TORI ET LOKITA : La misère du monde

Tori et Lokita affiche

Les frères Dardenne ne sont pas connus pour nous offrir des films légers, joyeux et rigolos, célébrant la fraternité et l’amour entre les individus. Cela ne va pas changer avec Tori et Lokita. Et si vous attendiez une forme un peu plus attractive et spectaculaire, ce ne sera pas le cas non plus. Par exemple, toujours pas de musique à l’horizon. En un mot, un long métrage dans la lignée du reste de leur filmographie. En tout cas, on ne pourra pas les accuser de tromper le spectateur. Mais ceux qui savent apprécier l’immense talent qui réside derrière cette austérité trouveront bien des mérites à ce film.

Le monde tel qu’il est

Le principal reproche adressé aux Frères Dardenne est un excès de misérabilisme. En montrant la cruauté du monde sans fard et en dessinant rarement des chemins vers le bonheur pour leurs personnages, ils font naître une émotion brute qui vous tombe dessus avec force. Mais de force à forcée, il n’y a qu’un pas. On peut y voir un manque de subtilité, le tout noir ne valant pas mieux que le tout rose, la vie étant faite de nuances de gris. Pour Tori et Lokita, le débat peut être ouvert. Néanmoins, l’attachement que l’on ressent pour les personnages est tellement profond qu’on ne peut échapper à une émotion tout aussi profonde, mais surtout parfaitement sincère.

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L’ORIGINE DU MAL : Famille à rebondissements

L'Origine du Mal affiche

Certaines choses peuvent nous réjouir au cinéma, mais se montrent beaucoup moins réjouissantes dans la vraie vie. Les familles dysfonctionnelles font incontestablement partie de cette catégorie. Elles se retrouvent au centre de beaucoup d’excellents scénarios. On peut évidemment à Festen, le chef d’œuvre du genre, mais plus proche de nous, on peut citer récemment ADN ou Frère et Sœur. L’Origine du Mal n’aura vraiment rien à leur envier en termes de rapports familiaux tordus et destructeurs. On remerciera également Sébastien Marnier pour avoir réussi à faire revenir l’espace de deux heures l’immense et regretté Claude Chabrol.

Claude Chabrol ressuscité

La parenté avec le réalisateur du Boucher ou de la Cérémonie est plus qu’évidente. La promotion du film met d’ailleurs en avant cette parenté. Et pour une fois, ce n’est vraiment pas artificiel ou usurpé. L’Origine du Mal nous fait plonger avec force dans tout ce que l’âme humaine peut avoir de sombre et de cruel. Les personnages verront tous leur verni initial sauter au fur et à mesure de l’intrigue et ce qui se cache en-dessous est souvent inattendu et rarement synonyme de droiture morale. Le scénario souffre de quelques invraisemblances et d’un ultime twist pas forcément convaincant, mais il aura proposé avant cela bien des surprises et des renversements de situation qui auront parfaitement atteint leur but.

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NOVEMBRE : Le feu de l’action

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Les attentats du 13 novembre auront mis quelques années à venir hanter le cinéma français. Mais ces dernières semaines, ils se trouvent au centre de deux longs métrages mais de manière très différente. Tout d’abord, Revoir Paris nous avait raconté le parcours difficile des survivants. Cette fois-ci, Novembre nous fait marcher sur les traces de ceux qui ont traqué les terroristes en fuite, notamment le cerveau de l’opération. Le tout se terminera dans l’explosion d’un appartement à Saint-Denis 5 jours plus tard. Le film est d’une redoutable efficacité mais pose la question de la manière dont on peut faire revivre de tels événements.

Efficacité bien placée ?

Il est possible de ressentir un léger malaise devant la première partie de Novembre. En effet, il épouse tous les codes de la réalisation d’un film d’action et s’apparente à du grand spectacle. Le sujet n’appelle évidemment pas à nous proposer un pur divertissement. La suite nous rend plus à l’aise, quand la dimension humaine du scénario prend le pas. Mais jusqu’au bout, on retrouve le souci d’une certaine efficacité dans la réalisation et une dimension thriller que l’on peut juger malvenue. Si le film peut provoquer une vraie émotion, c’est par son aspect reconstitution méticuleuse, incluant dès que possible de vraies images. Ceci peut facilement nous renvoyer avec force à la manière dont nous avons nous-mêmes vécu ces quelques jours qui a profondément bouleversé notre pays.

