boit beaucoup, mais il n’y pas de parti pris sur le sujet.

Dans Un Singe en Hiver, on trouve sûrement les meilleurs dialogues d’Audiard. Bien sûr, ce n’est pas les Tontons Flingueurs, aux répliques si cultes, mais Audiard ne ‘y parodiait-il pas lui-même ? Ici, le ton est plus subtil, moins coloré, mais il fait mouche et nous livre des tirades fabuleuses. Si je devais en retenir une, ça serait : « Vous avez la cuite mesquine. Dans le fond, vous ne méritez pas de boire ! ». Servi par un Jean Gabin, c’est tout simplement fabuleux.

unsigneenhiverJean Gabin, justement, tient dans Un Singe en Hiver peut-être son plus beau rôle d’après-guerre. Tout comme Jean-Paul Belmondo, ici presque débutant, il y est merveilleusement dirigé par Henri Verneuil. Quel bonheur de voir ici pourquoi ce sont deux monstres sacrés du cinéma français. Trop souvent, leur carrière les a conduit dans des rôles cherchant à exploiter leur talent jusqu’à la caricature d’eux-mêmes. Ici, ils ont des rôles à la mesure de leur talent, magnifique, inoubliable.

La conjonction de tout cela fait d’Un Singe en Hiver. Trop souvent le cumul de grands talents donne un résultat inférieur à la somme de chacun additionné. Ici, c’est le contraire. Le tout est bien supérieur à la somme des parties… Et quand on connaît la valeur des parties… Bref un concentré de bonheur cinématographique et humain.

Un Singe en Hiver est un des plus grands chefs d’œuvres du cinéma français. Une œuvre que seul ce dernier sait (trop rarement) nous offrir.

Fiche technique :
Réalisation : Henri Verneuil
Scénario : François Boyer, Henri Verneuil, Michel Audiard
Adaptation : François Boyer d’après le roman d’Antoine Blondin (Éditions de la Table Ronde)
Dialogues : Michel Audiard
Assistants réalisateurs : Claude Pinoteau, Maurice Kaminsky, Costa-Gavras
Musique : Michel Magne – Le Tango Caminito
Images : Louis Page

Casting :
Jean Gabin : Albert Quentin, patron de l’hôtel « Stella »
Jean-Paul Belmondo : Gabriel Fouquet, le jeune homme
Suzanne Flon : Suzanne Quentin, la femme d’Albert
Noël Roquevert : M. Landru, patron du bazar
Paul Frankeur : M. Esnault, le patron du café
Gabrielle Dorziat : Mme Victoria, la directrice
Marcelle Arnold : L’infirmière de la pension
Hella Petri : Georgina, la patronne du bar
Lucien Raimbourg : Le jardinier de la pension
Geneviève Fontanel : Marie-Jo, la serveuse de l’hôtel
Sylviane Margollé : Marie Fouquet, la fille de Gabriel  

WALL.E : Pas besoin de dialogues

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walleafficheLes films d’animation auront constitué le plus grande réussite de cet été cinématographique (en attendant The Dark Night). Après l’hilarant Kung-Fu Panda, voici le magnifiquement poétique Wall-E. Dreamworks et Pixar nous ont encore offert deux petits chef d’œuvres pour notre plus pur bonheur. Mais c’est quand même bien Pixar qui fait vraiment fort avec Wall-E, unanimement salué par la critique et qui est réellement un petit bijou du 7ème art.

Sur une Terre désertée par ses habitants depuis 700 ans, Wall-E, robot chargé de nettoyer les déchets, est la dernière trace de vie sur Terre, en dehors d’un petit insecte… et une plante chétive qui tente de survivre dans ce monde encore très pollué. Dernier survivant de son « espèce », Wall-E continue inlassablement à accomplir son devoir. Mais le temps a fait apparaître chez lui des comportements dénotant une certaine personnalité. Un jour son train-train séculaire est perturbé par l’arrivée d’un vaisseau spatial qui dépose sur notre planète un robot aux courbes féminines (même s’il ressemble quelque peu à un suppositoire…ou une dragée pour ceux qui préfèrent).

Wall-E est une histoire d’amour d’un genre original puisqu’elle concerne deux êtres qui ne sont pas à proprement parler vivants. Pourtant, cette histoire ne perd rien de sa force poétique et de l’émotion qu’elle dégage. Les personnages sont incroyablement sympathiques et surtout touchants. Le petit robot timide et obsolète tentant de séduire le robot moderne et design… Une situation que l’on peut facilement retranscrire dans un contexte beaucoup plus humain. Bref, une histoire presque commune, malgré un contexte et des personnages sortant largement de l’ordinaire.

walleLe défi les plus étonnant relevé, et avec quel brio, par les artistes de Pixar, est d’avoir réussi à faire exprimer autant de sentiments à leurs personnages sans quasiment aucun dialogue et même aucune mobilité dans les visages. Pourtant le résultat est probant et nos petits robots font preuve d’une expressivité réellement prodigieuse. Il s’agit vraiment là d’une prouesse vraiment remarquable et qui justifierait à elle seule l’intérêt de ce film.

