BRUNO REIDAL : Trop longue distance

Le mot fou a un destin bien particulier. Il est devenu politiquement incorrect et on lui préfère des euphémismes ou des termes médicaux alambiqués. Pourtant, les actes qui semblent défier en tous points la raison, bref la folie si on appelle un chat un chat, continue de fasciner, indépendamment de toutes les polémiques sémantiques. Bruno Reidal explore une forme bien particulière de folie, la folie meurtrière qui, au début du 20ème siècle, a poussé un jeune homme de 17 ans a tué froidement et sans raison un jeune garçon de son village. Sans raison… c’est bien le mot. Enfin de notre point de vue.

Bruno Reidal est tiré d’une histoire vraie. Elle se base sur le récit que le jeune homme a été poussé à écrire par ses médecins à l’asile. Le récit de sa vie, de la naissance de cet instinct meurtrier qui l’aura finalement poussé à passer à l’acte. Il s’agit donc un récit à la première personne, nous faisant plonger au cœur de la pensée même du meurtrier. Cette expérience aurait pu s’avérer vertigineuse, mais le film adopte par la même une sorte de ton distancié par rapport à l’horreur décrite qui est très dérangeant. C’était évidemment le but. Mais traiter un sujet comme celui-là avec une absence totale de recul s’apparente plus à du pur voyeurisme qu’à une réflexion. Le sujet l’aurait pourtant bien mérité.

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MEDUSA : Pas médusé

Certains pays viennent souvent enrichir nos écrans hexagonaux par les films qu’ils produisent, d’autres s’y font plus rares. Pour l’Amérique du Sud, l’Argentine a su faire son trou depuis le succès de Dans Ses Yeux. Celui de la Cité de Dieu n’a pas contre ouvert aussi grand les portes pour le cinéma brésilien. Medusa représente donc une des rares occasions de voir ce que nous propose le 7ème art de ce pays. Une nouvelle fois, c’est par le film de genre que cela devient possible (après le très bon les Bonnes Manières). Mais pas sûr que la publicité soit ici assez bonne pour inciter les distributeurs à regarder plus souvent vers Rio.

Medusa n’est pas vraiment un film d’horreur. Plutôt une sorte de dystopie (mais pas tant que ça) politique et morale, un rien horrifique et fantastique. On est proche de la fable et les parallèles avec la situation réelle du Brésil sont assez évidents. Mais tout cela manque quelque peu de subtilité et certaines scènes prêtent à sourire. Le côté assez cheap des décors et de la réalisation lui donne un côté série B, voire Z, qui a son charme… mais pas tant que ça. Le seul vrai mérite du scénario est de nous emmener à un point de d’arrivée assez éloigné du point de départ pour qu’on ne puisse jamais trouver ce film prévisible.

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TROIS FOIS RIEN : Un ticket pour trois

Gagner au loto est un rêve pour beaucoup de gens. Y compris ceux qui ne jouent pas d’ailleurs. Ayant bénéficié d’un des meilleurs repas de ma vie grâce à des gains à la loterie nationale, je ne vais pas jeter la pierre à ceux qui croient vraiment qu’ils vont gagner… puisque, effectivement, cela n’arrive pas que dans les films. Mais il s’avère que cela arrive aussi au cinéma. Pour preuve, Trois Fois Rien est actuellement sur nos écrans. L’histoire de trois SDF qui vont voir leur vie bousculée par une grille remplie à bon escient.

Trois Fois Rien est une comédie humaniste et sympathique assez classique. Elle repose sur un trio de personnages quelque peu inégal, mais qui fonctionne malgré tout assez bien. Le scénario se montre assez fantaisiste pour rester léger en toutes circonstances. Cela fait passer toutes les situations relativement improbables qui peuplent cette histoire. On est plus proche de la fable que de la réflexion profonde sur la pauvreté ou le rapport à l’argent. La leçon finale est pleine de bons sentiments et ne donnera pas la migraine. Mais on la reçoit avec plaisir car on aura souri souvent, même ri franchement à quelques occasions, avant cela.

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NOTRE-DAME BRULE : Grandiose et éléphantesque

On n’a rarement l’occasion de vivre un événement réellement historique et de le voir de ses propres yeux. Le 15 avril 2019, je me trouvais dans le centre de Paris et j’ai vu la Cathédrale Notre-Dame brûler. Un spectacle terrifiant qui restera à jamais gravé dans ma mémoire. L’émotion était forte et la peur de voir le monument totalement détruit semblait une perspective irréelle. C’est donc un peu de cette émotion qui est remonté en allant voir Notre-Dame Brûle. J’ai passé une grande partie du film les larmes aux yeux, si ce n’est plus. Reste à savoir si c’est le souvenir ou la qualité du film qui a provoqué cet état émotionnel ?