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SANS FILTRE : Acide extrême

Sans Filtre affiche

Les Palmes d’Or font rarement l’unanimité. C’est inhérent au fait que le Festival de Cannes est supposé récompenser des œuvres audacieuses à la personnalité forte. En un mot, des films qui ne laissent personne indifférent. Il arrive même parfois que l’audace en question divise l’esprit d’un seul et même spectateur, sortant du film ne sachant pas vraiment s’il a adoré ou détesté. Ce fut mon cas précédemment notamment devant Amour de Michael Haneke, ne pouvant dire s’il était juste génial ou profondément détestable. C’est de nouveau le cas devant Sans Filtre. Parce que si je reconnais qu’il a tout d’un grand film, il m’a fait vivre un des moments le plus atroces qu’il m’ait été donné de vivre au cinéma.

Une si longue atrocité

Il est vrai que j’ai une aversion particulière pour le vomi. Et cela représente un handicap sérieux pour aller voir Sans Filtre, qui offre la plus longue (pour ne pas dire interminable) séquence cinématographique représentant de manière particulièrement directe et crue des personnes en train de vomir. Tout cela a bien un sens, mais c’est visuellement franchement insoutenable. J’avoue avoir détourner mes yeux de l’écran une bonne partie de ce passage pour pouvoir le supporter. Pour cela, je pourrais totalement récuser ce film. Cependant, la force du propos que porte ce dernier mérite infiniment mieux que de s’arrêter à cela.

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MARIA RÊVE : Fraîcheur qui réchauffe

Maria Rêve affiche

Les plus grandes comédiennes pourraient interpréter n’importe quel rôle en se montrant convaincante, même ceux qui s’éloignent considérablement de ce qu’elle est réellement en tant que personne. Karin Viard est ce qu’on appelle une grande comédienne, c’est incontestable. Mais même les plus grandes ont leur limite. Elle a touché les siennes dans Maria Rêve. Mais un autre apanage des plus grandes est de les toucher avec assez de talent pour que l’on en ait finalement pas grand chose à faire et sans que le plaisir ne soit gâché de la moindre manière.

Feel good movie

Maria Rêve est avant tout une très touchante et sympathique comédie romantique. Le tout est délicatement emballé dans un fond social, mais qui se révèle finalement assez neutre. En effet, c’est vraiment la légèreté qui domine. Le film repose avant tout sur le très fort attachement que le spectateur ressent immédiatement pour les personnages. Cela donne au final un vrai feel good movie, qui plus est se termine à Viroflay, détail qui, je l’admets, ne réjouira que peu de personnes à part moi. A l’instar de sa principale protagoniste, ce long métrage nous apporte un peu de rêve, de poésie et au final une fraîcheur réjouissante.

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LE SIXIÈME ENFANT : Le prix du désir

Le Sixième Enfant affiche

Le désir d’enfant est un thème à la mode ce mois-ci au cinéma. Après les Enfants des Autres (avec la formidable Virginie Efira… OK, j’arrête de parler d’elle), voici le Sixième Enfant. Une histoire d’arrangement entre deux couples, l’un récupérant l’enfant de l’autre moyennant finance. Cette base est parfaitement exploitée pour nous offrir un film d’une grande richesse, aussi bien sur la variété des thématiques abordées que sur la forme qui permet d’échapper aux clichés. Une nouvelle occasion aussi d’admirer le talent d’une autre actrice qui reçoit régulièrement des compliments dans ces pages.

Comme un polar

Le scénario du Sixième Enfant se place à deux niveaux de lecture. Le premier est très intime, puisque l’on partage les émotions, les doutes, les envies, les remords des quatre principaux protagonistes avec une grande acuité. L’histoire bouleverse par la force des sentiments qui animent les personnages et qui frappent puissamment les spectateurs. Le tout sans pathos excessif, mais au contraire, beaucoup de justesse. Mais le film traite aussi le sujet d’un point de vue social. Si cet aspect est traité de manière plus banal, il contribue clairement à l’enrichissement du propos et bouscule là-encore le spectateur, qui ne sort donc pas tout à fait indemne de ce film. Le tout est raconté plus à la manière d’un polar que d’un drame psychologique, ce qui rend le spectateur vraiment captif.

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LES ENFANTS DES AUTRES : La reine Virginie

Les Enfants des Autres affiche

Quand on va aussi souvent au cinéma que moi et qu’on écrit des critiques sur tous les films que l’on voit, forcément on a parfois l’impression de se répéter. Surtout quand vient un long métrage avec une actrice ou un acteur que l’on a pris l’habitude d’encenser. Et quand se retrouvent à l’affiche de deux films quasiment simultanément, il devient encore plus ardu de se renouveler. Donc deux semaines après Revoir Paris, les Enfants des Autres se retrouve à l’écran avec comme interprète principale… Allez, à défaut de dire quelque chose de vraiment nouveau, je vais ménager un peu de suspense.