L’autre intérêt est aussi l’histoire, qui même sans beaucoup de dialogue, est très rythmé. Si le film commence par une présentation du monde et du personnage de Wall-E, l’histoire commence dès que Eve, sa comparse, débarque sur Terre. Pas d’intrigue hitchcockienne palpitante mais des péripéties qui s’enchaînent rapidement et qui font de Wall-E un divertissement au-delà de l’aspect poétique. On aurait pu craindre également que le message écologiste sous-jacent soit quelque peu lourdingue ou simpliste, mais il fait partie intégrante de la l’intrigue et représente le point de départ de nombreuses péripéties.

Wall-E est réellement une fable magnifique et touchante. Un vrai grand et beau film à voir absolument !

Fiche technique :
Production : Walt Disney Pictures, Pixar Animation
Distribution : Walt Disney Studios Motion Pictures France
Réalisation : Andrew Stanton
Scénario : Andrew Stanton, Jim Reardon, Pete Docter
Montage : Stephen Schaffer
Décors : Ralph Eggleston
Musique : Thomas Newman, Peter Gabriel
Durée : 96 mn

Casting :
Ben Burtt : Wall-e
Elissa Knight : Eve
Jeff Garlin : Le commandant
Sigourney Weaver : l ordinateur du vaisseau

LE PONT DE LA RIVIERE KWAI ; Siffler en travaillant

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lepontdelarivierrekwaiafficheLe Pont de la Rivière Kwaï constitue un moment important dans l’histoire de… la musique. En effet, il s’agit là de la première bande-originale vendue à des milliers d’exemplaires, avec en tête de pont (quel beau jeu de mots, non ?) La Marche du Colonel Bogey, sifflée par les soldats britanniques au début du film. Mais ce film est avant un des plus grands classiques de l’histoire du cinéma, qui avait raflé la même année les oscars du meilleur film, du meilleur scénario, du meilleur acteur, du meilleur réalisateur, de la meilleure photographie… et bien sûr de la meilleure musique.

En 1943, dans la jungle birmane, un régiment de soldats britanniques, capturés par les Japonais, est chargé de construire un pont ferroviaire au dessus de la rivière Kwaï. Le camp de prisonniers est dirigé par le Colonel Saïto, inflexible et pressé par sa hiérarchie de terminer le pont à temps. Mais le régiment est dirigé par un officier tout aussi inflexible, le Colonel Nicholson. Les deux hommes s’opposent à propos du travail des officiers, interdits par la Convention de Genève. Pendant, ce temps, le Commandant Shears, un Américain présent depuis longtemps dans le camp, réussit à s’en échapper pour, espère-t-il alors, ne jamais y revenir.

Le Pont de la Rivière Kwai est un des premiers « blockbuster » de l’histoire, c’est à dire un film à très gros budget au casting rempli de stars et aux scènes spectaculaires, programmé pour cartonner au box-office. Ah évidemment, nous sommes en 1957 et on est loin du déluge d’effets pyrotechniques numériques à la G.I.Joe. Mais la scène finale a longtemps constitué une des scènes les plus spectaculaires de l’histoire du cinéma…surtout quand on sait qu’elle a justement été réalisée sans trucage…

Mais si Le Pont de la Rivière Kwai est entré dans la légende du 7ème art, c’est pour bien plus que ça. C’est avant tout pour ses personnages légendaires, au premier rang desquels figurent l’inflexible Colonel Nicholson, interprété par un Alec Guiness qui a tenu là le rôle de sa vie (non, ce n’est pas celui d’Obi-Wan Kenobi ! qu’il a d’ailleurs détesté). Et ce n’est pas peu dire. Personne n’oubliera jamais son « what I have done » final, qui surpasse de loin celui d’Hayden Christensen dans La Revenge des Sith (ok, j’arrête là les parallèles avec Star Wars).

lepontdelarivierekwaiSi le Pont de la Rivère Kwaï reste un des films de guerre les plus célèbres, c’est avant tout un formidable témoignage contre la connerie humaine dans tout ce qu’elle peut avoir de destructrice et de génocidaire, même parfois pavée des meilleures intentions. D’ailleurs, à part la séquence finale, ce film parle avant tout du sort des hommes qui font la guerre, bien plus que des combats en eux-mêmes. Le Colonel Nicholson est un des premiers anti-héros de l’histoire du cinéma et restera un des personnages les plus ambigus qu’Hollywood, qui nous habitue plutôt au manichéisme, est fait naître.

Le Pont de la Rivière Kwaï est donc un de ses chefs d’œuvre intemporels qui n’ont pas pris une ride, ni perdu une once de leur force.