Notre-Dame Brûle développe deux aspects des événements du 15 avril 2019. Tout d’abord, il nous raconte en détail l’intervention des pompiers pour sauver la cathédrale. Cet aspect occupe la majeure partie du film. Elle se montre particulièrement spectaculaire, que ce soit dans la narration et la mise en images. La tension qui saisit les équipes est vraiment palpable et les aspects techniques sont présentés avec une grande clarté. Jean-Jacques Annaud réussit le mélange parfait de l’approche quasi-documentaire et du film à très grand spectacle. Pour cela, le film vaut vraiment le détour.

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L’HISTOIRE DE MA FEMME : Amour sans frontière

Une histoire d’amour au cinéma, c’est souvent l’histoire de deux êtres qui se rencontrent, tombent amoureux et trouvent le bonheur ensemble. Cependant, parfois, le bonheur se transforme en un sentiment beaucoup plus ambigu, voire en pure souffrance. Il faut bien l’avouer, les histoires les plus intéressantes appartiennent souvent à cette deuxième catégorie. Comme par exemple celle de l’Histoire de ma Femme, un film germano-italiano-hongrois avec deux têtes d’affiche bien de chez nous. Une façon de dire aussi que l’amour n’a pas de frontière.

L’Histoire de ma Femme nous livre une réflexion sur ce que l’on peut endurer moralement par amour. Et accessoirement aussi comment l’amour rend aveugle parfois. Il peut être rangé dans la catégorie des films en costumes puisque l’intrigue se déroule il y a un siècle (j’avais envie de dire dans les années 20… mais ne sommes-nous pas actuellement dans les années 20 en fait ?), mais le propos reste largement intemporel. Si le film dure près de trois heures, le scénario nous livre assez de péripéties pour ne jamais nous ennuyer, même si le rythme reste un rien contemplatif. L’histoire évite tous les clichés et nous permet de découvrir des personnages complexes et originaux. Aussi complexes que peuvent l’être les sentiments amoureux.

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A PLEIN TEMPS : Un coup de poing dans le ventre

Si je n’ai pas de projets matrimoniaux avec elle, j’ai beaucoup insisté ces derniers mois sur mon admiration sans borne pour Laure Calamy. Et ce n’est certainement pas A Plein Temps qui va la diminuer. Il y a rarement de grands films sans grands protagonistes et on ne pourra que le confirmer en voyant celui-ci. Filmé comme un thriller intense, ce film nous plonge dans une réalité sociale d’une grande dureté et qui résonne particulièrement face à la médiocrité du débat présidentiel actuel. Heureusement que le septième art nous apporte encore un peu de grandeur. Et nous force à ouvrir les yeux.

A Plein Temps happe le spectateur dès les premières secondes pour ne plus le lâcher jusqu’à la dernière. On traverse ce film sans pouvoir reprendre son souffle, partageant le sort de la mère célibataire incarnée par Laure Calamy. Rarement un film d’une telle profondeur sociale aura été aussi peu contemplatif. En terme de rythme, on est plus proche du film d’action et aussi éloigné que possible du portrait misérabiliste. On se retrouve donc conduit en un battement de coeur à un dénouement que l’on peut interpréter de bien des façons. Chacun pourra donc tirer sa propre conclusion de tout cela. Eric Gravel ne nous livre pas une réflexion prémâchée. Mais nous offre un grand coup au ventre !

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RIEN A FOUTRE : Rien à faire

J’ai récemment rappelé mon désir d’épouser Izia Higelin. Je crains malheureusement de devoir finalement la décevoir et lui briser le cœur en lui annonçant que mon grand amour est finalement Adèle Exarchopoulos. Evidemment, cette dernière n’est pas non plus au courant de mes projets matrimoniaux à son égard, mais je ne doute pas que… Bref, revenons plutôt au septième art et à une certaine forme de réalité (même si ce n’est pas tout à fait l’idée en allant voir un film) et parlons de Rien à Foutre, qui met en scène ma future… enfin vous voyez de qui je veux parler. Un film que j’ai été heureux de voir pour elle… et pour pas grand chose d’autre malheureusement.

Rien à Foutre est le film portrait d’une hôtesse de l’air désabusée. Il n’y a pas grand chose de plus à dire sur ce film particulièrement contemplatif. Beaucoup de scènes semblent totalement hors de contrôle de la réalisation et s’étirent beaucoup trop en longueur. Surtout que le propos n’est pas non plus d’une grande profondeur. On cerne assez vite le personnage et on ne comprend pas vraiment pourquoi le scénario passe autant de temps à nous la présenter. Certes, le portrait s’épaissit de temps en temps, avec notamment une exploration de ses rapports familiaux dans une dernière partie, mais tout cela avance particulièrement lentement tout de même. Et on s’ennuie un tantinet.

