LE SIXIÈME ENFANT : Le prix du désir

Le Sixième Enfant affiche

Le désir d’enfant est un thème à la mode ce mois-ci au cinéma. Après les Enfants des Autres (avec la formidable Virginie Efira… OK, j’arrête de parler d’elle), voici le Sixième Enfant. Une histoire d’arrangement entre deux couples, l’un récupérant l’enfant de l’autre moyennant finance. Cette base est parfaitement exploitée pour nous offrir un film d’une grande richesse, aussi bien sur la variété des thématiques abordées que sur la forme qui permet d’échapper aux clichés. Une nouvelle occasion aussi d’admirer le talent d’une autre actrice qui reçoit régulièrement des compliments dans ces pages.

Comme un polar

Le scénario du Sixième Enfant se place à deux niveaux de lecture. Le premier est très intime, puisque l’on partage les émotions, les doutes, les envies, les remords des quatre principaux protagonistes avec une grande acuité. L’histoire bouleverse par la force des sentiments qui animent les personnages et qui frappent puissamment les spectateurs. Le tout sans pathos excessif, mais au contraire, beaucoup de justesse. Mais le film traite aussi le sujet d’un point de vue social. Si cet aspect est traité de manière plus banal, il contribue clairement à l’enrichissement du propos et bouscule là-encore le spectateur, qui ne sort donc pas tout à fait indemne de ce film. Le tout est raconté plus à la manière d’un polar que d’un drame psychologique, ce qui rend le spectateur vraiment captif.

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LE PUITS DES HISTOIRES PERDUES (Jasper Fforde) : Visite libre

Le Puits des Histoires Perdues

Quand on aime vraiment un livre ou un film, on dit que l’on rentre dans l’histoire. Une expression à prendre au second degré évidemment. Sauf chez Jasper Fforde. En effet, son personnage principal, Thursday Next est détective littéraire, ce qui lui permet de rentrer dans le monde des livres. Au sens le plus premier qui soit. Après l’Affaire Jane Eyre et Délivrez-Moi, voici le troisième volet de ses aventures : le Puits des Histoires Perdues. Un roman où l’auteur prend un malin plaisir à explorer toutes les possibilités offertes par son idée de départ. Pour le plaisir du lecteur, cela reste plus discutable.

Exploration

Avec le Puits des Histoires Perdues, Jasper Fforde se fait plaisir. En effet, il se fait plaisir en explorant toutes les possibilités offertes par l’univers délirant qu’il a crée. Il multiplie les éléments anecdotiques, mais souvent drôlatiques et décalés, comme autant de clins d’œil parfois réellement savoureux lancés aux grands lecteurs. Mais en faisant cela, il en oublie quelque peu de raconter une véritable histoire. L’intrigue ne prendra réellement de l’épaisseur que dans les dernières pages. Un peu trop tard pour enthousiasmer le lecteur qui, sans s’être réellement ennuyé, à parcouru ces pages d’un œil quelque peu discret.

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LES ENFANTS DES AUTRES : La reine Virginie

Les Enfants des Autres affiche

Quand on va aussi souvent au cinéma que moi et qu’on écrit des critiques sur tous les films que l’on voit, forcément on a parfois l’impression de se répéter. Surtout quand vient un long métrage avec une actrice ou un acteur que l’on a pris l’habitude d’encenser. Et quand se retrouvent à l’affiche de deux films quasiment simultanément, il devient encore plus ardu de se renouveler. Donc deux semaines après Revoir Paris, les Enfants des Autres se retrouve à l’écran avec comme interprète principale… Allez, à défaut de dire quelque chose de vraiment nouveau, je vais ménager un peu de suspense.

Relation complexe, attachement simple

Les Enfants des Autres est un film qui touchera particulièrement ceux qui ont pu avoir le rôle de « belle-mère » ou de « beau-père » dans le cadre d’une relation amoureuse. Ce fut mon cas, même si ce fut de manière relativement brève, et beaucoup d’éléments de ce film ont résonné avec ce que j’avais pu vivre. Mais à moins d’être totalement insensible, il est difficile de ne pas être touché par cette histoire, racontée de manière remarquable, sans cliché, ni pathos excessif. La complexité de ce genre de relation qui se heurte à la simplicité de l’attachement que l’on peut ressentir pour un enfant se trouve parfaitement retranscrit ici.

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WE ARE THERE (Modern Studies), THE SEA DRIFT (The Delines), YAK : A COLLECTION OF TRUCK SONGS (Angel Du$t) : Vent de fraîcheur

We are there (Modern Studies) : Pop douce

We are There Modern StudiesPremière des trois jolies découvertes de cet avis : les Écossais de Modern Studies et leur album We Are There, sorti en 2022. Les voix d’Emily Scott et de Pete Harvey se mêlent de façon surprenante. Entre fusion et une certaine dissonance. Elles se posent sur une musique pop douce et relativement classique. Il s’en dégage une vraie personnalité qui accroche l’oreille. La qualité est constante et ils font preuve d’une maîtrise indéniable. Si les titres manquent un tantinet de variété, créant une forme de monotonie au bout d’un moment, l’album est globalement très agréable.

