LE FAUCON DE MALTE (Dashiell Hammett) : Aux origines

Le Faucon de Malte

L’adage veut que les livres sont souvent meilleurs, ou du moins plus intéressants, que leur adaptation cinématographique. Comme toutes vérités, cette affirmation souffre de nombreuses exceptions. Certains chefs d’œuvre du 7ème art sont issus de roman qui ne peuvent se targuer d’être des chefs d’œuvre de la littérature. Cela peut arriver même pour des classiques, comme Illusions Perdues, mais plus souvent pour de littérature de gare. James Bond notamment est né au sein de romans très médiocres. Le Faucon Maltais est un film majeur, qui a fait la légende d’Humphrey Bogard. Le Faucon de Malte, le roman de Dashiell Hammett est nettement moins marquant.

Archétype daté

Le Faucon de Malte a pourtant crée un archétype de la littérature. La figure de Sam Spade est devenu le symbole du détective privé, viril et cynique… mais avec un bon fond quand même quand on y regarde à deux fois. Mais pour être honnête, c’est avant tout grâce à sa représentation sur grand écran que la légende est née. Dans le roman, sa psychologie apparaît parfois peu crédible, notamment face à la mort de son partenaire, point de départ de l’intrigue. Sans doute parce qu’un siècle plus tard, on a changé de regard sur les personnages masculins. Mais aussi parce que le roman n’a rien d’un chef d’œuvre de la littérature.

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AVATAR 2 : LA VOIE DE L’EAU : le rêve de Méliès

Avatar 2 : la Voie de l'Eau affiche

Le 1er volet d’Avatar avait constitué une petite révolution cinématographique. À sa suite, la 3D avait envahi les écrans, mais pour, le plus souvent, un résultat assez médiocre. Ainsi, la mode a fini par passer et les lunettes ont été rangées au placard. Elles ont été ressorties cet automne à l’occasion d’un retour en salle. Ce fut l’occasion pour les spectateurs de redécouvrir ce que peut apporter cette technique, qui n’a rien d’un gadget quand la réalisation a été pensée pour elle. Mais tout cela n’était rien par rapport à la marche qui allait être franchie avec Avatar 2 : la Voie de l’Eau. Un film qui va certainement ouvrir une nouvelle page de l’histoire du 7ème art. De l’histoire visuelle tout du moins.

Révolution en marche

Si Louis Lumière est généralement considéré comme l’inventeur du cinématographe. Mais comme tout art, le cinéma s’est réinventé à de nombreuses reprises sous l’impulsion des génies qui ont marqué son histoire. Concernant les aspects visuels, l’esprit le plus révolutionnaire fut celui de Georges Méliès. Avec Avatar 2 : la Voie de l’Eau, James Cameron se place comme son héritier. Comme celui qui a quelque part accompli définitivement le rêve de son prédécesseur. Celui d’un cinéma pouvant nous emmener dans des mondes merveilleux, où rien ne ferait obstacle à l’imagination des cinéastes.

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MORDRE LE BOUCLIER (Justine Niogret) : Pas de cocorico

Mordre le bouclier

Je suis le premier à regretter fortement la faiblesse de la littérature francophone dans le domaine du médiéval fantastique (même si je m’efforce de contribuer à changer les choses). Jean-Philippe Jaworski (Gagner la Guerre, Janua Vera) est un des rares auteurs à émerger dans ce domaine et représente un modèle pour tous les écrivains français en herbe qui naviguent dans ce genre d’univers. Le voir signé la postface de Mordre le Bouclier, un roman signée par une autrice française, Justine Niogret, pouvait donner espoir de voir les rangs se renforcer autour de lui. Malheureusement, le résultat n’est pas du tout à sa hauteur.

Morne plaine

Quand la quatrième de couverture évoque un événement qui se situe dans une partie très tardive du récit, ce n’est jamais signe. Cela signifie généralement qu’il ne se passe grand chose avant ça. C’est bien le cas avec Mordre le Bouclier. Le roman est court, mais il ne s’y passe pas grand chose. On reste longtemps avec l’impression que l’on se situe toujours dans une phase d’introduction, préalable au démarrage réel de l’intrigue. Si les choses s’accélèrent quelque peu sur la fin, cela ne s’emballe jamais vraiment. On en ressort en se demandant ce que Justine Niogret a vraiment cherché à nous raconter.

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CORSAGE : Pas royal

Corsage affiche

Les biographies ont valu beaucoup de prix pour les interprètes entrés dans la peau d’un personnage historique. Le but de ces films est de faire revivre ces femmes et ces hommes de manière la plus réaliste possible, même si certains développent un vrai point de vue, comme récemment Elvis. Quelques rares productions ont choisi par contre d’assumer un statut de pure fiction. Elles nous livrent des scénarios inspirés de la vie d’une figure historique, mais sans chercher à respecter la vérité. On pense notamment au Marie-Antoinette de Sofia Coppola. Corsage est dans le même esprit, avec une autre figure royale. Il s’agit cette fois de Sissi, l’Impératrice d’Autriche, qui a déjà laissé une trace profonde dans le 7ème art.