Fiche technique :
Titre : Le Pont de la rivière Kwaï
Titre original : The Bridge on the River Kwai
Réalisation : David Lean
Scénario : Carl Foreman et Michael Wilson, d’après le roman éponyme de Pierre Boulle
Musique : Malcolm Arnold, interprété par le Royal Philharmonic Orchestra
Direction artistique : Donald M. Ashton
Construction monumentale : Peter Dukelow
Costumes : John Apperson
Maquillage : Stuart Freeborn et George Partleton
Photographie : Jack Hildyard
Ingénieurs du son : John Cox et John Mitchell
Montage : Peter Taylor
Montage sonore : Winston Ryder
Sociétés de production : Columbia Pictures Corporation et Horizon Pictures, Ltd
Producteur : Sam Spiegel
Budget : 3 000 000 $
Format : Couleurs (Technicolor) – 2,55:1 (CinemaScope) – Mono (RCA Sound Recording) – 35 mm
Genre : Guerre
Durée : 161 minutes (2 h 41)
Pays d’origine : Royaume-Uni et États-Unis
Langue : Anglais, japonais, thaï
Dates de sortie :
Royaume-Uni : 2 octobre 1957
États-Unis : 18 décembre 1957 (New York)
France : 25 décembre 1957
Box-office :
États-Unis : 33,3 millions $
France : 13 481 000 entrées

Casting :
William Holden : Commandant Shears
Alec Guinness : Colonel Nicholson
James Donald : Major Clipton
Jack Hawkins : Major Warden
Geoffrey Horne : Sous-Lieutenant Joyce
Sessue Hayakawa : Colonel Saïto
André Morell : Colonel Green
Peter Williams : Capitaine Reeves
John Boxer : Major Hughes
Percy Herbert : Grogan
Harold Goodwin : Baker
Ann Sears : L’infirmière

THE DARK NIGHT : The Dark Night au rendez-vous !

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thedarknightafficheIl devait être le film évènement de cet été et The Dark Night, le Chevalier Noir n’a déçu ni les fans, ni les critiques qui l’ont unanimement salué, alors qu’ils avaient accueilli plus que fraîchement Batman Begins, l’épisode précédent de la nouvelle franchise Batman. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que les auteurs n’ont pas hésité à prendre des risques puisqu’ils ont repris dans le rôle du méchant, le Joker, qui avait été si magnifiquement interprété par Jack Nicholson, il y’a vingt ans, dans le premier Batman de Tim Burton.

Faire mieux que ce dernier ? Cela aurait été difficile si le personnage et le film étaient restés sur le même registre. The Dark Night n’est en rien un remake, c’est une vision différente du mythe de l’homme chauve-souris et de son plus coriace ennemi. Et cette vision est d’un remarquable intérêt aussi bien artistique que narratif. En tout cas, on ne pourra pas reprocher à ce film de s’être contenté de chercher à vider le porte-feuille des fans mais, au contraire, de chercher à attirer tous les amateurs de bon, de très bon cinéma.

Le Gotham City de Cristopher Nolan ne ressemble en rien à celui de Tim Burton. Ici, pas de délires gothiques et de décors grandioses, mais une ville qui ressemble comme deux gouttes d’eau au New York actuel. Enfin, à la fois, Gotham City, c’est justement le surnom de NYC. De manière générale, The Dark Night se veut un récit qui intègre des problématiques de société très actuelles, concernant la gestion de la violence et de la criminalité. Evidemment, dans le monde réel, personne ne se ballade la nuit en costume en cuir… Enfin si plein de gens, mais pas pour pourchasser la grande criminalité. Alors disons que ce film nous livre l’image de notre monde réel dans lequel Batman existerait et pas pour fréquenter des boîtes sado-maso.

Le Joker interprété par le regretté Heath Ledger ne ressemble en rien à celui légendaire joué par Jack Nicholson. Moins délirant, plus sombre, plus sadique, plus inquiétant, plus terrifiant, ce rôle marquera également l’histoire du cinéma. D’ailleurs, s’il y’a un point commun entre les deux versions du Joker, c’est que dans les deux cas, il représente, et de loin, la grande star du film. Si Christian Bale est peut-être moins transparent que Michael Keaton à l’époque, ils sont tous deux nettement en retrait par rapport à leur ennemi, dont le charisme irradie tout au long de chacun des deux films. Heath Ledger sera donc décédé à l’aube d’une formidable carrière car le talent dont il fait preuve ici n’a rien à envier à celui dont fait preuve son prédécesseur dans ses plus grands rôles.

En fait, la seule vraie ressemblance entre les deux films se situe au niveau du personnage de notre héros masqué en lui-même. Personnage torturé, se posant moult questions sur sa place dans ce bas monde, il ne ressemble en rien à un héros sûr de lui et confiant dans la justesse de son combat. Mais encore une fois, il manque quelque peu d’épaisseur et ses interrogations existentielles ressemblent un peu à une tentative désespérée de lui donner de la consistance. En plus dans les deux cas, l’acteur qui l’interprète offre une prestation un tout petit peu fade.

thedarknightMais la grande force de The Dark Night est son intrigue, nettement plus complexe que celle du Batman de Tim Burton. Il nous plonge au cœur de la pègre de Gotham qui vit des jours difficiles depuis l’apparition simultanée du héros ailé et de Harvey Dent, le nouveau procureur qui affiche une volonté farouche de combattre le crime. Ils s’en inquiètent avant qu’un inquiétant personnage, le Joker, leur propose de régler tous leurs problèmes en assassinant Batman. Mais son caractère sadique et déjanté ne les pousse pas lui faire confiance. Il décide alors de mettre Gotham à feu et à sang pour pousser la pègre à lui remettre la moitié de sa fortune… mais aussi et surtout pour le plaisir…

Les intrigues secondaires se croisent et se recoupent, les rebondissements sont nombreux, bref The Dark Night n’est en rien une collection de scènes d’actions dénuées de tout fil conducteur . C’est une vraie histoire au dénouement qui en surprendra plus d’un et qui maintient la tension jusqu’au bout. L’histoire est particulièrement prenante. Le personnage du Joker inquiète et fascine, créant à la fois une sensation de malaise et une impatience de le revoir à l’écran. On pourra toujours discuter de la morale parfois limite véhiculée par ce film, mais elle n’est pas assez omniprésente pour que cela soit réellement gênant. Autre petit défaut peut-être : le film n’est pas totalement exempt de quelques longueurs, mais, là aussi, rien de vraiment notable.

