ARTHUR RAMBO : Cui cui cuit

Les réseaux sociaux ont pris une importance et une influence qui dépassent quelque peu l’entendement. Il est facile d’imaginer que Donald Trump n’aurait jamais eu accès à la Présidence des Etats-Unis sans eux. Pourtant, le cinéma ne s’est pas tant que ça emparé du phénomène. Arthur Rambo tente de changer la donne en nous livrant une réflexion sur leur pouvoir sur le destin d’un individu, en donnant vie à l’adage qui veut que les paroles s’envolent mais que les écrits, même sous la forme d’un tweet, restent. Pour le meilleur et souvent pour le pire.

Arthur Rambo nourrit la réflexion qu’il se propose de mener avec beaucoup d’éléments. Jusqu’à la fin, celle-ci s’enrichira jusqu’à poser des questions d’une pertinence incontestable. Ce que pose Laurent Cantet sur la table est réellement intéressant et on se dit que cela peut conduire à un propos d’une grande force dans le contexte actuel. Mais voilà, le film se contente des livrer de multiples interrogations et de donner toutes les dimensions du problème, mais il s’arrête au moment même où on s’attend à recevoir des réponses. Certes, le spectateur est du coup amené à formuler les siennes, mais cet absence du point de vue de l’auteur sur le cœur de sa thématique principale est quelque peu frustrante. Et limite fortement la portée de ce film.

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H6 : Quand la Chine s’éveillera… aux urgences

L’hôpital est devenu un sujet de débat important dans notre pays. Son évolution a fait naître beaucoup d’inquiétudes et beaucoup y voit un sujet de scandale. Tout cela est parfaitement légitime, mais regarder l’état du système hospitalier dans d’autres pays permet de se dire que l’on est encore plutôt bien loti en France. H6 est une plongée sans filtre au cœur d’un des principaux hôpitaux de Shanghai (le numéro 6… d’où le titre). Et le voyage va s’avérer autant dépaysant que terrifiant parfois. Et, avec nos yeux d’Occidentaux, nous rendre heureux de disposer d’un système de soins gardant malgré tout un visage humain.

S’il y a un domaine où les différences culturelles se font le plus sentir, c’est bien dans le rapport à la mort. Si le décor, celui d’un hôpital moderne et équipé des dernières technologie, peut nous rappeler un épisode d’Urgences, les discours tenus par les patients et les médecins nous surprennent et parfois nous affolent quelque peu. Une forme de résignation, d’acceptation de son sort et de la situation nous donnent envie de hurler à la révolte. Mais il y a aussi là une forme de sagesse, de courage et de capacité à affronter la vérité telle qu’elle est dont on peut tirer certaines leçons. H6 est aussi une forme de leçon de philosophie.

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PETITE SOLANGE : Portrait de femme

Les films sur le divorce peuvent être le plus souvent rangés dans deux catégories. Ceux qui nous racontent l’histoire du point de vue du couple qui se brise d’un côté. Et de l’autre, même si c’est plus rare, ceux qui racontent le tout du point de vue des enfants. Cela peut prendre le ton de la comédie, comme dans Génial Mes Parents Divorcent (oula, ça ne me rajeunit pas ça!). Parfois un ton beaucoup grave, pour ne pas dire dramatique, comme pour Petite Solange. Une plongée touchante dans le profond malaise qui peut frapper certaines et certains à l’adolescence. Un malaise qui prête parfois à la moquerie. Mais ici, l’histoire fait surtout place à l’émotion.

Petite Solange est, comme son titre peut le laisser penser, un film portrait. Et comme l’intérêt d’un tel exercice n’attend pas forcément le nombre des années, celui n’en manque pas. En effet, le portrait dressé ici par Axelle Ropert est d’une rare profondeur pour un personnage aussi jeune. Pourtant, jamais le propos ne devient contemplatif et encore moins creux. On est touché par la souffrance réelle ressentie par la jeune fille et la maladresse des adultes qui tentent de la relativiser, le plus souvent d’une manière légèrement condescendante. On peut facilement faire le lien avec Un Monde, sorti une semaine plus tôt, qui s’intéressait à un autre stade de l’enfance, mais qui montrait lui aussi comment les regards adultes ont du mal à comprendre parfois pleinement les plus jeunes.