Creux et répétitif

On ne peut pas assurer aux amateurs de l’œuvre de Sofia Coppola ou aux fans de Romy Schneider qu’ils trouveront leur bonheur avec Corsage. En fait, on ne peut l’assurer à personne. A moins d’aimer les films creux, répétitifs et sans éclat artistique. L’idée de départ était pourtant intéressante. A défaut de respecter la vérité historique, le film aurait pu effectivement mettre en lumière, de manière moderne, la personnalité de l’ancienne Impératrice. La volonté d’émancipation de celle-ci a bien été réelle, mais le scénario ne parvient pas à donner un souffle à la vision qu’il cherche à porter. Et du coup, on succombe assez vite à l’ennui.

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LE MESSIE DE DUNE (Frank Herbert) : Traversée du désert

Le Messie de Dune de Frank Herbert

Dune est une œuvre culte depuis sa sortie en 1965, mais a connu une remise en lumière particulièrement forte avec la sortie de sa nouvelle adaptation cinématographique, signée Denis Villeneuve. Ces derniers mois, il suffisait de regarder l’étagère des commandes Internet à la FNAC pour en voir invariablement au moins un exemplaire en attente. J’ai fait partie de ceux qui ont suivi le mouvement puisque j’ai fini par moi aussi enfin lire le roman. J’ai profondément aimé celui-ci. C’est donc avec beaucoup d’entrain que je me suis décidé à ne pas m’arrêter là et à enchaîner avec les suites de l’épisode initial. En commençant donc par le Messie de Dune, sorti lui en 1969. On y retrouve la plupart des caractéristiques de cet univers, ainsi que le style de Frank Herbert. Mais, malheureusement, pas vraiment l’enthousiasme initial.

Le grand vide

Dune se caractérisait déjà par un caractère contemplatif. Mais au moins, venait-il nous au service d’une histoire forte et riche en aventures et rebondissements. Le Messie de Dune se contente juste d’être contemplatif, sans moult péripéties à mettre sous les yeux. En un mot, il ne se passe pas grand chose. Et ce qui se passe se passe lentement, enrobé dans beaucoup de réflexions intérieures de la part des personnages. Tout cela conduit à un dénouement pas forcément très convaincant, même s’il reste assez cohérent avec ce qui a précédé. On retrouve par moment le caractère fascinant de cet univers, mais cela reste bien trop fugace pour que cela soit au final le sentiment qui domine.

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LES BONNES ÉTOILES : Soleil levant au matin calme

Les Bonnes étoiles

Prendre le meilleur du cinéma japonais et coréen pour les condenser en un seul film, voilà qui ne pouvait que ravir les amateurs de 7ème art. Les Bonnes Étoiles réalise cette synthèse En effet, il est réalisé par Hirozaku Kore-eda, un des plus grands cinéastes nippons, à qui on doit notamment Tel Père, Tel Fils ou une Affaire de Famille. Mais il a été tourné en Corée, lui permettant de bénéficier de l’incroyable vivier de grands comédiens qu’offre ce pays. Le résultat est un film tendre, flirtant entre comédie ou drame, à l’image de ce que peut être la vie telle qu’elle est vraiment vécu. Mais même quand il est aussi proche du réel, le film sait être magique.

Nuances de gris

Les Bonnes Étoiles confirme la capacité des films coréens et japonais de nous proposer des anti-héros attachants. Pourtant, on s’imagine mal se prendre d’affection pour des trafiquants d’enfants. Mais le scénario nous prouve à quel point tout n’est jamais noir ou blanc dans l’existence. L’histoire est ici tout en nuances de gris où on découvre surtout des personnages un peu perdus, cherchant leur chemin dans une existence qui ne leur a pas fait de cadeau. Le film ne tombe jamais dans la mièvrerie, même s’il dégage ce qu’on peut aisément qualifié de bons sentiments. Tout cela mène vers un dénouement lui aussi.

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OLYMPOS (Dan Simmons) : La chute des Dieux

Olympos de Dan Simmons

Après en avoir pris pour 1000 pages, vous en reprendrez bien pour 1000 pages supplémentaires ? Après Ilium, voici Olympos, deuxième partie du diptyque de Dan Simmons qui mélange, sur beaucoup de pages, vous l’aurez compris, mais avec bonheur Antiquité et science-fiction. Mais quand on aime on ne compte pas ! Reste évidemment à aimer et à entrer totalement dans cet univers exigeant où tout n’est pas toujours baigné d’une douce clarté. Le charme opère heureusement dans cette œuvre fascinante à bien des égards. Mais à d’autres, à force de se sentir perdu, le lecteur aimerait qu’il passe plus vite.