The Dark Night est évidemment également un film d’action… Et qui dit film d’action, dit scènes d’action… Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elles sont réussies. Intensité, grand spectacle, réussite technique, tout y est ! Vus les moyens déployés, on peut considérer que c’était la moindre des choses, mais fallait-il encore le faire. Surtout, que toutes ces scènes ne cèdent jamais à la tentation du délire pyrotechnique et reste centrée sur l’affrontement entre les personnages. Il aurait été dommage que la performance si remarquable de Heath Ledger ait été mise au second plan par une pluie d’effets visuels.

The Dark Night a donc répondu à toutes les attentes qu’il avait suscitées. Personnellement, je préfère encore la vision de Tim Burton du mythe, mais cette nouvelle version ravira tout de même une large majorité de cinéphiles.

Fiche technique :
Production : Warner Bros Pictures, legendary Pictures, DC Comics, Syncopy
Distribution : Warner Bros France
Réalisation : Christopher Nolan
Scénario : Christopher Nolan, Jonathan Nolan, d’après l’histoire de David Goyer et les personnages de Bob Kane
Montage : Lee Smith
Photo : Wally Pfister
Format : 2.35:1, Digital Intermediate, Imax, Panavision
Décors : Nathan Crowley
Musique : James Newton Howard, Hans Zimmer
Effets spéciaux : BUF, Double Negative
Durée : 152 mn

Casting :
Christian Bale : Bruce Wayne, Batman
Heath Ledger : The Joker
Aaron Eckhart : Harvey Dent
Michael Caine : Alfred
Maggie Gyllenhaal : Rachel Dawes
Gary Oldman : Gordon
Morgan Freeman : Lucius Fox
Monique Curnen : Det. Ramirez
Cillian Murphy : Scarecrow
Eric Roberts : Salvatore Maroni 

RATATOUILLE : Un film qu’il est trop bon !

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ratatouilleafficheRatatouille est un film qui appelle nombre de jeux de mots. « Ratatouille, un film qui met l’eau à la bouche », « Ratatouille fait monter la sauce »… Mais je me contenterai d’un « Ratatouille, un film qu’il est trop bon !’

Avec ce film Pixar assoie définitivement sa supériorité sur l’animation américaine. Dreamworks, son plus féroce concurent aura montré ses limites cet été avec un troisième épisode de Shrek, sympa mais qui tourne un peu en rond niveau créativité. Pixar, lui, se renouvelle à chaque fois.

Déjà, on pouvait s’attendre au meilleur puisque pour Ratatouille, c’est Brad Bird qui est aux manettes. Ce dernier est l’auteur des Indestructibles, pour moi, le meilleur film des studios Pixar. Et une fois encore, il démontre l’étendu de son talent en signant un petit chef d’œuvre.

De chef, il en est d’ailleurs question tout au long du film puisqu’il relate les aventures d’un rat qui se trouve être le plus grand cuisinier de son époque. Evidemement, sa qualité de rongeur ne l’aide pas à exercer ses talents, les rats étant rarement bienvenus dans les cuisines des grands restaurants parisiens. Cependant, caché dans la toque d’un jeune homme un peu gauche et timide, il arrivera à devenir indirectement le chef le plus prisé de la Ville Lumière. Bien sûr, le scénario est bien plus riche que ça, mais je gâcherai pas le plaisir de ceux qui ne l’ont pas encore vu en parlant trop longuement de l’histoire.

Par contre, je ne vais pas manquer de souligner à quel point le scénario de ce dessin animé est abouti. Sous des aspects enfantins et cartoon, il recèle une vraie profondeur, une vraie poésie, une vraie magie, de l’intelligence, du rythme… Bref une vraie histoire, pas une série de gags visuels… même si ces derniers sont nombreux et très réussis, j’y reviendrai. Les personnages, humains et animaux, sont très attachants. Ils affichent tous une vraie personnalité sans que le film ne soit manichéen ou gnangnan. Même le héros, Rémy, un rat qui cuisine, possède une réelle épaisseur qui le rend crédible ! Cela donnerait presque envie de retirer la mort aux rats de la cave.

ratatouilleEvidemment, tout cela n’aurait pas été possible sans la qualité phénoménale de l’animation. Déjà, c’est beau ! Et même les humains ! Cela peut paraître tout bête, mais dans Némo par exemple, j’avais trouvé les personnages humains très laids, ce qui m’avait un peu déçu. Dans Ratatouille, ils gardent un aspect cartoon mais aussi un certain réalisme très esthétique (le réalisme esthétique, je crois que je viens d’inventer une nouvelle tendance de l’art contemporain !). Et que dire des rats ! L’expressivité de leur visage, de leur regard, de leurs mimiques est absolument subjuguant. Ceci participe fortement à l’épaisseur des personnages et de leur personnalité. Et tout cela, n’empêche évidemment pas des moments de pur bonheur visuel !