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THE SOUVENIR (Partie I et II) : Double d’ennui

Quoi de pire que de s’ennuyer profondément dans une salle de cinéma ? Oui, certes, il y a de milliers de choses qui sont pires, mais tout de même, il y en encore plus qui sont plus agréables à vivre. Surtout quand il ne s’agit pas d’un, mais de deux films. En effet, The Souvenir est arrivé sur les écrans en deux longs métrages, pour une histoire de près de quatre heures au total. Quand vous ne parvenez pas à rentrer dans l’histoire, je peux vous assurer que le temps paraît très long, surtout quand vous avez choisi de les enchaîner lors d’une seule et même après-midi. Si on peut saluer l’audace de la démarche, on peut aussi se montrer assez déçu de la qualité du résultat.

The Souvenir nous raconte, dans sa première partie, la relation toxique entre une étudiante en cinéma et un mythomane toxicomane. Puis, la seconde, nous relate comment elle tire un film de cette histoire. Tout cela, nous mène à un dénouement où réalité et fiction, le film et le film dans le film se mélangent pour ne plus pouvoir être réellement discernés. La démarche paraît assez originale et intéressante. Elle l’est sans doute vu les très bonnes critiques reçues pour ce diptyque. Cependant, il est aussi possible de rester totalement étranger à cette histoire et la contempler avec une distance trop importante pour ne pas rester désespérément indifférent.

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LES JEUNES AMANTS : Parlez-moi d’amour

La différence d’âge dans un couple reste un marqueur assez fort des inégalités entre les femmes et les hommes. Cela fait bien longtemps que les hommes les plus âgés (et souvent fortunés) font de leur compagne nettement plus jeune qu’eux une preuve de succès. L’inverse fait encore grincer bien des dents, même quand le couple en question est présidentiel. Mais les Jeunes Amants nous raconte une histoire qui se situe bien au-delà de ce genre de polémique. En effet, il nous parle de ce qu’il y a de plus simple, de plus beau et de plus fondamental. De ce qui ne devrait jamais amener de jugement quand il est sincère. Ce film nous parle tout simplement d’amour.

Une belle histoire d’amour. On ne saurait mieux résumer les Jeunes Amants. Bien sûr les thèmes sous-jacents sont nombreux avec en premier lieu le poids du regard des autres. Mais finalement, il s’effacent tous devant la force des sentiments qui unis les deux personnages, la puissance de leurs émotions et la beauté de leur histoire. Elle n’est évidemment ni paisible, ni indolore pour eux et on se demandera jusqu’au bout quel peut-être le dénouement. Si par bien des égards, le film se rapproche d’une comédie romantique, il est également parcouru par une gravité et une profondeur qui en font un film d’une toute autre dimension.

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PRESQUE : Pleinement réussi

C’est l’histoire d’un handicapé et d’un croque-mort… Cela pourrait ressembler au début d’une blague de mauvais goût. Ou alors au pitch d’un film déprimant et sordide. Mais le moins que l’on puisse dire est que Presque ne rentre dans aucune de ces catégories. Il est définitivement une comédie humaniste, à la fois plus légère et moins légère qu’il n’y paraît. Un film réussi en tout cas, voilà une définition qui lui sied parfaitement. On ignore s’il fera changer le regard du monde entier ou même de tous ceux qui auront vu ce film. Mais il aura certainement fait plus de bien que de mal dans tous les cas.

Si le misérabilisme est un lieu, alors Presque est situé à l’exact opposé sur Terre. On pourrait éventuellement lui reprocher un excès de bons sentiments quasi hollywoodien. Mais il réserve aussi des moments d’une vraie profondeur, légèrement transgressifs qu’un cinéma totalement formaté n’aurait pas osé nous offrir. On apprécie donc pleinement l’énergie positive qui se dégage de cette belle histoire profondément humaine, jamais manichéenne, qui ne juge pas ses personnages et qui nous invite donc à faire de même avec ceux leur ressemblant qu’on croise dans la vraie vie. On ne s’ennuie pas une seule seconde, on rit, on est ému, passant de l’un à l’autre constamment.

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UNE JEUNE FILLE QUI VA BIEN : Fable dramatique

Il n’est jamais trop tard pour donner un nouvel élan à sa carrière et changer de rôle. Non, je ne parle pas de moi-même, même si en effet, cette phrase pourrait tout à fait convenir à ce que j’ai vécu ces deux derniers mois. Non, je parle ici de Sandrine Kiberlain qui aura attendu 2021 pour passer de l’autre côté de la caméra. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle n’a pas choisi le sujet le plus facile puisqu’Une Jeune Fille qui Va Bien nous parle de la situation des juifs pendant l’Occupation. Mais elle ne s’est pas arrêté là puisque la forme également peut faire débat.