Chemins différents

Olympos, comme la plupart des romans de Dan Simmons, est un livre choral. En passant d’un chapitre à l’autre, on change de personnage principal, de lieu et d’enjeux narratifs. Si tout s’était retrouvé relié à la fin d’Ilium, les destins vont à nouveau emprunter des chemins différents. Et de la satisfaction de voir les pièces du puzzle s’assembler, on passe de nouveau à ces histoires multiples forcément inégales. Certains fils sont passionnants, d’autres quelque peu confus. Du coup, on a hâte de quitter ces derniers et de retrouver les premiers.

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ANNIE COLÈRE : Le combat d’une vie

Annie Colère affiche

Le cinéma résonne des sujets actuels, même s’il le fait parfois en se plongeant dans le passé. Surtout le cinéma français qui a toujours eu quelques scrupules à traiter l’actualité proche, même si cette retenue s’efface de plus en plus. Le droit à l’avortement se retrouve au cœur de nombreux débats en Occident, alors qu’il apparaissait comme un droit acquis définitivement. Si la France n’est pas concernée au même titre que les États-Unis, il n’en reste pas moins que la vigilance est de mise. C’est sans doute pour ça que quelques rappels salutaires ont été lancés par des cinéastes françaises. Si l’Événement d’Audrey Diwan avait représenté un vrai choc, Annie Colère de Blandine Lenoir passera malheureusement plus inaperçue. Dommage car il nous fait revivre un épisode trop méconnu du combat pour le droit à l’avortement.

Petite et grande histoire

Si l’histoire a retenu surtout le nom de Simone Veil, c’est oublié un peu vite l’action de nombreux collectifs du Mouvement pour la Liberté de l’Avortement et de la Contraception (MLAC) qui a largement œuvré pour contraindre le monde politique à avancer sur le sujet. Annie Colère raconte cette histoire à travers le parcours d’une de leur bénévole qui s’engage après avoir elle-même avorté. Le film représente un cas typique de la grande histoire racontée à travers la petite. Mais la démonstration n’en est pas moins éclairante, forte et chargée d’une réelle émotion, au-delà de l’éclairage historique. L’Histoire est écrite par les femmes et les hommes qui la font, petits ou grands, anonymes ou illustres. Le film a la bonne idée de le rappeler sur un sujet aussi important.

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FUMER FAIT TOUSSER : Écran de fumée

Quand un réalisateur parvient à créer un univers bien à lui, il bénéficie d’une certaine sécurité. En effet, il lui suffit d’y ramener ses fans pour les satisfaire. Mais cela peut aussi devenir synonyme de facilité, voire même de suffisance. Le précédent film de Quentin Dupieux, Incroyable mais Vrai, était assez réussi pour ne pas craindre un tel travers de ce cinéaste hors norme. Mais son dernier film, Fumer Fait Tousser, sorti quelques mois seulement après le précédent, sonne un peu comme un avertissement. En effet, on peut y voir le signe d’une certaine paresse et d’un début de manque d’inspiration.

Sketchs non assumés

On peut difficilement reprocher à quiconque de jouer sur ses points forts. Quentin Dupieux est sans doute le cinéaste français qui maîtrise le mieux l’absurde. Il se rapproche des maîtres britanniques du genre, Monty Python en tête. Cet humour bien particulier peut séduire ou rebuter. Fumer Fait Tousser est un concentré d’humour absurde, mais il ressemble plus à une succession de séquences qu’à un réel long métrage. Le fil rouge scénaristique ne fonctionne qu’à moitié et sert parfois de prétexte à certains passages qui n’ont vraiment aucun rapport avec le reste. Avec le recul, peut-être aurait-il été plus judicieux de nous proposer un film à sketchs clairement assumé, plutôt que cette histoire trop bancale pour convaincre.

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LES AMANDIERS : Devenir actrice

Les Amandiers affiche

Peut-on parler du film les Amandiers sans évoquer la polémique ? Je vais m’y efforcer puisque je suis allé le voir avant qu’elle n’éclate. Ce long métrage m’a donc inspiré des émotions indépendamment de toute cette histoire. Je ne sais pas si cela serait encore possible désormais. Valéria Bruni-Tedeschi signe là un film très personnel puisqu’il présente un fort caractère autobiographique. Évidemment, elle n’imaginait pas à l’origine les répercussions sur sa vie présente. Mais il n’en reste pas moins que le film se démarque par son intensité dramatique et la force de ses personnages.

Les âmes à nu

Les Amandiers propose un film d’une grande richesse puisque l’on suit de manière répétée une foule de personnages. Mais deux piliers principaux se détachent. Tout d’abord, l’histoire d’amour torturé, pour ne pas dire carrément toxique. Certains la trouvent peu crédibles mais l’expérience montre que ce genre de relation inexplicable vue de l’extérieur existe bel et bien. Cependant, cela ne constitue pas le point fort du film. Celui-ci tient surtout à la réflexion sur le don de soi absolu que peut nécessiter le métier d’actrice ou d’acteur. Sur la manière dont cette passion dévorante peut pousser ceux qui aspirent à en vivre à s’y abandonner au-delà de ce que la majorité d’entre nous qualifierait de raisonnable. Tout ceci est retranscrit avec une puissance rare, provoquant des émotions fortes chez le spectateur.

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