Si vous avez été élevé au Tom et Jerry et autres Bip-bip, vous trouverez votre bonheur dans Ratatouille. Un vrai humour cartoon qui se superpose avec un scénario fouillé de manière étonnamment complémentaire. L’un sert l’autre et inversement. Aucune séquence ne semble superflue, le moindre gag sert l’histoire autant que l’histoire amène gags sur gags. Un peu comme si Woody Allen avait écrit un épisode de Bip-bip et le Coyotte !

Ratatouille, un vrai bonheur pour les petits et les grands !

N.B : si vous n’y allez pas avec votre petit neveu de 5 ans, allez y en V.O. pour l’accent français que prenne tous les personnages, ce qui ajoute encore plus au charme et à l’humour du film

Casting
Avec les voix en VO de :
Patton Oswalt : Remy
Lou Romano : Linguini
Janeane Garofalo : Colette
Brad Garrett : Gusteau
Peter Sohn : Emile
Brian Dennehy : Django
Ian Holm : Skinner
Peter O’Toole : Ego

Et les voix en VF de :
Guillaume Lebon : Rémy
Thierry Ragueneau : Linguini
Camille : Colette
Jean-pierre Marielle : Gusteau
Pierre-françois Martin-laval : Emile
Gabriel Ledoze : Django
Julien Kramer : Skinner
Bernard Tiphaine : Ego
et avec la participation exceptionnelle de Guy Savoy, Cyril Lignac et Christophe Hondelatte

Fiche Technique
Réalisateur : Brad Bird
Scénaristes : Emily Cook, Kathy Greenberg, Brad Bird
Producteur : Brad Lewis
Producteurs exécutifs : John Lasseter, Andrew Stanton
Compositeur : Michael Giacchino
Artiste Histoire, animateur : Peter Sohn
Consultant cuisine : Thomas Keller
Chef décorateur : Harley Jessup
Directrice de la photographie/mise en lumière : Sharon Calahan
Directeur de la photographie/prise de vues : Robert Anderson
Superviseur des personnages : Brian Green
Directeur de l’animation : David Devan
Superviseur des finitions : Sanjay Bakshi
Superviseurs de l’animation : Mark Walsh, Dylan Brown
Superviseur technique : Michael Fong
Directrice artistique : Belinda Van Valken Burg
Superviseur de la simulation : Christine Waggoner
Superviseur des effets : Apurva Shah
Consultant culinaire : Michael Warch
Attachées de presse : Aude Thomas et Floriane Mathieu
Distributeur : BVI

LES PROMESSES DE L’OMBRE : Sombre, si sombre

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lespromessesdelombreafficheDavid Cronenberg n’a pas pour l’habitude de réaliser de gentilles comédies romantiques ou de charmantes petites bleuettes… Pourtant, à côté de la noirceur des Promesses de l’Ombre, une partie de sa filmographie pourrait se ranger aux côtés de la Mélodie du Bonheur.

Bon, j’exagère un tantinet, mais Les Promesses de l’Ombre est un film noir, profondément noir, extrêmement noir… Pendant longtemps, les films de David Cronenberg ont été rangés dans le malsain, le bizarre et l’étrange. Son univers n’était pas toujours facile à pénétrer, à l’instar de celui de David Lynch, et une bonne part de la force du message se perdait dans la bizarrerie qui pouvait parfois même prêter à sourire. Ainsi, si j’ai adoré Existenz, je m’étais profondément ennuyé devant Crash et avait vu Faux-semblants et Spider avec un intérêt qui tenait plus de la curiosité que de l’enthousiasme.

Mais tous reconnaissaient un réel talent cinématographique, notamment au niveau de la photographie et de le direction d’acteurs. Et en délaissant enfin ses obsessions sur le corps, ses transformations et autres mutilations, David Cronenberg a rejoint le rang des grands réalisateur unanimement salué aussi bien par la critique que par les spectateurs. Son précédent film, History of Violence, avait été une première étape, Les Promesses de l’Ombre constitue une éclatante confirmation.

Ce film raconte l’histoire d’Anna, infirmière londonienne, qui assiste à l’accouchement d’une femme inconnue qui meurt en couches. Elle n’a sur elle que son journal, écrit en russe, et la carte d’un restaurant. A partir de ces éléments, Anna va tenter de retrouver la famille de l’enfant. Mais la mère était une prostituée exploitée par la mafia russe locale. Or, le fameux journal raconte les tortures qu’elle a subit et donne le nom de ses tortionnaires. Les mafieux russes, sous leurs airs policés, vont alors tenter de remettre la main sur le carnet… de gré ou de force.