En effet, Une Jeune Fille qui Va Bien n’est en rien une reconstitution historique. C’est plutôt une fable, un rien poétique, qui a pour toile de fond le drame terrible qui se noue. Cela donne au propos une distance relativement inédite pour un sujet de ce type. Personnellement, cela m’a laissé relativement dubitatif pendant quasiment la totalité de ce long métrage, avant que le dernier plan lui donne un sens et une portée pleinement à la hauteur d’une telle thématique. Rien qu’un plan, mais qui donne de la hauteur à tout ce qui a précédé et nous permet d’évacuer toutes les réserves et l’apprécier pleinement légèrement a posteriori.

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THE CHEF : Apnée en cuisine

Parmi les expériences de stress extrême que l’on peut endurer, il y a traverser une zone de guerre armé d’une petite cuillère et diriger les cuisines d’un restaurant un soir d’affluence. Si vous en êtes pas encore convaincu, je vous invite à aller voir The Chef, qui, à travers un seul et unique plan séquence de 94 minutes, vous plonge dans cet enfer, comme si vous y étiez… ou presque. Même si on ne fait que naviguer entre la salle du restaurant et la cuisine, on traverse bien des drames et des moments d’intense tension où tout semble tenir à un fil ténu prêt à se briser à tout instant. Une plongée apnée dont on ressort presque essoufflé.

Une des forces de la narration de The Chef est de parvenir à ajouter de nouvelles couches à l’histoire progressivement et quasiment du début à la fin. Mais même en continuant à s’épaissir encore et encore, comme la meilleure des sauces, jamais les intrigues qui s’entrecroisent ne créent de confusion. Elles contribuent au contraire à captiver toujours plus le spectateur. L’intensité va crescendo et personne n’a envie de se décrocher de son fauteuil. Malheureusement, tout cela mène à un dénouement qui n’est pas totalement convaincant et conduit le film à s’achever sur une mauvaise note. Mais pas assez, pour oublier tout ce qui a suivi.

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NOS AMES D’ENFANTS : Imparfaite rencontre

J’ai souligné il y a quelques jours dans ma critique de « Un Monde » que l’enfance peut ressembler à une période où règne en maître la cruauté et l’absence d’empathie. Ce n’est évidemment pas le sens du titre de Nos Ames d’Enfants. Ici, il est bien question d’une vision beaucoup plus douce des premières années de notre existence. Il est surtout question de notre capacité, en tant qu’adulte, à renouer avec que nous étions à ces âges-là. On en forcément tous plus ou moins capable, certains ne semblant jamais en être vraiment sorti, au moins au point de vue émotionnel. Mais pas sûr que le film apporte une réponse très claire sur ce sujet.

Nos Ames d’Enfants est une histoire de rencontre. Celle d’un oncle avec son neveu, qui vont devoir vivre un petit moment ensemble. La réalisation traite les deux personnages en les mettant sur un parfait pied d’égalité, ne dévalorisant en rien les émotions de l’un ou de l’autre. C’est la grande force du film. Il considère vraiment l’enfant comme une personne pleine et entière, ce qui rend le propos beaucoup plus intéressant que s’il s’était contenté de nous livrer les états d’âme d’un adulte. Cependant, tout cela est relaté d’une manière relativement contemplative et l’ennui guette le spectateur à chaque coin de scène. Les dialogues prennent parfois des tournures de discours philosophiques un peu vains et qui ont un petit côté artificiel, qui nuit fortement à l’attachement que l’on peut ressentir pour les personnages. 

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LES PROMESSES : Les deux font la paire

Quoi de mieux qu’un film sur les engagements formulés par les femmes et les hommes politiques en cette période de campagne électorale ? Surtout quand le film est aussi réussi que les Promesses. Certes, il ne s’agit pas ici de politique nationale, mais plutôt municipale, même si l’intrigue présente aussi des liens avec les niveaux du dessus. En tout cas, cela ne retire rien à l’actualité du propos et à sa pertinence. Après la Mécanique de l’Ombre, Thomas Kruithof confirme qu’il est bien un spécialiste des films politiques. Le sujet plaît ou ne plaît pas. Mais le talent est là.

Thomas Kruithof signe de très bon films politiques car il est un excellent narrateur. Il manie à merveille l’art des intrigues qui se croisent et s’entrecroisent, des personnages à la moralité floue et des rebondissements plus ou moins imprévus. La forme des Promesses est vraiment classique pour ce genre de film, mélange réussi d’une efficacité presque hollywoodienne avec une volonté de réalisme et un fond social typiquement hexagonal. L’équilibre entre tous ces éléments est le bon et même si le film ne réserve finalement pas de réelle surprise, il séduira tous les amateurs de ce genre de propos. Et depuis Baron Noir, ils sont relativement nombreux.

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