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PETITE NATURE : Enfance dans l’art

Décidément l’enfance est un sujet qui intéresse les cinéastes français ces derniers mois. On se souvient notamment d’Un Monde, sorti il y a à peine quelques semaines et qui nous plongeait dans l’enfer que peut devenir une cour de récréation, ou encore Petite Solange, même si l’héroïne de ce dernier était déjà entrée de plein pieds dans l’adolescence. Petite Nature se situe quelque part à mi-chemin entre les deux. Mais il les rejoint surtout par ses grandes qualités et l’émotion sincère qu’il véhicule par le regard empathique, sans être jamais niais, qu’il pose sur ses personnages.

Petite Nature emmène le spectateur avec lui par l’attachement profond qu’il fait naître très rapidement envers le jeune garçon dont le film nous raconte l’histoire. Un attachement fait de tristesse et d’affection. C’est parce qu’on l’apprécie pour son énergie et sa curiosité que l’on compatit vraiment pour sa fragilité et son environnement pas toujours sympathique. La profondeur du personnage fait tout l’intérêt du film et permet à l’élément central de l’intrigue, sa relation avec son professeur, de prendre toute l’épaisseur qu’elle connaît ici. Le spectateur est touché, ému, et quelque peu bousculé quand le ton se fait plus dramatique. Il y a dans ce film un mélange subtil de profond optimisme et d’un pessimisme assez sombre qui interroge le spectateur en lui laissant apporter ses propres réponses.

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VIENS JE T’EMMENE : Fantaisie aimable

La représentation de la prostitution au cinéma prend des formes extrêmement variées. Cela dépend évidemment de la nature même du film, ce type de personnage pouvant intervenir aussi bien dans des drames sociaux très sombres que dans des comédies loufoques. Viens Je T’Emmène fait clairement partie de la seconde catégorie. Certains pourront certainement évidemment s’émouvoir de voir associé à autant de légèreté une situation qui n’a rien de joyeuse pour ceux qui la subissent dans la vraie vie. Les autres, largement majoritaires, tomberont sous le charme de Noémie Lvovsky.

Viens Je T’Emmène est un film fantaisiste, riche en personnages parfois franchement décalés et aux situations flirtant allègrement avec l’absurde. Tout cela n’a pas d’autre ambition que d’apporter un peu de poésie par une histoire inattendue. Il y a bien un fond de réflexion sociale, non sur la prostitution, malgré le métier exercé par le personnage interprété par Noémie Lvovsky, mais sur le racisme. Mais cela ressemble plus à un prétexte au développement de l’histoire qu’une réelle volonté de pousser le spectateur à la réflexion. Une histoire qui a des allures de comédie romantique mais qui finira par partir un peu dans tous les sens. On adhère ou pas. On peut regretter un dénouement laissant comme une impression qu’Alain Giraudie ne savait pas vraiment où mener son récit. Mais avait-il vraiment l’intention d’aller où que ce soit ?

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BELFAST : La guerre avec des yeux d’enfant

En ces heures où la réalité de la guerre nous rattrape de manière inquiétante, on doit se rappeler que c’est finalement une réalité qui n’a jamais été si éloigné de nous que ça. Bien sûr, il y a eu le conflit qui a déchiré l’ancienne Yougoslavie. Mais encore plus proche, la guerre civile en Irlande a représenté un conflit long et sanglant, qui ne s’est finalement achevé qu’il y a quelques années, même s’il était de nature très différente de ce qui se passe aujourd’hui en Ukraine. Kenneth Branagh nous entraîne sur les traces de son enfance marquée par par les troubles qui opposaient Protestants et Catholiques dans le Belfast des années 60. En intitulant sobrement son film Belfast.

Belfast est un film à la fois très personnel, puisqu’il est largement autobiographique (même si le terme consacré est « librement inspiré de »), mais cherche aussi à nous faire découvrir un pan d’histoire. Se mélange donc histoire et Histoire. Quand l’un est l’autre vont parfaitement de paire, cela peut donner des films merveilleux. Ici, il y a quelque chose d’un rien artificiel qui nuit à l’impact du propos. C’est avant la trajectoire des personnages auxquels on s’est attaché qui va nous marquer, quand certains éléments de contexte un peu plus large semblent avoir été quelque peu rentrés au chausse-pied. Cela ne retire pas tout intérêt à l’ensemble, mais cela nous empêche de crier au chef d’œuvre.

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