Les Promesses de l’Ombre est bien plus riche que ne le laisse penser son synopsis de film noir classique. Si par certains aspects, le film peut rappeler les classiques du genres des années 50-60, vous n’y verrez pas des hommes en imperméable se tirer gentiment dessus sans qu’une goutte de sang de coule. Dans les Promesses de l’Ombre, la violence y est crue, terriblement réaliste et secoue bien fort le spectateur dans son fauteuil. Mais elle n’est jamais gratuite, le réalisateur ne s’y attarde pas, ce n’est pas un film d’action où Bruce Willis flingue à tout va. Non, on assiste à des éclairs de violence peu nombreux et brefs, mais d’une force incroyable et qui marquent durablement.

lespromessesdelombreMais Les Promesses de l’Ombre, c’est surtout une étude très profonde de ses personnages. Le film n’est jamais manichéen et les personnages sont souvent pas bien plus complexes que ce que l’on croit au premier abord. Certes, certains sont des monstres, de terribles monstres, mais le film montre également leur humanité. Le choc n’en est que plus fort, la monstruosité d’autant plus dérangeante, surtout que jamais le film ne donne d’excuses aux exactions commises par les personnages.

Comme je l’ai dit plus haut, David Cronenberg est un des maîtres de la direction d’acteurs. Et pour Les Promesses de l’Ombre, il a rassemblé un quatuor d’acteurs qui livrent ici une performance rare. L’osmose entre le réalisateur et son casting est saisissant et contribue énormément à la réussite de ce film.

Honneur aux dames, avec Naomi Watts. A l’instar de Jodie Foster, elle n’a jamais choisi des rôles faciles ou inintéressants. A 40 ans, son talent atteint ici sa plénitude, dans ce rôle de femme à la fois forte et fragile, qui fait face à une situation qui la dépasse mais face à laquelle elle refuse de baisser les bras. Elle joue juste et apporte une bonne part de sa crédibilité au film.

Armin Mueller-Stahl est un acteur allemand que l’on avait plutôt l’habitude de voir dans des séries B. Il tient ici un rôle clé, qu’il interprète avec le plus grand des talents. Il est parfait aussi bien dans la froideur monstrueuse que dans la bonhomie de grand-père paisible. Il passe de l’un à l’autre avec la même réussite et contribue fortement à la noirceur dérangeante de ce film.

Pour une des premières fois de mon existence, je vais dire du bien de Vincent Cassel. Certes, il est peut-être le seul du casting à en faire un tout petit peu trop, mais c’est très léger. Et puis cela est aussi de la nature de son personnage, gangster chien fou, frôlant souvent l’hystérie. Le contraste avec la froideur et le calme effrayants de son père est saisissant et met en exergue le caractère de chacun de ces deux personnages et, par la même occasion, le malaise qu’ils provoquent chez le spectateur.

Enfin, le meilleur pour la fin… Et quand je dis, le meilleur, le mot est faible. Déjà fantastique dans History of Violence, Viggo Mortensen est ici littéralement fabuleux. En dire trop sur son personnage serait un crime, tant c’est lui, avec son évolution, ses surprises et ses contradictions, qui porte le film sur ses épaules. Comment le cinéma a-t-il pu ignorer un tel talent aussi longtemps ? Tous les amateurs de cinéma ne peuvent que remercier Peter Jackson encore et encore pour en avoir fait son Aragorn. Dans Les Promesses de l’Ombre, il livre un des scènes les plus fantastiques de l’histoire du cinéma… une scène dans un sauna qu’il interprète entièrement nu… Ah là, je vois les yeux de mon lectorat féminin qui s’allument…

Plus sérieusement, à l’heure de bilans et des rétrospectives de cette fin d’année, on peut attribuer aux Promesses de l’Ombre le titre tout à fait mérité de meilleur film de l’année.

Fiche technique :
Production : Eastern promises films ltd, Serendipity Point Films, BBC Films, Focus features, Kudos, Scion films
Distribution : Metropolitan film export
Réalisation : David Cronenberg
Scénario : Steve Knight
Montage : Ronald Sanders
Photo : Peter Suschitzky
Format : 1.85 ; Dolby SR SRD DTS
Décors : Carol Spier
Musique : Howard Shore
Durée : 100 mn

Casting :
Viggo Mortensen : Nikolaï
Naomi Watts : Anna
Vincent Cassel : Kirill
Arlin Mueller-Stahl : Semyon
Sinead Cusack : Helen
Jerzy Skolimowski : Stepan

BOULEVARD DE LA MORT : A vrombir de plaisir !

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boulevarddelamortaffichePrenez le pitch d’un film de série Z (et encore, s’il y’avait une 27ème lettre à l’alphabet, elle s’appliquerait ici), qui logiquement ne pourrait donner naissance qu’à un nanar sans intérêt, mais mettez Quentin Tarantino derrière la caméra et vous obtiendrez Boulevard de la Mort, un moment de pur bonheur.

Boulevard de la Mort commence, et s’étire quelque peu, avec Julia, Shanna et Ariène, trois jeunes filles au physique de pin-up (c’est fait exprès évidemment !). Les trois complices font la tournées des bars d’Austin, une ville qui sent bon l’Amérique profonde. Mais ces endroits sont aussi fréquentés pas des personnages quelque peu mystérieux, comme « Stuntman Mike » et son bolide vrombissant.