Relation complexe, attachement simple

Les Enfants des Autres est un film qui touchera particulièrement ceux qui ont pu avoir le rôle de « belle-mère » ou de « beau-père » dans le cadre d’une relation amoureuse. Ce fut mon cas, même si ce fut de manière relativement brève, et beaucoup d’éléments de ce film ont résonné avec ce que j’avais pu vivre. Mais à moins d’être totalement insensible, il est difficile de ne pas être touché par cette histoire, racontée de manière remarquable, sans cliché, ni pathos excessif. La complexité de ce genre de relation qui se heurte à la simplicité de l’attachement que l’on peut ressentir pour un enfant se trouve parfaitement retranscrit ici.

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DON’T WORRY DARLING : Équilibre précaire

Don't Worry Darling affiche

Après six films français d’affilée, depuis Tout le Monde Aime Jeanne jusqu’à Citoyen d’Honneur, il était temps de retrouver le cinéma américain. C’est chose faite avec Don’t Worry Darling. Le film nous entraîne dans un univers dystopique entre Desperate Housewives et 1984. Il se montre très hollywoodien aussi bien dans la forme que dans le fond, avec toutes les qualités, mais aussi les limites que cela implique. La somme des qualités et des défauts s’équilibrent au final, mais on peut évidemment attendre mieux que cette stricte égalité.

Surprise longuement attendue

Sur le fond, Don’t Worry Darling a le mérite de réserver un vrai effet de surprise quant à l’explication finale. Difficile de deviner à l’avance le fin mot de l’histoire. On peut cependant facilement argumenter que si c’est le cas, c’est aussi parce que ce dernier ne tient pas tout à fait debout. Le plus grand défaut reste néanmoins la longueur du film. Il dure un peu plus de deux heures, mais aurait mérité vingt minutes de moins. Une fois l’ambiance installée, le scénario flotte longtemps sans avancer, ni rien apporter au spectateur. Sans aller jusqu’à s’ennuyer ferme, le spectateur a tout de même très envie de voir les choses avancer beaucoup plus vite.

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CITOYEN D’HONNEUR : En version française

Citoyen d'honneur affiche

On critique parfois le cinéma américain quand il fait des « remakes » de films étrangers, et évidemment d’autant plus quand il s’agit de film français. Mais on oublie que le cinéma hexagonal réalise aussi ce genre d’adaptation. Ainsi, Citoyen d’Honneur est la version française de l’excellent film argentin… Citoyen d’Honneur, sorti sur nos écrans en 2016. En ne prenant même pas la peine de changer le nom du film, les producteurs assument complètement la démarche. Au final, si on peut juger que cette dernière n’était pas indispensable, le résultat est tout de même plutôt sympathique.

Sympathique et gentillet

On juge évidemment différemment ce genre d’œuvre, selon que l’on ait vu ou non le film original. Quand c’est le cas, difficile d’échapper à la tentation de procéder à des comparaisons, qui n’auront’ que peu d’intérêt pour ceux dans la situation inverse. Ainsi, dire que Citoyen d’Honneur de chez nous est moins mordant et plus gentillet que l’original argentin n’est pas forcément une information pertinente pour tout le monde. Mais bon, je vous la livre quand même. En tout ça pour dire, que nous sommes ici face à une comédie plutôt gentillette, dont le léger fond politique et moral ne casse pas trois pattes à un canard.

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RODÉO : Double révélation

Rodéo affiche

Les films n’échappent désormais plus aux campagnes de dénigrement orchestrés sur internet à l’encontre d’une œuvre pour des raisons parfois obscures. Rodéo en a été clairement victime avec beaucoup de commentaires négatifs, des appels à boycotter le film, le tout en mettant en avant des arguments sans rapport avec son contenu réel. Je ne sais pas quelle en est la raison et ça serait faire trop d’honneur à ses détracteurs que de la chercher. C’est en tout cas très injuste pour ce très beau premier film, qui ne fait l’apologie de rien, mais nous livre un regard profondément humain, mais certainement pas angélique, sur une jeunesse désœuvrée et la violence qu’elle engendre et subit. Un film qui est l’occasion d’une double révélation.

Victime, mais pas trop

Le plus grand mérite de Rodéo est bien d’échapper à toute forme de misérabilisme. Il traite ses personnages avec compassion, mais sans rien cacher de leurs travers. Cela donne un vrai équilibre au propos et permet d’échapper aux clichés et autres poncifs attendus. Le spectateur est certes touché par le parcours de la jeune fille au centre de l’histoire, sans pour autant jamais la trouver profondément sympathique. Le film décrit merveilleusement bien ses blessures qui l’empêchent de nouer des réels liens avec les autres, les spectateurs compris. Cela n’enlève rien à l’émotion dégagée. Au contraire, ce soucis de réalisme nous touche aussi parce qu’il dit sur notre société et la manière dont il repousse certains à sa frange. Mais encore une fois, les personnages de ce film ne sont jamais enfermés dans un statut de victime. Cela ne leur en donne que plus de force et d’impact.

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