The Sea Drift (The Delines) : Folk épuré

The Sea Drift The DelinesOn poursuit avec The Delines, originaires quant à eux de Portland. Leur album the Sea Drift est leur quatrième. La voix d’Amy Boone nous saisit par sa jolie profondeur et son expressivité. Elle donne vie à une musique folk relativement épurée. L’album est solide et la production maîtrisée. Le résultat est surtout très agréable. Même si, là aussi, même les tonalités sont toujours relativement identiques. Mais encore une fois, on pardonne aisément ce petit travers.

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IL ÉTAIT UNE FOIS À HOLLYWOOD (Quentin Tarantino) : Adaptation inversée

Il était une fois à Hollywood

Il est classique de voir un roman à succès être adapté à l’écran. Certains films commerciaux à grand succès font parfois l’objet d’une « novelisation », c’est à dire l’écriture d’un roman (souvent médiocre tiré directement du scénario). Il est par contre beaucoup plus exceptionnel de voir réellement un roman tiré d’un film en menant un réel travail d’adaptation, c’est à dire en prenant parfois quelques libertés par rapport à l’œuvre originale. Et comme on n’est jamais aussi bien servi que par soi-même, Quentin Tarantino s’est livré à l’exercice à partir d’un de ses propres films. Ainsi, Il Était une Fois à Hollywood est un roman tiré du film Once Upon a Time in Hollywood.

L’histoire du roman et du film sont donc très proches mais présentent néanmoins un certain nombre de différence, donc le dénouement. Sa lecture se montrera tout aussi plaisante pour ceux qui ont vu le long métrage que pour ceux qui vont lire directement cet ouvrage. Les deux œuvres ont pour point commun d’être clairement celle d’un cinéphile qui raconte une histoire profondément imprégnée de cinéma. Quand on connaît le pedigree de l’auteur, cela n’est guère étonnant. Le lecteur appréciera d’autant plus le roman s’il partage aussi cet amour. Mais les lecteurs voulant simplement se plonger dans l’ambiance d’une époque et d’un milieu pourront aussi prendre beaucoup de plaisir à parcourir Il Était Une Fois à Hollywood, même sans saisir toutes les références ou savoir exactement qui sont tous les artistes, réalisateurs, actrices ou acteurs, cités au fil des pages.

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DON’T WORRY DARLING : Équilibre précaire

Don't Worry Darling affiche

Après six films français d’affilée, depuis Tout le Monde Aime Jeanne jusqu’à Citoyen d’Honneur, il était temps de retrouver le cinéma américain. C’est chose faite avec Don’t Worry Darling. Le film nous entraîne dans un univers dystopique entre Desperate Housewives et 1984. Il se montre très hollywoodien aussi bien dans la forme que dans le fond, avec toutes les qualités, mais aussi les limites que cela implique. La somme des qualités et des défauts s’équilibrent au final, mais on peut évidemment attendre mieux que cette stricte égalité.

Surprise longuement attendue

Sur le fond, Don’t Worry Darling a le mérite de réserver un vrai effet de surprise quant à l’explication finale. Difficile de deviner à l’avance le fin mot de l’histoire. On peut cependant facilement argumenter que si c’est le cas, c’est aussi parce que ce dernier ne tient pas tout à fait debout. Le plus grand défaut reste néanmoins la longueur du film. Il dure un peu plus de deux heures, mais aurait mérité vingt minutes de moins. Une fois l’ambiance installée, le scénario flotte longtemps sans avancer, ni rien apporter au spectateur. Sans aller jusqu’à s’ennuyer ferme, le spectateur a tout de même très envie de voir les choses avancer beaucoup plus vite.

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CITOYEN D’HONNEUR : En version française

Citoyen d'honneur affiche

On critique parfois le cinéma américain quand il fait des « remakes » de films étrangers, et évidemment d’autant plus quand il s’agit de film français. Mais on oublie que le cinéma hexagonal réalise aussi ce genre d’adaptation. Ainsi, Citoyen d’Honneur est la version française de l’excellent film argentin… Citoyen d’Honneur, sorti sur nos écrans en 2016. En ne prenant même pas la peine de changer le nom du film, les producteurs assument complètement la démarche. Au final, si on peut juger que cette dernière n’était pas indispensable, le résultat est tout de même plutôt sympathique.

Sympathique et gentillet

On juge évidemment différemment ce genre d’œuvre, selon que l’on ait vu ou non le film original. Quand c’est le cas, difficile d’échapper à la tentation de procéder à des comparaisons, qui n’auront’ que peu d’intérêt pour ceux dans la situation inverse. Ainsi, dire que Citoyen d’Honneur de chez nous est moins mordant et plus gentillet que l’original argentin n’est pas forcément une information pertinente pour tout le monde. Mais bon, je vous la livre quand même. En tout ça pour dire, que nous sommes ici face à une comédie plutôt gentillette, dont le léger fond politique et moral ne casse pas trois pattes à un canard.