Boulevard de la Mort est typique du genre Tarantino. De longs (trop longs diront les détracteurs) passages sans action, ponctués de dialogues à n’en plus finir et qui, de plus, sont souvent de la conversation courante et sans rapport avec l’histoire… puis en quelques secondes, un déluge de violence brute qui vous scotchent au fauteuil. Les dialogues sont sans doute la petite faiblesse de Boulevard de la Mort…Enfin tout est relatif, on est juste loin des discussions inoubliables sur les Mc Donald du monde entier dans Pulp Fiction. Par contre, le contraste entre les moments de calme et de tempête, les ruptures de rythme soudaines fonctionnent toujours aussi bien et nous rappellent pourquoi on aime tant les films de ce réalisateur.

Encore une fois, Tarantino a su faire renaître de ses cendres un acteur que l’on pensait définitivement has been. Cette fois, c’est Kurt Russell qui se voit offert un dernier grand rôle. Si ce film ne semble pas avoir eu le même effet que Pulp Fiction a eu sur la carrière de John Travolta, il n’en restera pas moins un des moments majeurs de la carrière de l’inoubliable Snake Plissken. Le reste de la distribution est remarquablement bien dirigé, même si les actrices ont été avant tout sélectionnées pour leur physique digne des magazines masculins des années 60. Enfin, on pourra noter que Quentin Tarnatino s’offre également le plaisir d’incarner un petit rôle. S’il est habitué à apparaître dans les films de ses potes, Robert Rodriguez en tête, c’est la première fois qu’il se dirige lui-même.

boulevarddelamortQue dire par contre de la qualité de la réalisation… Un concours de superlatifs ne suffirait pas pour qualifier le talent de Tarantino qui confirme une nouvelle fois que seuls un Welles ou un Kubrick peuvent prétendre avoir atteint une maîtrise technique aussi poussée. En plus d’être un des meilleur réalisateur de l’histoire, il est incontestablement sans peu d’égaux en tant que directeur de la photographie. La bande-son est encore une fois phénoménale, par la qualité des musiques qui peuplent le film, mais surtout par la façon dont elles portent l’histoire, dont elles font partie intégrante d’elle. Elles ne sont pas simplement un élément de décoration. Mais ce qu’il y’a eu de plus remarquable encore que pour ses films précédents, c’est que dans tous ces élements, Quentin Tarantion a cherché, et réussi, à recréer l’aspect sonore et visuel du cinéma populaire des années 60. Ce n’est pas qu’un hommage, même plus qu’une imitation, c’est une renaissance et une recréation dans les moindres détails, même les plus infimes, même les plus anodins.

Après, les esprits chagrin se demanderont pourquoi Tarantino utilise son talent incommensurable pour rendre hommage au (mauvais) cinéma populaire d’autrefois (tendance cinéma de quartier sur Canal). Tout simplement parce que c’est ce cinéma qui lui a donné l’amour du cinéma, parce qu’il est l’essence même du 7ème art, spectaculaire et populaire, et parce que c’est ce qu’il a envie de faire ! Après tout, c’est ce qui compte ! Et puis, honnêtement, le spectateur averti y trouve aussi son compte !

Fiche technique :
Titre : Boulevard de la mort
Titre version francophone au Québec : À l’épreuve de la mort
Titre original : Death Proof
Réalisation : Quentin Tarantino
Scénario : Quentin Tarantino
Dialogues : Quentin Tarantino
Directeur de la photo : Quentin Tarantino
Photographe de plateau : Andrew Cooper
Décorateurs : Steve Joyner, Caylah Eddleblute
Ingénieur du son : Greg Zimmerman
Costumes : Nina Proctor
Maquilleurs : Howard Berger, Gregory Nicotero
Chef cascadeur : Jeff Dashnaw
Montage : Sally Menke
Pays d’origine : États-Unis
Producteurs : Quentin Tarantino, Robert Rodriguez, Elizabeth Avellan, Erica Steinberg
Producteurs exécutif : Bob Weinstein, Harvey Weinstein

Casting :
Kurt Russell : Stuntman Mike / « Mike le cascadeur »
Zoë Bell : Zoë
Rosario Dawson : Abernathy
Rose McGowan : Pam
Vanessa Ferlito : Arlene « Butterfly »
Sydney Tamiia Poitier : Jungle Julia
Jordan Ladd : Shanna
Tracie Thoms : Kim
Mary Elizabeth Winstead : Lee Montgomery
Quentin Tarantino : Warren, le barman

KINGDOM OF HEAVEN : Jerusalem, objet de toutes les passions

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kingdomofheavenafficheRidley Scott n’est pas du genre à réaliser des petits films sans ambition. Kingdom of Heaven n’échappe pas à la règle. Le film se veut grandiose, épique et cherche à faire passer un message fort. Beaucoup ont trouvé le résultat inégal, voire décevant. Personnellement, je l’ai trouvé excellent et cela a fait de Kingdom of Heaven un de mes films préférés.

Au XIIème siècle, Balian est un forgeron au cœur du Royaume de France, rongé par le souvenir de sa femme qui vient de se suicider après la mort de leur enfant. Godefroy de Gibelin, à la tête d’une troupe de croisés, vient le trouver et lui révèle qu’il est son père. Légèrement moins surpris que Luke Skywalker, Balian repousse d’abord la proposition de suivre son nouveau papa jusqu’à Jérusalem. Mais après, avoir tué son propre frère, prêtre du village qui a ordonné que sa femme soit décapitée avant d’être enterrée, il fuit son village et rejoint la troupe sur la route de Messine.