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RODÉO : Double révélation

Rodéo affiche

Les films n’échappent désormais plus aux campagnes de dénigrement orchestrés sur internet à l’encontre d’une œuvre pour des raisons parfois obscures. Rodéo en a été clairement victime avec beaucoup de commentaires négatifs, des appels à boycotter le film, le tout en mettant en avant des arguments sans rapport avec son contenu réel. Je ne sais pas quelle en est la raison et ça serait faire trop d’honneur à ses détracteurs que de la chercher. C’est en tout cas très injuste pour ce très beau premier film, qui ne fait l’apologie de rien, mais nous livre un regard profondément humain, mais certainement pas angélique, sur une jeunesse désœuvrée et la violence qu’elle engendre et subit. Un film qui est l’occasion d’une double révélation.

Victime, mais pas trop

Le plus grand mérite de Rodéo est bien d’échapper à toute forme de misérabilisme. Il traite ses personnages avec compassion, mais sans rien cacher de leurs travers. Cela donne un vrai équilibre au propos et permet d’échapper aux clichés et autres poncifs attendus. Le spectateur est certes touché par le parcours de la jeune fille au centre de l’histoire, sans pour autant jamais la trouver profondément sympathique. Le film décrit merveilleusement bien ses blessures qui l’empêchent de nouer des réels liens avec les autres, les spectateurs compris. Cela n’enlève rien à l’émotion dégagée. Au contraire, ce soucis de réalisme nous touche aussi parce qu’il dit sur notre société et la manière dont il repousse certains à sa frange. Mais encore une fois, les personnages de ce film ne sont jamais enfermés dans un statut de victime. Cela ne leur en donne que plus de force et d’impact.

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UNITY (The KVB), DRAGON NEW WARM MOUTAIN I BELIEVE IN YOU (BIg Thief), COVERS (Cat Power) : Promesses non tenues

Unity (The KVB) : Objet froid

Unity de the KVBOn commence avec Unity du groupe britannique the KVB. Il nous livre une musique électro-rock évaporée, mais dont les instrumentations se montrent parfois assez agressives. Les voix sont légèrement déformées, ce qui n’apporte rien, si ce n’est souligner l’aspect assez peu harmonieux du résultat. Tout semble assez maîtrisé (Wikipédia nous explique qu’ils peuvent être rangés dans la catégorie « musique bruitiste »…), mais cela aboutit du coup à une musique assez froide qui n’allume rien chez l’auditeur. Pourra donc ravir les amateurs du genre, mais guère au-delà.

New Warm Moutain I Believe in You de Big Thief : Excellents débuts…

Dragon New Moutain I Believe in You de Big ThiefOn poursuit avec les Américains de Big Thief et leur album Dragon New Warm Moutain I Believe In You. Il s’ouvre sur une voix qui résonne comme un murmure, un rien cassée, tout en dégageant une vraie personnalité. On y prête immédiatement l’oreille et on se laisser charmer. On poursuit avec une musique plus énergique, un rien bordélique, mais qui entraîne l’auditeur avec lui. La suite sera malheureusement moins maîtrisée et surtout plus transparente. On oscille entre country classique et quelques jolies ballades. Cependant, si l’album reste toujours agréable, les promesses du début ne sont jamais vraiment tenues.

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REVOIR PARIS : Ceux qui restent

Revoir Paris affiche

Le cinéma français n’a désormais plus de scrupule à s’attaquer aux événements récents pour en tirer des scénarios. On l’a encore vu récemment avec Notre-Dame Brûle de Jean-Jacques Annaud. Si Revoir Paris est une pure fiction, les liens avec les attentats du 13 novembre 2015 sont à peine voilés. Il ne traite pas directement du déroulement de ceux-ci, mais du parcours difficile des victimes survivantes pour se reconstruire après un tel traumatisme. Cet angle pouvait facilement conduire l’histoire vers un pathos lourdingue et un propos pas du tout à la hauteur du sujet. Heureusement, le projet est porté par Alice Winocour, dont la subtilité n’est plus à démontrer.

Force et sensibilité

La cinéaste nous avait déjà convaincu de sa capacité à mettre en scène avec le très beau Proxima, après avoir signé le scénario du magnifique Mustang. Avec Revoir Paris, elle nous livre une histoire nous offrant la force de ce dernier et la sensibilité du premier. Un film portrait qui rend hommage à ceux qui ont vécu une histoire comparable à celle de la principale protagoniste. Il serait illusoire de croire que le film nous permet de vraiment comprendre ce qu’ont vécu et vivent encore les survivants. Mais au moins, nous permet-il de le toucher du doigt et de réaliser justement qu’il reste inaccessible dans sa pleine mesure à ceux qui n’étaient pas là. Tout cela nous est raconté avec un mélange d’optimisme et de fatalisme qui fait naître une grande émotion.

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