La période des croisades a rarement inspiré les cinéastes. Riddley Scott a donc abordé un thème relativement vierge de références. Il a donc pu donner libre court à sa vision des évènements. Esthétiquement, il a choisi le réalisme. De toute façon, depuis Gladiator, on est loin du temps des films historiques où les héros arborent des tuniques immaculés du début à la fin. Le Jérusalem de Kingdom of Heaven est sale, peuplée d’hommes peu recommandables et à l’hygiène plus que douteuse. Le sang coule pendant les batailles, les hommes meurent en hurlant, sans que Ridley Scott ne cherche à mettre ceci en avant.

Car si Kingdom of Heaven est si spectaculaire, ce n’est pas par l’hémoglobine à foison. Non, au contraire, c’est sur des plans larges qui nous permettent d’assister à des batailles épiques où s’affrontent chevaliers et fantassins, tours de siège et catapultes, le tout dans des décors grandioses jusqu’à l’horizon. Bref, un film à gros moyens, mais quand on connaît les qualités de cinéastes de Ridley Scott, on peut facilement s’imagine qu’il en a fait le meilleur usage qui soit.

kingdomofheavenEnsuite, viennent le points qui prêtent un peu plus à discussion. Tout d’abord, les acteurs. Enfin, surtout l’acteur principal, Orlando Bloom. Il faut dire qu’il possède le seul rôle un minimum consistant de toute la distribution, Liam Neeson tenant une nouvelle fois le rôle du mentor qui meurt dès le début du film, certains diront même que le film est entièrement conçu pour assurer sa promotion. Si l’acteur était fabuleusement talentueux, cela n’aurait pas forcément posé de problème, mais le bel Orlando est, avouons-le, un tout petit peu limité. Mais j’insiste sur le un tout petit peu car Kingdom of Heaven constitue largement son meilleur rôle et, personnellement, je trouve qu’il s’en sort plutôt bien. En tout cas, un million de fois mieux que ce que l’on pouvait craindre.

Mais la plus grosse polémique sur ce film, concerne l’intrigue et surtout le message qu’il essaye de véhiculer. Kingdom of Heaven nous narre un court moment de l’histoire de Jérusalem mais se veut une allégorie de son histoire globale passée et même présente. Lieu saint des trois monothéismes, Jérusalem a toujours été au cœur de toutes les passions et continue de l’être. Personnellement, au lieu d’être une faiblesse du film, je trouve au contraire que c’est un de ses très grandes forces, car le message est délivré avec une grande intelligence. Il n’y a aucun manichéisme. Il ne s’agit absolument pas là d’un affrontement entre de gentils croisés contre de méchant sarrasins, ni l’inverse d’ailleurs. Il n’y a ni méchant, ni gentil…

… excepté notre héros… Ici, effectivement, le film souffre peut-être d’une toute petite faiblesse. Oie blanche au milieu des brutes, homme privilégiant l’honneur avant toute chose, Balian manque d’aspérités pour être réellement intéressant. Certes, par son regard impartial sur les deux camps, il est le messager de ce que veut nous délivrer Ridley Scott, mais au final, cela affadit terriblement le personnage. C’est un peu dommage, car il est vraiment le seul protagoniste à être aussi caricatural. Et comme, il s’agit là du personnage principal, il est vrai que cela pèse… mais pas tant que ça au final.

Pour moi, Kingdom of Heaven est un grand film, bien au-delà de son aspect spectaculaire ! La morale est très intelligente et on est heureux de voir un film délivré un message sans que ce dernier n’alourdisse l’intrigue. Mais on en n’attendait pas moins d’un réalisateur de la trempe de Ridley Scott.

Fiche technique :
Titre : Kingdom of Heaven (États-Unis et France), Royaume des cieux (Québec)
Réalisation : Ridley Scott
Scénario : William Monahan
Production : Ridley Scott pour Scott Free Productions (R.-U.) et 20th Century Fox (USA)
Musique : Harry Gregson-Williams
Photographie : John Mathieson
Montage : Dody Dorn et Chisako Yokoyama
Pays d’origine : États-Unis
Tournage: Maroc
Genre : Aventure, film de guerre, historique
Durée : 145 minutes, 187 minutes pour la version longue (uniquement disponible en DVD)
Dates de sortie : 4 mai 2005 (France) ; 6 mai 2005 (USA)

Casting :
Orlando Bloom : Balian d’Ibelin
Eva Green : Sibylle
Liam Neeson : Godefroy d’Ibelin (en fait c’est un personnage composite, inspiré de Godefroy de Bouillon et Barisian d’Ibelin, le vrai père de Balian)
Jeremy Irons : Tiberias (nom donné dans le film au personnage historique Raymond III, comte de Tripoli et prince de Tiberias)
Marton Csokas : Guy de Lusignan
Jon Finch : Héraclius, patriarche de Jérusalem
Brendan Gleeson : Renaud de Châtillon
Ghassan Massoud : Saladin
Edward Norton : Baudouin IV
Alexander Siddig : Imad al-Din al-Isfahani
David Thewlis : Roger de Moulins, grand maître de l’Ordre de Saint-Jean de l’Hôpital
Karim Saleh : émissaire de Saladin